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14/04/2023
ARRÊT N°185/2023
N° RG 21/05129 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ORIY
FCC/AR
Décision déférée du 03 Décembre 2021 – Pole social du TJ de MONTAUBAN (20/00102)
[F]
S.E.L.A.R.L. [6]
C/
[K] [W]
CPAM DU TARN ET GARONNE
S.A. [11]
S.A.S.U. [8]
S.A.S. [10]
CONFIRMATION PARTIELLE
GROSSE DELIVREE LE
14 AVRIL 2023 A
Me Laurent SEYTE
Me D.HEINRICH-BERTRAND
Me Yves SALVAIRE
Me Karim CHEBBANI
SCP COURDESSE FONTAN
CPAM par LRAR
CCC DELIVREE LE
14 AVRIL 2023 par LRAR A
S.E.L.A.R.L. [6]
S.A.S.U. [8]
S.A. [11]
M. [K] [W] S.E.L.A.R.L. BENOIT ET ASSOCIES
S.A.S. [16]
CCC/LS à M.[D]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4ème chambre sociale – section 2
***
ARRÊT DU QUATORZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. [6]
prise en la personne de Me [U] [S] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [13] domiciliée en cette qualité [Adresse 2]
représentée par Me Laurent SEYTE de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Monsieur [K] [W]
Chez Madame [L] [H], [Adresse 3]
représenté par Me Delphine HEINRICH-BERTRAND de la SELARL PHILIPPE GIFFARD CONSEIL, ENTREPRISE ET PERSONNEL, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
CPAM DU TARN ET GARONNE
[Adresse 5]
partie non comparante, dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, d’être représentée à l’audience
S.A. [11]
prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]
représentée par Me Yves SALVAIRE de la SCP SCPI SALVAIRE LABADIE BOONSTOPPEL LAURENT, avocat au barreau de CASTRES
S.A.S.U. [8]
Prise en la personne de son Président, demeurant domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 14]
ayant pour avocat Me Karim CHEBBANI de la SELARL CABINET CHEBBANI, avocat au barreau de TOULOUSE et Me Caroline AUTRET du cabinet PARTHEMA AVOCAT, avocat du barreau de Nantes
partie non comparante, dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile, d’être représentée à l’audience
S.A.S. [10] devenue S.A.S. [16] ( [16])
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités en l’établissement secondaire de [Localité 7] situé [Adresse 4]
Partie non comparante ayant pour avocats la SCP COURDESSE FONTAN du barreau de Toulouse et Me Marcel PORCHER du barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Février 2023, en audience publique, devant C.BRISSET Présidente et F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– reputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [K] [W] a été embauché selon contrat de travail à durée déterminée saisonnier du 2 janvier 2018 au 31 mai 2018 par la SARL [13] à [Localité 9] en qualité de manutentionnaire.
Le 24 avril 2018, M. [W] a été victime d’un accident du travail : il a déclaré qu’alors qu’il réparait des palox à l’aide d’une cloueuse pneumatique, un clou a été projeté dans son oeil droit. Il a perdu la vue du côté droit.
Le 7 juin 2018, la CPAM de Tarn-et-Garonne a pris en charge l’accident dont a été victime M. [W] au titre de la législation professionnelle.
Par décision du 24 juin 2019, la CPAM a déclaré M. [W] consolidé au 7 juillet 2019.
Par décision du 28 juin 2019, la CPAM a refusé la prise en charge d’un syndrome dépressif, au titre de la législation professionnelle.
M. [W] a contesté la date de consolidation et l’absence de prise en charge. Une expertise a été ordonnée, confirmant la position de la CPAM, ce qui lui a été notifié le 11 septembre 2019. M. [W] a saisi la commission de recours amiable, laquelle a, le 6 décembre 2019, confirmé la position de la CPAM.
Le 5 août 2019, la CPAM a fixé le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de M. [W] à 33 % et lui a alloué une rente trimestrielle de 766,24 €.
La SARL [13] a fait l’objet de plusieurs jugements du tribunal de commerce de Montauban :
– un jugement du 15 octobre 2018 plaçant la société en redressement judiciaire ;
– un jugement du 13 novembre 2018 arrêtant un plan de cession au profit de la société [15], avec faculté de substitution au profit d’une filiale constituée, la SAS [8] ;
– un jugement du 14 novembre 2018 ordonnant la liquidation judiciaire.
Le contrat de travail de M. [W] a été ainsi transféré auprès de la SAS [8] au 14 novembre 2018.
Le 25 janvier 2019, M. [W] a saisi la CPAM aux fins de reconnaissance d’une faute inexcusable de son employeur.
La tentative de conciliation n’ayant pas abouti, le 15 avril 2021, M. [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable.
Par jugement du 3 décembre 2021, rendu en présence de la SELARL [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [13], de la compagnie d’assurance MMA Iard, assureur de la SARL [13], de la SAS [8], de la société [10], courtier en assurance de la SAS [8], et de la CPAM de Tarn et Garonne, le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban a :
– dit que le jugement est commun à la SAS [8], à la compagnie d’assurance MMA Iard, à la société [10] et à la CPAM,
– dit la société [10] et la SAS [8] sont mises hors de cause,
– dit que l’accident du travail dont M. [W] a été victime le 24 avril 2018 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la SARL [13],
– fixé au maximum la majoration de la rente accident du travail servie à M. [W],
– ordonné une expertise médicale de M. [W],
– désigné, pour y procéder, le Dr [B] [D], avec pour mission de :
* convoquer, dans le respect des textes en vigueur, M. [W],
* après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l’identité de M. [W] et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s’il s’agit d’un demandeur d’emploi, son mode de vie antérieur à son accident du travail et sa situation actuelle,
* à partir des déclarations de M. [W], au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant, le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisations et, pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins,
* recueillir les doléances de M. [W] et au besoin de ses proches, l’interroger sur les conditions d’apparition des lésions, sur l’importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,
* procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l’assentiment de M. [W], à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par lui,
* analyser, dans un exposé précis et synthétique :
– la réalité des lésions initiales,
– la réalité de l’état séquellaire,
– l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l’incidence d’un état antérieur médicalement constaté avant l’accident du travail,
– tenir compte de la date de consolidation fixée par l’organisme social,
* préciser les éléments des préjudices limitativement listés à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
– souffrances endurées temporaires et/ou définitives : décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif, les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7,
– préjudice esthétique temporaire et/ou définitif : donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif ; évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7,
– préjudice d’agrément : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir, en distinguant les préjudices temporaires et définitifs,
* préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :
– déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affectée d’une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d’hospitalisation,
– préjudice sexuel : indiquer s’il existe ou s’il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité),
* établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans cette mission,
– alloué à M. [W] la somme de 4.000 € à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,
– débouté la caisse primaire d’assurance maladie de son action récursoire à l’encontre de la SAS [8],
– dit que la caisse primaire d’assurance maladie de Tarn-et-Garonne fera l’avance des sommes allouées à M. [W] ainsi que des frais d’expertise,
– condamné la SARL [13] à payer à M. [W] la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SARL [13], la SAS [8], la société [10] et la compagnie d’assurance MMA Iard de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– réservé les dépens.
La SELARL [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [13] a relevé appel de ce jugement le 30 décembre 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Statuant sur une requête en omission de statuer déposée par la SELARL [6], par jugement rectificatif en date du 17 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban a :
– rejeté la demande en omission de statuer,
– ordonné la rectification du jugement du 3 décembre 2021,
– remplacé en page 10 du jugement la phrase « dit que la caisse primaire d’assurance maladie de Tarn et Garonne fera l’avance des sommes allouées à M. [W] ainsi que des frais d’expertise » par la phrase « dit que la réparation des préjudices, la majoration de la rente, les frais d’expertise et la provision seront versées directement à M. [W] par la CPAM qui en récupérera le montant auprès de l’employeur, la SELARL [6], ès qualités de liquidateur de la société [13], selon les modalités applicables à la procédure collective dont fait l’objet cette dernière »,
– dit que la présente décision sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement du 3 décembre 2021 et qu’elle sera notifiée comme celui-ci,
– laissé les dépens à la charge du trésor public.
La SELARL [6] ès qualités a relevé appel de ce jugement le 21 octobre 2022, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par ordonnance en date du 25 octobre 2022, la jonction des procédures a été ordonnée.
Par conclusions visées au greffe le 25 octobre 2022, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, la SELARL [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [13] demande à la cour de :
A titre liminaire :
– ordonner la jonction de la procédure enregistrée sous le numéro RG 25/05129 et de la procédure enregistrée sous le numéro RG 22/03722,
– réformer les jugements des 3 décembre 2021 et 17 mai 2022,
Et, statuant à nouveau :
– déclarer irrecevable tout recours de la CPAM contre la SELARL [6] (Me [U] [S]), en qualité de mandataire liquidateur de la SARL [13], en l’absence de déclaration de créance,
– déclarer indéterminées les circonstances de l’accident de travail du 24 avril 2018,
– écarter toute faute inexcusable, cette dernière n’étant pas caractérisée,
– débouter M. [W] de l’intégralité de ses demandes,
– en tout état de cause, condamner M. [W] au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions visées au greffe le 13 février 2023, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, MMA Iard, assureur de la SARL [13], demande à la cour de :
– réformer le jugement du 3 décembre 2021,
statuant à nouveau :
– dire et juger que la preuve de la faute inexcusable de l’employeur n’est pas rapportée,
à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où une expertise médicale serait ordonnée, limiter la mission dudit expert aux postes de préjudices indemnisables énumérés à l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale,
– débouter M. [W] de sa demande de provision,
– dire que la CPAM devrait faire l’avance des sommes allouées à M. [W] ainsi que des frais d’expertise,
– déclarer opposable à MMA Iard l’arrêt à intervenir,
– débouter M. [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [W] à verser à MMA Iard la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par conclusions visées au greffe le 24 novembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS [8] demande à la cour de : – confirmer le jugement du 3 décembre 2021,
– confirmer la mise hors de cause de la SAS [8], celle-ci n’ayant pas la qualité d’employeur de M. [W] à la date de son accident survenu le 24 avril 2018,
– confirmer le rejet de la demande d’action récursoire formée par la CPAM à l’égard de la SAS [8],
à titre reconventionnel,
– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la SAS [8] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– condamner la SELARL [6] ès qualités de liquidateur de la SARL [13] à payer à la SAS [8] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par courrier du 16 février 2023, la SAS [8] a demandé à être dispensée de comparution à l’audience, indiquant s’en tenir à ses conclusions.
Par conclusions visées au greffe le 18 octobre 2022, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, la société [16], nouvelle dénomination de la société [10], courtier en assurance de la SAS [8], demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris et prononcer la mise hors de cause de la société concluante,
– condamner Me [S] à payer à la concluante la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Me [S] en tous les dépens d’instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Courdesses et Fontan qui affirme en avoir fait la plus grande avance.
Par conclusions visées au greffe le 8 février 2023, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, M. [W] demande à la cour de :
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
* dit que le jugement est commun à la SAS [8], la compagnie d’assurance MMA Iard, la société [10] et la CPAM,
* dit que l’accident du travail dont M. [W] a été victime le 24 avril 2018 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la SARL [13],
* fixé au maximum la majoration de la rente accident du travail servie à M. [W],
* ordonné une expertise médicale de M. [W],
* alloué à M. [W] la somme de 4.000 € à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices,
* dit que la CPAM de Tarn et Garonne fera l’avance des sommes allouées à M. [W] ainsi que des frais d’expertise,
* condamné la SARL [13] à payer à M. [W] la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* débouté la SARL [13], la SAS [8], la société [10] et la compagne d’assurance MMA Iard de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau :
* débouter l’appelant de l’ensemble de ses demandes,
* condamner l’appelant sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, 2.000 € (sic) ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions visées au greffe le 8 décembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la CPAM du Tarn-et-Garonne demande à la cour de :
– donner acte à la CPAM de Tarn et Garonne qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour sur la reconnaissance de la faute inexcusable et de la majoration de rente ainsi que sur la demande d’expertise,
– donner acte à la CPAM de Tarn et Garonne qu’elle procédera à la liquidation des droits de M. [W] selon les prescriptions de la décision à intervenir,
– donner acte à la CPAM de Tarn et Garonne qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour sur les demandes relatives à l’action récursoire de la caisse.
Par mail du 16 février 2023, la CPAM a demandé à être dispensée de comparution à l’audience, indiquant s’en tenir à ses conclusions.
MOTIFS
1 – Sur l’existence de la faute inexcusable :
Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
Cette disposition est également applicable en cas de maladie professionnelle en application de l’article L 461-1.
Constitue une faute inexcusable le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
L’accident du travail a eu lieu le 24 avril 2018, alors que M. [W] était salarié de la SARL [13], le transfert du contrat de travail auprès de la SAS [8] n’ayant eu lieu qu’au 14 novembre 2018. Le jugement a ainsi mis hors de cause la SAS [8] et son courtier en assurance la société [10] devenue ensuite société [16]. En cause d’appel, aucune des parties ne forme de demande à l’encontre de la SAS [8] et de la société [16], de sorte que les mises hors de cause seront confirmées.
La SELARL [6] ès qualités de liquidateur de la SARL [13] et son assureur MMA Iard qui contestent l’existence d’une faute inexcusable soutiennent que les circonstances de l’accident du travail sont indéterminées car on ignore comment le clou a pu atteindre l’oeil de M. [W], s’il y a eu dysfonctionnement de l’outil ou mauvaise manipulation par M. [W], et aucun compte-rendu d’enquête n’est produit.
Or, la déclaration d’accident du travail effectuée le 24 avril 2018 mentionnait ‘activité de la victime : réparation palox – nature de l’accident : pointe cloueuse palox a rebondi – siège des lésions : oeil droit – nature des lésions : impact’.
Le médecin généraliste qui a fait les premières constatations a noté une plaie du globe occulaire droit avec cataracte traumatique, une plaie de la cornée avec corps étranger intraocculaire et une perte totale et irréversible de l’oeil droit.
Le compte-rendu du service d’optalmologie de l’hôpital [12] du 29 avril 2018 faisait état d’un corps étranger (une tige métallique courbée de 2 cm) dans l’oeil droit et de son ablation par opération du 26 avril 2018.
Les policiers de [Localité 9] se sont rendus sur place et ont rédigé, le 26 juin 2020, une fiche de signalement d’un accident du travail du 24 avril 2018, mentionnant que l’employé réparait des palox à l’aide d’une cloueuse pneumatique et avait reçu un éclat de bois ou de métal dans l’oeil droit.
Une main courante a aussi été établie le 26 juin 2020 mentionnant que les secours étaient intervenus pour un accident du travail du 24 avril 2018 et avaient constaté que la victime avait reçu un éclat de bois ou de métal dans l’oeil droit alors qu’elle était en train de réparer des palox avec une cloueuse pneumatique équipée de clous de 70 mm, des photographies de la victime yeux fermés, du palox, de la cloueuse, de clous et de débris de bois au sol étant jointes.
La CPAM a bien reconnu l’existence d’un accident du travail.
Ainsi, même en l’absence d’enquête de police ou de l’inspection du travail, et même en l’absence de poursuite pénale, il est établi de manière incontestable que M. [W] utilisait la cloueuse pneumatique pour réparer des palox et qu’un clou a atteint son oeil, peu important de savoir s’il y a eu dysfonctionnement de l’outil ou mauvaise manipulation par le salarié, et pourquoi le clou a rebondi sur le palox et s’est enfoncé dans l’oeil de M. [W]. Les circonstances de l’accident du travail ne sont donc pas indéterminées.
Dans ses conclusions, M. [W] indique que la cloueuse était un outil dangereux, qu’il ne bénéficiait d’aucune protection, en particulier de lunettes de protection, et que le liquidateur ne justifie pas de contrôles de conformité des machines.
Le DUERP répertoriait bien, dans le tableau des risques, ceux liés aux machines outil (blessures légères ou graves, coupures). La SARL [13] avait nécessairement conscience de la dangerosité de la cloueuse pneumatique et du risque de projection d’un clou en dehors de l’objet à clouer et en particulier sur une personne, le liquidateur ne pouvant soutenir que la société ne pouvait pas avoir conscience d’un quelconque danger du fait de l’imprévibilité de l’accident.
Or, si le liquidateur affirme que le salarié avait à sa disposition des équipements de protection individuels, il ne produit aucune pièce en justifiant ; d’ailleurs, le livret d’accueil de la SARL [13] mentionnait seulement la mise à disposition de vêtements de travail mais non de lunettes de protection. Le liquidateur ne justifie pas non plus de contrôles de conformité relatifs aux machines.
Il faut donc conclure que la SARL [13] a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail de M. [W] et confirmer le jugement du 3 décembre 2021 qui a statué en ce sens.
2 – Sur les conséquences de la faute inexcusable :
Aux termes de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban a exactement apprécié les conséquences de la faute inexcusable de la SARL [13] en ce qu’il a fixé la majoration de la rente versée par la CPAM au maximum conformément à l’article L 452-2, et a ordonné une mesure d’expertise ; la mission, conforme à l’article L 452-3, sera confirmée, sauf à y ajouter le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.
Le montant de la provision de 4.000 € a été exactement apprécié par les premiers juges.
La CPAM devra verser les sommes directement à M. [W].
S’agissant du recours subrogatoire de la CPAM à l’encontre de la SARL [13], la SELARL [6] conclut à son irrecevabilité en l’absence de déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire.
La CPAM s’en rapporte sur ce point.
Dans son jugement du 3 décembre 2021, le pôle social n’a pas, dans le dispositif, statué sur le recours subrogatoire de la CPAM à l’encontre de la SARL [13]. La SELARL [6] a alors déposé une requête en omission de statuer, et, par jugement du 17 mai 2022, le pôle social a, dans le dispositif, dit que la CPAM pouvait récupérer les sommes auprès de la SELARL [6], sans pour autant examiner la question de la déclaration de créance.
En application de l’article L 622-26 du code de commerce, faute de déclaration de créance, la créance de la CPAM est inopposable à l’encontre de la liquidation judiciaire de la SARL [13].
3 – Sur les frais et dépens :
La décision de première instance sera également confirmée en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles mis à la charge de la SARL [13] qu’elle a fixés à 1.500 € et sera complétée par la somme de 1.000 € pour les frais exposés devant la cour. La SELARL [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [13] supportera les dépens d’appel.
Devant la chambre sociale, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire ; l’avocat de la société [16] ne peut donc pas revendiquer l’application de l’article 699 du code de procédure civile et la distraction des dépens à son profit.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du 3 décembre 2021 rectifié par le jugement du 17 mai 2022, sauf en ce qu’il a dit que la CPAM récupérera, auprès de la SELARL [6] ès qualités de liquidateur de la SARL [13], le montant des sommes qu’elle aura versées à M. [K] [W] au titre de la réparation des préjudices, de la majoration de rente et de la provision, et des frais d’expertise, selon les modalités applicables à la procédure collective dont fait l’objet la SARL [13],
Statuant à nouveau sur la disposition infirmée et y ajoutant,
Déclare inopposable la créance de la CPAM de Tarn et Garonne à l’encontre de la liquidation judiciaire de la SARL [13],
Dit que l’expert désigné devra également préciser le préjudice résultant de la perte ou de diminution des possibilités de promotion professionnelle de M. [K] [W],
Condamne la SELARL [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [13] à verser à M. [K] [W] la somme complémentaire de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne la SELARL [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [13] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.