Tentative de conciliation : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00306

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Tentative de conciliation : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/00306
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ARRÊT N°

N° RG 20/00306 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QMYM

Mme [W] [U]

C/

Association [7]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Avril 2023

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 20 Décembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES

Références : 19/01847

****

APPELANTE :

Madame [W] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Bruno CARRIOU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Nicolas BEZIAU, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

Association [7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-christophe GOURET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Amandine SALMON, avocat au barreau de NANTES

INTERVENANTE :

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Mme [M] [G], en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [W] [U], salariée de l’association départementale des pupilles de l’enseignement public Atlantique Anjou (l’association) en qualité de monitrice d’équitation, a été victime d’un accident survenu le 5 avril 2012, au centre de la Ducherais, lui ayant causé un lumbago.

La caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Le 27 mai 2014, Mme [U] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Le 11 juillet 2014, la caisse a fixé son taux d’incapacité permanente à 38% dont 8% pour le taux professionnel.

Le 19 mars 2015, Mme [U] a sollicité auprès de la caisse la mise en oeuvre d’une tentative de conciliation en vue de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

En l’absence de conciliation, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Loire-Atlantique le 2 juin 2015.

Par jugement du 20 décembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes, a :

– dit que l’accident du travail dont a été victime Mme [U] le 5 avril 2012 n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur, l’association [7] ;

En conséquence,

– débouté Mme [U] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné Mme [U] aux entiers dépens de l’instance ;

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration faite par communication électronique au greffe le 16 janvier 2020, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 décembre 2019. Ce recours a été enregistré au répertoire général sous le numéro 20/00306.

Par déclaration faite par communication électronique ay greffe le 6 novembre 2020, Mme [U] a adressé une seconde déclaration d’appel. Ce recours a été enregistré au répertoire général sous le numéro 20/ 05399.

Par ordonnance du 12 octobre 2021, le magistrat chargé d’instruire l’affaire a ordonné la jonction de ces procédures sous le numéro RG 20/00306.

Par ses écritures parvenues par RPVA le 29 octobre 2020 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, Mme [U] demande à la cour, au visa des articles au visa de l’article L. 4121-2 du code du travail et les articles L. 451-1 et suivants du code de la sécurité sociale :

– de dire et juger son recours et ses demandes recevables et bien fondés ;

– d’infirmer le jugement entrepris ;

– de débouter la partie adverse de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Par conséquent,

– de dire et juger que l’accident du 5 avril 2012 est dû à la faute inexcusable de l’association ;

– de dire et juger que Mme [U] a droit à une indemnisation complémentaire en application de l’article L. 452-1 et article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

– d’ordonner une expertise afin de déterminer et évaluer les différents préjudices par elle subis, les troubles et les lésions imputables à l’accident du 2 avril 2015, l’évolution et les traitements appliqués, l’état actuel ;

L’expert devra qualifier les souffrances physiques et morales, le préjudice d’agrément, le préjudice esthétique, en spécifiant pour chacun des préjudices les éléments propres à justifier une indemnisation avant et après la consolidation, donner tous éléments relatifs à l’évaluation des troubles ressentis dans les conditions d’existence, comprenant le déficit fonctionnel temporaire, total ou partiel, et dire si l’état de Mme [U] peut ou doit encore évoluer ;

– de renvoyer à une audience ultérieure pour l’évaluation des préjudices ;

– de condamner l’association à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de provision sur l’indemnisation des préjudices qu’elle a subis ;

– de condamner l’association à verser 3 000 euros au titre des frais irrépétibles à Mme [U] ;

– de condamner l’employeur aux entiers dépens, y compris les frais d’expertise.

Par ses écritures parvenues par RPVA le 27 janvier 2021 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, l’association demande à la cour :

A titre principal,

– de constater l’absence de mise en cause de la caisse par Mme [U] dans le cadre de la déclaration d’appel ;

Par conséquent,

– de déclarer le recours et les demandes de Mme [U] irrecevables ;

A titre subsidiaire,

– de confirmer le jugement entrepris ;

Par conséquent :

– de dire et juger que l’accident du travail dont a été victime Mme [U] le 5 avril 2012 n’est pas dû à la faute inexcusable de l’association ;

– de débouter Mme [U] de l’ensemble de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

– d’ordonner avant dire droit une expertise médicale de Mme [U] et nommer un expert pour y procéder ;

– de réduire la demande de Mme [U] à une plus juste proportion ;

– de débouter Mme [U] de sa demande de versement d’une provision de 10 000 euros sur l’indemnisation des préjudices subis ;

En tout état de cause :

– de condamner Mme [U] au versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance ;

– de condamner Mme [U] à payer une somme de 2 000 euros à l’association [7] au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

– de condamner Mme [U] aux entiers dépens.

Le représentant de la caisse déclare oralement intervenir volontairement à l’instance.

Par courrier reçu au greffe le 4 mai 2022 auquel s’est référé ce dernier à l’audience, la caisse déclare s’en rapporter à justice quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et demande à la cour, en cas de reconnaissance, la condamnation de l’association à lui rembourser l’intégralité des sommes qu’elle sera amenée à verser à Mme [U] en application de l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 – Sur la recevabilité de l’appel :

L’association soulève l’irrecevabilité de l’appel au motif que la déclaration d’appel a été régularisée à l’encontre du seul employeur, la caisse n’ayant pas été mise en cause.

Mme [U] réplique que ses demandes sont dirigées contre l’association en sa qualité d’ancien employeur ; que la caisse ne peut être considérée comme une partie intervenante au litige et de ce fait comme ‘intimée’ ; qu’il appartient au greffe d’effectuer toutes démarches d’information de la partie adverse uniquement, en application des articles 934 et 936 du code de procédure civile ; que la copie du jugement a été adressée à la cour afin qu’elle puisse convoquer toutes les parties à la procédure de première instance dont la caisse qui est nécessairement dans la cause, l’appel portant sur la totalité du jugement ; que la caisse a été informée de la procédure.

Sur ce :

Aux termes de l’article L. 452-4 du code de la sécurité sociale, dans le cadre d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun.

Il est établi que l’appel initial du 16 janvier 2020 formé par Mme [U] à l’encontre du jugement du 20 décembre 2019 n’était dirigé que contre l’association.

Mme [U] a cependant régularisé une seconde déclaration d’appel le 6 novembre 2020 en mentionnant la caisse comme partie intervenante.

Force est dès lors de constater que la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel initial interjeté seulement à l’encontre de l’employeur a été régularisée avant qu’il soit statué. L’appel est par conséquent recevable (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 17-27.505).

2 – Sur la faute inexcusable :

Mme [U] fait valoir qu’elle a subi un accident le 5 avril 2012 en portant les barrières en bois du manège à chevaux gorgées d’eau ; qu’elle devait soulever ces barrières plusieurs fois par jour (16 fois) ; qu’elle se trouvait dans un état d’épuisement important dans un contexte de demande de réalisation d’heures supplémentaires et d’astreinte de nuit (sans respecter le repos hebdomadaire (sic) de 11 heures) ; que les barrières en question sont des rondins de bois d’environ 15 kg chacun ; qu’il s’agit d’un mécanisme nécessitant une manutention exposant à des risques importants, notamment à une telle fréquence ; qu’il existe d’autres mécanismes moins contraignants physiquement ; qu’elle avait alerté son employeur de sa difficulté à manier les rondins ; que l’association ne produit aucun document unique d’évaluation des risques professionnels ; qu’elle n’a pas été formée aux gestes et postures liés au port de charges lourdes ; que l’association avait donc conscience du danger auquel elle l’exposait et n’a pas pris les mesures pour l’en préserver.

L’association réplique que le poney club de la Ducherais est doté d’équipements modernes et qualitatifs ; que le centre possède un système de clôture de la carrière et du manège afin de sécuriser les chevaux et les personnes ; que conformément aux usages de la profession, il a été installé un dispositif de clôture amovible composé de deux rondins de bois de 15 kg, placé à l’entrée des aires de travail ; que ce dispositif est habituel puisqu’il est mis en place dans la plupart des centres équestres ; qu’il est conforme aux dispositions de l’article R. 4541-9 du code du travail qui autorise le port habituel de charges inférieures ou égales à 25 kg pour les femmes ; qu’elle justifie que les moniteurs d’équitation manipulent les rondins 4 fois par jour maximum ; que le centre était doté d’un agent d’élevage équin de telle sorte que le moniteur d’équitation était la plupart du temps dispensé de port de charges ; qu’aucun moniteur équestre ne l’a sollicitée en vue d’un remplacement du dispositif d’ouverture des aires de travail ; que les moniteurs sont formés, dans le cadre du brevet d’éducateur sportif, au maniement du matériel et des équipements équestres ; que la maîtrise des gestes et postures ainsi que l’utilisation du matériel équestre fait partie de sa formation initiale ; que la charge de travail de Mme [U] était normale, les heures de présence la nuit correspondant non à du travail effectif mais à des heures d’équivalence ; que seules doivent être décomptées comme du temps de travail effectif les heures durant lesquelles elle a dû effectivement intervenir, ce qui était très rare.

Sur ce :

Des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il résulte que l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.

Aux termes de l’article L. 4121-3 du code du travail, l’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des équipements de travail.

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.(2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683 ; 2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 20-23.725).

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que sa responsabilité soit engagée.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit, invoquant la faute inexcusable de l’employeur de rapporter la preuve que celui-ci n’a pas pris les mesures nécessaires pour la préserver du danger auquel elle était exposée.

Le juge n’a pas à s’interroger sur la gravité de la négligence de l’employeur et doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l’efficacité de la mesure qu’il aurait dû prendre.

En l’espèce, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que la conscience par l’association d’un risque prévisible lors de la manipulation par Mme [U] des rondins de bois de la clôture des aires de travail n’était pas établie, étant simplement relevé que :

– le système de barrières en bois pour sécuriser un manège à chevaux est usuel dans ce type de structure ;

– Mme [U] est titulaire d’un brevet d’éducateur sportif option équitation – activités équestres depuis 1995 et de ce fait, est rompue au maniement de ce type de clôture ;

– il n’est pas contesté que les barrières en bois litigieuses pèsent environ 15 kg et que ce poids se situe dans les limites admises par l’article R. 4541-9 du code du travail lequel prévoit que les femmes ne sont pas autorisées à porter des charges supérieures à 25 kg ; le fait que les barrières auraient été gorgées d’eau n’est confirmé par aucun élément de preuve ;

– l’allégation de Mme [U] selon laquelle elle aurait été amenée à manipuler l’ouverture des barrières 16 fois par jour n’est soutenue par aucune offre de preuve alors que les attestations d’employés produites par l’association ne font état que d’un maximum de 4 fois par jour ;

– l’état d’épuisement dont elle fait état au jour de l’accident n’est pas prouvé et ne saurait être déduit du seul planning de travail et de la réalisation d’heures supplémentaires sur les semaines précédentes étant souligné qu’il n’est pas soutenu qu’elles auraient été effectuées en dehors des limites légales ;

– la conscience du risque ne saurait être déduite de l’absence de document unique d’évaluation des risques dès lors que le geste à l’origine des lésions apparaît comme un geste banal qui a produit des effets délétères en raison d’un état antérieur dégénératif (pièces n°26.1 et 27 de Mme [U]) alors qu’il n’est pas établi que cet état avait été porté à la connaissance de l’employeur ; la seule attestation de Mme [S] produite par Mme [U] aux termes de laquelle celle-ci indique ‘je certifie avoir entendu une réclamation de la part de Mme [U] au directeur de la Ducherais avant son accident sur l’idée de changer le système d’ouverture des aires de travail des chevaux. J’atteste en effet que ces barrières étaient lourdes’ (sa pièce n°14) est insuffisante à démontrer que l’association avait conscience d’un risque spécifique susceptible de se réaliser lors de la manipulation des barrières par Mme [U], faute d’être précise et circonstanciée.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la faute inexcusable reprochée à l’association n’est pas caractérisée et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

3 – Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’association ses frais irrépétibles, si bien qu’elle sera déboutée de cette demande.

Les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de Mme [U] qui succombe à l’instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l’application des dispositions l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

DÉCLARE recevable l’appel formé par Mme [U] ;

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE l’association départementale des pupilles de l’enseignement public Atlantique Anjou de sa demande d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [W] [U] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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