Tentative de conciliation : 15 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04534

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Tentative de conciliation : 15 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04534
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04534 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTQB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/08636

APPELANTS

Monsieur [K] [S] , agissant tant en son nom personnel ès-qualités d’ayant droit de Madame [Z] [I], décédée le [Date décès 7] 2008 à [Localité 15]

né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 17]

[Adresse 2]

[Localité 13]

ET

Madame [L] [S], agissant tant en son nom personnel ès-qualités d’ayant droit de Madame [Z] [I], décédée le [Date décès 7] 2008 à [Localité 15]

née le [Date naissance 6] 1987 à [Localité 16]

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentés par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistés à l’audience de Me Blandine HEURTON, avocat au barreau de VAL D’OISE, toque : 139

INTIMES

Monsieur [X] [N]

né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 17]

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représenté et et assisté à l’audience de Me Pascale BOUDRY STELANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0881

CPAM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 11]

Défaillante, régulièrement avisée le 12 juin 2020 par procès-verbal de remise à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été plaidée le 20 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Mme Agnès BISCH, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Valérie MORLET ,Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Faits et procédure

Madame [Z] [I], née le [Date naissance 1] 1954, a au mois de juillet 2008 présenté deux kystes des ovaires droit et gauche et a le 26 août 2008 subi une hystérectomie, réalisée à la clinique [14] à [Localité 15], par le docteur [X] [F]. Cette opération a fait naître chez la patiente des peurs quant à un éventuel diagnostic de cancer.

En suite de cette intervention, Madame [I] a été amenée le 4 septembre 2008 à consulter son médecin traitant, le docteur [P] [O], et a également été reçue par le docteur [X] [N], psychiatre, le 5 septembre 2008.

Madame [I] a à nouveau consulté le docteur [N] les 10, 11, 12, 17, 19 et 22 septembre 2008. Un bilan biologique a été prescrit et réalisé, dont les résultats ont été portés à la connaissance de la patiente.

Elle a entretemps, le 18 septembre 2008, été reçue par le chirurgien, le docteur [F], qui lui a confirmé, après analyse des kystes retirés, l’absence de pathologie cancéreuse.

Madame [I] devait être reçue par le docteur [N] le 26 septembre 2008, avant de reprendre son travail.

Mais elle s’est donnée la mort le [Date décès 7] 2008 à 9 heures, par défenestration de son appartement situé au 13ème étage d’un immeuble parisien.

Arguant de soins non diligents, non attentifs et non conformes aux données acquises de la science dans le cadre de la prise en charge psychiatrique de Madame [I], Monsieur [K] [S], son compagnon, et Madame [L] [S], sa fille, ont au mois d’avril 2014 présenté une plainte à l’encontre du docteur [N] devant le conseil départemental de l’Ordre des médecins de [Localité 15]. Après une tentative de conciliation infructueuse le 1er juillet 2014, un procès-verbal de non-conciliation a été dressé et la plainte transmise à la Chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins d’Ile de France. Les consorts [S] se sont par courrier du 16 mars 2015 désistés de leur réclamation, désistement acté par ordonnance du 26 mars 2015 du président de la chambre disciplinaire.

Les consorts [S] ont par acte du 16 septembre 2016 assigné le docteur [N] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’expertise du dossier de Madame [I]. Le magistrat a par ordonnance du 3 février 2017 désigné le docteur [V] [D], psychiatre, en qualité d’expert, afin d’examiner le dossier de la patiente.

L’expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 19 juin 2017.

Monsieur [S] et sa fille ont par actes des 14 et 15 juin 2018 assigné devant le tribunal de grande instance de Paris le Docteur [N] et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Paris aux fins de déclaration de responsabilité et désignation d’un nouvel expert.

La CPAM n’a pas constitué avocat en première instance.

*

Le tribunal, par jugement du 21 octobre 2019, réputé contradictoire, a :

– rejeté la demande d’annulation de l’expertise psychiatrique de Madame [I] effectuée le 19 juin 2017 par le docteur [D],

– rejeté la demande d’expertise en écriture formulée par les consorts [S],

– dit néanmoins qu’il convient d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique de Madame [I] afin qu’il puisse disposer d’éléments suffisants pour statuer sur les demandes au fond,

Avant-dire-droit sur le fond,

– ordonné une mesure d’expertise médicale sur pièces,

– commis pour y procéder le docteur [J] [E], psychiatre,

– déterminé la mission de l’expert, consistant principalement en un examen sur pièces du dossier médical de Madame [I] et un relevé des doléances des consorts [S], afin de déterminer l’état de la patiente avant son décès et dire si le docteur [N] a bien rempli son devoir d’information, si la prise en charge et la démarche diagnostique et thérapeutique du psychiatre ont été conformes aux données acquises de la science, si les traitements pratiqués étaient indiqués et s’ils ont été réalisés conformément aux données acquises de la science, si une démarche diagnostique et thérapeutique autre aurait permis d’éviter le passage à l’acte d’autolyse de la patiente,

– désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises de la 19ème chambre civile du tribunal pour contrôler les opérations d’expertise,

– rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par le docteur [N],

– réservé les demandes au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– déclaré le jugement opposable à la CPAM de [Localité 15],

– réservé les dépens,

– renvoyé l’affaire en mise en état,

– rejeté le surplus des demandes plus amples ou contraires.

Monsieur [S] et sa fille, Madame [S], ont par acte du 2 mars 2020 interjeté appel de ce jugement, intimant le docteur [N] et la CPAM devant la Cour.

Parallèlement, les consorts [S] ont le 15 avril 2020 déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris, pour faux et usage de faux, contre le docteur [N].

*

Les consorts [S], dans leurs dernières conclusions n°2 signifiées le 10 novembre 2020, demandent à la Cour de :

– les dire recevables et bien fondés en leurs appel et demandes,

– débouter le docteur [N] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– ordonner une expertise en documents et écritures et désigner pour ce faire tel expert qu’il plaira à la Cour de missionner avec la mission suivante :

. dire que le docteur [N] devra communiquer dans le cadre des opérations d’expertise l’original, non biffé et non raturé, du dossier médical manuscrit tenu pendant la prise en charge de Madame [I],

. procéder à une analyse complète des dossiers médicaux manuscrits afin de déterminer s’ils ont été « retravaillé/modifié/altéré »,

. procéder à une comparaison de son contenu avec le dossier médical dactylographié,

. mettre en évidence les discordances additives et soustractives avec la version manuscrite,

– dire que l’expert en documents et écritures communiquera son rapport à l’expert psychiatre qui en tirera les conséquences,

– condamner le docteur [N] à leur payer, au titre des frais irrépétibles, la somme de 5.000 euros,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Le docteur [N], dans ses dernières conclusions signifiées le 12 août 2020, demande à la Cour de :

– déclarer les consorts [S] mal fondés en leur appel,

– les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes fins et conclusions,

– condamner solidairement les consorts [S] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner solidairement aux dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître Pascale Boudry.

La CPAM, régulièrement assignée par acte délivré le 12 juin 2020 à personne habilitée à le recevoir, n’a pas constitué avocat devant la Cour. L’arrêt sera en conséquence réputé contradictoire, conformément aux termes de l’article 474 du code de procédure civile.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 15 mars 2023.

Postérieurement à cette clôture, le conseil des consorts [S] a le 7 avril 2023 communiqué une nouvelle pièce, le procès-verbal d’audition du docteur [N] par les services de police de [Localité 15], pièce couverte par le secret de l’instruction mais dont la communication a été autorisée par le Procureur de la République de Paris.

Le conseil du docteur [N] a par courrier du 17 avril 2023 répondu qu’il ne connaissait pas cette pièce, n’étant pas l’avocat du médecin dans le cadre de l’instance pénale. Si la clôture était révoquée, il demande un renvoi de l’examen de l’affaire pour conclure, et par conséquent un renvoi de l’audience de plaidoirie.

L’affaire a été examinée à l’audience de plaidoiries du 20 avril 2023.

La Cour a écarté la pièce communiquée postérieurement à la clôture de la mise en état du dossier.

L’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 15 juin 2023.

Motifs

Il est à titre liminaire constaté que les consorts [S], appelants, au terme de leurs dernières conclusions ne présentent aucune demande d’infirmation ou réformation du jugement, en méconnaissance de l’article 542 du code de procédure civile qui dispose que l’appel tend, par la critique du jugement entrepris, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. Leur déclaration d’appel étant antérieure à l’arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 énonçant que dans ce cas, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, il ne sera pas fait application de cette jurisprudence.

La lecture du dispositif des conclusions des consorts [S] laisse apparaître qu’ils ne contestent pas le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire, ni en ce qu’il a ordonné une nouvelle expertise du dossier médical de Madame [I]. Le jugement sera en conséquence confirmé de ces deux chefs.

Seul est contesté le rejet de leur demande d’expertise en écriture des pièces du dossier du médecin qui a suivi la patiente, le docteur [N].

Sur la demande d’expertise en écriture

Les premiers juges ont observé que l’expert judiciaire avait pu avoir entre les mains les deux dossiers (manuscrit et dactylographié) du docteur [N] qui a examiné Madame [I] et dont la responsabilité est recherchée, et ont donc estimé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner une expertise en écriture.

Les consorts [S] reprochent aux premiers juges d’avoir refusé d’ordonner une expertise en écriture. Ils font valoir que l’appréciation de la conformité du diagnostic et de la prise en charge aux données acquises de la science nécessite un examen du dossier de Madame [I] et que l’appréciation de l’authenticité de ce dossier est en conséquence fondamentale. Or ils relèvent que le docteur [N], qui a examiné leur compagne et mère, produit deux dossiers médicaux (voire trois : deux versions du dossier manuscrit existant) la concernant, en méconnaissance de sa déontologie, et soutiennent qu’il est nécessaire d’entreprendre leur analyse comparée, d’autant plus que des discordances existent entre eux. Ils produisent un rapport d’expertise amiable sur ce point. Selon eux, l’expertise en document et écriture est le complément indispensable à la contre-expertise ordonnée par les premiers juges.

Le docteur [N] considère que l’expertise judiciaire a été menée correctement, contradictoirement et affirme que la présence de « deux dossiers » n’est pas interdite, alors que des fiches d’observations sont même conseillées par la pratique médicale. Il indique que certaines mentions ont été biffées dans ses notes manuscrites, pour anonymisation, et que la version dactylographiée est une version plus lisible de la version manuscrite. Il produit également une expertise graphologique privée. Le médecin considère qu’il a fait son devoir et que les accusations des consorts [S] portent atteinte à son intégrité.

Sur ce,

L’article R4127-45 I du code de la santé publique (article 45 du code de déontologie médicale) prévoit qu’indépendamment du dossier médical prévu par la loi, le médecin tient pour chaque patient une fiche d’observation qui lui est personnelle, ajoutant que cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques, que les notes personnelles du médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles au patient et aux tiers et que dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du médecin.

Il apparaît ainsi que les deux copies de notes manuscrites concernant Madame [I] et la copie de notes dactylographiées concernant la même patiente, documents non signés mais dont le docteur [N] reconnaît être l’auteur, ne constituent pas deux « dossiers » distincts, mais la fiche manuscrite d’observations tenue pendant ou après les consultations de Madame [I], personnelle au docteur [N], d’une part, et le « dossier de suivi médical » de la patiente, d’autre part. Ce dernier a selon le médecin été rédigé à la demande de l’Ordre des médecins en 2014.

Aucun texte n’impose, au titre du dossier de suivi médical d’un patient, la retranscription in extenso et mot pour mot des notes manuscrites prises lors ou en suite d’une consultation. La prise de notes rapides, sans phrases construites, rend nécessaire une mise en phrase et l’apport ou le retrait d’éléments traduit la réflexion du médecin, qui ne peut lui être reprochée.

Le docteur [N] explique avoir occulté certaines mentions afin de respecter l’anonymat de tiers, conformément aux dispositions légales et réglementaires relatives, notamment, au secret médical. Ce point peut être discuté devant le tribunal sans nécessiter une expertise.

Les notes manuscrites n’ont pas été dissimulées à l’expert judiciaire, le docteur [D], qui a eu connaissance de l’ensemble des pièces, qu’il a pu examiner et comparer. Le tribunal a également disposé de l’ensemble des pièces, manuscrites et dactylographiées. Si le dossier dactylographié ajoute aux notes manuscrites, ou encore si la cohérence du dossier dactylographié au regard des notes manuscrites est discutée, cela est apparent pour l’expert médical et les magistrats.

Les consorts [S], d’un côté, et le docteur [N], de l’autre, apportent leur propres expertises graphologiques, suffisantes pour renseigner le tribunal.

Ainsi, alors que tous les éléments sont dans les débats, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise en écriture telle que sollicitée par les consorts [S].

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Le docteur [N] estime que la multiplication des procédures, ordinales, civiles, pénales, en première instance et en appel, et des demandes, relatives notamment à ses notes manuscrites et son dossier dactylographié, portent atteinte à son intégrité. Il ne présente aucune demande de de chef. Il en est pris acte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Alors que les premiers juges ont ordonné, avant dire droit sur les prétentions des consorts [S], une mesure d’expertise médicale sur pièces de Madame [I], ils ont à juste titre réservé le sort des dépens et frais irrépétibles de première instance. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera in solidum les consorts [S], qui succombent en leur recours, aux dépens d’appel avec distraction au profit du conseil du docteur [N] qui l’a réclamée, en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, les consorts [S] seront également condamnés in solidum à payer la somme équitable de 2.000 euros au docteur [N] en indemnisation des frais exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Monsieur [K] [S] et Madame [L] [S] aux dépens d’appel, avec distraction au profit de Maître Pascale Boudry,

Condamne in solidum Monsieur [K] [S] et Madame [L] [S] à payer la somme de 2.000 euros au docteur [X] [N] en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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