Tentative de conciliation : 13 mars 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01822

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Tentative de conciliation : 13 mars 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01822
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Arrêt n° 23/00113

13 Mars 2023

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N° RG 21/01822 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FROU

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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social

25 Juin 2021

19/00362

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

treize Mars deux mille vingt trois

APPELANT :

Monsieur [X] [N]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représenté par l’association [8], prise en la personne de Mme [T] [J], salariée de l’association munie d’un pouvoir spécial

INTIMÉS :

L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)

Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques

[Adresse 16]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ

[9]

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L’Assurance Maladie des Mines

TSA 39014

[Localité 4]

représentée par M. [S], muni d’un pouvoir général

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me BONHOMME, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Né le 25 novembre 1946, Monsieur [X] [N] a travaillé pour le compte des Houillères du bassin du Nord Pas de Calais puis des Houillères du bassin de Lorraine, devenues par la suite l’établissement public [11], de 1964 à 1996, où il a occupé les postes suivants:

– aux Houillères du bassin du Nord Pas de Calais :

19/10/1964 au 25/10/1964: apprenti au jour ;

dans les chantiers du fond

26/10/1964 au 31/03/1970: taille école et abatteur ;

01/04/1970 au 28/02/1982 : traceur et chef de boutefeu ;

01/03/1982 au 08/09/1985 : visiteur grisou et gazier ;

– aux Houillères du bassin de Lorraine :

09/09/1985 au 31/12/1986 : ouvrier d’entretien d’aérage

01/01/1987 au 31/05/1987: contrôleur mesureur d’aérage

01/06/1987 au 29/02/0988 : ouvrier d’entretien d’aérage

01/03/1988 au 30/04/1991 : contrôleur captation grisou

01/05/1991 au 30/04/1994 : chef d’équipe adjoint porion

01/05/1994 au 31/08/1996: chef d’équipe installateur taille

Par formulaire du 18 octobre 2017, il a déclaré à l’Assurance maladie des Mines(ci-après la caisse) une maladie professionnelle sous forme d’atteinte pleurale bénigne, épaississement pleural, au titre du tableau 30B, attestée par un certificat médical initial établi le 18 juillet 2017 par le Docteur [F] [A], pneumologue.

Au terme de son enquête, la caisse a admis le caractère professionnel de la maladie déclarée par décision du 27 décembre 2018.

Le 25 janvier 2019, la caisse a fixé la date de consolidation au 19 juillet 2017 et a précisé qu’il n’existe aucune séquelle indemnisable.

Monsieur [X] [N] a accepté une offre d’indemnisation du [12] en date du 30 octobre 2019, ayant pour objet d’indemniser les préjudices personnels résultant de sa maladie professionnelle du tableau 30B à la somme totale de 12 800 euros, dont :

· 11 700 euros en réparation de son préjudice moral ;

· 200 euros en réparation de son préjudice physique ;

· 900 euros en réparation de son préjudice d’agrément.

Après échec de la tentative de conciliation, Monsieur [X] [N] a, selon requête introductive d’instance expédiée par courrier recommandé le 11 mars 2019, attrait l’Agent judiciaire de l’Etat venant aux droits des [11], en présence de l’assurance maladie des mines, devant le Pôle social du tribunal de grande instance de Metz, afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle, et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent.

Le [12] est intervenu volontairement à l’instance.

Il convient de préciser que, depuis le 1er juillet 2015, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Moselle agit pour le compte de la [9] ([9]) ‘ [10].

Par jugement du 25 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz (anciennement tribunal de grande instance de Metz) a :

– déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, agissant pour le compte de la [9] ;

– déclaré Monsieur [X] [N] recevable en son action ;

– déclaré le [12], subrogé dans les droits de Monsieur [X] [N], recevable en son action ;

– reçu l’Agent Judiciaire de 1’Etat en ses intervention volontaire et reprise d’instance suite à la clôture de la liquidation des [11] venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine ;

– dit que l’exposition au risque de Monsieur [X] [N] n’est pas établie ;

– dit que la faute inexcusable de la société [11], venant aux droits des [13], prise en la personne de l’Agent Judiciaire de l’Etat, dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [X] [N] inscrite au tableau 30B, n’est pas établie ;

– rejeté l’ensemble des demandes formées par Monsieur [X] [N], le [12] et la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, agissant pour le compte de la [9] ;

– déclaré l’action récursoire de la caisseprimaire d’assurance maladie de Moselle, agissant pour le compte de la [9], sans objet ;

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par courrier remis au greffe le 13 juillet 2021, Monsieur [N] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 7 juillet 2021.

Par conclusions datées du 15 novembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, Monsieur [N] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Metz le 25 Juin 2021.

Statuant à nouveau

– juger que la maladie professionnelle du tableau 30B dont souffre Monsieur [X] [N] est due à la faute inexcusable de [11], représenté par l’Agent Judiciaire de l’Etat (AJE).

– ordonner la majoration de la rente à son taux maximal ;

– Statuer ce que de droit quant aux demandes du [12] ;

– débouter l’AJE de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

– condamner l’AJE à payer à Monsieur [X] [N] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner l’AJE aux entiers frais et dépens.

Par conclusions datées du 22 novembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le [12] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevables Monsieur [X] [N], et le [12] subrogé dans les droits de Monsieur [N], en leurs actions,

– infirmer le jugement pour le surplus, et en conséquence :

– juger que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [N] est la conséquence de la faute inexcusable de l’Agent judiciaire de l’Etat,

– juger qu’en cas d’aggravation de la pathologie 30B de Monsieur [N], la majoration de sa rente devra suivre l’évolution de son taux d’incapacité permanente,

– juger qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.

– fixer l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [N] comme suit :

Souffrances morales 11 700 €

Souffrances physiques 200 €

Préjudice d’agrément 900 €

– juger que l’Assurance Maladie des Mines devra verser cette somme de 12 800 € au [12], créancier subrogé, en application de l’article L.452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale,

– condamner l’Agent judiciaire de l’Etat à payer au [12] une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.

Par conclusions datées du 2 janvier 2023 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

– confirmer le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Metz en date du 25 juin 2021 en toutes ses dispositions;

Par conséquent et statuant à nouveau,

– juger qu’il n’est pas rapporté la preuve de l’exposition de Monsieur [N] au risque au sens du tableau n°30B des maladies professionnelles et, pour le surplus, confirmer le jugement du 25 juin 2021.

A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue

Sur les souffrances physiques et morales et le préjudice d’agrément

– débouter le [12] de ses demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [N] ainsi qu’au titre d’un préjudice d’agrément ;

– Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions les demandes du [12] au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [N].

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– déclarer infondée la demande présentée par Monsieur [N] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Par conséquent, débouter Monsieur [N] de sa demande présentée sur ce fondement ;

– Subsidiairement, réduire toute condamnation qui pourrait être prononcée à l’encontre de l’AJE de ce chef à la somme de 500 euros ;

– déclarer infondée la demande présentée par le [12] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-Par conséquent, débouter le [12], subrogé dans les droits de Monsieur [N], de sa demande présentée sur ce fondement ;

– dire n’y avoir lieu à dépens.

Par conclusions datées du 12 décembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la [10] demande à la cour de :

– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [11] (AJE) ;

Le cas échéant :

– rejeter la demande tendant à la majoration de rente ou d’indemnité en capital;

– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation des préjudices extra-patrimoniaux réclamés par le [12];

– déclarer irrecevable toute éventuelle demande d’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle;

– En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, condamner l’AJE à rembourser à la caisse les sommes qu’elle sera amenée à verser au titre des préjudices extra-patrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents en application des dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE :

SUR L’EXPOSITION PROFESSIONNELLE AU RISQUE

Monsieur [N] sollicite l’infirmation du jugement entrepris qui a estimé que l’exposition au risque n’était pas établie, les premiers juges ayant estimé que les attestations produites n’étaient pas suffisamment précises sur la qualité de collègue de travail des témoins. Monsieur [N], ainsi que le [12], estiment que les conditions légales pour présumer l’origine professionnelle de la maladie se trouvent réunies, notamment par les attestations produites qui ont été complétées à hauteur de cour.

L’AJE sollicite la confirmation du jugement entrepris. Il fait valoir que Monsieur [N] ne rapporte aucunement la preuve d’une exposition au risque et critique l’imprécision des attestations produites, notamment en ce que les témoins n’indiquent pas suffisamment les postes qu’ils ont occupés et leur lien direct de travail avec Monsieur [N]. L’AJE insiste sur le fait que les [11] avaient mis en ‘uvre des mesures efficaces de protection, permettant d’exclure une pollution généralisée à l’amiante au fond de la mine et donc toute exposition au risque amiante : systèmes de freinage métalliques sans amiante des convoyeurs blindés, enfermement des systèmes de freinage des treuils et palans avec amiante dans des capots, système d’aération’

La caisse s’en remet à la sagesse de la Cour.

********************

Aux termes de l’article L.461-1 du code de la Sécurité Sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l’employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.

Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l’inhalation de poussières d’amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [N] répond aux conditions médicales du tableau n° 30B. Seule est contestée par l’AJE l’exposition professionnelle de Monsieur [N] au risque d’inhalation de poussières d’amiante.

Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l’inhalation de poussières d’amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d’entraîner les affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante, de sorte que ce tableau n’impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu’il ait effectué des travaux l’ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d’amiante .

Il ressort du relevé de périodes et d’emplois du 11 février 2015 que Monsieur [N] a exercé sans interruption au fond de la mine entre le 26 octobre 1964 et le 31 août 1996, d’abord à [Localité 14] dans le Pas de Calais, puis à l’unité Reumaux en Moselle, et ce aux fonctions suivantes : taille école et abatteur, traceur et chef de boutefeu, visiteur grisou et gazier, ouvrier d’entretien d’aérage, contrôleur mesureur d’aérage, ouvrier d’entretien d’aérage, contrôleur captation grisou, chef d’équipe adjoint porion, chef d’équipe installateur taille (pièce n°2 de l’appelant).

Les conditions de travail dans lesquelles il a exercé à l’unité Reumaux sont relatées par ses anciens collègues de travail, en la personne de Messieurs [E] [O] et [H] [C] (pièces n°10 et 12 de l’appelant). Les relevés de carrière des deux témoins sont produits et permettent d’établir que les intéressés ont bien exercé au [Localité 15] à la période d’emploi de Monsieur [N]. (pièces n°11 et 13 de l’appelant).

Par ailleurs, en plus du relevé de carrière, il appert que chacun de ces deux témoins prend le soin de préciser ses fonctions ainsi qu’une période d’emploi aux côtés de Monsieur [N], et atteste avoir personnellement assisté aux faits décrits, si bien que le caractère probant de ces deux attestations sera retenu par la cour.

Il sera également précisé que, si les attestations produites comportent certains termes similaires entre elles, il n’y a néanmoins pas lieu de les écarter de ce seul fait. Si les témoins, ont pu, compte tenu de la similitude d’une partie de leurs écrits, reçu une aide pour rédiger de manière efficiente les faits vécus qu’ils souhaitaient rapporter, cette aide à la rédaction ne remet pas en cause l’authenticité des témoignages personnels que chaque salarié a souhaité apporter. De plus, les attestations fournies comportent des passages qui leur sont propres et qui apparaissent suffisamment circonstanciés.

Ainsi, Monsieur [O], dans une attestation datée du 12 octobre 2021,établie postérieurementau jugement entrepris précise avoir travaillé avec Monsieur [N] de 1986 à 1996 au [Localité 15] indiquant qu’ils ont été affectés aux mêmes tâches, en qualité de contrôleur mesure d’aérage, contrôleur de captation de grisou et ouvrier d’entretien aérage. Le témoin relate que les treuils, marteaux perforateurs, locomotives et autres machines pneumatiques utilisées au fond de la mine libéraient des poussières d’amiante du fait de leurs plaquettes de frein et leurs embrayages constitués d’amiante, et confirme l’exposition de Monsieur [N] à ces poussières ainsi libérées.

Monsieur [C] quant à lui précise avoir travaillé avec Monsieur [N] de 1986 à 1996, ayant été son supérieur hiérarchique, ce qui est confirmé par son relevé de carrière, le témoin ayant été porion (responsable) puis chef de quartier sur l’unité Reumaux entre le 1er avril 1978 et 30 juin 1997, soit aux périodes d’emploi de Monsieur [N]. Le témoin confirme l’exposition à l’amiante de Monsieur [N] du fait de l’utilisation de machines au fond dont les freins et embrayages étaient constituées d’amiante.

Ces descriptions exposent ainsi parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, jusqu’en 1996, date à laquelle l’utilisation de l’amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d’amiante, du fait notamment de l’usage ou du travail à proximité d’engins dont les pièces de friction des organes de frein libéraient des fibres d’amiante en fonctionnant.

Dès lors, la présomption d’imputabilité de la maladie au travail trouve à s’appliquer, et l’AJE n’apportant pas la preuve contraire que le travail n’a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint Monsieur [N] est établi à l’égard de l’établissement public [11] auquel l’AJE est substitué.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

Monsieur [N] et le [12] sollicitent l’infirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable n’était pas établie à l’encontre des [11], et soutiennent que l’employeur avait conscience du risque amiante, du fait des connaissances scientifiques de l’époque, de la réglementation applicable, de la taille, de l’organisation et des moyens considérables dont disposait l’entreprise, mais qu’il s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d’information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.

L’AJE soutient que les Houillères du bassin de Lorraine puis les [11] ne pouvaient avoir conscience du danger, en l’état des connaissances scientifiques certaines et de la réglementation en vigueur et qu’elles ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, sur le plan collectif et individuel.

L’AJE critique surtout l’insuffisance des attestations précédemment citées des collègues de Monsieur [N], notamment en ce que les témoins se montrent imprécis sur la question des mesures de protection individuelles et collectives prises ou non pour protéger les salariés. L’AJE estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent établir la suffisance des mesures prises pour protéger les salariés des risques encourus.

La caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.

********************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat.

Les articles L.4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur. Dans le cadre de son obligation générale de sécurité,l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s’apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l’avoir été par l’employeur aux périodes d’exposition au risque du salarié.

Sur la conscience du danger par les [11]

La dangerosité de l’amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l’inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.

Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l’exposition professionnelle à l’amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur [M] dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l’asbestose et le travail des ouvriers de l’amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l’empoussièrement. A partir de 1935 d’autres publications ont fait un lien entre l’exposition professionnelle à l’amiante et le cancer broncho-pulmonaire.

Les maladies engendrées par les poussières d’amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l’inhalation des poussières d’amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d’amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d’entraîner les maladies inscrites au tableau 30B est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.

Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s’agissant de la protection des travailleurs exposés à l’amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l’employeur de sa propre responsabilité.

Ainsi, dès le début des années 50, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l’usage, alors encore licite, de la fibre d’amiante.

Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d’amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Si ce décret n’était pas applicable aux mines, il ne pouvait qu’alerter à nouveau les [11] sur la nocivité de l’amiante. D’ailleurs, il résulte des pièces même produites par l’AJE que les [11] disposaient d’un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [K], entré dans l’entreprise en 1977, l’intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecine sur l’amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l’existence au sein des [11] d’un centre d’études et de recherche (le [11]) à la compétence internationale reconnue en la matière.

Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, l’employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l’époque de la période d’emploi de Monsieur [N], des risques sanitaires graves, d’ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.

Ainsi, compte tenu de ce qui vient d’être développé et compte tenu des emplois exercés par Monsieur [N] au fond des mines, il en résulte que les [11] ne pouvaient ignorer le risque encouru par l’intéressé.

Sur les mesures prises par [11]

Il résulte des attestations précitées de Messieurs [O] et [C] que Monsieur [N] a travaillé dans une atmosphère chargée de poussière sans mise à disposition de masques efficaces, et qu’ils n’ont jamais bénéficié d’informations les mettant en garde contre les poussières d’amiante.ll en résulte qu’il n’a pas reçu de son employeur les consignes nécessaires sur les précautions à prendre pour éviter le risque amiante et donc se protéger efficacement et n’a pas été formé à la sécurité préventive spécifiquement à ce risque.

Compte tenu des arguments présentés par l’AJE sur le souci affiché par les [11] de protéger la santé de ses salariés, il appert que la carence relatée par les deux témoins en terme de prévention et de protections individuelles ne se justifie pas.

Il s’agit dès lors, d’un manquement caractérisé de l’employeur à son obligation de sécurité. L’information et la formation faisaient en effet partie des mesures lui incombant de nature à prévenir le risque d’inhalation de poussières d’amiante et donc à préserver la victime des dangers en résultant en termes de maladies professionnelles.

L’AJE ne peut sans contradiction prétendre que l’établissement public [11] ne pouvait pas avoir conscience du danger lié au risque amiante avant 1996 et en même temps affirmer qu’il a pris les mesures nécessaires pour protéger Monsieur [N] contre ce risque.

De plus, l’examen des pièces générales produites par l’AJE établit que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.

Si l’AJE fait valoir que les médecins du travail de [11], notamment les docteurs [I] et [B], ont mené plusieurs exposés évoquant les maladies liées à l’utilisation de l’amiante, et s’il produit des comptes – rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d’hygiène et de sécurité, il ne justifie aucunement d’une diffusion large et accessible de ces informations à ses salariés, notamment en la personne de Monsieur [N].

Ces documents ne sont en effet pas de nature à contrecarrer les deux témoignages fournis par la victime et à démontrer qu’elle a bénéficié de protections efficaces, alors d’une part, que les poussières d’amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques, et qu’il ressort d’autre part, d’une annexe au compte rendu de la réunion du Comité de Bassin du 12 septembre 1996 qu’une action de sensibilisation de l’ensemble du personnel concernant l’amiante était seulement, à cette date, en préparation (pièce n°72 de l’AJE).

Quant aux dispositifs de prévention médicale mis en avant par l’AJE, il apparaît nécessaire de rappeler que si ces dispositifs permettaient de détecter une éventuelle pathologie et d’en éviter potentiellement l’aggravation, ils n’avaient aucunement pour vocation de prévenir l’apparition des maladies. Cette surveillance médicale ne peut ainsi être considérée comme un moyen suffisant de prévention des maladies liées à l’inhalation des poussières d’amiante, ayant seulement pour objet de constater la présence de la maladie en vue de son traitement.

En l’état de l’ensemble de ces constatations, il doit donc être retenu que les [11], qui avaient conscience du danger auquel Monsieur [N] était exposé, n’ont pas pris toutes les mesures de protection nécessaires pour l’en préserver et ont ainsi commis une faute inexcusable à son égard.

Il s’ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau 30B dont est victime Monsieur [N] doit être déclarée due à la faute inexcusable de [11] et que le jugement entrepris est donc infirmé sur ce point.

SUR LES CONSEQUENCES FINANCIERES

Sur la majoration de rente :

Aux termes de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.

En l’espèce, la caisse a notifié à Monsieur [N] la consolidation de son état de santé sans séquelles indemnisables. (pièce n°4 de la CPAM).

Par conséquent, aucune rente ou indemnité en capital n’a été attribuée à Monsieur [N].

Ainsi, il en résulte que la demande de Monsieur [N] tendant à la majoration de rente à son taux maximal est sans objet et sera donc rejetée, tout comme celle du [12] concluant au titre de l’aggravation , laquelle est, en l’état, prématurée .

Sur les préjudices personnels de Monsieur [N] :

Sur les souffrances physiques et morales

Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante fait valoir qu’il résulte de la rédaction même de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente majorés sont totalement distincts des préjudices visés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale. Il ajoute que les critères retenus par le législateur dans l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale pour fixer le taux de l’incapacité permanente, sur la base duquel la rente est calculée, témoignent également de cette distinction. Il souligne par ailleurs que l’article L.452-3 ne fait aucune référence à la notion de consolidation dans son énumération des postes de préjudices indemnisables en cas de reconnaissance de la faute inexcusable. Il précise que les souffrances physiques sont liées à la perte de capacité respiratoire.

Le [12] ajoute que la souffrance morale résulte de la connaissance d’une pathologie due à l’amiante et de l’anxiété permanente face au risque de dégradation de l’état de santé.

L’Agent judiciaire de l’Etat soutient que seules les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, c’est à dire celles endurées pendant la période antérieure à la date de consolidation, peuvent faire l’objet d’une réparation complémentaire. L’AJE souligne qu’en l’espèce, la date de consolidation coïncide avec la date du certificat médical initial et qu’il n’existe aucune séquelle indemnisable, de sorte que le [12] ne peut se prévaloir d’une période de maladie traumatique et ne peut revendiquer l’existence d’un préjudice moral ou physique non déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent.Il ajoute que le [12] ne produit aucun élément de preuve pertinent au soutien de ses prétentions.

La caisse s’en rapporte.

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Il résulte des dispositions de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’évènement qui lui est assimilé.

En l’espèce la caisse a déclaré la maladie, plaques pleurales de Monsieur [N], consolidée au 19 juillet 2017, lendemain du certificat médical initial,sans séquelles indemnisables.La caisse ne verse par conséquent pas de rente ( ou indemnité en capital) à Monsieur [N].

S’agissant des souffrances physiques alléguées,cette absence d’incidence fonctionnelle corroborée par les pièces médicales produites par le [12], à savoir le scanner thoracique initial (pièce n°10 du [12]) et un compte rendu d’exploration fonctionnelle respiratoire du 18 juillet 2017 qui ne caractérisent aucune souffrance, conduit la cour à débouter Monsieur [N] de sa demande à ce titre.

En revanche, les souffrances morales relatives à l’anxiété générée par l’annonce d’une maladie irréversible due à l’amiante et aux craintes inhérentes à son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance, indépendante de toute incidence fonctionnelle et portant sur les conséquences morales de l’affection, seront réparées par l’allocation d’une somme de 9000 euros eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de Monsieur [X] [N] ( 71 ans).

Sur le préjudice d’agrément

L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.

En l’espèce, force est de constater que le [12] ne rapporte pas la preuve de la pratique régulière par Monsieur [N] antérieurement à sa maladie professionnelle d’une activité spécifique sportive ou de loisir, quelle qu’elle soit.

La demande présentée par le [12] au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée.

C’est en définitive la somme de 9000 euros que l’assurance maladie des mines, devra verser au [12], créancier subrogé, au titre du préjudice moral subi par Monsieur [N].

SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE

Aux termes de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux actions en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites devant les Tribunaux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2013, que « quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3 du même code ».

Les articles L.452-2, alinéa 6, et D.452-1 du code de la sécurité sociale, applicables aux décisions juridictionnelles relatives aux majorations de rentes et d’indemnités en capital rendues après le 1er avril 2013, prévoient en outre que le capital représentatif des dépenses engagées par la caisse au titre de la majoration est, en cas de faute inexcusable, récupéré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L.452-3.

Dès lors, la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la [9], est fondée à exercer son action récursoire à l’encontre de l’AJE.

Par conséquent, l’AJE doit être condamné à rembourser à l’assurance maladie des mines, les sommes qu’elle sera tenue d’avancer au titre du préjudice moral de Monsieur [N].

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L’issue du litige conduit la cour à condamner l’AJE à payer au [12] et à Monsieur [N], à chacun, la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l’AJE sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris du 25 juin 2021 du Pôle social du tribunal judiciaire de Metz sauf en ce qu’il a déclaré le [12] et Monsieur [N] recevables en leurs actions, reçu l’AJE en ses intervention volontaire et reprise d’instance, et déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle intervenant pour le compte de la [9] ;

En conséquence, statuant à nouveau,

DIT que la maladie professionnelle de Monsieur [X] [N] inscrite au tableau 30B des maladies professionnelles est due à la faute inexcusable de son employeur, l’EPIC [11], auquel se substitue l’Agent judiciaire de l’État .

DEBOUTE Monsieur [N] de sa demande tendant à la majoration de rente.

REJETTE les conclusions du [12] ayant trait à l’aggravation de la pathologie.

DEBOUTE le [12] de ses demandes présentées au titre du préjudice d’agrément et des souffrances physiques subies par Monsieur [N].

FIXE l’indemnité réparant le préjudice moral subi par Monsieur [X] [N] à la somme de 9000 euros (neuf mille euros) et DIT que la [9] devra faire l’avance de cette somme au [12], créancier subrogé ;

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’Etat à rembourser à la [9] ladite somme, en application de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État à payer au [12] et à Monsieur [N] la somme de 800 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’État aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

 


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