Tentative de conciliation : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01857

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Tentative de conciliation : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01857
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 SEPTEMBRE 2023

N° RG 22/01857 –

N° Portalis

DBV3-V-B7G-VIBU

AFFAIRE :

S.A.S. [3].

C/

[P] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Mars 2022 par le Pole social du TJ de CHARTRES

N° RG : 19/00272

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL ELAN SOCIAL

Me Virginie FARKAS

Me Katell

FERCHAUX-LALLEMENT

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A.S. [3]

[P] [J],

Caisse CPAM D'[Localité 4]

Docteur [Z]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. [3]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY de la SELARL ELAN SOCIAL, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 869 substitué par Me Fanny TILLOY, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 869

APPELANTE

****************

Monsieur [P] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 – N° du dossier 20220191 substitué par Me Angela CSEPAI, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000009 – N° du dossier 20220191

Caisse CPAM D'[Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Virginie FARKAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1748

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

EXPOSÉ DU LITIGE :

Salarié de la société [3] (la société) en qualité de conducteur de découpe, M. [J] (la victime) a, le 2 mars 2017, été victime d’un accident que la caisse primaire d’assurance maladie d'[Localité 4] (la caisse) a pris en charge, le 21 mars 2017, au titre de la législation professionnelle.

L’état de santé de la victime a été déclaré consolidé à la date du 18 novembre 2018 et un taux d’incapacité permanente partielle de 28 % lui a été attribué par décision de la caisse du 1er mars 2019.

Après échec de la tentative de conciliation, la victime a, le 24 juillet 2019, saisi un tribunal de grande instance d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société.

Par jugement du 25 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Chartres a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– déclaré que l’accident du travail survenu à la victime le 2 mars 2017 est dû à la faute inexcusable de la société ;

– fixé au maximum la majoration de la rente ;

Avant dire droit :

– ordonné une expertise médicale aux fins d’évaluer les préjudices de la victime ;

– alloué à la victime une provision d’un montant de 3 000 euros ;

– dit que la caisse devra faire l’avance des sommes allouées à la victime et des frais d’expertise ;

– condamné la société à verser à la victime la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– sursis à statuer sur les dépens, et la demande afférente à voir les condamnations assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du tribunal.

La société a relevé appel de cette décision.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 29 juin 2023.

Les parties ont comparu, assistées ou représentées par leur avocat.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société sollicite l’infirmation du jugement entrepris et le rejet des prétentions adverses.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la victime sollicite la confirmation du jugement entrepris.

La caisse s’en rapporte à la sagesse de la cour sur la reconnaissance de la faute inexcusable. Il est renvoyé, pour le surplus, à ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société demande de condamner la victime à la somme de 2 500 euros. La victime réclame l’octroi d’une indemnité de 3 000 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident du travail que la victime a chuté alors qu’elle intervenait sur une machine à découpe. Selon les explications de la victime, l’accident est survenu en cours de fabrication des boîtes sur une machine utilisée par un autre collègue, à la suite d’un bourrage (p. 7 des conclusions de la victime). Ce collègue, M. [O], indique avoir assisté à la chute de la victime, dans la fosse de sortie (pièce n° 13 de la victime).

L’employeur avait ou aurait dû avoir conscience des risques auxquels son salarié était exposé du fait de l’utilisation d’une telle machine, intrinsèquement dangereuse, et en particulier, du risque de chute dans la zone de récupération des déchets.

Concernant les mesures destinées à prévenir ce risque, la victime soutient qu’une planche en bois a été posée pour combler le trou existant entre la fosse et la dimension de la machine, que l’installation d’une telle planche n’est pas préconisée par le fabricant et que c’est la rupture de cette planche en bois qui est à l’origine de son accident. Le salarié, selon ses propres dires, s’est retrouvé coincé jusqu’à l’aine, et M. [O] confirme qu’il a dû l’aider à sortir de la fosse.

La société fait valoir qu’il est impossible que la victime ait pu traverser de tout son corps la planchette de bois présente à gauche et à droite du tapis roulant. Elle considère que la victime a perdu l’équilibre en posant le pied en dehors de la zone d’intervention, sur une partie non prévue à cet effet, et qu’elle s’est cognée l’épaule en tombant (p. 17 de ses conclusions). Elle souligne que dans l’espace d’intervention, de part et d’autre du tapis roulant, deux faibles espaces sont obstrués par des planches de bois, afin de combler le caniveau présent sous le tapis, et que c’est sur l’une de ces petites blanches en bois, depuis remplacées par des planches métalliques, que la victime a posé le pied. Dans l’annotation de sa planche photographique (pièce n° 30), la société précise que de chaque côté du plateau blanc où le conducteur doit mettre les pieds, sont posées des tôles en acier bleu « qui ont remplacé des planches en bois, dont une a cédé sous le poids de M. [J] lors de sa chute » .

Des explications des parties, il peut être déduit que l’accident en cause et les lésions qui en résultent pour la victime ont pour origine l’une des planches en bois qui, installée dans la machine à découpe comme dispositif de comblement, a cédé sous le poids du salarié.

Les mesures prises par la société n’étaient manifestement pas suffisantes pour assurer la sécurité du salarié victime, l’installation de simples planches en bois ne permettant pas de garantir la stabilité et la pérennité du dispositif. Si la société soutient, dans une note en délibéré adressée aux premiers juges (pièce n° 16 produite par la victime), que ce dispositif n’a pas été mis en place pour permettre aux agents de circuler dessus, ni d’y prendre appui, aucune consigne n’a été donnée en ce sens aux agents conducteurs. Les règles de sécurité telles qu’édictées dans la note produite (pièce n° 29 de la société) n’intègrent pas la présence de ces planches en bois ; celles-ci n’ont pas été prévues par le constructeur, ce que la société admet (pièce n° 16 de la victime), et elles ont, du reste, été remplacées ultérieurement par des planches métalliques.

La société ne peut, dans ces conditions, se retrancher derrière l’éventuelle imprudence de son salarié pour tenter d’échapper à sa responsabilité.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la faute inexcusable de la société, celle-ci ne pouvant ignorer le danger auquel son salarié était exposé et n’ayant pas pris des mesures efficientes pour l’en préserver.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il convient toutefois de le compléter en accordant à la caisse le bénéfice de son action récursoire, conformément à la demande de cet organisme, sur le fondement des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Il convient également de dire, conformément à la demande de la société, que la caisse ne pourra recouvrer les sommes versées au titre de la majoration de la rente que dans la limite du taux d’incapacité permanente partielle de 5 %, qui correspond au taux définitivement fixé, dans les rapports entre la caisse et l’employeur, par un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 20 avril 2023 (pièce n° 47 produite par la société). En revanche, contrairement à ce que soutient la société, ce taux ne peut être retenu pour l’évaluation du déficit fonctionnel permanent, qui correspond à un poste de préjudice autonome.

Enfin, la mission confiée à l’expert sera complétée par la détermination du déficit fonctionnel permanent et du taux y afférent, ainsi que le requiert la victime.

L’affaire sera renvoyée devant le tribunal judiciaire de Chartes pour qu’il soit statué sur la liquidation des préjudices subis par la victime, après dépôt de l’expertise judiciaire.

La société, qui succombe, assumera la charge des dépens exposés en appel et sera condamnée à verser à la victime la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande d’indemnité formée en vertu du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie d'[Localité 4] pourra récupérer auprès de la société [3] la majoration de la rente, selon les modalités prévues à l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, dans la limite du taux d’incapacité permanente partielle de 5 %, l’avance des frais d’expertise ainsi que la réparation des préjudices qui sera allouée à M. [J], y compris à titre provisionnel ;

Dit qu’il appartiendra à l’expert désigné de déterminer le déficit fonctionnel permanent dont souffre M. [J] à la suite de l’accident du travail dont il a été victime le 2 mars 2017, ainsi que le taux y afférent ;

Renvoie l’affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de Chartes pour qu’il soit statué sur la liquidation des préjudices subis par M. [J], après dépôt de l’expertise judiciaire ;

Condamne la société [3] aux dépens exposés en appel ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

La GREFFIERE, La PRESIDENTE,

 


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