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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89Z
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 SEPTEMBRE 2023
N° RG 22/01895 –
N° Portalis
DBV3-V-B7G-VIJG
AFFAIRE :
[P] [G]
C/
S.A.S. [8]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Avril 2022 par le Pole social du TJ de CHARTRES
N° RG : 19/00013
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jean christophe LEDUC
Me Valérie RIVIERE-DUPUY
Me Virginie FARKAS
Copies certifiées conformes délivrées à :
[P] [G]
S.A.S. [8],
CPAM 28
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [P] [G]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté par Me Jean christophe LEDUC, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000045 substitué par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1748
APPELANT
****************
S.A.S. [8]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Valérie RIVIERE-DUPUY de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 substituée par Me Marc MONTI, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034 – N° du dossier 2016476
CPAM 28
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1748
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Juliette DUPONT,
EXPOSÉ DU LITIGE :
Salarié de la société [8] (la société) en qualité de chauffeur livreur, M. [P] [G] (la victime) a, le 7 octobre 2016, été victime d’un accident que la caisse primaire d’assurance maladie d’Eure-et-Loir (la caisse) a pris en charge, le 2 janvier 2017, après mise en oeuvre d’une enquête, au titre de la législation professionnelle.
Après échec de la tentative de conciliation, la victime a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 29 avril 2022, ce tribunal a rejeté le recours formé par la victime et condamné celle-ci à payer la somme de 800 euros à la société au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La victime a relevé appel de cette décision.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 29 juin 2023.
Les parties ont comparu, représentées par leur avocat.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la victime sollicite l’infirmation du jugement entrepris et la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société sollicite la confirmation du jugement entrepris.
La caisse indique s’en rapporter quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société. Il est renvoyé, pour le surplus, à ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la victime sollicite l’octroi d’une somme de 4 000 euros à la charge de la société. Celle-ci demande la condamnation de la victime à lui payer une indemnité de 4 800 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, telle que prévue par l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ne peut être recherchée que si l’accident ou la maladie revêt un caractère professionnel.
En l’espèce, le tribunal a rejeté la faute inexcusable de la société, après avoir écarté l’existence d’un accident du travail.
Selon les explications fournies par la société, la victime était essentiellement affectée au traitement de l’acheminement de colis [7] entre [10] et l’agence située à [Adresse 9].
Aux termes de la déclaration d’accident du travail du 10 octobre 2016, la victime s’est blessée le 7 octobre lors d’un chargement, en se baissant. Le certificat médical initial établi le jour des faits mentionne un lumbago droit hyperalgique, ce qui corrobore les déclarations de la victime. Les discordances relevées concernant l’heure des faits, entre celle mentionnée sur la déclaration d’accident du travail (00h15) et celle figurant dans le questionnaire rempli par l’assuré (1h10), ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité du fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail. En effet, dans sa réponse au questionnaire adressé par la caisse, la victime indique que ses horaires de travail étaient de 18h30 à 6h30. Sur ce point, la société se borne à soutenir que la victime ne pouvait charger à 1h10 car elle était en repos entre 00h30 et 3h ; elle se retranche, en particulier, derrière les heures contractuellement établies avec l’entreprise [7]. Toutefois, outre que les heures établies contractuellement peuvent différer des heures réellement effectuées, aucun élément ne vient établir qu’au moment des faits, le salarié victime s’était placé en dehors de l’autorité de son employeur.
L’absence de témoin n’est pas davantage de nature à ôter à l’accident déclaré son caractère professionnel.
Il s’ensuit que la victime établit la réalité du fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail, de sorte que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, la qualification d’accident du travail doit être retenue.
Il convient donc de rechercher si les conditions propres à la reconnaissance de la faute inexcusable sont réunies.
La victime se prévaut d’une « faute inexcusable présumée », en affirmant que la société ne justifie pas d’un document unique d’évaluation des risques dûment établi, ayant date certaine et sur lequel les institutions représentatives du personnel auraient été, le cas échéant, consultées.
Le moyen n’est pas fondé.
En effet, cette situation n’est pas de nature à faire présumer l’existence d’une faute inexcusable. Une telle présomption ne peut bénéficier au salarié que dans les cas prévus par les articles L. 4131-4 et 4154-3 et du code du travail, dont les dispositions ne sont pas invoquées en l’espèce.
Concernant les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable prévue par l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable, au sens du texte susvisé, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il appartient au salarié victime d’établir l’existence d’une faute inexcusable de son employeur.
En l’espèce, la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par son salarié, appelé à manipuler des colis dont le poids peut être variable. Ce risque est, du reste, spécifiquement répertorié dans le document d’évaluation des risques que la société verse aux débats (pièce n° 23).
La conscience du danger devait être d’autant plus aigue que l’état de santé du salarié victime avait conduit à des restrictions, par le médecin du travail, concernant le port de charges lourdes.
Concernant les mesures prises par la société, il résulte des pièces produites par cette dernière que le personnel disposait d’un matériel de manutention (sangles, diables, transpalette), à la charge du sous-traitant (pièce n° 19-1). La société explique surtout que les opérations de chargement consistaient à placer le véhicule sur les quais, les colis arrivant directement dans le camion par tapis roulant (p. 6 de ses conclusions), ce dont elle justifie par les photographies versées aux débats. Selon elle, il appartenait seulement au chauffeur d’organiser le placement des colis dans le véhicule.
Au soutien de sa demande, la victime fait valoir qu’elle réalisait des tâches incompatibles avec son état de santé et que le port de charges supérieures à 5 kg, contraire aux restrictions émises par le médecin du travail, est la cause nécessaire du fait dommageable.
Toutefois, aucune pièce ne vient démontrer qu’au moment des faits, la victime manipulait des colis ou palettes dont le poids excédait 5 kg. Les attestations de ses collègues de travail sont rédigées en termes trop généraux pour justifier de la réalité et de la nature des tâches accomplies par la victime. Il en est de même des photographies produites par cette dernière, représentant des colis d’un poids de 19 kg, 38 et 40,5 kg, dès lors qu il n’est pas établi qu’elle en avait précisément la charge lors de l’accident.
Dès lors, la preuve n’est pas rapportée que la société a failli à ses obligations en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail. Il n’est pas davantage démontré, au vu des éléments qui précèdent, que l’employeur n’a pas mis en oeuvre les mesures qui s’imposaient pour prévenir le risque auquel le salarié victime était exposé. Le dispositif mis en place par la société pour procéder aux opérations de chargement apparaît suffisant pour assurer le respect de ses obligations en matière de sécurité et de santé au travail.
Il s’ensuit que la victime n’établit pas l’existence d’une faute inexcusable de la société, de sorte que son recours doit être rejeté.
Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
La victime, qui succombe, sera condamnée aux dépens exposés en appel et déboutée de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité commande de ne pas faire droit à la demande présentée par la société au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris ;
Condamne M. [G] aux dépens exposés en appel ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] ainsi que celle formée par la société [8] au titre des frais irrépétibles en marge des dépens exposés en appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
La GREFFIERE, La PRESIDENTE,