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C8
N° RG 22/02537
N° Portalis DBVM-V-B7G-LNYM
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Fanny CIONCO
La CPAM DE L’ISERE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 14 SEPTEMBRE 2023
Appel d’une décision (N° RG 20/00111)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VIENNE
en date du 08 septembre 2021
suivant déclaration d’appel du 20 septembre 2021 sous le N° RG 21/04043
radiation le 19 avril 2022
réinscription le 30 juin 2022
APPELANTE :
Association [11] ([11]), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 9]
représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET de la SELARL ALYSTREE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
Madame [W] [V] [J]
née le 16 décembre 1964 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Me Fanny CIONCO, avocat au barreau de LYON substitué par Me Rebecca BRAZZOLOTTO, avocat au barreau de GRENOBLE
La CPAM DE L’ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en la personne de M. [Y] [T], régulièrement muni d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 juin 2023,
Mme Isabelle DEFARGE, chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie,
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
Le 30 mars 2017 l’association [11] ([11]) a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère (la caisse) l’accident survenu le 27 mars 2017 à sa salariée Mme [W] [V] [R] épouse [J], née le 16 décembre 1964, demeurant à [Localité 10] (38), employée en qualité d’assistante de direction au [7] d'[Localité 5] (07) depuis le 4 mai 2015, dans les circonstances ainsi décrites :
‘La victime a eu un différend lors d’une réunion
Nature de l’accident : détresse morale
Siège et nature des lésions : Détresse morale, fatigue’.
Le certificat médical initial du 28 mars 2018 mentionne ‘syndrome anxio-dépressif en relation avec des conditions de travail’ et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 7 avril 2017.
Le 21 juin 2017 la caisse a notifié sa décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.
L’état de Mme [J] a été déclaré consolidé au 31 mars 2018 avec un taux d’incapacité permanente partielle de 5 % pour ‘trouble anxio-dépressif léger’ et elle a été licenciée pour inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail le 23 mai 2018.
Le 3 mars 2019 après échec de la tentative de conciliation, Mme [J] a saisi d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de cet accident le tribunal judiciaire de Vienne qui par jugement du 8 septembre 2021 :
– a dit que l’accident du travail dont elle a été victime le 27 mars 2017 est dû à la faute inexcusable de son employeur l’association [11],
– a ordonné la majoration de sa rente au taux maximum,
– avant-dire droit sur l’indemnisation de ses préjudices a ordonné une expertise médicale,
– a dit que la caisse fera l’avance des sommes allouées à la victime au titre de la majoration de la rente, de l’indemnité provisionnelle ainsi que des frais d’expertise,
– a condamné l’association [11] à rembourser à la caisse les sommes qu’elle aura été amenée à verser à Mme [J] y compris les frais d’expertise,
– a déclaré le jugement commun et opposable à la caisse,
– a réservé les dépens et les prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile en fin de cause,
– a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
L’association [11] a interjeté appel de ce jugement le 20 septembre 2021.
L’instance a été radiée le 19 avril 2022 faute de conclusions de l’appelante et réinscrite selon conclusions du 29 juin 2022 soutenues oralement à l’audience au terme desquelles l’association [11] demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que Mme [J] pouvait se prévaloir d’une présomption irréfragable de faute inexcusable en application de l’article L. 4131-4 du code du travail et en ce qu’une faute inexcusable était établie à son encontre,
– de juger que les conditions de l’article L. 4131-4 du code du travail n’étaient pas réunies et qu’aucune présomption irréfragable de faute inexcusable n’est constituée,
– de juger qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ayant concouru à son accident du travail du 27 mars 2017,
Statuant à nouveau de ce chef
– de débouter en conséquence Mme [J] de l’intégralité de ses demandes,
– de condamner Mme [J] au paiement d’une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner celle-ci aux entiers dépens,
A titre subsidiaire
– de statuer ce que de droit sur la demande de majoration de la rente servie à Mme [J] à son taux maximum,
– de juger que les préjudices allégués ne pourront être évalués que dans le cadre d’une expertise contradictoire portant uniquement sur les souffrances endurées et le déficit fonctionnel temporaire,
– de juger que la caisse fera l’avance des honoraires d’expert,
– de débouter Mme [J] de sa demande de provision ou à tout le moins de réduire à de plus justes proportions le montant qui lui sera le cas échéant alloué,
– de juger que la provision le cas échéant allouée à Mme [J] sera intégralement avancée par la caisse,
– de réduire à de plus justes proportions les montants alloués à Mme [J] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause
– de débouter Mme [J] de sa demande relative aux dépens, la procédure étant gratuite et sans frais,
– de débouter Mme [J] de toute demande, fins et conclusions contraires.
Au terme de ses conclusions déposées le 23 novembre 2022 soutenues oralement à l’audience Mme [J] demande à la cour :
– de confirmer le jugement,
En conséquence
– de juger ses demandes recevables, justifiées et bien fondées,
– de juger que l’association [11] s’est rendue coupable d’une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont elle a été victime le 27 mars 2017,
– de juger qu’elle a droit à l’indemnisation de l’ensemble des préjudices subis ensuite de son accident du travail du 27 mars 2017,
– de juger que la caisse devra l’indemniser de l’ensemble des préjudices subis,
En conséquence,
– d’ordonner la majoration de la rente allouée au taux maximum,
– d’ordonner une expertise médicale,
– lui allouer une indemnité provisionnelle de 5 000,00 €,
– dire qu’en application des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la caisse procédera à l’avance de cette provision et en récupérera le montant auprès de l’employeur,
En tout état de cause,
– de condamner l’association [11] à lui verser la somme de 2 500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner l’association [11] aux entiers dépens d’instance,
– d’ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
– de rendre l’arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère.
Au terme de ses conclusions déposées le 5 juin 2023 soutenues oralement à l’audience la caisse qui s’en rapporte à justice concernant la reconnaissance de la faute inexcusable et des conséquences en matière d’indemnisation demande à la cour de condamner l’employeur à lui rembourser les sommes dont elle aura fait l’avance notamment en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tant au titre de la majoration de la rente qu’au titre de l’indemnisation des préjudices personnels de Mme [J] ainsi que les frais d’expertise éventuels outre intérêts au taux légal à compter de leur versement.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE :
Selon l’article L. 4131-4 du code du travail en vigueur du 01 mai 2008 au 01 janvier 2018 ici applicable, le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé.
Mme [J] soutient que lors de son arrivée au sein du [7] d'[Localité 5] en qualité d’assistante de direction, elle a rapidement été confrontée à des carences managériales occasionnant des difficultés organisationnelles et de communication ; qu’à compter de l’année 2016, le service administratif au sein duquel elle intervenait s’est ainsi retrouvé confronté au fait que Mme [A], directrice du [7] et supérieure hiérarchique directe de l’équipe administrative ne prenait pas le soin de donner des consignes de travail précises, d’anticiper les besoins afin d’éviter un travail dans l’urgence, de répondre aux mails et demandes de l’équipe administrative afin que le travail puisse avancer, ni d’apporter le support dont elle était responsable.
Elle soutient qu’au cours de la relation contractuelle la liant à l’association [11], elle a eu à souffrir d’un manque cruel de communication, d’organisation, de moyens, ayant conduit à ce que, extrêmement angoissée par la situation, elle soit victime de l’accident déclaré lors d’une réunion de service le 27 mars 2017.
Le risque allégué est donc identifié comme un risque psycho-social imputé à un management défaillant de l’équipe de direction par la directrice du [7].
L’association appelante soutient qu’en réalité les difficultés alléguées concernent les relations de Mme [J] avec sa supérieure hiérarchique Mme [A].
Toutefois, l’intimée produit les attestations de plusieurs collègues selon lesquelles
– attestation de Mme [M] [U] du 15 novembre 2017 :
‘le 27 mars 2017, lors de la réunion de service administratif, [V] [J] a renouvelé sa demande d’un rendez-vous personnel avec sa directrice Mme [A] afin d’aborder en détail ses problématiques de travail (mission, directives à suivre…) et convenir d’un mode de fonctionnement opérationnel. Elle a précisé son caractère urgent et prioritaire (demande déjà formulée le 23 janvier 2017 et le 17 février 2017). Mme [A] a tergiversé longuement pour finalement lui dire qu’elle programmerait un entretien d’évaluation annuel. [V].[J] lui a précisé que le rendez-vous demandé était d’une autre nature mais tout-à-fait compatible avec son entretien d’évaluation dans un autre temps. (…)
Le 23 janvier 2017 Mme [A] convoque son équipe administrative pour une présentation de la nouvelle organisation. Une présentation sommaire et théorique a été projetée. [V] [J] a demandé des précisions opérationnelles sur l’étendue de sa mission et ses interactions avec les équipes de [Localité 9]. Mme [A] a répondu ironique qu’une ‘assistante de direction assiste la direction’ et que cette définition était suffisante, qu’il suffisait d’aller sur internet consulter le descriptif. A chaque question pertinente de [V].[J] une réponse moralisatrice a été apportée par Mme [A] (‘il faut simplement savoir mettre de l’énergie pour faire avancer les sujets, les responsabilités n’existent que si on les prend…’). [V].[J] a fini par pleurer en fin de réunion. Elle a été ridiculisée et disqualifiée devant ses collègues. C’est au contraire une employée très impliquée, particulièrement travailleuse et investie, pro-active, autonome et volontaire’.
– attestation de Mme [X] [B], professeur d’arts appliqués, en date du 16 janvier 2018 :
‘Le 24 janvier 2017, le CHSCT reçoit un mail du DP (délégué du personnel) du site de la [11] d'[Localité 5]. Ce mail informe de l’état délétère des salariés suite à une réunion de service et demande de l’aide. Le 24 janvier 2017 je me rends à [Localité 5] afin de répondre à cette demande. Je suis reçue par l’administration de direction Mme [J], Mme [U], M. [I] et Mme [H]. Ces salariés étaient dans un état émotionnel anxiogène réactionnel en raison de l’incohérence dans la prescription et la répartition des tâches, l’intensité du travail et l’accumulation des responsabilités devenues contradictoires. Ces salariés ont évoqué la réunion de service du 24 (en réalité 23’) janvier et témoigné de la dégradation des rapports sociaux, du manque de soutien et de la qualité empêchée. Le 10 février le CHSCT a déclenché une enquête-expertise RPS.(…) Mme [J] a été confrontée avec ses collègues au déni des difficultés par la hiérarchie, au manque de reconnaissance et à la dégradation des rapports hiérarchiques.Ces faits ont été développés lors de l’expertise [6] du 1er avril 2017 au 12 juillet 2017″.
Il résulte de ces attestations que la nature des difficultés et en conséquence du risque auquel Mme [J] soutient avoir été exposée n’était pas personnelle mais fonctionnelle.
Mme [J] soutient qu’à de très nombreuses reprises, elle a sollicité l’intervention de Mme [A] afin que cette dernière, conformément à ses attributions et aux moyens dont elle disposait, prenne des décisions nécessaires au bon fonctionnement du [7] ; que celle-ci n’a jamais proposé de solution adaptée et a, de plus fort, persisté dans sa carence managériale en se désinvestissant de son rôle de directrice, laissant peser la charge de ses attributions sur les salariés du service administratif dont elle-même.
Pour se voir accorder le bénéfice de la présomption de faute inexcusable, Mme [J] soutient que l’accident est intervenu alors qu’elle avait alerté, à de nombreuses reprises, son employeur des difficultés rencontrées tout comme l’ont également fait, en parallèle, les représentants du personnel et le médecin du travail et que malgré ces alertes, l’association a laissé la situation perdurer ce qui a conduit à l’accident.
Les pièces 16 à 18 invoquées consistent dans plusieurs courriels qu’elle a elle-même adressés :
– le 28 mars 2017 à 11h53 à M. [P] [D], président de l’association, dans lequel elle fait référence à un entretien du 3 mars 2017 dont l’existence n’est corroborée par aucun autre élément,
– le 28 mars 2017 à 14h43 à Mme [A], avec copie à M. [D], dans lequel elle fait référence à la réunion de service du 17 février évoquée dans l’attestation de Mme [U],
– le 10 avril 2017 à 15h01 à M. [D] dans lequel elle évoque à nouveau l’entretien du 3 mars 2017 et une relance du 22 ou 23 mars 2017.
Ces courriels, postérieurs à la date de l’accident, ne peuvent constituer une alerte au sens des dispositions précitées de l’article L. 4131-4 du code du travail, et ce alors que Mme [U] n’a pas attesté avoir personnellement assisté à une réunion le 17 mars 2017.
De même, la pièce 36 consiste dans un courrier du STHV (service de Santé au Travail du Haut-Vivarais) daté du 13 juin 2018 faisant référence à des entretiens ‘avec un certain nombre d’enseignants du [7] dans les dernières semaines’ donc non contemporain et en tout cas pas antérieur à l’accident du travail de Mme [J].
Toutefois, Mme [J] produit également :
– pièce 9 : le compte-rendu de la réunion extraordinaire du 10 février 2017 du CHSCT alertant l’employeur sur ‘la dégradation des conditions de travail des salariés’ en ces termes :
‘D’une manière générale, ces diverses problématiques au niveau de l’organisation du travail se juxtaposent modifient et renforcent la problématique de l’insécurité de la situation de travail autour de l’insécurité socio-économique et le risque de changement non maitrisé de la tâche et des conditions de travail. De telles craintes peuvent être motivées par l’expérience de changements incessants ou incompréhensibles. Les représentants du personnel au CHSCT ont donc constaté une dégradation conséquente des conditions de travail des salariés et des différents métiers au sein du centre [11] et par là même l’existence d’un risque grave affectant la santé mentale, physique et psychique telle que définie à l’article L. 4614-12 du code du travail.’
– pièce 7 : le rapport du 3 juillet 2017 de l’expertise sur les conditions de travail des salariés de la [11], réalisée par le cabinet [6] 2017, décidé le 10 février 2017 par le CHSCT et portant sur
‘l’analyse des conditions de travail et des expositions professionnelles à des risques pouvant engendrer des altérations de la santé physique et/ou mentale des salariés de l’ensemble des services,’, ‘les représentants du personnel considérant que la mise en place des différents changements d’activités et d’organisations est susceptible d’avoir des conséquences sur la santé physique et mentale des salariés’ ‘A titre d’exemple, le passage d’accords sur le temps de travail aux seules dispositions précisées par le code du travail ainsi que des réorganisations internes ont pu engendrer différents impacts au niveau des équipes de professeurs’
En p 103 § Secrétariat métier il y est indiqué :
‘Les tâches des ‘secrétaires métier’ consistent au suivi administratif des pôles/métiers. Il s’agit de suivi des contrats, montage et gestion des dossiers scolaires, relance des dossiers incomplets, gestion des livrets scolaires, saisie des coordonnées apprenants, enregistrement des numéros des contrats, élaboration et suivi des conventions de stage (…). Tout comme la responsable pédagogique et l’assistante de direction, il est demandé à la secrétaire d’organiser le temps de travail des enseignants en incluant les nombreuses modifications qui apparaissent durant l’année. Ces modifications dépendent de la responsabilité de la direction de l’établissement, les différents acteurs cités n’étant que les exécutants. Cependant, devant l’absence de décisions claires et précises de la direction, les personnels sont contraints de prendre certaines décisions et de modifier ainsi les emplois du temps des enseignants et des apprenants ce qui n’est pas sans conséquence. Les personnels administratifs se retrouvent alors exposées aux mécontentements des enseignants et des apprenants, prenant parfois la forme d’agressions verbales’
L’assistante de direction
Elle a en charge l’assistanat de direction (rédaction des compte-rendus, secrétariat administratif de la direction etc). De nombreuses tâches relatives à la gestion administrative des pôles/métiers lui ont été ajoutées. Une répartition qui a vu l’assistante de direction récupérer un grand nombre de tâches administratives des ‘petites sections’ mais également des tâches relatives à la formation continue, à la mobilité, les parcours particuliers etc. Ainsi, un important travail réalisé en binôme avec les secrétariats mais également avec les responsables pédagogique est nécessaire. Un travail collaboratif qui nécessite une répartition cohérente et équilibrée des tâches mais aussi une connaissance profonde des spécificités des différents métiers. (…)
Analyse de l’activité administrative
La situation de travail des personnels administratifs d'[Localité 5] est marquée par un flou très important dans la répartition des tâches.
Il n’existe pas de fiche de poste connue par les personnels, permettant de délimiter les missions de chacun. Les réunions de service n’abordent jamais cette question de la répartition des tâches alors que les personnels le demandent. La direction du site mais également de la [11] n’ont apporté aucune explication aux personnels administratifs sur la logique de la répartition des tâches. La direction distribue les tâches en fonction de critères non définis. Les administratifs se voient alors déposséder d’une partie de leur mission et voient ajouter à leur travail de nouvelles tâches étrangères à leur mission initiale.
L’incohérence de la répartition des tâches touche l’ensemble du personnel administratif. Des tâches relevant de la responsabilité pédagogique sont affectées aux personnels de médiation, secrétaires et assistants comme la modification des plannings. Des tâches de médiation éducative au conseiller commercial, aux secrétaires. La répartition des tâches est décidée par la direction. Chaque tâche est affectée à une des personnes de l’administration, parfois sans aucune relation avec sa mission initiale, créant ainsi des situations de surcharge de travail.’
Même si ce compte-rendu et ce rapport n’évoquent nominativement aucun salarié le § ‘L’assistante de direction’ fait ressortir des faits qui corroborent rétrospectivement les doléances de Mme [J] : ‘ajout de tâches impliquant un travail collaboratif nécessitant une répartition cohérente et équilibrée des tâches mais aussi une connaissance profonde des spécificités des différents métiers.’ et ce alors que, le planning des entretiens menés n’ayant été communiqué à la direction que le 29 mars 2017, celle-ci n’a pas été entendue au cours de l’enquête se trouvant en arrêt de travail suite à son accident.
L’association [11] produit d’ailleurs elle-même un courriel adressé le 25 novembre 2016 par Mme [J] à Mme [A] dans lequel elle indique ‘pour information vous trouverez ci-après la procédure connue en cas d’accident d’un apprenti au [7] (…). Cette procédure n’a pas été appliquée (ex : X), une nouvelle procédure a t’elle été mise en place ‘ Si tel est le cas pouvez-vous nous communiquer la nouvelle procédure’
qui ne fait que confirmer ses interrogations relatives à l’organisation du travail au sein du service administratif de l’association, la réponse de la directrice Mme [A] confirmant que la liste des responsables SST (Santé et Sécurité au Travail) de chaque établissement n’était pas en sa possession.
Enfin, la grève de l’automne 2016 des personnels enseignants après la décision de la direction de modifier un accord d’entreprise relatif aux congés des salariés de l’association, qui n’est citée qu’à titre d’exemple dans le rapport du CHSCT, apparaît totalement étrangère aux difficultés rencontrées et évoquées par Mme [J].
Ces éléments caractérisant une information de l’employeur antérieure à la survenance de l’accident sur les difficultés rencontrées par Mme [J] suffisent à établir la présomption de faute inexcusable déjà retenue par le tribunal dont le jugement sera en conséquence confirmé.
. Selon les articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsqu’un accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime a droit à une indemnisation complémentaire ; elle reçoit une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du livre IV de ce code.
Lorsqu’une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale.
Ce salaire annuel et cette majoration sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret.
La majoration de la rente à son maximum était donc de droit et le jugement sera encore confirmé sur ce point.
Indépendamment de la majoration de rente, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a par ailleurs déclaré ces dispositions conformes à la Constitution sous la réserve qu’elles ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
La demande de l’association [11] tendant à voir juger que les préjudices allégués ne pourront être évalués que dans le cadre d’une expertise contradictoire portant uniquement sur les souffrances endurées et le déficit fonctionnel temporaire sera donc rejetée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.
La demande de l’appelante à ce titre est donc sans objet.
Enfin par arrêt du 20 janvier 2023 n° 21-23.947 la Cour de cassation a jugé que la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et que dès lors, la victime d’une faute inexcusable de l’employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées.
La mission de l’expert sera en conséquence modifiée en ce sens qu’elle comprendra également l’évaluation du déficit fonctionnel permanent de Mme [J].
Il sera fait droit à la demande de Mme [J], déjà formulée en première instance, de se voir allouer la somme de 5 000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices résultant de la faute inexcusable de son employeur.
L’association [11] devra supporter les dépens de l’instance en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et à verser la somme de 2 000 € à Mme [J] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement.
Y ajoutant,
Dit que l’expert désigné aura également pour mission :
– de décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse :
– au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l’état antérieur et la part imputable au fait dommageable ;
– au cas où il n’y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l’avenir ;
– de chiffrer, par référence au ‘Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun’ le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation.
Condamne l’association [11] à verser à Mme [W] [V] [R] épouse [J] la somme de 5 000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices résultant de sa faute inexcusable dans la survenance de l’accident du 27 mars 201.
Rapelle que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère fera l’avance des frais d’expertise et du montant de la provision, à charge pour elle d’en récupérer le montant auprès de l’employeur.
Condamne l’association [11] aux dépens
Condamne l’association [11] à payer à Mme [W] [V] [R] épouse [J] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président