Tentative de conciliation : 15 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03705

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Tentative de conciliation : 15 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03705
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 5

ARRÊT DU 15 MARS 2023

(n° /2023, 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03705 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRBR

Décision déférée à la Cour : jugement du 09 Janvier 2020 – tribunal judiciaire de Paris – RG n° 17/14978

APPELANTE

SAS ALEXANDRE LEVANDOWSKY agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assistée de Chantal MALARDE, avocate au barreau de Paris

INTIMEE

S.A.S. BOUYGUES IMMOBILIER

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me James DUPICHOT de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre

Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère

Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Céline RICHARD

ARRÊT :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

En sa qualité de maître d’ouvrage, la société par actions simpli’ée BOUYGUES IMMOBILIER (SAS BOUYGUES IMMOBILIER) a entrepris la réalisation d’un ensemble immobilier dénommé ‘Les jardins de Liers’ composé de vingt-quatre maisons individuelles, cinquante-six logements collectifs et vingt-six logements collectifs sociaux sis sur la commune de [Localité 5].

À cet effet, par acte sous seing privé non daté, la SAS BOUYGUES IMMOBILIER a con’é à la société à responsabilité limitée ALEXANDRE LEVANDOWSKI (SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI) une mission de conception ‘pièces graphiques’ et ‘DCE’ pour un coût objectif de travaux TCE de 12 054 000 euros HT moyennant des honoraires d’architecte de 361 620 euros HT.

Le permis de construire a été obtenu le 8 juin 2012.

Par acte sous seing privé en date du 18 mars 2013, la SAS BOUYGUES IMMOBILIER a con’é la maîtrise d”uvre d’exécution de la construction des maisons individuelles et bâtiments collectifs (hors VRD et espaces verts) à un prestataire composé de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY et du bureau d’études ETB ANTONNELLI, ingénieurs conseils moyennant des honoraires de 330 000 euros HT.

L’opération s’est déroulée en deux tranches :

– tranche 1 : îlot 1 : vingt-quatre maisons individuelles, parking, cinq bâtiments collectifs de cinquante-six appartements,

– tranche 2 : îlot 2 : cinquante-trois appartements dans quatre bâtiments.

La réception a été prononcée 1e 27 février 2015 pour la première tranche et le 22 juin 2015 pour la seconde.

Le 2 juin 2015, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY a adressé à la SAS BOUYGUES IMMOBILIER une note d’honoraire n°215.926 d’un montant de 72 876 euros TTC pour deux prestations complémentaires concernant les bâtiments sociaux.

À défaut de paiement, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY a mis en demeure 1a SAS BOUYGUES IMMOBILIER de procéder au paiement de cette somme par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 février 2016.

Le 16 février 2016, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY a adressé deux notes d’honoraires :

– n°216.964 d’un montant de 23 760 € TTC, au titre des phases 19 et 20 dites de réception et obtention des procès-verbaux de levées de réserves clients de la tranche 1,

– n°216.965 d’un montant de 15 840 € TTC, au titre des phases 19 et 20, dites de réception et obtention des procès-verbaux de levées de réserves clients de la tranche 2.

En l’absence de paiement, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY a mis en demeure la SAS BOUYGUES IMMOBILIER de lui régler les factures non encore payées par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 juin 2016.

Le 18 octobre 2016, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY a adressé à la SAS BOUYGUES IMMOBILIER un décompte général définitif faisant état d’un solde d’honoraires restant dû à hauteur de 371 500,80 euros TTC.

Le 25 octobre 2016, la SAS BOUYGUES IMMOBILIER a procédé au paiement de la somme de 39 600 euros TTC au titre des factures n°216.964 et n°216.965 du 16 février 2016.

Le 9 janvier 2017, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY a sollicité le remboursement de la surprime d’assurance pour un montant de 10 700,11 euros et a adressé trois nouvelles notes d’honoraires :

– n°217.1006 d’un montant de 13 018, 80 euros TTC, au titre du contrat de réception,

– n°217.1007 d’un montant de 11 880 euros TTC, au titre du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution-tranche 1,

– n°216.1008 d’un montant de 7 920 euros TTC, au titre du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution-tranche 2.

Suite à une relance adressée le 31 mars 2017, la SAS BOUYGUES IMMOBILIER a réglé la somme de 39 600 euros au titre des factures n°216.1001, 216.1002, 217.1007 et 217.1008 et la somme de 13 018, 80 euros au titre de la facture n°217.1006.

En l’absence de paiement des autres sommes sollicitées, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY a fait assigner devant le tribunal judiciaire de PARIS, la SAS BOUYGUES IMMOBILIER par acte d’huissier de justice en date du 16 octobre 2017.

Par jugement rendu le 9 janvier 2020, le tribunal judiciaire de PARIS a :

Rejeté les ‘ns de non-recevoir soulevées par la société par la SAS BOUYGUES IMMOBILIER;

Condamné la SAS BOUYGUES IMMOBILIER à verser à la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY la somme de 200 euros HT au titre du contrat d’architecte conception, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017 ;

Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil ;

Débouté la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY du surplus de ses demandes;

Débouté la SAS BOUYGUES IMMOBILIER de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamné la SAS BOUYGUES IMMOBILIER à payer à la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS BOUYGUES IMMOBILIER aux entiers dépens, avec distraction au pro’t des avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Ordonné l’exécution provisoire.

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 19 février 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 octobre 2020, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce que l’action de la société LEVANDOWSKY a été déclarée recevable ;

CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce que les fins de non-recevoir soulevées par la société BOUYGUES IMMOBILIER ont été rejetées ;

CONFIRMER le jugement du 9 janvier 2020 en ce que la société BOUYGUES IMMOBILIER a été déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DIRE la SARL LEVANDOWSKY recevable et fondée en son appel ;

INFIRMER le jugement en ce que la société LEVANDOWSKY a été déboutée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNER la SAS BOUYGUES IMMOBILIER IMMOBILIER à payer à la SAS ALEXANDRE LEVANDOWSKY la somme de 44 770 euros HT, outre TVA au taux légal à la date du paiement et intérêts au taux légal à compter du 18 octobre2016, date d ‘envoi du DGD jusqu’au complet paiement, correspondant au solde d’honoraires restant dû au titre de la mission de conception avec anatocisme ;

CONDAMNER BOUYGUES IMMOBILIER à payer à la SAS ALEXANDRE LEVANDOWSKY la somme de 176 397 euros HT, ou subsidiaire de 113 555,78 euros HT, outre TVA au taux légal à la date du paiement et intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2016, date d’envoi du DGD, jusqu’au complet paiement, correspondant au solde d’honoraires restant dû au titre de la mission d’exécution avec anatocisme;

CONDAMNER BOUYGUES IMMOBILIER à payer à la SAS ALEXANDRE LEVANDOWSKY la somme de 10 700,11 euros, ou subsidiairement de 5 350 euros, au titre de la surprime acquittée du fait de l’augmentation du montant des travaux, augmentée du taux d’intérêt au taux légal depuis le 24 janvier 2017 avec anatocisme ;

CONDAMNER BOUYGUES IMMOBILIER à payer la SAS ALEXANDRE LEVANDOWSKY la somme de 10 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait du refus fautif de payer les honoraires et frais dus à l’architecte avec anatocisme ;

DEBOUTER BOUYGUES IMMOBILIER de l’ensemble de ses demandes au principal, frais et accessoires ;

Subsidiairement

DESIGNER tel expert qu’il plaira 5 la Cour lequel aura pour mission de :

Convoquer les parties,

Se faire remettre tous documents et pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

Donner à la Cour les éléments techniques et de faits lui permettant de statuer sur les modifications substantielles ouvrant droit à rémunération complémentaires de la société LEVANDOWSKY ;

CONDAMNER BOUYGUES IMMOBILIER à payer à la SAS ALEXANDRE LEVANDOWSKY la somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile avec anatocisme ;

CONDAMNER BOUYGUES IMMOBILIER aux entiers dépens, dont distraction, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 31 octobre 2022, la SAS BOUYGUES IMMOBILIER demande à la cour de :

Vu les dispositions de l’article 1793 du code civil,

Vu les dispositions de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 (article 1103 nouveau du code civil),

Vu les dispositions des articles 122 et 124 du code de procédure civile,

Rejeter l’appel principal de SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI ;

Déclarer la société Bouygues immobilier recevable et bien fondée en son appel incident et en ses demandes.

Infirmer le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

‘ rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Bouygues immobilier,

‘ condamné la société Bouygues immobilier à verser à la SARL Alexandre Levandowsky la somme de 200 euros HT au titre du contrat d’architecte de conception avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017,

‘ ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil,

‘ débouté la société Bouygues immobilier de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

‘ condamné la société Bouygues immobilier à payer à la SARL Alexandre Levandowsky la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la société Bouygues immobilier aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise, avec distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

‘ ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par conséquent, statuant à nouveau, au vu de l’appel incident de la société Bouygues immobilier,

Sur la recevabilité de l’action de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY :

Déclarer irrecevable l’action de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY introduite en violation de la clause de négociation préalable insérée aux contrats de maîtrise d”uvre de conception et d’exécution.

Déclarer irrecevable l’action de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY faute de qualité à agir seul au titre du marché de maîtrise d”uvre de conception dont elle est titulaire avec la société ETB Antonelli.

Si la cour d’appel devait ne pas faire droit aux fins de non-recevoir invoquées par l’intimée,

Sur le bien-fondé des demandes de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY :

Rejeter l’intégralité des demandes de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY.

Sur les demandes de la société Bouygues immobilier :

Condamner la société Alexandre Levandowsky au paiement d’une somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile en raison du caractère abusif de son action.

En tout état de cause

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris du 9 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY du surplus de ses demandes.

Condamner la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction faite au profit de la SELARL Dupichot Lagarde Bothorel & associés, agissant par le ministère de Maître James Alexandre Dupichot, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022. L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries le 15 novembre 2022 et mise en délibéré au 15 mars 2023.

MOTIVATION

I. Sur les fins de non-recevoir soulevées par la SAS BOUYGUES IMMOBILIER 

Sur l’irrecevabilité de l’action de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI pour violation de la clause de négociation préalable :

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER entend voir déclarer irrecevable l’action judiciaire de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI au motif que celle-ci violerait les dispositions contractuelles tant du contrat de maîtrise d”uvre de conception que du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution qui prévoient, respectivement à leurs articles 2 et 3, et 5-4, une négociation préalable obligatoire avant toute saisine d’une juridiction.

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI, quant à elle, demande la confirmation du jugement de première instance en ce qu’il a considéré que ces clauses n’instituaient pas, en cas de litige, une tentative de conciliation, préalable et obligatoire, à la saisine d’un tribunal mais uniquement une discussion entre les parties concernant un complément de rémunération en cas de modification substantielle du programme.

Réponse de la cour :

En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 124 du même code précise que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

La liste dressée par l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative.

Le moyen tiré du défaut de mise en ‘uvre d’une clause qui institue une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent.

Si la clause de conciliation préalable est sans portée dans le cadre de la mise en ‘uvre des garanties légales des articles 1792 et suivants du code civil, tout comme pour les actions fondées sur l’article 145 du code de procédure civile, elle produit, en revanche, son effet pour tout litige portant sur les seules obligations contractuelles, et notamment l’action tendant au paiement d’honoraires complémentaires intentée par le professionnel. L’action intenté directement devant le juge est, alors, irrecevable. Cette irrecevabilité ne peut pas être régularisée par la mise en ‘uvre de la procédure amiable en cours d’instance.

En l’espèce, les demandes d’honoraires formées par la SARL ALEXANDRELEVANDOWSKI portent, majoritairement, sur des compléments d’honoraires qu’elle justifie par une modification substantielle du programme.

L’article 2 du contrat de maîtrise d”uvre de conception, est libellé comme suit :

« Dans le cas de modi’cation substantielle de programme (conformément aux termes de l’article 7 ci-après) ne rentrant pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet, les deux parties conviendront de se rapprocher pour dé’nir en commun la rémunération complémentaire pour l’architecte ».

L’article 5-4 du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution prévoit, quant à lui, que « dans le cas de modification substantielle ne rentrant pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet et dans le cas de travaux modi’catifs ou complémentaires demandés après signature des marchés de travaux par le maître d’ouvrage (modi’cations de programmes) la rémunération du prestataire sera une rémunération négociée au cas par cas entre le maître d’ouvrage et le prestataire, en se référant au prix de base du présent contrat ».

Ces deux dispositions n’instaurent pas, ainsi que l’a justement relevé le jugement critiqué, une tentative de conciliation préalable et obligatoire avant toute saisine d’une juridiction, s’imposant au juge, mais uniquement une obligation pour les parties d’engager des discussions sur ce point.

Le jugement ayant rejeté cette fin de non-recevoir sera donc confirmé.

Sur l’irrecevabilité de l’action de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKY faute de qualité à agir seul au titre du marché de maîtrise d”uvre de conception dont elle est titulaire avec la société ETB Antonelli :

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER affirme, s’agissant des demandes ayant trait au contrat de maîtrise d”uvre d’exécution, que la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI n’avait pas qualité à agir en justice seule dès lors que le contrat a été conclu entre la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI et ETB ANTONELLI, d’une part, et la SAS BOUYGUES IMMOBILIER d’autre part, et alors que la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI n’établit pas pouvoir prétendre bénéficier seule de la totalité des honoraires complémentaires demandés au titre de cette convention, et ne fournit pas la convention prévoyant la répartition des tâches et le partage des frais et rémunérations prévue par l’article 21 du code de déontologie des architectes.

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI, réplique que les honoraires dus au bureau d’étude Fluides, ETB ANTONELLI, ont été intégralement réglés par elle; que les demandes concernent uniquement ses propres honoraires et que dès lors elle a qualité à agir seule. Elle ajoute, s’agissant de l’article 21 du code de déontologie des architectes, dont se prévaut la SAS BOUYGUES IMMOBILIER, qu’il ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce dès lors qu’il concerne l’hypothèse où la mission de maîtrise d”uvre d’exécution a été confiée à plusieurs architectes, ce qui n’est pas le cas.

Réponse de la cour :

Il résulte de l’article 31 du code de procédure civile que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle quali’e pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En application de l’article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

L’article 21 du code de déontologie des architectes, enfin, prévoit que « en cas de collaboration pour une même mission entre deux ou plusieurs architectes qui ne sont pas liés de façon permanente, une convention doit préciser les tâches respectives ainsi que le partage des frais et rémunérations entre eux. Cette convention doit préciser qu’avant de saisir la juridiction compétente, l’architecte est tenu de soumettre à l’ordre toute difficulté née de son application, aux ‘ns de conciliation ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat de maîtrise d”uvre d’exécution a été conclu entre la SAS BOUYGUES IMMOBILIER, d’une part, et la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI et le bureau d’étude Fluides ETB ANTONELLI, d’autre part. Il est établi que ce dernier n’a pas la qualité d’architecte, de sorte que l’article 21 du code de déontologie des architectes, invoqué par la SAS BOUYGUES IMMOBILIER, n’a pas vocation à s’appliquer.

En outre, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI démontre avoir réglé l’intégralité de ses honoraires à ETB ANTONELLI, à hauteur de 39 321,60 euros TTC (pièces n°42 et 43). Dans ces conditions, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI a qualité pour agir seul dans le cadre d’un litige concernant exclusivement ses propres honoraires.

Le jugement ayant rejeté cette fin de non-recevoir sera donc confirmé.

II. Sur la demande d’expertise formée par la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI sollicite une expertise, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour estimerait ne pas être en capacité de se prononcer sur les modifications substantielles du programme alléguées par elle et justifiant, majoritairement, ses demandes en paiement.

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER ne conclut pas en réponse à cette demande.

Réponse de la cour :

Il ressort de l’article 232 du code de procédure civile que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par constatations, consultation ou expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien.

L’article 263 du même code précise que l’expertise n’a lieu d’être ordonnée que lorsque constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge.

La décision d’ordonner une expertise est toujours une simple faculté pour le juge et relève de son pouvoir souverain d’appréciation.

En l’espèce, les pièces versées aux débats, de part et d’autre, suffisent à apprécier la question tenant à l’existence ou non de modifications substantielles du programme susceptibles de justifier des honoraires complémentaires sans qu’il soit besoin de recourir à une expertise.

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI sera donc déboutée de sa demande.

III. Sur les demandes en paiement de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI

À titre liminaire, il convient de préciser qu’il sera fait application, en tant que de besoin, des dispositions du code civil antérieures à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, dès lors que les contrats litigieux ont été établis au plus tard le 3 mai 2013.

L’article 1134 code civil énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En application de l’article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

L’article 1793 du code civil, enfin, prévoit que lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d”uvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

En l’espèce, il est constant que la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI a conclu deux contrats avec la SAS BOUYGUES IMMOBILIER, un contrat de maîtrise d”uvre de conception, non daté, et un contrat de maîtrise d”uvre d’exécution signé le 3 mai 2013.

Chacun de ces contrats comporte des dispositions relatives à la rémunération de l’architecte, et des prescriptions concernant de possibles rémunérations complémentaires.

Tous deux précisent que la rémunération de l’architecte est une rémunération globale, forfaitaire, ferme et non-révisable, et plus précisément :

L’article 3 du contrat de maîtrise d”uvre de conception prévoit une rémunération de 361 620 euros HT

L’article 5 du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution prévoit une rémunération de 330 000 euros HT.

S’agissant des compléments de rémunération éventuels, le contrat de maîtrise d”uvre de conception prévoit :

Article 2 :

Permis de construire modificatifs ‘ permis de construire additionnels : (‘) L’architecte s’engage, sans autre rémunération complémentaire, ni indemnité, à modifier et à reprendre ses études et ses plans pour l’obtention du ou des éventuels permis de construire modificatifs ou permis de construire additionnels (conformément aux termes de l’article 7 ci-après).

Dans le cas de modification substantielle de programme (conformément aux termes de l’article 7 ci-après) ne rentrant pas dans la continuité de la mise au point du projet, les deux parties conviendront de se rapprocher pour définir en commun la rémunération complémentaire de l’architecte.

Documents de vente : En cas de modification des plans de vente, l’architecte percevra une indemnité établie suivant la nature de la modification apportée.

Pour les modifications mineures (déplacement de prises, suppressions de cloisons ‘), l’architecte devra, sans complément de rémunération, reprendre les plans de vente dans le cas d’une demande de travaux modificatifs acquéreurs. Si des nouvelles modifications étaient demandées sur un plan déjà repris par l’architecte, une rémunération de 200 euros HT serait versée à l’architecte par plan repris.

Pour les modifications jugées importantes (jumelage d’appartement, modification de structure ou changement important de cloisonnement), l’architecte percevra, dès la première reprise du plan, une rémunération de 200 euros HT par plan repris.

Article 7 ‘ Modification de programme ‘ permis de construire modificatif (dernier alinéa) : Dans le cas de modification substantielle de programme ne rentrant pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet et intervenant à chacun des stades définis ci-dessus (Nota : Stade des études préliminaires, avant-projet, permis de construire, avant-projet définitif, consultations, choix des entreprises, validation finale de conception, marchés et réalisation des travaux), les deux parties conviendront de se rapprocher pour définir en commun la rémunération complémentaire de l’architecte.

S’agissant des compléments de rémunération éventuels, le contrat de maîtrise d”uvre d’exécution prévoit :

Conditions particulières :

Article 3 ‘ Programme (alinéa 2)

Le prestataire renonce (‘) à toute révision de sa rémunération dès lors que els modifications ne sont pas de caractère substantiel (est considéré comme substantiel ce qui entraînerait un nouveau permis de construire ou un permis de construire modificatif).

Article 5-1 ‘ Rémunération du prestataire (alinéa 6) : En cas de dépassement du coût travaux total sur l’opération de 12 054 000 euros HT, hors coût VRD et aménagements extérieurs, et du paiement d’un surcoût de prime d’assurance par le maître d”uvre, le maître d’ouvrage s’engage à prendre en charge ce surcoût à hauteur de 0,6 % du montant des travaux et sous réserve de présentation de justificatifs.

Article 5-4 ‘ Principe de rémunération dans le cas de travaux modificatifs substantiels :

Dans le cas de modification substantielle ne rentrant pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet, et dans le cas de travaux modificatifs ou complémentaires demandés après signature des marchés de travaux par le maître d’ouvrage (modifications de programme ‘), la rémunération du prestataire sera une rémunération négociée au cas par cas entre le maître d’ouvrage et le prestataire, en se référant au prix de base du présent contrat.

Les prestations seront confirmées par un ordre de service écrit, daté et signé.

(‘) Ne seront pas pris en compte les travaux modificatifs ayant pour objet de modifier les quantités d’une prestation déjà définie ou ayant pour objet de modifier la qualité d’une prestation isolée (‘) ou résultant d’une demande d’un acquéreur non substantielle.

Dans le cas de travaux supplémentaires issus de réclamations éventuelles de la part des entreprises, ceux-ci ne généreront aucune rémunération au prestataire.

Toutefois, si le montant des travaux supplémentaires (hors travaux modificatifs acquéreurs) dépasse 2% du montant des travaux signés au jour de l’ordre de service, il est convenu entre le maître d’ouvrage et le maître d”uvre de se rencontrer pour discuter du montant des honoraires.

Conditions générales :

Article 3-2 ‘ Exceptions

Au cas où le maître d’ouvrage ou le client désireraient faire étudier ou réaliser des travaux modificatifs ou supplémentaires constituant des modifications substantielles par rapport au programme général ne rentrant pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet (‘) la procédure suivante devra être respectée par le prestataire :

Se rapprocher utilement du maître d’ouvrage pour définir en commun les conséquences de la modification du projet (y compris la rémunération complémentaire du prestataire)

Au regard des éléments ci-dessus exposés, il convient de s’interroger, pour chacune des demandes de complément d’honoraires formées par la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI, si les conditions contractuelles sont remplies.

Sur les demandes de compléments d’honoraires au titre des modifications de programme dans le cadre du contrat de maîtrise d”uvre de conception :

a. Concernant la reprise des plans de vente :

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI affirmant avoir dû reprendre l’intégralité des plans de vente de l’îlot 1 sollicite, sur la base de l’article 2 du contrat de maîtrise d”uvre de conception, les sommes suivantes :

Concernant les logements collectifs : changement des façades « brique » 20 cm + isolant 12 cm pour des façades « béton » 16 cm + isolant 16 cm pour 56 logements,

Soit 56 x 200 euros HT = 11 200 euros HT.

Concernant les maisons individuelles : changement de la maçonnerie traditionnelle en brique + isolant pour une épaisseur de mur totale de 34 cm, par un système constructif en bois avec une épaisseur de mur de 26 cm pour 24 maisons,

Soit 24 x 200 euros HT = 4 800 euros HT

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER s’oppose à cette demande au motif qu’il ne s’agirait ni de modifications substantielles relevant de l’article 7 du contrat, ni de modifications importantes au sens de l’article 2 du même contrat.

Le jugement, sur cette demande, a suivi le raisonnement de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI, a retenu l’application de l’article 2 du contrat de maîtrise d”uvre de conception, mais a limité l’indemnité à la somme de 200 euros HT au motif que seul un plan modificatif était versé aux débats.

Réponse de la cour :

Il est constant que la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI a accepté, dans le cadre du contrat de maîtrise d”uvre de conception conclu avec la SAS BOUYGUES IMMOBILIER, un marché à forfait ne pouvant donner lieu à complément de rémunération que dans les limites contractuellement prévues.

S’agissant de la modification de l’ensemble des plans de vente de l’îlot 1, elle n’est pas contestée dans sa matérialité par la SAS BOUYGUES IMMOBILIER. Elle a consisté en une modification des façades.

L’article 2 du contrat de maîtrise d”uvre de conception prévoit une rémunération complémentaire à hauteur de 200 euros HT par plan révisé en cas de modification importante consistant, notamment, en des modifications de structure ou de cloisonnement.

Les matériaux de façade modifiés sont des éléments de structure en ce sens qu’ils constituent des murs porteurs des immeubles. Leur modification est donc importante ouvrant droit à l’allocation de 200 euros HT par plan modifié.

Il est établi par les pièces versées que l’ensemble des plans de vente de l’îlot 1 ont été concernés, soit 56 logements collectifs et 24 maisons individuelles.

En conséquence, le jugement ayant retenu le principe d’une rémunération complémentaire sera confirmé, mais complété en ce qu’il avait limité celle-ci à 200 euros HT. Il sera alloué à la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI la somme de 16 000 euros HT, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017, date de l’assignation au fond constituant la première sommation de payer, aucune mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception n’ayant été faite antérieurement pour ces sommes.

Le jugement ayant ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article1154 du code civil sera également confirmé.

b. Concernant les modifications substantielles du programme :

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI sollicite le paiement d’honoraires complémentaires à hauteur 28 770 euros HT au titre de plusieurs modifications qu’elle considère être des modifications substantielles, et se décomposant comme suit :

Modifications des plans du parking en sous-sol (réalisation de dix plans in fine):

80 heures x 70 euros = 5 600 euros HT

Nécessité d’adapter les plans des bâtiments à la taille réelle du terrain, communiquée de façon erronée dans un premier temps (terrain plus petit qu’envisagé) :

80 heures x 70 euros = 6 160 euros HT

Nécessité de modifier les plans PRO et PC des maisons individuelles après la modification du principe structurel (bois à la place des façades brique) :

80 heures x 70 euros = 6 930 euros HT

Modifications substantielles liées aux plans techniques : Concernant notamment les gaines palières, les venelles et l’épaisseur de leur revêtement, localisation des poutres, voiles et positionnement du joint de dilatation :

48 heures x 70 euros = 3 360 euros HT

Modifications substantielles en lien avec l’instruction du permis de construire (deux demandes de permis modificatif déposées pour régulariser les modifications apportées par le maître d’ouvrage) :

96 heures x 70 euros = 6 720 euros HT

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER s’oppose à ces demandes arguant que les modifications ne sauraient correspondre aux modifications substantielles telles que prévues au contrat.

Le jugement a rejeté l’ensemble des demandes de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI au motif que la société ne rapportait pas la preuve que les modifications n’entraient pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet, ni qu’elle s’était rapprochée du maître d’ouvrage pour définir un complément d’honoraire.

Réponse de la cour :

Si le contrat de maîtrise d”uvre de conception envisage à l’article 7 une possibilité de complément d’honoraire en cas de modifications substantielles, ce n’est que dans l’hypothèse où les modifications n’entrent pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet.

Or, l’analyse de l’ensemble des éléments versés au dossier par la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI conduit à considérer, que, contrairement à ce qu’elle affirme, les modifications entrent toutes dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet. Ainsi en est-il, notamment, de celles consistant à définir plus précisément les prestations liées au parking (nombre de places, ascenseur, rampes ‘), à ajuster les plans à la taille du terrain, à corriger des plans techniques à la suite d’autres modifications, ou encore à reprendre des plans en raison de nouvelles demandes concernant les façades.

Par ailleurs, à supposer établie l’existence de modifications substantielles, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI ne rapporte pas la preuve qu’elle aurait fait des démarches auprès de la SAS BOUYGUES IMMOBILIER pour définir avec elle une rémunération complémentaire, démarche imposée par les prescriptions contractuelles déjà rappelées.

En conséquence, le jugement ayant débouté la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI de l’ensemble de ces demandes sera confirmé.

2. Sur les demandes de compléments d’honoraires au titre des modifications de programme dans le cadre du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution :

a. Au titre des modifications substantielles des fondations et structure :

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI sollicite, sur la base des article 3, 5-1 et 5-4 du contrat du 3 mai 2013, la somme de 42 180 euros HT au titre des modifications substantielles du système des fondations et de structure du fait de la découverte de blocs rocheux compacts en fond de fouille. Elle précise que cette découverte a eu pour conséquence la modification de la méthodologie de réalisation des terrassements et des fondations de l’îlot 1.

Concernant l’îlot 2, l’architecte indique avoir été contraint de modifier la structure des commerces en remplaçant des voiles par des poteaux carrés, et en séparant un commerce en deux espaces commerciaux distincts.

Elle précise que ces travaux ont fait l’objet d’un ordre de service pour la société TBI, laquelle a dû assumer des délais de travaux supplémentaires.

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER s’oppose à cette demande au motif que les modifications induites par la découverte de blocs rocheux ont été réalisées par le bureau d’études techniques, ICOBAT, et non par l’architecte ; qu’en outre, elles n’ont donné lieu à aucun permis de construire nouveau ou modificatif.

Le jugement a rejeté les demandes de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI au motif que la procédure contractuelle permettant d’obtenir des honoraires complémentaires pour modifications substantielles n’avait pas été respectée.

Réponse de la cour :

Il convient de rappeler que le contrat de maîtrise d”uvre d’exécution a été conclu sur la base d’un forfait d’honoraires, l’article 3 des conditions particulières du contrat précisant que le maître d”uvre renonce à toute révision de sa rémunération dès lors que les modifications ne sont pas de caractère substantiel. Le même article décrit les modifications substantielles comme étant celles qui conduiraient à un nouveau permis de construire ou un permis de construire modificatif.

Par ailleurs, l’article 5-4 précise qu’en cas de modification substantielle ne rentrant pas dans le cadre de la continuité de la mise au point du projet, et dans le cas de travaux modificatifs ou complémentaires demandés après signature des marchés de travaux par le maître d’ouvrage (modifications de programme ‘), la rémunération du prestataire sera une rémunération négociée au cas par cas entre le maître d’ouvrage et le prestataire, en se référant au prix de base du contrat.

Enfin, il est prévu que les prestations (entendues ici comme étant les modifications substantielles) seront confirmées par un ordre de service écrit, daté et signé.

En l’espèce, contrairement à ce qui est affirmé par la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI, les changements entraînés par la découverte de blocs rocheux compacts lors des travaux de terrassement constituent une simple adaptation technique liée aux contraintes géologiques rencontrées et non une modification substantielle du programme demandée par le maître d’ouvrage.

Il en est de même s’agissant de la division d’un local en deux espaces distincts qui doit être considérée comme entrant dans la continuité de la définition du programme.

Enfin, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI ne rapporte pas la preuve de ce que la procédure de négociation des honoraires complémentaires aurait été respectée, ni qu’elle aurait obtenu un ordre de service écrit, daté et signé pour chacun des cas présentés.

En conséquence, le jugement ayant rejeté ses demandes sera confirmé.

b. Modifications substantielles apportées aux logements sociaux :

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI sollicite la condamnation de la SAS BOUYGUES IMMOBILIER à lui verser la somme de 18 550 euros HT au titre des modifications substantielles demandées dans les logements sociaux et connues uniquement lors de l’acquisition du lot par un bailleur social.

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté ces demandes. Elle affirme qu’elles ne constituaient pas des modifications substantielles, et que la modification de l’emprise au sol n’a été que minime.

Le jugement a débouté la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI de sa demande

Réponse de la cour :

Il n’est pas contesté que des modifications ont été réalisées à la suite de l’acquisition d’un lot « logements collectifs » par un bailleur social, toutefois celles-ci ne constituent pas des modifications substantielles dès lors, d’une part, qu’elles n’émanent pas du maître d’ouvrage ; et d’autre part, qu’elles s’inscrivent précisément dans la continuité de la définition du programme qui ne pouvait être envisagé dans sa globalité avant qu’un acquéreur soit trouvé.

Enfin, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI ne rapporte pas la preuve de ce que la procédure de négociation des honoraires complémentaires aurait été respectée, ni qu’elle aurait obtenu un ordre de service écrit, daté et signé.

En conséquence, le jugement ayant rejeté ses demandes sera confirmé.

c. Honoraires dus pour dépassement du coût des travaux :

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI demande que la SAS BOUYGUES IMMOBILIER soit condamnée à lui verser la somme de 115 667 euros HT au titre des honoraires dus en cas de dépassement du coût des travaux (article 5-4 du contrat de maîtrise d”uvre exécution) et correspondant à 6% du montant hors taxe des travaux complémentaires. Elle précise que le droit à des honoraires complémentaires est ouvert dès lors que le dépassement est supérieur à 2% du montant des travaux signés au jour de l’ordre de service.

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER réplique que l’appelant n’établit pas que sa demande ne se fonde pas sur un montant de travaux comprenant les travaux de VRD et les aménagements extérieurs pourtant exclus de son marché. Elle ajoute qu’aucune disposition du contrat ne prévoit un complément de rémunération à hauteur de 6%. Enfin, elle précise que la procédure de négociation contractuellement prévue n’a pas été respectée.

Le jugement a rejeté la demande de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI faute pour celle-ci de démontrer que la moindre somme lui serait due.

Réponse de la cour :

Le montant final des travaux fixé à la somme de 13 981 948 euros HT par le décompte général définitif établi par le maître d”uvre n’est pas contesté par la SAS BOUYGUES IMMOBILIER.

Il est constant que le montant initial des travaux avait été fixé à 12 054 000 euros HT, et qu’il existe donc un dépassement.

L’article 5-4 du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution est relatif au principe de rémunération dans le cas de travaux modificatifs substantiels. Il comporte trois parties :

La première (alinéa 1 et 2) est relative aux honoraires complémentaires en cas de modifications substantielles, devant faire l’objet d’ordres de service et de négociations au cas par cas.

La deuxième (alinéa 3) comporte une exclusion tenant aux travaux modificatifs ayant pour objet de modifier les quantités d’une prestation déjà définie ou ayant pour objet de modifier la qualité d’une prestation isolée (‘) ou résultant d’une demande d’un acquéreur non substantielle.

La troisième, enfin (alinéa 4 et 5) concerne les honoraires complémentaires pouvant être dus en cas de travaux supplémentaires issus de réclamations éventuelles de la part des entreprises, qui ne peuvent générer de rémunération complémentaire pour le prestataire que dans l’hypothèse où le montant de ces travaux dépasse 2% du montant des travaux signés au jour de l’ordre de service. Il est alors convenu entre le maître d’ouvrage et le maître d”uvre de se rencontrer pour discuter du montant des honoraires.

En l’espèce, il n’est nullement établi que le coût supplémentaire des travaux serait dû à des travaux issus de réclamations des entreprises, seule hypothèse permettant d’appliquer le pourcentage de 2% de dépassement ouvrant droit à honoraire complémentaire.

Pour le reste, il a déjà été indiqué que l’ensemble des travaux supplémentaires réalisés ne constituaient pas des modifications substantielles, et qu’à aucun moment, pour aucun d’eux, la procédure permettant de prétendre à un complément avait été respectée par la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI (absence d’ordre de service écrit, signé et daté, et absence de négociation avec le maître d’ouvrage).

Le jugement l’ayant déboutée sur ce point sera donc confirmé.

3. Sur la demande au titre de la surprime d’assurance :

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI sollicite une somme de 10 700,11 euros HT sur la base de l’article 5-1 alinéa 6 du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution qui prévoit qu’en cas de dépassement du coût des travaux entraînant le paiement d’une surprime d’assurance par le maître d”uvre, le maître d’ouvrage doit la prendre en charge à hauteur de 0,6 % du montant desdits travaux. Elle demande, en outre, que cette somme produise intérêts au taux légal depuis le 24 janvier 2017.

À titre subsidiaire, à supposer que la surprime prise en charge ne puisse l’être qu’au titre de la seule mission dans le cadre du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI demande que la SAS BOUYGUES IMMOBILIER soit condamnée à lui payer la somme de 5 350 euros correspondant à 50% de la surprime calculée par la MAF.

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER conclut au rejet de cette demande et à la confirmation du jugement de première instance affirmant que la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI ne rapporte pas la preuve du versement d’une surprime, et qu’au surplus son calcul est erroné comme reposant sur une mission complète, conception et exécution, alors que l’article auquel se réfère l’appelant concerne la seule mission exécution. Elle ajoute que la prise en charge de la surprime prévue est celle de l’article des conditions générales du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution qui la limite à 15% du montant prévisionnel des travaux.

Le jugement du tribunal de grande instance de PARIS en date du 9 janvier 2020 a rejeté la demande de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI aux motifs qu’elle ne démontrait pas avoir réglé la somme demandée au titre de la surprime d’assurance.

Réponse de la cour :

Il ressort de la lecture de l’article 5-1 des conditions particulières du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution, dérogeant à l’article 11 des conditions générales du même contrat, que « en cas de dépassement du coût travaux total sur l’opération de 12 054 000 euros HT, hors coût VRD et aménagements extérieurs, et du paiement d’un surcoût de prime d’assurance par le maître d”uvre, le maître d’ouvrage s’engage à prendre en charge ce surcoût à hauteur de 0,6 % du montant des travaux et sous réserve de présentation de justificatifs. »

Il résulte de cet article que si le maître d’ouvrage peut être tenu à la prise en charge d’une partie de la surprime d’assurance due par le maître d”uvre en cas de dépassement du coût initial des travaux c’est à la condition que ce dernier rapporte la preuve de ce qu’il a assumé une telle surprime. Or, en l’espèce, la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI produit comme seule pièce un courrier de son assureur, la MAF, en date du 18 janvier 2017, répondant à sa demande, et lui indiquant le montant de la cotisation d’assurance calculée sur la base des travaux réalisés. Ce courrier ne sollicite aucun règlement de sa part et la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI ne démontre pas avoir payé la moindre somme au titre d’une surprime d’assurance.

En conséquence, ne présentant aucun justificatif du paiement d’une surprime, elle ne peut prétendre à la moindre somme sur le fondement de l’article 5-1 des conditions particulières du contrat de maîtrise d”uvre d’exécution.

Le jugement ayant rejeté sa demande sera donc confirmé.

4. Les demandes formées pour résistance abusive et pour procédure abusive :

La SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI sollicite la somme de 10 000 euros pour résistance abusive.

La SAS BOUYGUES IMMOBILIER demande la condamnation de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI à lui payer la somme de 20 000 euros pour procédure abusive.

Le jugement a rejeté ces deux demandes.

Réponse de la cour :

En application de l’article 1147 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Par ailleurs, aux termes de l’article 1240 du même code, l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol quand il en résulte un préjudice.

En l’espèce, concernant la demande de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI, dès lors que la majorité de ses demandes a été rejetée, il ne peut être considérer que le refus de payer de la SAS BOUYGUES IMMOBILIER ait été constitutif d’une faute susceptible d’entraîner une indemnisation.

Concernant la demande de la SAS BOUYGUES IMMOBILIER, dès lors qu’il a été fait partiellement droit aux demandes de la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI, il ne peut être considéré que celle-ci a abusé de son droit d’ester en justice.

En conséquence, le jugement ayant débouté chaque partie de ses demandes indemnitaires sera confirmé.

5. Sur les autres demandes :

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépense et à l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la SAS BOUYGUES IMMOBILIER qui succombe à nouveau en appel, sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel, ainsi qu’au versement d’une somme de 2 500 euros à la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera, en revanche, déboutée de sa propre demande au titre du même texte.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de PARIS le 9 janvier 2020 sauf en ce qu’il a limité l’indemnité au titre de la reprise des plans de vente à la somme de 200 euros hors taxe ;

STATUANT À NOUVEAU,

DÉBOUTE la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI de sa demande d’expertise ;

CONDAMNE la SAS BOUYGUES IMMOBILIER à payer à la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI la somme de 16 000 euros hors taxe au titre du contrat de maîtrise d”uvre de conception ;

DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil ;

CONDAMNE la SAS BOUYGUES IMMOBILIER à payer à la SARL ALEXANDRE LEVANDOWSKI la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

DÉBOUTE la SAS BOUYGUES IMMOBILIER de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS BOUYGUES IMMOBILIER aux entiers dépens d’appel, avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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