Tentative de conciliation : 15 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/08962

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Tentative de conciliation : 15 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/08962
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N° RG 21/08962 – N° Portalis DBVX-V-B7F-N77V

Décision du

Juge aux affaires familiales de LYON

2ème Chambre Cabinet 9

du 13 septembre 2021

RG : 19/06982

[O] [Y]

C/

[A] [E]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

2ème chambre A

ARRET du 15 MARS 2023

APPELANT

M. [Y] [O]

Né le 20 juillet 1969 à [Localité 10] (Mali)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurence COUPAS, avocate au barreau de LYON

INTIMÉE

Mme [E] [T] [K] [A]

Née le 22 décembre 1968 à [Localité 8] (Jura)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-Josèphe LAURENT de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocate au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 4 octobre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique :1er février 2023

Date de mise à disposition : 15 mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Isabelle BORDENAVE, présidente

– Georges PEGEON, conseiller

– Géraldine AUVOLAT, conseillère

assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière.

A l’audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [A] et M. [Y] [O] ont contracté mariage le 11 mars 2000, devant l’officier d’état civil de la mairie de [Localité 12], sans contrat de mariage.

Deux enfants, désormais majeurs, sont issus de cette union.

Par acte notarié du 1er août 2002, homologué par jugement du 23 janvier 2003, ils ont changé de régime matrimonial, pour opter pour le régime de séparation de biens.

Les époux ont créé la SCI [O], par acte notarié du 23 octobre 2002.

Par ordonnance sur tentative de conciliation du 29 janvier 2013, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Lyon du 10 juin 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a notamment attribué à l’épouse la jouissance du domicile conjugal, à titre gratuit, avec règlement provisoire des crédits immobiliers afférents par l’époux, et a fixé à la somme mensuelle de 1 000 euros la pension alimentaire due à l’épouse.

Par jugement du 22 décembre 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a prononcé le divorce des époux, et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux, fixant la date des effets du divorce au 29 janvier 2013 ; M. [O] a par ailleurs été condamné au paiement d’une prestation compensatoire à hauteur de la somme de 70 000 euros.

Les parties n’étant pas parvenues à un partage amiable de leurs biens, M. [O] a fait assigner Mme [A] devant le tribunal de grande instance de Lyon, par acte d’huissier du 4 juillet 2019.

Par jugement du 13 septembre 2021, auquel il est référé, le juge aux affaires familiales a :

– ordonné l’ouverture des opérations de liquidation, compte et partage du régime matrimonial,

– dit que la masse partageable ne contient aucun actif,

– dit que les comptes relatifs à la société civile immobilière [O] n’ont pas à être intégrés dans le passif indivis,

– dit que le passif indivis comprend le solde du prêt immobilier souscrit auprès de la Banque Populaire, relatif aux biens de [Localité 7], somme à actualiser,

– fixé la créance de M. [O] sur l’indivision à la somme de 6 304 euros, et dit que Mme [A] devra rapporter à l’indivision la moitié, soit la somme de 3 152 euros,

– constaté qu’en l’absence d’actifs indivis, aucun prélèvement au profit de l’un ou l’autre des époux ne peut être opéré, et que le passif indivis reste à la charge de l’indivision.

Le premier juge a dit n’y avoir lieu à partage complexe, et donc à la désignation d’un notaire ou d’un juge commis, débouté M. [O] du surplus de ses demandes dans le cadre des opérations de partage, ainsi que de sa demande d’indemnisation, rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire, et l’emploi des dépens de l’instance en frais privilégiés de partage.

Par déclaration enregistrée le 17 décembre 2021, M. [O] a relevé appel de cette décision, l’appel portant sur le rejet de la demande de désignation d’un notaire chargé de dresser l’état liquidatif, et d’un juge pour surveiller les opérations, sur le rejet partiel de ses demandes de fixation de créances sur l’indivision, sur le rejet de la demande de fixation de soulte et de condamnation présentée par lui, sur le rejet des demandes formées au titre des dommages et intérêts et de l’article 700 du code de procédure civile ; l ‘acte d’appel vise par ailleurs la mention ‘n’a pas statué sur les demandes concernant la SCI [O]’.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 15 mars 2022, M. [O] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’assignation en partage judiciaire et ordonné les opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial et de l’indivision, et de l’infirmer pour le surplus.

Il sollicite en conséquence condamnation de Mme [A] à lui verser la somme de 65 202 euros correspondant à la moitié des sommes remboursées auprès de la Banque Populaire, postérieurement au 29 janvier 2013, date des effets du divorce, au titre du prêt concernant la maison de [Localité 7], à parfaire au jour du jugement à intervenir ainsi que la taxe d’habitation 2013 d’un montant de 1 009 euros, les taxes foncières 2013, 2014 et 2015, soit un total, outre majorations de 10 %, de 3 263, soit 1 631 euros outre les factures d’électricité de mars 2013 à janvier 2014, soit 1 712 euros.

Il sollicite également condamnation de Mme [A] à lui régler la somme de 22 594 euros, correspondant à la valeur des meubles lui appartenant, qu’elle a refusé de lui restituer, demande que les parties soient renvoyées devant un notaire qu’il plaira au tribunal de désigner pour établir le projet définitif de l’acte liquidatif, qu’un juge soit commis pour surveiller les opérations.

Il sollicite que l’exécution provisoire de la décision soit prononcée, que Mme [A] soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et qu’elle soit condamnée aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit de Me Laurence Coupas.

Il rappelle que les parties, assistées de leurs avocats respectifs, ont signé un procès-verbal de liquidation de leur régime matrimonial le 30 octobre 2013, auprès de Me [X], notaire désigné par le juge aux affaires familiales, et qu’il était convenu qu’elles sollicitent l’homologation de ce projet lors du prononcé du divorce.

Il indique que, sans explication, Mme [A] a refusé toute homologation au moment du prononcé du divorce, adoptant par la suite la même attitude, de sorte qu’aucun accord n’a pu être trouvé ; il soutient que c’est à tort que le premier juge a dit n’y avoir lieu à désignation d’un notaire et d’un juge commis, alors que les deux parties s’accordaient sur cette demande.

Il rappelle que le couple était propriétaire d’un appartement situé à [Localité 12], acquis le 18 juin 2001, lequel a été vendu le 27 septembre 2012, les parties se partageant le solde du prix de vente, soit la somme de 98 000 euros chacun.

Il précise avoir investi cette somme dans des biens immobiliers détenus par la société civile immobilière [O], et dans un terrain, acquis antérieurement au mariage, sur lesquels il a réalisé les travaux de construction.

Il indique ainsi que les parties possèdent la totalité des parts de la société civile immobilière, laquelle détient deux biens immobiliers situés à [Localité 9] et [Localité 4], précisant que la société est déficitaire, au regard des emprunts en cours qu’il assume seul.

Il rappelle que le couple était également propriétaire en indivision d’une maison située à [Localité 7], qui constituait le domicile conjugal, laquelle a été vendue aux enchères le 2 juillet 2015, au prix de 251 000 euros, en l’absence d’accord sur une vente amiable et expose qu’il a continué à rembourser seul le solde du prêt immobilier après la date des effets du divorce, le 29 janvier 2013, ayant réglé à ce titre, avec les frais d’huissier depuis le divorce, la somme de 130 405 euros, soutenant être fondé à récupérer la moitié de celle-ci auprès de son ex-épouse, ainsi que les taxes afférentes aux biens et les factures d’électricité.

Il détaille par ailleurs la valeur des biens mobiliers conservés par Mme [A] au soutien de sa demande à ce titre.

Il conclut enfin que Mme [A] n’a eu de cesse de retarder l’issue des opérations de liquidation partage, et que cette situation lui a causé un préjudice, qui demande à être indemnisé.

Par conclusions notifiées le 14 juin 2022, Mme [A] demande à la cour de confirmer le jugement, en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial, débouté M. [O] du surplus de ses demandes, ordonné l’exécution provisoire, et l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Elle sollicite l’infirmation pour le surplus et, statuant à nouveau, demande à la cour de désigner un notaire pour dresser l’acte constatant le partage, conformément au dispositif de la décision à intervenir, avec faculté de s’adjoindre si besoin un sapiteur aux fins d’évaluer le patrimoine de la société civile immobilière [O], de juger que les comptes seront à faire entre les parties, et d’enjoindre à M. [O] de produire l’intégralité des relevés du compte bancaire Bnp Paribas, dont est titulaire la société civile immobilière [O], depuis son ouverture, ainsi que les relevés de gestion immobilière de la régie chargée d’administrer les biens de cette société, depuis l’origine et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, s’opposant à toutes prétentions plus amples ou contraires.

Elle soutient que le projet établi par le notaire le 30 octobre 2013 spoliait purement et simplement ses droits, sollicite dès lors la désignation d’un notaire, pour qu’il soit procédé aux opérations liquidatives, faisant état du fait qu’elle n’est nullement informée des opérations relatives à la société civile immobilière.

Elle soutient que M. [A] n’est pas fondé à réclamer une créance au titre du bien de [Localité 7], précisant que ce dernier, pour la période allant de 2007 à 2013, s’est acquitté des dépenses afférentes à celui-ci au titre de la contribution aux charges du mariage, conformément à l’article 214 du code civil.

Elle rappelle que son ex-mari exerçait la profession de médecin, et avait des revenus importants, comparativement à elle, et soutient que le schéma liquidatif de la masse indivise, dressé par M. [O] est erroné, précisant que ce dernier réside dans la maison de [Localité 6], où il exploite son cabinet médical, et qu’un compte devra être fait dans les opérations de liquidation relativement à la situation comptable de la société civile immobilière.

Elle conteste enfin la demande de dommages et intérêts, indiquant que, si le bien qui constituait le domicile conjugal a été vendu aux enchères pour moitié de sa valeur, c’est parce que M. [O] en a refusé la vente amiable.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022, l’affaire a été plaidée le 1er février 2023 et mise en délibéré ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’étendue de la saisine de la cour

L’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n’est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’.

Par l’effet dévolutif de l’appel, la cour connaît des faits survenus au cours de l’instance d’appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s’ils n’ont été portés à la connaissance de l’adversaire qu’au cours de l’instance d’appel.

Les parties s’accordent sur l’échec du partage amiable et sur la nécessité d’ordonner l’ouverture des opérations de liquidation, compte et partage de leurs intérêts matrimoniaux.

Sont soumis à la cour, au regard de l’acte d’appel et des dernières conclusions des parties, les points suivants :

– la désignation d’un notaire,

– les créances sur l’indivision :

* la prise en charge des taxes foncières et d’habitation,

* le paiement du prêt afférent au domicile conjugal jusqu’à sa licitation,

– les créances entre indivisaires :

* le paiement du prêt afférent au domicile conjugal après sa licitation,

* les factures d’électricité,

* l’indemnisation de la valeur des meubles,

– les autres demandes :

* les dommages et intérêts demandés par M. [O],

* les frais et dépens.

Sur la désignation du notaire

Il ressort des pièces du dossier que les parties avaient pris attache avec un notaire, qu’un procès verbal d’ouverture des opérations liquidatives avait été établi le 7 juin 2013, qu’un second procès verbal a été dressé le 5 juillet 2013, puis un troisième le 30 octobre 2013, lequel n’a pas été signé.

Il sera observé que les parties communiquent des éléments incomplets quant à la date d’achat du bien de [Localité 7] qui constituait le domicile conjugal et à la souscription du prêt afférent.

Par le jugement déféré, le juge aux affaires familiales a retenu qu’il n’y avait pas lieu à partage complexe, ni à désignation d’un notaire ou d’un juge commis, compte tenu de l’absence d’actif à partager.

Il a retenu ainsi que les parts de la SCI [O], créée par les parties sous le régime de la séparation de biens, correspondaient à des biens propres à chaque époux et n’avaient donc pas vocation à intégrer la masse indivise. Pour ce motif, le juge aux affaires familiales a considéré d’une part que les biens immobiliers situés à [Localité 9] et [Localité 4], propriétés de la SCI et non des époux, ne devaient pas être reportés dans l’actif indivis, et d’autre part que les parties devaient régler le sort de la SCI selon les règles propres au droit des sociétés.

Les faits exposés par les parties, étayés par les pièces produites, démontrent néanmoins que les parts de la SCI, dont elles sont propriétaires à hauteur de 50 % chacune, relèvent de la communauté.

En effet, l’article 1397 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu’au 7 mai 2005, et applicable en l’espèce, prévoyait notamment que ‘après deux années d’application du régime matrimonial, conventionnel ou légal, les époux pourront convenir dans l’intérêt de la famille de le modifier, ou même d’en changer entièrement, par un acte notarié qui sera soumis à l’homologation du tribunal de leur domicile. Le changement homologué a effet entre les parties à dater du jugement et, à l’égard des tiers, trois mois après que mention en aura été portée en marge de l’un et de l’autre exemplaire de l’acte de mariage. Toutefois, en l’absence même de cette mention, le changement n’en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.’

En l’espèce, les parties se sont mariées le 11 mars 2000, sans contrat de mariage préalable, et étaient ainsi soumises au régime légal de la communauté. Elles ont changé de régime matrimonial en optant pour le régime de la séparation de biens par acte notarié du 1er août 2002.

Il apparaît cependant que la création de la SCI [O], par acte notarié du 23 octobre 2002, était antérieure au jugement d’homologation, prononcé le 23 janvier 2003, jugement à partir duquel le changement a pris effet entre les parties.

L’acte du 23 octobre 2002, créant la SCI, mentionne d’ailleurs que les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale de biens réduite aux acquêts, et que les associés ont chacun apporté la somme de 65 750 euros, leurs apports respectifs étant rémunérés par des parts sociales (6 575 parts chacun). Cet acte ne contient pas de clause de remploi.

L’attestation, rédigée le 12 décembre 2002 par Me [V] [D], notaire, révèle en outre que les parties ont décidé, à l’occasion du changement de régime matrimonial, de ne pas procéder à la liquidation et au partage des biens pouvant dépendre de leur communauté.

Il convient dès lors de procéder à la liquidation des deux régimes matrimoniaux ayant régi les biens des époux [O]-[A].

Si, compte tenu de l’interposition de la personne morale, les biens détenus par la SCI ne sont pas directement concernés par les opérations de liquidation, compte et partage des intérêts patrimoniaux des parties, il en va néanmoins différemment des parts sociales de cette même SCI, acquises sous le régime légal de communauté, dont la valeur reste à actualiser.

L’article 1364 du code civil prévoit que, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Cet article précise que le notaire est choisi par les co-partageants et, à défaut d’accord, par le tribunal.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de réformer le jugement sur ce point et de désigner un notaire, eu égard à la complexité du partage. Il appartiendra notamment au notaire désigné d’évaluer les parts sociales de la SCI, au besoin, en se faisant assister par un sapiteur.

En l’absence de proposition de nom faite par les parties, le président de la chambre des notaires, avec faculté de désignation, sera désigné.

Afin de permettre au notaire d’actualiser la valeur des parts de la SCI, il y a également lieu d’enjoindre à M. [O] de produire tout document utile au notaire, et particulièrement les relevés de comptes bancaires et les documents afférents à la gestion immobilière des biens détenus par la SCI [O].

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de prononcé d’une astreinte.

Sur les créances sur l’indivision

Nonobstant leurs désaccords, les parties ne contestent pas, malgré l’absence de tout document produit, que le bien de [Localité 7] a été acquis par elles à hauteur de moitié chacune en indivision, ce au moyen de la souscription d’un prêt.

Les biens acquis en indivision par les époux, ou présumés tels en application de la présomption d’indivision de l’article 1538 alinéa 3 du code civil, sont soumis au droit commun de l’indivision.

L’article 815-13 du code civil prévoit notamment que, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés.

* Au titre de la prise en charge des taxes foncières et d’habitation

Il est constant que l’impôt foncier, dont le règlement a permis la conservation de l’immeuble, incombe à l’indivision et doit être supporté par les co-indivisaires proportionnellement à leurs droits dans l’indivision. Le paiement des taxes foncières et d’habitation par un indivisaire donne ainsi lieu à une créance contre l’indivision sur le fondement de l’article 815-13 du code civil.

M. [O] demande à la cour de condamner Mme [A] à lui régler la moitié des taxes foncières, qu’il a réglées seul pour les années 2013, 2014 et 2015, outre leur majoration de 10 %, compte tenu des pénalités de retard appliquées par l’administration fiscale. Il justifie du montant des taxes foncières au moyen de différents documents.

Pour la taxe foncière 2013 

* l’avis d’impôt 2013 pour un montant de 985 euros,

* la notification d’avis à tiers détenteur émise le 9 avril 2014 pour un montant majoré de 1 084 euros,

Pour la taxe foncière 2014 

* un courrier émanant de la direction générale des finances publiques lui accordant des délais de paiement, émis le 8 octobre 2014, mentionnant une taxe foncière de 992 euros, outre 80 euros de majoration, soit un montant dû de 1 072 euros,

Pour la taxe foncière 2015 

* l’avis d’impôt 2015 pour un montant de 990 euros,

* un courrier émanant de la direction générale des finances publiques lui accordant des délais de paiement, mentionnant une taxe foncière de 990 euros outre 99 euros de majoration, soit un montant dû de 1 089 euros.

M. [O] établit ainsi être créancier envers l’indivision d’une somme totale de 3 245 euros (1 084 + 1 072 + 1 089) au titre des taxes foncières pour les années 2013 à 2015, le paiement exclusif de cette somme par lui n’étant pas contesté par l’intimée.

M. [O] demande également à la cour de condamner Mme [A] à lui verser la somme de 1 009 euros au titre de la taxe d’habitation pour l’année 2013.

Il verse notamment, au soutien de cette prétention, une mise en demeure de payer qui lui a été adressée par la direction générale des finances publiques le 29 octobre 2014, aux fins de régler la somme totale de 1 009 euros, majorée de 101 euros. Ce document adressé à son domicile mentionne des versements déjà effectués à hauteur de 831,02 euros.

Il est constant que l’impôt, qui tend à la conservation de l’immeuble indivis, incombe à l’indivision jusqu’au jour du partage en dépit de l’occupation privative.

M. [O] dispose dès lors d’une créance sur l’indivision, et non à l’encontre de Mme [A], de 1 110 euros (1 009 + 101) au titre de la taxe d’habitation pour l’année 2013.

M. [O] dispose en conséquence d’une créance globale contre l’indivision à hauteur de 4 355 euros (3 245 + 1 110) qui devra être prise en compte par le notaire désigné lors des opérations de compte, liquidation et partage.

* Au titre du du paiement du prêt afférent au domicile conjugal jusqu’à la licitation du bien

Le remboursement des échéances de prêt afférentes au bien sis à [Localité 7] par M. [O] est une dépense de conservation du bien, ouvrant droit à une créance contre l’indivision à son profit.

Il convient cependant de distinguer trois périodes en lien avec la situation du bien, dont deux relèvent des créances contre l’indivision, la dernière renvoyant aux créances entre ex époux.

. jusqu’à la date des effets du divorce 

Jusqu’à la date des effets du divorce, fixée au 29 janvier 2013 par le jugement rendu le 22 décembre 2016, le remboursement exclusif par M. [O] des échéances de prêt afférentes au bien sis à [Localité 7] ne saurait de facto ouvrir droit à une créance contre l’indivision à son profit, comme pouvant être neutralisé par la contribution aux charges du mariage, conformément aux dispositions des articles 1537 et 214 du code civil.

L’article 1537 du code civil, relatif au régime de la séparation de bien, prévoit ainsi que les époux contribuent aux charges du mariage suivant les conventions contenues en leur contrat.

En l’espèce, l’acte notarié du 1er août 2022, consacrant leur changement de régime matrimonial en faveur de la séparation de biens, contient un article deux dédié aux contributions aux charges du mariage qui prévoit que ‘les époux contribueront aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives. Chacun d’eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre ‘.

Il est constant qu’une telle clause de présomption d’acquittement des charges du mariage démontre la volonté des parties d’interdire de prouver que l’un ou l’autre des conjoints ne s’est pas acquitté de son obligation, a fortiori lorsque l’immeuble litigieux constitue le domicile conjugal, ce qui est bien le cas en l’espèce et alors que M. [O] ne démontre nullement qu’il aurait surcontribué au remboursment du prêt.

. à partir de la date des effets du divorce 

À partir du 30 janvier 2013, et jusqu’à la licitation du bien, le 2 juillet 2015, le remboursement exclusif par M. [O] des échéances de prêt afférentes au bien sis à [Localité 7] n’est plus neutralisé par la contribution aux charges du mariage, et est dès lors de nature à fonder une créance contre l’indivision à son profit.

Au terme d’un document récapitulatif intitulé «Acquisition, modalités de financement et dépenses maison [Localité 7]», dont l’auteur est inconnu, M. [O] indique avoir réglé mensuellement la somme de 2 631,34 euros de novembre 2007 à mars 2013 au titre des échéances du prêt. Il bénéficierait ainsi d’une créance contre l’indivision à ce titre pour les mois postérieurs à la date des effets du divorce, fixée au 29 janvier 2013, soit les mois de février et mars 2013.

S’il justifie seulement par cette seule pièce du paiement desdites échéances, il convient de relever que le dispositif des écritures de Mme [A] manque de clarté et ne remet pas en cause de manière expresse le paiement par lui de ces deux échances de prêt.

Sur les créances entre les parties

* Le paiement du prêt afférent au domicile conjugal après la licitation du bien

À partir de la licitation du bien, intervenue le 2 juillet 2015, M. [O] ne peut plus faire valoir de créances contre l’indivision au titre des dépenses de conservation en l’absence de bien à conserver.

La licitation du bien a en effet mis un terme à l’indivision particulière, sans que le mécanisme de la subrogation réelle ne puisse jouer dès lors que le prix de vente du bien a été absorbé par le remboursement partiel du prêt.

Le remboursement du prêt par M. [O], à compter de la licitation, relève ainsi des créances entre indivisaires, alors qu’il a assumé seul le remboursement d’une dette solidaire.

M. [O] dispose ainsi d’une créance à hauteur de la moitié des sommes qu’il a remboursées seul, au titre de l’emprunt immobilier, depuis la licitation de l’ancien domicile conjugal situé à [Localité 7], soit depuis le mois de juillet 2015.

Le document portant comme en-tête la mention «CARPA Rhône-Alpes», émis le 16 mars 2016, indique que le prix de la vente aux enchères du bien immobilier situé à [Localité 7] a notamment été distribué à la Banque populaire du Massif Central à hauteur de 245 136,41 euros.

Il ressort du décompte établi par la SELARL HOR, huissiers de justice associés, contenu dans le courrier adressé le 7 avril 2022 à M. [O], d’une part que la créance de la Banque populaire s’élève à 189 442,15 euros, tous frais inclus, et d’autre part que M. [O] a réglé à ce titre la somme de 132 385,95 euros depuis le 2 mars 2017 (soit la somme totale réglée, déduction faite de la somme de 20 euros virée par Mme [A] le 12 janvier 2017).

Il devra être tenu compte par le notaire désigné de la créance, à parfaire, dont dispose M. [O] à l’encontre de Mme [A], au titre du paiement du prêt afférent au domicile conjugal après la licitation du bien.

* Les factures d’électricité

M. [O] demande à la cour de dire qu’il bénéficie d’une créance à l’encontre de Mme [A], au titre des factures d’électricité émises par EDF pour le bien indivis situé à [Localité 7]. Il indique que Mme bénéficiait de la jouissance exclusive du bien.

Les factures et mises en demeure produites par M. [O], émises par EDF ou Contentia et adressées à «Mme/M. [O]», ne permettent pas d’établir qu’il a bien payé les sommes pour lesquelles il sollicite une créance.

Il convient dès lors de rejeter la demande formée par M. [O] au titre des factures émises par EDF de mars 2013 à janvier 2014.

* L’indemnisation de la valeur des meubles

La règle selon laquelle le titre l’emporte sur la finance s’applique aux biens meubles, ce qui induit que chaque meuble appartient à l’époux ou nom duquel la facture a été établie.

Les constats d’huissier versés aux débats par M. [O] permettent d’établir l’existence, puis l’absence de certains biens, dont le lave-vaisselle. M. [O] recense les biens pour lesquels il demande une indemnisation au moyen d’une liste manuscrite non-signée, dont l’auteur est inconnu, portant seulement la mention «biens mobiliers non restitués, reconnus devant notaire».

M. [O] ne produit cependant des documents justificatifs que pour le lave-vaisselle et le sèche-linge de marque Miele, ainsi que pour le véhicule Mercedes.

En ce qui concerne le lave-vaisselle, l’appelant verse un document intitulé «historique commandes client» dont l’auteur est inconnu, établi au nom de [O] [Y] pour un montant de 600 euros. Ce document est dépourvu de force probante, d’autant plus que M. [O] le produit au soutien de sa demande visant un lave-vaisselle d’une valeur de 1 200 euros.

Quant au sèche-linge, M. [O] ne rapporte pas non plus de preuve puisqu’il ne produit qu’un document manuscrit, qui n’est pas signé et dont l’auteur est inconnu.

S’agissant de la preuve de propriété d’un véhicule automobile, il est constant qu’une carte grise ne constitue qu’une simple pièce administrative, qui a pour seul objet de permettre la mise en circulation des véhicules, et qui ne saurait en conséquence valoir titre de propriété.

Pour justifier ses prétentions relatives à un véhicule Mercedes d’une valeur de 12 000 euros, M. [O] produit plusieurs documents :

– une déclaration de cession d’un véhicule par Mme [R] [J] le 6 février 2010, plus particulièrement le formulaire CERFA que doit remplir l’ancien propriétaire en cas de cession. Ce document purement administratif ne permet pas, à l’instar de la carte grise, de rapporter la preuve de la propriété de M. [O].

– une attestation du même jour, paraissant établie par Mme [J], dactylographiée et signée par celle-ci, M. [O] et M. [S], le certificat produit ayant été établi en la présence de ce dernier. Cette attestation est également insuffisante pour prouver la propriété de M. [O], d’autant plus qu’aucune pièce d’identité n’y est annexée,

– une carte grise illisible, en tout état de cause établie au nom de l’ancienne propriétaire Mme [R] [J].

Par ailleurs, le constat d’huissier de 2013, s’il constate la présence du véhicule litigieux, ne rapporte pas la remise des clés à Mme [A].

Il convient dès lors de rejeter l’ensemble des demandes formées par M. [O] au titre des meubles évoqués.

Sur les dommages et intérêts

M. [O] demande à la cour de condamner Mme [A] à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, en lui reprochant d’avoir prélevé la somme de 98 000 euros lors de la vente de l’appartement de Villeurbanne en 2012, d’avoir refusé d’homologuer le procès-verbal de liquidation partage établi par acte notarié du 30 octobre 2013, d’avoir laissé vendre le bien immobilier de Lentilly aux enchères à la moitié de sa valeur, et de s’être opposée aux ventes des biens immobiliers détenues par la SCI.

Il convient de relever que M. [O] a également perçu la somme de 98 000 euros à l’issue de la vente de l’appartement de [Localité 12] en 2012.

Mme [A] expose que le projet de liquidation, établi en 2013, spoliait ses droits. Or, à défaut d’homologation, les actes notariés établis en vue de régler les conséquences du divorce sont dépourvus d’effet.

Quant à la vente aux enchères du bien situé à [Localité 7], M. [O] ne démontre pas que Mme [A] ait refusé toute vente amiable, celle-ci alléguant à son tour que M. [O] a fait obstacle à une telle vente.

M. [O] ne rapporte pas non plus la preuve de l’opposition de Mme [A] aux ventes des biens immobiliers détenues par la SCI, alors que cette dernière justifie des multiples démarches engagées, en vain, afin d’obtenir des informations quant à la situation desdits biens.

Il convient d’ailleurs de relever le caractère opaque de la gestion de la SCI par M. [O], en dépit de la qualité d’associée de Mme [A].

Cette dernière indique notamment n’avoir jamais perçu la moindre somme de la SCI [O], alors même qu’elle démontre être taxée au titre des revenus fonciers de ladite SCI. Les pièces des parties révèlent également que M. [O] réside dans la maison de [Localité 6], détenue par la SCI.

C’est à juste titre que le jugement a retenu que les faits reprochés à Mme [A] ne sont pas constitutifs d’un comportement fautif, les parties relevant par ailleurs toutes deux la complexité du partage pour lequel elles demandent la désignation d’un notaire.

Sur les frais et dépens

L’équité ne commande pas de faire droit aux demandes d’indemnité qui ont été présentées en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

La décision étant rendue en dernier ressort, la demande d’exécution provisoire est sans objet.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré, conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a :

– ordonné l’ouverture des opérations de liquidation, compte et partage du régime matrimonial ayant existé entre les époux [O]-[A],

– rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par M. [O],

– dit que M. [O] est créancier sur l’indivision au titre du remboursement des mensualités de prêt afférent au domicile conjugal de [Localité 7] de février et mars 2013,

– rejeté les demandes formulées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage,

Statuant à nouveau,

– Dit y avoir lieu à partage complexe,

– Désigne pour procéder aux opérations de liquidation, compte et partage maître [W] notaire à[Adresse 11]s ([XXXXXXXX01]) afin notamment de dresser l’acte de partage conformément au présent arrêt avec faculté de s’adjoindre si besoin un sapiteur aux fins d’évaluer la valeur des parts de la SCI [O],

– Désigne le juge du cabinet 9 aux fins de surveiller les opérations de liquidation partage et faire rapport en cas de difficulté,

– Dit qu’il pourra être procédé au remplacement du notaire empêché par simple ordonnance sur requête,

– Dit que le notaire commis accomplira sa mission conformément aux dispositions de l’article 1364 et suivants du code de procédure civile,

– Autorise le notaire commis à prendre tous renseignements utiles auprès de la direction générale des finances publiques par l’intermédiaire du fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA ‘ FICOVIE),

– Dit que le notaire aura la faculté de se faire communiquer tous les documents qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission et invite les parties à procéder à cette communication dans les délais impartis à peine de condamnation sous astreinte par le juge commis,

– Rappelle que le notaire dispose d’un délai d’une année à compter de l’accusé de réception de sa désignation par le greffe pour dresser son projet liquidatif et que si les désaccords persistent, il transmet au tribunal un procès-verbal de dires ainsi que le projet d’état liquidatif alternatif tenant compte s’il y a lieu des thèses des deux parties, avec la motivation expresse

du notaire commis, soumis à la discussion contradictoire des parties sous la forme d’un pré-rapport,

– Rappelle que si les parties parviennent à un accord, le notaire informe le juge aux affaires familiales qui constatera la clôture de la procédure,

– Enjoint à M. [O] de produire l’intégralité des relevés du compte bancaire BNP Paribas dont est titulaire la SCI [O] et ce depuis son ouverture ainsi que les relevés de gestion immobilière de la régie chargée d’administrer les biens de ladite SCI depuis l’origine,

– Dit n’y avoir lieu à prononcé d’une astreinte,

– Dit que M. [O] dispose d’une créance à l’encontre de l’indivision au titre du paiement des impôts fonciers pour les années 2013 à 2015 et de la taxe d’habitation 2013, à hauteur de la somme de 4 355 euros,

– Dit qu’il devra être tenu compte de la créance, à parfaire, que détient M. [O] à l’encontre de Mme [A] au titre du paiement du prêt afférent au domicile conjugal après la licitation du bien,

Ajoutant au jugement,

– Déboute M. [O] de sa demande d’indemnisation en lien avec les meubles,

– Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Isabelle Bordenave, présidente de chambre, et par Sophie Peneaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La présidente

 


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