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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
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ARRÊT DU : 14 JUIN 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 23/01011 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NEMM
Monsieur [Y] [M]
c/
S.A. SEEF
S.A.S. F.[O]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 janvier 2023 (R.G. n°F 19/01785) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 22 février 2023, et assignation du 22 février 2023,
APPELANT :
Monsieur [Y] [M]
né le 11 Mai 1979 à [Localité 5] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
assisté de Me Michèle BAUER, avocat au barreau de BORDEAUX, représenté par Me Valérie JANOUEIX de la SCP BATS – LACOSTE – JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉES :
S.A. SEEF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6] REPUBLIQUE DU CAMEROUN
S.A.S. F. [O] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
N° SIRET : 383 957 834
représentées par Me FROMENTIN substituant Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire, et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SA SEEF, société de droit camerounais, qui a son siège social à Douala au Cameroun et est dirigée par M. [K] [O], a pour activité l’exploitation, la transformation et le séchage du bois.
C’est une filiale de la SAS F. [O], société de droit français, spécialisée dans le commerce de gros de bois exotiques, présidée par M. [C] [O] et dans laquelle M. [K] [O] exerce les fonctions de directeur général.
La société F. [O] a son siège social à [Localité 3], en Gironde.
A compter de mars 2018, la société SEEF a confié une mission d’audit de sa situation logistique puis de consultant à la société Amrat Alu, gérée par M. [Y] [M].
Celui-ci a ensuite été engagé dans le cadre d’un contrat de travail à effet au 30 août 2018 en qualité de directeur logistique par la société SEEF, statut cadre.
Le contrat conclu pour une durée déterminée de 2 ans, signé à Douala, prévoyait l’application de la loi n° 92/007 du 14 août 1994 portant code du travail dans la République du Cameroun, des textes pris pour son application et de la convention collective nationale des entreprises d’exploitation de transformation des produits forestiers et activités annexes.
Il contenait une clause attributive de compétence prévoyant que les différends nés à l’occasion de l’exécution ou de la rupture de la relation contractuelle relèvent de la compétence de l’inspecteur du travail et des tribunaux prévus par les articles 131 et 132 du code du travail.
La rémunération convenue était de 2 millions de Francs CFA par mois mais M. [M] percevait également 3.450 euros par mois, versés par une société prestataire de la société SEEF pour la rémunération de ses cadres, la société Expat Management.
Il était enfin prévu la mise à disposition par l’employeur d’un logement pour M. [M] et sa famille.
Par lettre du 18 avril 2019, la société SEEF a notifié à M. [M] la rupture de son contrat en ces termes :
« Monsieur,
Vous avez été recruté par la SEEF le 30 août 2018 par un contrat de travail assorti du préavis, validé par Monsieur le Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle le 30 octobre 2018, en qualité de Directeur Logistique pour une durée déterminée de deux ans.
Pour plus d’efficacité, et pour faire face à la concurrence du marché très rude, nous avons opté de réduire certains effectifs et modifier notre organisation.
Ainsi, depuis mars 2019, le plan de développement des activités mis sur pied nous impose une restructuration de l’entreprise et nous amène à supprimer certains postes parmi lesquels le vôtre.
Nous avons cherché toutes les solutions possibles pour éviter la rupture des contrats de travail. Malheureusement, nous n’avons pas pu l’éviter à cause de la pression du marché.
En conséquence, nous sommes au regret de mettre un terme au contrat de travail qui nous lie dès notification de la présente.
Par ailleurs, si dans les deux ans qui suivent, les activités permettent de restituer ce poste, vous serez prioritairement embauché conformément à l’article 4 de l’arrêté n°021/MTPS/SG/CJ du 26 mai 1993.
Vous trouverez ci-joint votre certificat de travail.
Votre solde de tout compte est disponible à la comptabilité.
(…)”».
Le 6 septembre 2019, M. [M] a écrit à la société SEEF pour contester la rupture anticipée de son contrat, soutenant que son véritable employeur était la société F. [O], que c’est la loi française qui aurait dû s’appliquer et sollicitant une solution amiable du litige.
Par courrier du 12 septembre 2019, le conseil de M. [M] a écrit à la société F. [O] afin de proposer à nouveau un règlement amiable du litige, indiquant que cette société était le donneur d’ordres, réglait à M. [M] une partie de ses salaires, que ‘le lien de subordination ne faisait aucun doute’ et contestant la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, abusive et non conforme au droit français.
Le 23 décembre 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux de demandes dirigées contre la société SEEF et la société F. [O], soutenant que celle-ci a la qualité de co-employeur.
Par jugement rendu le 13 janvier 2023, le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour statuer sur le litige au profit des juridictions camerounaises et a débouté les sociétés F. [O] et SEEF de leurs demandes reconventionnelles.
Par déclaration du 1er février 2023, M. [M] a relevé appel de cette décision et a présenté une requête en vue d’être autorisée à assigner les sociétés SEEF et F. [O], requête à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 8 février 2023, la date d’audience étant fixée au 2 mai 2023.
Les sociétés intimées ont été assignées le 22 février 2023.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 mars 2023, M. [M] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 13 janvier 2023 en ce qu’il s’est déclaré incompétent territorialement et, statuant à nouveau, de :
– débouter les sociétés SEEF et F. [O] de leurs exceptions d’incompétence,
– déclarer les juridictions françaises compétentes pour statuer sur ce litige et plus particulièrement déclarer le conseil de prud’hommes de Bordeaux compétent,
– condamner in solidum la société F. [O] et la société SEEF au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel,
– renvoyer les parties devant le conseil des prud’hommes de Bordeaux afin qu’il soit statué au fond.
Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 mars 2023, la société F. [O] et la société SEEF demandent à la cour de’:
– in limine litis, se déclarer incompétente au profit des juridictions camerounaises,
En conséquence,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 13 janvier 2023 en ce qu’il s’est déclaré incompétent territorialement au profit des juridictions camerounaises,
Statuant à nouveau,
– condamner M. [M] à leur verser à chacune la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour voir infirmer le jugement déféré, M. [M] soutient que les juridictions françaises sont compétentes en raison de la qualité de co-employeur de la société F. [O] qui ne peut donc lui opposer la clause attributive de compétence aux juridictions du Cameroun, insérée au contrat de travail qu’il a conclu avec la société SEEF.
Au soutien de l’existence d’une situation de co-emploi, M. [M] invoque les éléments suivants :
– le paiement de sa rémunération par la société F. [O] et par une société off-shore située à l’Ile Maurice (pièce 6 constituée de ses relevés de compte des mois d’octobre, novembre et décembre 2018) ;
– des mails et échanges sur Whatsapp avec M. [K] [O] qui démontreraient que c’est la société F. [O] qui était le donneur d’ordres, que c’est M. [K] [O] qui a décidé de son embauche et des conditions de celle-ci et que celui-ci lui écrivait toujours avec une adresse électronique au nom de la société F. [O] ;
– ce ne serait que pour échapper à la loi française que cette société aurait mis en oeuvre un montage en l’engageant par un contrat de travail conclu avec la société SEEF qui présente en réalité des liens étroits avec la France ;
– M. [K] [O] exerçait son autorité hiérarchique sur M. [M] depuis la France, de [Localité 4] et ne communiquait avec lui que par mails, n’étant pas sur place en permanence ;
– M. [M] invoque à ce sujet des mails qu’il qualifie ‘d’emblématiques’ tels que :
* celui adressé le 27 septembre 2018 où M. [K] [O] lui indique qu’il faut revenir vers lui par téléphone, SMS et mails, ce qui démontre qu’il donnait ses ordres de la France et de la société française ;
* celui adressé le 28 septembre 2018 où il lui fait part de la pression ‘ici’, c’est-à-dire à [Localité 4] ;
* celui du 18 janvier 2019 adressé par M. [K] [O] à M. [X] [F], salarié de la société SEEF où il écrit : « (‘) du coup quand on me demande si l’on peut scier des grumes qualité export, je ne me pose pas la question « est-ce qu’ils ont bien servi le contrat export ‘ » mais je devrais, il faudrait que depuis [Localité 4], je pense à votre place ce genre de choses. » ;
* celui que M. [M] envoie à M. [K] [O] le 24 janvier 2019 : « Pour le bureau complémentaire pour l’usine de Bassa, j’ai bien compris vous allez faire venir de France un TC disponible chez F. [O]. Pour les remorques plateaux nécessaires pour Douala, j’ai bien compris que vous alliez vérifier si la remorque en France est toujours dispo afin de nous l’envoyer. Dans le cas contraire, SEEF va chercher 2 remorques plateaux d’occasions pour atteler sur 2 camions de Bassa pour faire les descentes du port. » ;
M. [K] [O] confirme tout cela et que c’est la société française qui est donneur d’ordres et utilise son matériel de remorquage dans le cadre de l’exploitation de la société camerounaise ;
– selon M. [M], d’autres échanges de mails, tel celui du 22 mars 2019, démontrent que M. [K] [O] n’était pas sur place puisqu’il écrivait à celui-ci en lui adressant des photos du bois embarqué ;
– en réponse à sa demande de nouvelles de son contrat expat management, M. [K] [O] ne répond pas que ce n’est pas un contrat expat mais avec la SEEF, ‘ce qui démontre qu’évidemment le véritable employeur est la société F. [O] et que cette société mère s’immisce très fortement dans les affaires de la société SEEF’ ;
– la société SEEF a toujours eu un directeur, M. [B] qui était directeur général jusqu’en juillet 2018 et auquel M. [T] [S] a succédé fin mai 2019 ; pendant l’intérim, c’était M. [D] qui ‘était chargé de remplacer quelque peu le DG’ et qui aurait donc dû être son supérieur, la seule explication étant que ‘c’est la société F. [O] qui se chargeait de tout le recrutement du personnel et s’immisçait donc dans la gestion de la filiale’, ce que démontrerait aussi une offre d’emploi de contrôleur de gestion.
Les sociétés intimées contestent l’existence d’une situation de co-emploi et soutiennent que les relations entre elles ne dépassent pas la coopération normale entre deux sociétés au sein d’un même groupe.
Elles soulignent que leurs organigrammes respectifs démontrent que M. [K] [O] est titulaire de mandats sociaux au sein des deux sociétés qui disposent de leurs propres directions financières, administratives et de production et que la société SEEF bénéficie de structures lui permettant une pleine autonomie de gestion.
Selon les sociétés intimées, le seul fait que M. [K] [O] soit à la fois directeur général de la société F. [O] et PDG de la société SEEF ne saurait suffire à caractériser une situation de co-emploi, alors que la qualité de PDG de M. [K] [O] de la société SEEF justifie que celui-ci ait un positionnement de supérieur hiérarchique de M. [M], tandis que Messieurs [B] et [S] n’étaient que directeurs généraux adjoints.
Les échanges de mails et sur Whatsapp entre M. [K] [O] et M. [M] ont trait aux missions de directeur logistique de la SEEF et concernent uniquement l’activité de celle-ci, l’utilisation de l’adresse professionnelle de la société F. [O] ne pouvant suffire à caractériser l’existence d’un lien de subordination entre cette société et M. [M].
Ces échanges démontrent d’ailleurs que la société SEEF gérait ses problématiques en interne, l’utilisation des mails résultant du fait que M. [K] [O] n’était présent au Cameroun qu’une semaine par mois.
Elles ajoutent que le fait que la société F. [O] ait ponctuellement proposé une vente de matériels à sa filiale n’est pas la démonstration d’une absence d’autonomie de celle-ci et contestent l’allégation de M. [M] quant à la gestion par la société mère du personnel de la filiale, qui procédait elle-même à ses recrutements ainsi qu’à la détermination de sa politique salariale et gérait en interne les congés de ses salariés.
Les sociétés intimées expliquent par ailleurs que le paiement du salaire effectué pour le compte de la société SEEF par la société F. [O] au cours des mois de novembre, décembre 2018 et janvier 2019 était lié à la crise monétaire que traversait l’Afrique centrale qui générait depuis plusieurs années des difficultés pour les entreprises camerounaises à disposer de devises étrangères (pièces 17 et 18).
***
Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
M. [M] fonde ses prétentions à la fois sur l’existence d’un lien de subordination et sur l’immixtion de la société F. [O] dans la gestion économique et sociale de la société SEEF.
Sur l’existence d’un lien de subordination, il ne saurait se déduire de l’utilisation par M. [K] [O] d’une adresse mail au nom de la société F. [O] que M. [M] était placé sous l’autorité de cette société : en effet, M. [K] [O] était à la fois PDG de la société SEEF et directeur général de la société F. [O].
Or, le contenu des nombreux mails (certains en double d’ailleurs ou en anglais) ainsi que des échanges téléphoniques entre M. [K] [O] et M. [M], versés aux débats par ce dernier, fait apparaître que les instructions données par M. [K] [O] sont relatives à la société SEEF dont il est le dirigeant, à l’activité ou au personnel de celle-ci : il y est notamment régulièrement question de difficultés de transports du bois et de celles relatives aux chauffeurs de la société SEEF et il n’est jamais évoqué de sujets en lien avec avec l’activité de commerce de gros de la société F. [O], si ce n’est pour déplorer les retards de livraison et d’embarquement du bois sur les navires ou des problèmes liés à la qualité du bois exporté.
Les mails échangés en juillet et août 2018 au sujet de l’engagement par la société SEEF de M. [M] en qualité de directeur logistique témoignent d’une discussion au sujet ses missions de ce dernier : M. [D], directeur financier de la société SEEF, évoque avec M. [K] [O] la suppression du poste de directeur général adjoint qu’occupait M. [B] – parti en juillet 2018, soit avant la signature du contrat de travail de M. [M] – ; M. [D] suggère à M. [K] [O] que M. [M] puisse signer les commandes lorsqu’il est absent et explique par les missions qui vont être imparties au salarié les conditions de rémunération prévues que M. [O] trouvait très élevées, conditions correspondant peu ou prou à celles qui ont été retenues dans le contrat de travail conclu par M. [M] avec la SEEF.
Le poste de M. [B] n’a été à nouveau pourvu qu’après la rupture du contrat de travail de M. [M] en mai 2019 par M. [S] mais en mars 2019, M. [K] [O] expliquait à M. [M] que ce remplaçant serait son interlocuteur quand lui-même serait indisponible ou ‘inefficace’.
Les sociétés intimées justifient que les paiements des salaires au cours du dernier trimestre de l’année 2018 ont été effectués par la société F. [O] en raison de la crise économique et monétaire affectant notamment le Cameroun, où les entreprises, comme d’autres pays d’Afrique centrale, avaient recours à des importations irrégulières de devises étrangères depuis plusieurs années (2000 à 2018). Il doit en outre être observé d’ailleurs que M. [M] attendait lui-même ces versements ainsi qu’en témoigne un échange Whatsapp à ce sujet (des 7 et 8 novembre 2018).
Par ailleurs, il ne peut qu’être relevé que le poste de directeur logistique a été créé sur les préconisations faites par M. [M] à la suite de l’audit qu’il avait réalisé au sein de la société SEEF et que le contrat de travail conclu avec celle-ci a été signé à Douala et exécuté au Cameroun où M. [M] résidait avec sa famille.
Aucune des pièces produites ne permet de retenir que M. [M] a eu une activité autre que celle de directeur logistique des activités de la société SEEF qui disposait de sites de production autour de la ville de Dimons et d’une usine de conditionnement du bois à Bassa Douala ni qu’il a exercé une quelconque mission pour le compte de la société F. [O].
L’existence d’un lien de subordination entre M. [M] et la société F. [O] ne peut donc être retenue.
S’agissant de l’immixtion prétendue de la société F. [O] dans la gestion économique et sociale de la société SEEF, les pièces versées aux débats ne permettent pas de retenir une telle situation et a fortiori son caractère permanent : au contraire, les échanges entre M. [M] et M. [K] [O], d’une part, ou avec M. [D], directeur financier, et M. [E], directeur de site, d’autre part, relatifs notamment aux licenciements et recrutements de nouveaux employés (pièces 18 de l’appelant) témoignent de l’autonomie de la filiale dans la gestion du personnel camerounais.
L’annonce d’emploi dont se prévaut M. [M] d’un poste de contrôleur de gestion, si elle fait référence à la société F. [O], vise expressément la société SEEF, ses activités ainsi que la localisation du poste au Cameroun.
Aucun élément n’est par ailleurs produit quant à une immixtion économique de la société mère dans sa filiale, la fourniture occasionnelle de matériels ne traduisant que des services rendus par la société mère qui ne présentent aucun caractère anormal.
La situation de co-emploi à ce titre ne peut pas plus être retenue.
La société F. [O] ne peut donc être considérée comme ayant la qualité d’employeur de M. [M] qui ne justifie de l’existence d’un contrat de travail qu’avec la société SEEF, société de droit camerounais, ayant son siège social au Cameroun.
S’agissant de ce contrat, l’activité salariée de M. [M] ne s’est exercée que sur le territoire de ce pays en sorte que le choix explicite de l’application de la loi camerounaise n’est pas critiquable.
Contrairement à ce que prétend l’appelant, les mentions figurant dans le contrat étaient parfaitement claires, le contrat précisant qu’il est régi par la loi n° 92/007 du 14 août 1994 portant code du travail dans la République du Cameroun, des textes pris pour son application et de la convention collective nationale des entreprises d’exploitation de transformation des produits forestiers et activités annexes, ajoutant que la résiliation relève des articles 34 et suivants du code du travail.
La thèse d’un montage destiné à éluder l’application de la loi française ou de la fraude entachant le contrat de travail, qui n’est au demeurant que très succinctement expliquée dans les écritures de l’appelant, ne peut prospérer au regard des conditions de signature et d’exécution du contrat conclu entre M. [M] et la société SEEF et du fait qu’il a été retenu ci-avant que la société F. [O] n’avait pas la qualité d’employeur.
S’agissant enfin de la clause attributive de compétence pour les litiges nés à l’occasion de l’exécution ou de la rupture du contrat, l’article 139 du code du travail du Cameroun, auquel se réfère le contrat, prévoit un préalable obligatoire de tentative de conciliation avant la saisine des tribunaux statuant en matière sociale conformément à la législation portant organisation judiciaire (article 131 du code).
L’article 132 précise que le tribunal compétent est en principe celui du lieu du travail mais qu’il demeure toutefois loisible à un travailleur qui ne réside plus au lieu où il exé-
cutait un contrat de travail, de porter tout litige né de la résiliation dudit contrat, soit devant le tribunal du lieu de travail, soit devant celui de sa résidence, à la condition que l’un et l’autre soient situés au Cameroun.
La référence à ces textes faite de manière explicite dans l’article 11 du contrat ne permet pas de retenir l’absence de clarté de cet article dont se prévaut M. [M] et ne peut donc conduire à en écarter l’application.
C’est par conséquent à juste titre que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour statuer sur le litige opposant M. [M] à la société SEEF.
M. [M], partie perdante à l’instance et en son recours, sera condamné aux dépens ainsi qu’à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elles.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur le litige opposant M. [Y] [M] à la société SEEF,
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] [M] aux dépens ainsi qu’à payer la somme de 2.000 euros à la société SEEF et celle de 2.000 euros à la société F. [O] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire