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Arrêt n° 23/00103
13 Mars 2023
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N° RG 21/01785 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FRLX
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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social
30 Juin 2021
18/01785
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
treize Mars deux mille vingt trois
APPELANT :
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
L’Agence Nationale pour la garantie des droits des mineurs ANGDM-
Établissement public à caractère administratif
service AT/MP [Localité 8]
ayant siège social
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Cathy NOLL, avocate au barreau de MULHOUSE
substitué par Me HELLENBRAND, avocat au barreau de METZ
CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE DANS LES MINES – CANSSM
ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur
et pour adresse postale
L’Assurance Maladie des Mines
[Adresse 9]
[Localité 4]
représentée par M. [D], muni d’un pouvoir général
Monsieur [P] [Y]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS
substitué par Me MERIGOT , avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
Mme Carole PAUTREL, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 13.02.2023
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [P] [Y], né le 10 janvier 1963, a travaillé pour le compte des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL), devenues par la suite l’EPIC Charbonnages de France (CDF), de 1980 à 2009, et a occupé les postes suivants, exclusivement au fond jusqu’en 2004 puis au jour, aux unités d’exploitation de Reumaux et Merlebach :
apprenti mineur du 8 septembre 1980 au 31 mai 1981 ;
remblayeur pneumatique du 1er juin 1981 au 31 octobre 191 ;
installateur taille ou traçage et voies du 1er novembre 1981 au 31 mars 1984,du 1er mai 1985 au au 31 octobre 1985 et du 1er octobre 1987 au 30 novembre 1987 ;
boiseur de renforcement ; du 1er octobre 1982 au 30 novembre 1982 ;
préposé entretien piles taille / hydrauliques du 1er avril 1984 au 30 avril 1985 , du 1er avril 1987 au 30 septembre 1987 et du 1er décembre 1987 au 31 décembre 1991 ;
about du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1998 (Reumaux) et du 1er janvier 1999 au 30 avril 2004 (UE Merlebach).
auxiliaire administratif.
Il a ensuite bénéficié d’un congé charbonnier du 1er février 2008 au 31 janvier 2009.
Le 1er janvier 2008, l’EPIC Charbonnages de France a été dissout et mis en liquidation. Depuis cette date, les obligations d’employeur ont été reprises par l’ANGDM pour les agents encore sous contrat de travail à cette date ce qui est le cas de M. [Y].
Par déclaration établie le 16 mai 2016, M. [Y] a adressé à l’Assurance Maladie des Mines (ci-après la Caisse) une déclaration de maladie professionnelle sous forme de plaques pleurales, inscrite au tableau 30B, avec à l’appui un certificat médical initial du 2 février 2016.
Par décision du 25 novembre 2016, la Caisse a pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels la pathologie 30B (plaques pleurales) déclarée par M. [Y].
L’état de M. [Y] a été considéré comme consolidé au 2 février 2016, et la Caisse lui a reconnu le 17 janvier 2017 un taux d’incapacité permanente partielle de 5%. Une indemnité en capital de 1950,38 euros lui a été attribuée par la Caisse à ce titre à effet du 3 février 2016, lendemain de la date de consolidation.
Parallèlement, M. [Y] a accepté l’offre d’indemnisation du Fonds d’indemnisation des Victimes de l’amiante (FIVA) d’indemniser ses préjudices personnels résultant de sa maladie professionnelle du tableau 30B comme suit : 18 400 euros au titre du préjudice moral, 300 euros au titre du préjudice physique et 1 400 euros au titre du préjudice d’agrément.
Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la Caisse par lettre du 7 août 2017, M. [Y] a, par lettre recommandée expédiée le 6 novembre 2018, attrait le liquidateur de Charbonnages de France, l’ANGDM, le FIVA et l’Assurance Maladie des Mines devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle, devenu Pôle social du tribunal de grande instance de Metz le 1er janvier 2019 puis Pôle social du tribunal judiciaire de Metz le 1er janvier 2020, d’une demande visant à voir reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenue de sa maladie professionnelle, et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent.
Le FIVA est intervenu à l’instance. La Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (CPAM) est intervenue pour le compte de l’assurance maladie des mines.
Par jugement du 30 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, a :
– déclaré M. [P] [Y] et le FIVA, subrogé dans les droits de celui-ci, recevables en leur action ;
– déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM- l’Assurance Maladie des Mines ;
– dit que la maladie professionnelle de M. [P] [Y] inscrite au tableau 30B est due à la faute inexcusable de son employeur, l’ANGDM, venant aux droits de Charbonnages de France, anciennement Houillères du Bassin de Lorraine ;
– ordonné la majoration maximale de l’indemnité en capital allouée à M. [P] [Y], soit la somme de 1950,38 euros ;
– dit que cette majoration sera versée par la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM, à M. [P] [Y] ;
– dit que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente de M. [P] [Y] en cas d’aggravation de son état de santé et qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;
– débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation présentées au titre du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [P] [Y], et au titre du préjudice d’agrément ;
– condamné l’ANGDM à rembourser à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM- l’Assurance Maladie des Mines, l’ensemble des sommes, en principal et intérêts, que cet organisme sera tenu d’avancer sur le fondement des articles L 452-1 à L452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de M. [P] [Y] inscrite au tableau 30B ;
– condamné l’ANGDM à verser au FIVA la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné l’ANGDM à verser à M. [P] [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
– condamné l’ANGDM aux entiers dépens.
Par acte déposé au greffe le 8 juillet 2021, le FIVA a interjeté appel partiel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 7 juillet 2021.
Par conclusions datées du 4 juillet 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la Cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation formées au titre des préjudices personnels de M. [P] [Y] ;
Et statuant à nouveau sur ce point,
– fixer l’indemnisation des préjudices personnels de M. [P] [Y] comme suit :
. préjudice moral 18 400 euros
. souffrances physiques 300 euros
. préjudice d’agrément 1 400 euros
Total 20 100 euros
– dire que la CPAM de Moselle, pour le compte de la CANSSM-Assurance Maladie des Mines, devra verser cette somme de 20 100 euros au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;
Y ajoutant,
– condamner l’ANGDM, venant aux droits de l’EPIC Charbonnages de France, à payer au FIVA une somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Par conclusions datées du 28 novembre 2022 et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’ANGDM demande à la Cour de :
A TITRE PRINCIPAL ET D’APPEL INCIDENT :
– Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Metz en date du 30 juin 2021 en ce qu’il a jugé que la preuve de l’existence d’une faute inexcusable commise par l’exploitant minier serait rapportée ;
PAR CONSEQUENT, STATUANT A NOUVEAU :
– Débouter M. [Y], le FIVA et l’Assurance Maladie des Mines de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de l’ANGDM ;
A TITRE SUBSIDIAIRE, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue,
. Sur les souffrances morales et physiques endurées :
– Confirmer le jugement du 30 juin 2021 en ce qu’il a débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par M.[Y] ;
Par conséquent :
– Débouter le FIVA de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par M. [Y] ;
– Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions la demande du FIVA au titre des souffrances physiques et morales endurées par M. [Y] ;
. Sur le préjudice d’agrément :
– Confirmer le jugement du 30 juin 2021 en ce qu’il a débouté le FIVA de sa demande formulée au titre du préjudice d’agrément ;
Par conséquent :
– Débouter le FIVA de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice d’agrément subi par M. [Y] ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– Déclarer infondée la demande de M. [Y] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et par conséquent, l’en débouter ou tout au moins réduire toute condamnation prononcée sur ce fondement à la somme de 500 euros ;
– Déclarer infondée la demande du FIVA au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et par conséquent, le débouter purement et simplement de ce chef ;
– Dire n’y avoir lieu à dépens.
Par conclusions datées du 7 novembre 2022, et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, M. [Y] demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu le 30 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions ;
En conséquence :
– Déclarer recevable et bien fondé le recours de M. [Y] ;
– Rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées par l’ANGDM, l’Assurance Maladie des Mines et le FIVA ;
– Dire et juger que la maladie professionnelle dont est atteint M. [Y] est due à une faute inexcusable de son ancien employeur, la société Charbonnage de France, dont les obligations d’employeur sont reprises par l’ANGDM ;
– Fixer au maximum la majoration des indemnités dont bénéficie M. [Y] ;
– Dire et juger qu’en cas d’aggravation de son état de santé, la majoration maximum de la rente suivra l’évolution du taux d’IPP de la victime ;
– Dire et juger qu’en cas de décès de M. [Y] imputable à sa maladie professionnelle liée à l’amiante, le principe de la majoration maximum de la rente restera acquis au conjoint survivant ;
– Dire que l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
– Condamner l’ANGDM au paiement d’une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner l’ANGDM au paiement des dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile ;
Et y ajoutant :
– Condamner en cause d’appel l’ANGDM au paiement d’une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions datées du 24 novembre 2022, et soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la CPAM de Moselle intervenant pour le compte de la CANSSM demande à la cour de :
– donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à l’ANGDM,
Le cas échéant :
– donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par le FIVA, subrogé dans les droits de M. [Y],
– de constater que l’éventuelle majoration de rente susceptible d’être accordée en l’espèce ne pourra excéder le montant de l’indemnité en capital versée, soit 1950,38 euros,
– de prendre acte que la Caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de l’indemnité en capital suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [Y],
– de constater que la Caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de l’indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès de M. [Y] consécutivement à sa maladie professionnelle,
– de donner acte à la Caisse qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux réclamés par le FIVA, subrogé dans les droits de M. [Y].
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE,
– Sur l’exposition professionnelle au risque
L’ANGDM conteste l’exposition de M. [Y] au risque d’inhalation des poussières d’amiante durant l’exercice de ses emplois successifs au sein des Houillères du bassin de Lorraine devenu par la suite Charbonnages de France, et invoque au soutien de sa position l’attestation de non-exposition qu’elle a elle-même établie le 25 août 2016.
L’ANGDM fait valoir que le FIVA ne rapporte aucunement la preuve d’une exposition de M.[Y] au risque (inhalation de la poussière d’amiante) et critique notamment le caractère général et imprécis des trois attestations produites, notamment en ce que les témoins n’indiquent pas précisément les tâches qui permettraient de les rattacher à des postes de travail, ni n’indiquent les fonctions, les services ou les postes et les périodes qu’ils ont occupés et leur lien direct de travail avec M. [Y].
Elle insiste sur le fait que les Charbonnages de France avaient mis en ‘uvre des mesures efficaces, permettant d’exclure une pollution généralisée à l’amiante au fond de la mine et donc toute exposition au risque amiante : systèmes d’arrosages, d’abattage, de capotage des treuils, de turbo-capteurs, d’aérage, utilisation de joints non amiantés, conduisant à une baisse conséquente du taux d’empoussiérage.
L’ANGDM ajoute que des protections individuelles ont été développées, telles que la mise à disposition et le développement des équipements en matière de masques, et que des organismes concourant à la prévention médicale ont été mis en place dès 1951.
M. [Y] estime que les conditions légales pour présumer l’origine professionnelle de la maladie se trouvent réunies, notamment par les attestations produites d’anciens collègues.
Le FIVA reprend les arguments de M. [Y], et la Caisse s’en remet à la sagesse de la cour.
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Aux termes de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l’employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail.
Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l’inhalation de poussières d’amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint M. [Y] (plaques pleurales) répond aux conditions médicales du tableau n°30B. Seule est contestée par l’ANGDM l’exposition professionnelle de M. [Y] au risque d’inhalation de poussières d’amiante.
Il convient de rappeler que les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l’inhalation de poussières d’amiante, et que la liste des travaux prévue au tableau 30B des maladies professionnelles est simplement indicative des travaux susceptibles d’entraîner les affections consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante, de sorte que ce tableau n’impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu’il ait effectué des travaux l’ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d’amiante .
Il ressort du relevé de périodes et d’emplois de l’ANGDM du 13 juillet 2016 que M. [Y] a exercé au fond de la mine entre le 8 septembre 1980 et le 30 avril 2004 (avec une interruption entre le 5 juin et le 5 juillet 1982) dans les unités d’exploitation de Reumaux jusqu’au 31 décembre 1998 puis de Merlebach jusqu’au 30 avril 2004 aux fonctions suivantes : apprenti mineur ; remblayeur pneumatique ; installateur taille ou traçage et voies ; boiseur de renforcement ; préposé entretien piles taille / hydrauliques ; about.
Dans le questionnaire assuré qu’il a rempli le 11 octobre 2016 (pièce G de l’ANGDM), M.[Y] expose avoir été exposé à l’amiante lors de l’utilisation de matériel de levage, du nettoyage de ces matériaux à l’air comprimé, du nettoyage du fonds des puits au scraper, de la confection de joints klingerite pour les conduites, de l’échange de joints klingerite ou cordon amiante et du brossage des patins de frein des treuils « scraper ».
Ces conditions de travail sont précisées par cinq de ses anciens collègues de travail, en la personne de Mrs [O], [C], [W], [M] et [V] (pièces n°10 à n°14 de M.[Y]) qui indiquent :
M. [O] : « avoir travaillé au puits Nord puis au puits Reumaux avec M. [P] [Y] en tant qu’about de 1992 à 2003 au service puits. Il nous est arrivé de travailler au puits Reumaux, puits de retour d’air saturé de poussières d’amiantes. M. [P] [Y] changeait des guides, des tuyauteries (joints amiante). Il utilisait des engins de levage comme des palans (freins en amiante) qu’il fallait souffler à l’air comprimé. Il a également confectionné des joints spéciaux pour certaines tuyauteries avec des plaques d’amiante. Il lui arrivait fréquemment de réparer des tuyaux sur lesquels il restait des joints en amiante qu’il fallait ôter en les grattant et en les brossant avec une brosse métallique. Il conduisait des treuils au puits avec des garnitures de freins amiantes. »
M. [C] : « je certifie par la présente lettre avoir partagé le travail avec M. [P] [Y] durant la période des années 2000 à 2005 aux puits Reumaux ainsi qu’aux Puits Nord et aux Bure 12 Tonnes à [Localité 8]. Collègue de travail de M. [P] [Y], j’affirme qu’il a bien été en contact avec des poussières d’amiante ; ces mêmes poussières provenaient de machines diverses ; de treuils et de véhicules et de leurs systèmes de freinage ‘ frein loco-platines de freins machines d’extractions- freins sur tambours ; mais aussi d’embrayage à friction, surtout au bure.
Même si [P] n’effectuait pas de manipulations directes ce jour-là, de par sa présence dans les lieux, d’autres manipulaient les produits, donc forcément il inhalait ces poussières. »
M. [W]: « J’atteste sur mon honneur avoir travaillé avec M. [P] [Y] durant plusieurs années en tant qu’about au puits Reumaux de [Localité 8]. Nous avons effectué différents travaux tels que réparer des conduites d’aérage, d’eau et de remblayage (joints en amiante), nettoyer le fonds du puits qu’on appelle le bougnou à l’aide d’un scrapeur de type brasseur (joints en amiante), entretenir le puits, vérifier les installations, l’étanchéité (joints en klingérite). Nous nous servions de feuilles de klingérite pour faire de nouveaux joints ainsi que des cordons d’amiante bruts. Nous nous servions également quotidiennement de palans de type Victory 1 et 2 tonnes, de treuils de type samia, de marteaux-piqueurs, de marteaux perforateurs de type T11 et T12, de scrapeur de type brasseur. Tous ces matériaux contenaient des joints en amiante. Après chaque intervention, nous nous servions d’air comprimé pour nettoyer ces engins, nous respirions constamment les poussières qui s’en dégageaient ».
M. [M]: « de part mon métier d’about, j’ai travaillé au puits Reumaux et Bure Merlebach avec mes collègues dont faisaient partie [P] [Y], nous étions exposés durant notre collaboration à tous les emplois et tous les jours à l’air vicié de l’aérage sortie Puits (Reumaux) contenant les poussières de silice, de houille, de schiste et d’amiante. Les fumées des tirs à l’explosif et de gasoil (locos) passaient par le puits où nous travaillions (…). Nous avons travaillé continuellement en retour d’air sortie du puits. Les locos circulaient dans les galeries ramenant le charbon et schiste au puits empoussiérant toute notre zone de travail avec toutes les poussières inhalées. Nous intervenions souvent pour effectuer divers travaux, réparations des conduites d’airs, d’eaux, et remblayage, démontage des conduites au marteau piqueur car les boulons étaient grippés, grattage des joints (amiante), des man’uvres avec des engins comme les palans Victory, les treuils (Samia) et dans l’intérieur du puits, sans vous parler le nettoyage du bougnou (fond du puits) à l’aide d’un scrapeur (Brasseur) là où la ventilation était réduite à néant et la poussière tombait sur nous ».
M. [V] : « avoir travaillé de 1995 à 2001 avec [P] [Y] au siège UE Reumaux en tant que about. Nous utilisions des matériaux qui contenaient de l’amiante comme les treuils de type « Samia »,, des palans « Victory », les scrapeurs « Brasseur », les marteaux-piqueurs et perforateurs. Pour tous ces matériaux, il fallait les souffler à l’air comprimé pour leur bon fonctionnement, tous ces outils étaient utilisés dans le travail quotidien. Tous ces travaux se faisaient dans un espace confiné et restreint. Nous utilisions également des treuils de type D5 et D15 pour charger de nombreuses pièces lourdes dans des berlines. Lors des renforcements des parements du puits, nous utilisions de grandes tôles perforées qu’il fallait découper sur mesure avec une scie Fein ou au marteau-burineur. Pour l’installation de la tôle, nous forions un marteau-perforateur type T11-T22, nous confectionnions les boulons pour fixer cette dernière afin d’éviter toute chute de bloc de pierre dans le puits.»
Il appert que si ces témoins ne produisent pas de relevé de périodes et d’emploi, ils prennent le soin de préciser une période d’emploi aux côtés de M. [Y] (à l’exception de M. [M]) ainsi que les lieux et les fonctions qu’ils ont occupées quand ils travaillaient avec M.[Y].
En outre, ils attestent avoir personnellement assisté aux faits décrits donnent des précisions sur les travaux au cours desquels M. [Y] était en contact avec les poussières d’amiante .
Ces attestations apparaissent suffisamment précises et circonstanciées pour que leur caractère probant soit retenu par la présente cour.
Ces descriptions exposent ainsi parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué, tout au moins jusqu’en décembre 1996, date à laquelle l’utilisation de l’amiante a été interdite, une exposition de la victime aux poussières d’amiante, du fait non seulement de la manipulation de produits amiantés (joints en amiante) mais également de l’usage ou du travail à proximité d’engins dont les pièces de friction des organes de frein libéraient des fibres d’amiante en fonctionnant (treuils et palans, locomotives).
La présence d’amiante dans certains outils et engins utilisés au fond n’est en outre pas contestée par l’ANGDM et ressort de ses propres pièces générales.
Ainsi l’étude réalisée par le Dr [E] du centre d’études des poussières HBCM sur les risques éventuels de pollution par fibres d’amiante par les systèmes de freinage dans les chantiers du fond, fait état de poussières fines contenant de l’amiante déposées sur les carters de freins des chargeurs transporteurs Wagner et d’une pollution par des fibres d’amiante localisée dans le carter du système de freinage des treuils monorail, même si elle fait état d’une pollution par fibres d’amiante négligeable et minime (pièce n° 31 de l’ANGDM).
Dès lors, la présomption d’imputabilité de la maladie au travail trouve à s’appliquer, et l’ANGDM n’apportant pas la preuve contraire que le travail n’a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, le caractère professionnel de la maladie dont se trouve atteint M. [Y] est établi à l’égard de l’établissement public Charbonnage de France auquel l’ANGDM est substitué.
Sur la faute inexcusable de l’employeur
L’ANGDM expose que les Houillères du Bassin de Lorraine puis les Charbonnages de France ne pouvaient avoir conscience du danger, en l’état des connaissances scientifiques certaines et de la réglementation en vigueur et qu’ils ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, sur le plan collectif et individuel.
Elle critique l’imprécision des attestations précédemment citées des collègues de M.[Y] et estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations de M. [Y] et des témoins.
M. [Y] et le FIVA sollicitent la confirmation du jugement entrepris qui a estimé que la faute inexcusable était établie à l’encontre des Charbonnages de France, et soutiennent que l’employeur avait conscience du risque amiante, du fait des connaissances scientifiques de l’époque, de la réglementation applicable, de la taille, de l’organisation et des moyens considérables dont disposait l’entreprise, mais qu’il s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d’information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.
La Caisse s’en remet à l’appréciation de la cour.
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L’article L 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise.
Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.
Dans le cadre de son obligation générale de sécurité, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article
L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe à la victime. La faute inexcusable doit s’apprécier en fonction de la législation en vigueur et des connaissances scientifiques connues ou susceptibles de l’avoir été par l’employeur aux périodes d’exposition au risque du salarié.
Sur la conscience du danger par les HBL puis par les Charbonnages de France
La dangerosité de l’amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l’inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage.
Dans les années 1930, plusieurs publications ont également alerté sur l’exposition professionnelle à l’amiante et le développement de certaines pathologies. Ainsi, en 1930, une publication du Docteur Dhers dans la revue La médecine du travail établissait déjà un lien de causalité entre l’asbestose et le travail des ouvriers de l’amiante, et comprenait déjà des recommandations précises en direction des industriels sur les mesures à prendre afin de réduire l’empoussièrement. A partir de 1935 d’autres publications ont fait un lien entre l’exposition professionnelle à l’amiante et le cancer broncho-pulmonaire.
Les maladies engendrées par les poussières d’amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l’inhalation des poussières d’amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d’amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d’entraîner les maladies inscrites au tableau 30B est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955.
Dès lors, les éventuelles carences des pouvoirs publics s’agissant de la protection des travailleurs exposés à l’amiante ne peuvent tenir lieu de fait justificatif et exonérer l’employeur de sa propre responsabilité.
Ainsi, dès le début des années 50, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l’usage, alors encore licite, de la fibre d’amiante.
Un décret du 17 août 1977 a fixé des limites de concentration moyenne de fibres d’amiante dans les locaux de travail ainsi que les règles de protection générale ou à défaut individuelle à appliquer. Si ce décret n’était pas applicable aux mines, il ne pouvait qu’alerter à nouveau les Charbonnages de France sur la nocivité de l’amiante. D’ailleurs, il résulte des pièces même produites par l’ANGDM que les Charbonnages de France disposaient d’un service médical interne conséquent et performant dont faisait partie le docteur [Z], entré dans l’entreprise en 1977, l’intéressé ayant rédigé sa thèse de docteur en médecine sur l’amiante, ses risques et son utilisation sur les lieux de travail. Sans compter l’existence au sein des Charbonnages de France d’un centre d’études et de recherche (le CERCHAR) à la compétence internationale reconnue en la matière.
Compte tenu de sa dimension et des moyens corrélatifs dont il disposait pour exploiter les informations et les données scientifiques déjà connues à cette époque, sur les dangers liés à l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, l’employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience, à l’époque de la période d’emploi de M. [Y], des risques sanitaires graves, d’ores et déjà révélés par de nombreuses publications, auxquels se trouvaient exposés son salarié.
Ainsi, compte tenu de ce qui vient d’être développé et compte tenu des emplois exercés par M. [Y] au fond des mines, il en résulte que les HBL puis les Charbonnages de France ne pouvaient ignorer le risque encouru par l’intéressé.
C’est donc par des motifs sérieux et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont caractérisé la conscience du danger qu’avaient ou auraient dû avoir les HBL puis les Charbonnages de France, des effets nocifs de l’amiante sur la santé de M. [Y].
Sur les mesures prises par l’employeur
S’agissant des mesures de protection mises en ‘uvre, une réglementation en matière de protection contre l’empoussiérage a existé très tôt et a connu une évolution particulière à partir de 1951, date du décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l’exploitation des mines dont l’article 314 énonce : « Des mesures sont prises pour protéger les ouvriers contre les poussières dont l’inhalation est dangereuse » ; une instruction du 15 décembre 1975 relative aux mesures de prévention médicales dans les mines de houille a introduit la notion de pneumoconiose autre que la silicose et a préconisé des mesures de prévention telles que des mesures d’empoussiérage, de classement des chantiers empoussiérés, de détermination de l’aptitude des travailleurs aux différents chantiers et de leur affectation dans les chantiers empoussiérés.
Dans le questionnaire assuré rempli par M. [P] [Y] le 16 mai 2016 à la demande de la Caisse, dans le cadre de l’instruction de sa maladie professionnelle du tableau n° 30B, M. [Y] indique qu’il n’a bénéficié comme moyen de protection mis à disposition par l’employeur que d’un masque à poussière « inadapté à mes conditions de travail (chantier chaud et humide) ». Il ajoute que s’il faisait l’objet d’une visite médicale annuelle, et qu’il était au courant qu’il pouvait être exposé, en tant que mineur de fond, au risque de silicose, « à cette époque on ne parlait pas des dangers de l’amiante et de ce fait je ne savais pas que j’étais exposé à ce risque ».
Ses allégations sont démontrées et complétées par les attestations rédigées en des termes suffisamment explicites de ses collègues directs de travail (Mrs [O], [C], [W]) desquelles il ressort qu’ils ont travaillé quotidiennement dans une atmosphère chargée de poussières et qu’ils n’ont jamais été avertis des dangers que représente l’inhalation de poussières d’amiante sur leur santé et de la toxicité de celle-ci, que ce soit par leur hiérarchie ou par la médecine du travail.
Compte tenu des arguments présentés par l’ANGDM sur le souci affiché par les Charbonnages de France de protéger la santé de ses salariés, il appert que la carence relatée par M. [P] [Y] et par les trois témoins cités ci-dessus en termes de prévention et d’information des risques encourus ne se justifie pas.
L’ANGDM ne peut par ailleurs sans contradiction prétendre que l’établissement public Charbonnages de France ne pouvait pas avoir conscience du danger lié au risque amiante avant 1996 et en même temps affirmer qu’il a pris les mesures nécessaires pour protéger M. [P] [Y] contre ce risque.
De plus, l’examen des pièces générales produites par l’ANGDM établit que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.
Si l’ANGDM fait valoir que les médecins du travail de Charbonnages de France, notamment les docteurs [U] et [X], ont mené plusieurs exposés quant aux dangers des poussières nocives, et s’il produit des comptes – rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d’hygiène et de sécurité, évoquant les maladies liées à l’utilisation de l’amiante il ne justifie aucunement d’une diffusion large et accessible de ces informations à ses salariés, notamment en la personne de M. [P] [Y].
Ces documents ne sont en effet pas de nature à contrecarrer les témoignages produits par la victime et à démontrer qu’elle a été informée des dangers de l’amiante sur sa santé et a bénéficié de protections efficaces, alors d’une part, que les poussières d’amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques et qu’il ressort d’autre part, d’une annexe au compte rendu de la réunion du Comité de bassin du 12 septembre 1996 qu’une action de sensibilisation de l’ensemble du personnel concernant l’amiante était seulement, à cette date, en préparation (pièce n° 72- page 8- de l’ANGDM).
Quant aux dispositifs de prévention médicale mis en avant par l’ANGDM, il apparaît nécessaire de rappeler que si ces dispositifs permettaient de détecter une éventuelle pathologie et d’en éviter potentiellement l’aggravation, ils n’avaient aucunement pour vocation de prévenir l’apparition des maladies. En outre, il n’est pas établi que M. [P] [Y] aurait bénéficié d’une surveillance médicale spéciale amiante, notamment lors de la visite médicale annuelle dont la victime reconnaît avoir bénéficié.
En l’état de l’ensemble de ces constatations, il doit donc être retenu que les HBL puis les Charbonnages de France, qui avaient conscience du danger auquel M. [Y] était exposé, n’ont pas pris les mesures de protection individuelle et collective nécessaires pour l’en préserver et ont ainsi commis une faute inexcusable à son égard.
Il s’ensuit que la maladie professionnelle inscrite au tableau 30B dont est victime M.[Y] doit être déclarée due à la faute inexcusable des HBL devenues Charbonnages de France et que le jugement du 30 juin 2021 est donc confirmé sur ce point.
– Sur les conséquences financières de la faute inexcusable
Sur la majoration de l’indemnité en capital
Aux termes de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime a le droit à une indemnisation complémentaire.
Aux termes de l’article L 452-2, alinéas 1, 2 et 6, du code de la sécurité sociale, « dans le cas mentionné à l’article précédent [faute inexcusable de l’employeur], la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre. Lorsqu’une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité […] La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans des conditions déterminées par décret ».
Aucune discussion n’existe à hauteur de cour concernant la majoration de l’indemnité en capital allouée à M. [Y].
En l’espèce, compte tenu du taux d’incapacité qui lui a été reconnu (5%), M. [Y] s’est vu allouer une indemnité en capital, laquelle doit être majorée à son taux maximum, soit 1950,38 euros.
Cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de M. [Y] et son principe restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de M.[Y] consécutivement à sa maladie professionnelle.
Cette majoration sera versée par la Caisse directement à M. [Y], le FIVA n’ayant rien versé au titre de l’incapacité fonctionnelle.
Le jugement entrepris est, par conséquent, confirmé sur ce point.
Sur les préjudices personnels de M. [P] [Y]
Sur les souffrances physiques et morales
Le FIVA, en sa qualité de créancier subrogé, demande l’indemnisation du préjudice moral subi par M. [P] [Y] à hauteur de la somme de 18 400 euros et 300 euros au titre de ses souffrances physiques.
Il fait valoir qu’il résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’évènement qui lui est assimilé, les prejudice indemnisés par la rente étant totalement distincts.
Il évoque un préjudice moral spécifique lié à l’atteinte d’une pathologie évolutive et incurable, lequel est distinct du déficit fonctionnel permanent et souligne que M. [Y] souffre de dyspnée d’effort et subit une diminution de sa capacité vitale renforcée et de sa capacité pulmonaire.
L’ANGDM conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté la FIVA de ses demandes d’indemnisation des souffrances physiques, du préjudice moral et du préjudice d’agrément de M. [Y]. L’ANGDM fait valoir l’absence de période de maladie traumatique et le défaut de pertinence des éléments de preuve produits, soulignant que la réparation du préjudice moral spécifique d’anxiété est incluse dans l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent.
La caisse primaire d’assurance maladie de Moselle s’en remet à l’appréciation de la cour.
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ll résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’événement qui lui est assimilé.
En considération du caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul tenant compte du salaire de référence et du taux d’incapacité permanente défini à l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale, la cour de cassation juge désormais, par un revirement de jurisprudence, que la rente versée par la caisse à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et qu’en conséquence, les souffrances physiques et morales de la victime peuvent être indemnisées. (Cour de cassation, Assemblée plénière 20 janvier 2023, pourvoi n° 21-23947).
En l’espèce, la victime, en application de l’article L.434-1 du code de la sécurité sociale, s’est vue attribuer une indemnité en capital, son taux d’incapacité permanente partielle étant inférieur à 10%. Il y a lieu d’admettre, eu égard à son mode de calcul, son montant étant déterminé par un barème forfaitaire fixé par décret en fonction du taux d’incapacité permanente, que cette indemnité ne répare pas davantage les souffrances physiques et morales.
Dès lors, le FIVA, en sa qualité de créancier subrogé dans les droits de M. [Y], est recevable en sa demande d’indemnisation des souffrances physiques et morales, sous réserve qu’elles soient caractérisées.
S’agissant des souffrances physiques subies par M. [Y], les pièces médicales versées aux débats, et notamment le rapport médical d’évaluation du taux d’incapacité permanente en maladie
professionnelle (dont la dernière page n’est pas produite), confirment l’existence de plaques pleurales. Si M. [Y] se plaint de dyspnée pour des efforts importants, sans phénomène tussif ni expectoration marqués, il est constaté par médecin qui a établi le rapport un « trouble ventilatoire non en rapport (surcharge pondérale) » avec la maladie professionnelle (pièce 10 du FIVA).
L’extrait du rapport médical d’évaluation du taux d’IPP en MP montre que l’auscultation pulmonaire de M. [P] [Y] est sans particularité et que le trouble ventilatoire est sans rapport avec la maladie professionnelle de M. [Y], de sorte que la preuve de l’existence de souffrances physiques imputables à sa maladie professionnelle 30B n’est pas rapportée.
Le FIVA ne produisant aucun autre élément médical permettant de caractériser l’existence de souffrances physiques subies en lien avec sa maladie professionnelle, il est débouté de sa demande de réparation des souffrances physiques subies par M. [Y]. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
S’agissant du préjudice moral, M. [Y] était âgé de 53 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint de plaques pleurales. L’anxiété indissociablement liée au fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante dont bon nombre de ses anciens collègues sont atteints parfois de forme plus graves ou sont décédés et aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l’allocation d’une somme de 14000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de M. [Y] au moment de son diagnostic.
Sur le préjudice d’agrément
L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.
En l’espèce, force est de constater que le FIVA ne fait que mentionner que M. [Y] ne peut plus se livrer à ses activités favorites, sans préciser lesquelles, ni justifier qu’il les pratiquait de façon régulière.
Dès lors, il ne rapporte pas la preuve de la pratique régulière par M. [Y] antérieurement à sa maladie professionnelle d’une activité spécifique sportive ou de loisir, quelle qu’elle soit qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.
La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
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C’est donc en définitive une somme de 14 000 euros que la Caisse devra verser au FIVA, créancier subrogé, au titre des souffrances morales subies par M. [Y].
Aucune discussion n’existant sur l’existence d’une action récursoire de la caisse contre l’ANGDM, la disposition du jugement entrepris qui à condamné l’ANGDM à rembourser à la caisse l’ensemble des sommes qu’elle aura avancées sur le fondement des articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale, est confirmée.
– Sur les demandes accessoires
L’issue du litige conduit la cour à condamner l’ANGDM à payer au FIVA la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et à M. [P] [Y] la même somme de 800 euros. Il convient également de confirmer les frais irrépétibles de première instance.
L’ANGDM, partie succombante, sera par ailleurs condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement entrepris du 30 juin 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a débouté le Fonds d’indemnisation des Victimes de l’amiante de sa demande présentée au titre des souffrances morales subies par M. [P] [Y].
En conséquence, statuant à nouveau de ce chef,
FIXE à la somme de 14 000 euros l’indemnité réparant le préjudice moral subi par M.[P] [Y].
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, à payer au FIVA ladite somme de 14 000 euros.
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus sauf à préciser que les dépens mis à la charge de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sont ceux dont les chefs sont nés à compter du 1er janvier 2019 .
Y ajoutant ,
CONDAMNE l’ANGDM à payer au FIVA la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l’ANGDM à payer à M. [P] [Y] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l’ANGDM aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président