Tentative de conciliation : 13 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05748

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Tentative de conciliation : 13 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05748
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 74B

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JUIN 2023

N° RG 22/05748 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VNEH

AFFAIRE :

M. [M] [F]

C/

M. [S] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 mai 2017 par le tribunal d’instance de Saint-Germain en Laye

N° RG : 11-16-382

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 13/06/23

à :

Me Emmanuel MOREAU

Me Michèle DE KERCKHOVE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (3ème chambre civile) du 11 Mai 2022 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles 1ère chambre B le 9 juillet 2019

Monsieur [M] [F]

né le 17 Avril 1957 à [Localité 3] (VAUCLUSE)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Maître Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 – N° du dossier 20228970,

Représentant : Maître Emmanuelle LEFEVRE de la SELARL BLOB AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 381

Madame [R] [C] [A] épouse [F]

née le 27 Août 1959 à [Localité 5] (VAR)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Maître Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 – N° du dossier 20228970,

Représentant : Maître Emmanuelle LEFEVRE de la SELARL BLOB AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 381

****************

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

Monsieur [S] [J]

né le 23 Février 1960 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Maître Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 – N° du dossier 19732

Madame [Y] [P] épouse [J]

née le 14 Mai 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Maître Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 – N° du dossier 19732

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J], sont propriétaires d’une maison d’habitation située au [Adresse 1] au [Localité 6]. Ils ont pour voisins M. [M] [F] et Mme [R] [A], épouse [F], dont la propriété est située au [Adresse 2].

Se plaignant de ce que les branches d’un cèdre planté sur le terrain de ces derniers dépassent les limites de leur propriété et surplombent leur habitation, M. et Mme [J] les ont fait mettre en demeure de remédier à ce désordre par l’intermédiaire de leur assureur de protection juridique dès le 15 octobre 2002, puis ils ont fait dresser des procès verbaux de constat par commissaire de justice le 3 juillet 2003, le 10 avril, 10 et 27 juillet 2015.

La tentative de conciliation ordonnée à l’issue de l’audience du 19 mai 2016 s’est soldée par un échec le 19 septembre 2016.

Par actes de commissaire de justice du 4 mars 2016, M. et Mme [J] ont alors fait délivrer assignation à M et Mme [F] à comparaître devant le tribunal d’instance de Saint-Germain-en-Laye en abattage, étêtage et élagage de plusieurs arbres sur le fondement des articles 671, 672 et 673 du code civil, ainsi qu’en indemnisation de divers préjudices.

Par jugement contradictoire du 26 mai 2017, le tribunal d’instance de Saint-Germain-en-Laye a :

– débouté M. et Mme [J] de leurs demandes d’abattage du cèdre et de l’arrachage de l’if

plantés sur la propriété de M. et Mme [F],

– débouté M. et Mme [J] de leurs demandes d’élagage du magnolia, de l’érable et du cèdre plantés sur la propriété de M. et Mme [F],

– fait injonction à M. et Mme [F] de faire procéder à la coupe des branches de l’if qui dépassent de leur fonds sur celui de M. et Mme [J], dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, puis sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard et pendant une durée de 4 mois,

– condamné in solidum M. et Mme [F] à verser à M. et Mme [J] la somme totale de 4.474,25 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2016,

– jugé que les demandes de remboursement du coût du procès-verbal de constat du 6 avril 2016 et de l’étude spécifique réalisée par l’Office national des forêts relèvent des frais irrépétibles,

– débouté M. et Mme [J], M. et Mme [F] de leurs demandes respectives de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

– débouté M. et Mme [J], M. et Mme [F] de leurs demandes respectives formées en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– jugé que chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a exposés,

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 11 juillet 2017, M. et Mme [F] ont relevé appel de ce jugement

Par arrêt mixte contradictoire rendu le 9 juillet 2019 et rectifié par arrêt rendu sur requête en rectification d’erreur matérielle le 10 décembre 2019, la cour d’appel de Versailles a :

– pris acte que M et Mme [J] avaient abandonné toutes demandes relatives au magnolia,

– rejeté l’exception d’irrecevabilité des demandes de M et Mme [J], soulevée par M et Mme [F],

– confirmé le jugement en ses dispositions relatives au débouté M et Mme [J] de leur

demande tendant à l’abattage ou l’étêtage de cèdre, au montant de la condamnation de M. et Mme [F] au titre des frais de nettoyage, au débouté des demandes d’indemnisation des parties du préjudice moral qu’elles alléguaient, au débouté de la demande des époux [F] au remboursement des frais engagés, à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– infirmé le jugement sur le surplus,

Statuant à nouveau,

– débouté M et Mme [J] de leur demande de condamnation sous astreinte des époux [F] à faire procéder à l’élagage des branches de l’if qui dépasseraient éventuellement de leur fonds sur celui des époux [J],

– condamné M et Mme [F] à faire procéder chaque année à la coupe des branches de l’érable et du cèdre dépassant de leur fonds sur celui des époux [J] jusqu’à la moitié de largeur du mur mitoyen et ce, dans le mois de l’infraction constatée et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois,

– condamné M et Mme [F] à verser à M. et Mme [J] la somme de 700 euros au titre des frais de nettoyage,

Et avant dire-droit sur la dégradation du mur mitoyen,

– ordonné une mesure d’expertise,

– commis pour y procéder M. [K] [E],

avec mission de:

– examiner et décrire les désordres affectant le mur mitoyen allégués par les époux [J],

– rechercher la cause précise de ces désordres,

– donner son avis sur les travaux nécessaires à la réfection et proposer une évaluation de leur coût, à l’aide de devis qui seront présentés par les parties,

– fournir tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d’évaluer, s’il y a lieu tous les préjudices subis, en précisant notamment si les désordres sont ou non de nature à nuire à la solidité du mur.

Les époux [F] se sont pourvus en cassation.

Les époux [J] ont relevé un pourvoi incident.

Par arrêt rendu le 11 mai 2022, la troisième chambre civile de la cour de cassation a :

– rejeté le pourvoi incident,

– cassé et annulé mais seulement en ce qu’il condamnait M. et Mme [F] à faire procéder chaque année à la coupe des branches de l’érable et du cèdre dépassant de leur fonds sur celui de M. et Mme [J] et à payer à M. et Mme [J] la somme de 700 euros au titre des travaux de nettoyage, l’arrêt rendu le 9 juillet 2019, entre les parties par la cour d’appel de Versailles,

– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoyait devant la cour d’appel de Versailles autrement composée,

– condamné M. et Mme [J] aux dépens,

– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes,

– dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, l’arrêt serait transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.

Par déclaration reçue au greffe le 14 septembre 2022, M. et Mme [F] ont saisi la cour d’appel de renvoi.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 13 février 2023, ils lui demandent de :

– confirmer jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. et Mme [J] de leur demande d’élagage de l’érable et du cèdre sur le fondement de l’article 673 du code civil,

– débouter en conséquence M. et Mme [J] de leur demande à ce titre,

– débouter purement et simplement M. et Mme [J] de leur demande d’indemnisation des préjudices matériels allégués résultant de la présence des arbres, et notamment de leur demande relative aux frais de nettoyage.

Pour le surplus,

– surseoir à statuer sur la dégradation du mur mitoyen, jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ordonné.

– condamner M. et Mme [J] à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. et Mme [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 8 février 2023, M. et Mme [J] demandent à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 26 mai 2017 en ce qu’il les a déboutés de leur demande d’élagage du cèdre et de l’érable,

– confirmer le principe d’une indemnisation en leur faveur à titre de dommages et intérêts pour les travaux de nettoyage des tuiles des gouttières

– confirmer l’arrêt du 10 décembre 2019 en ce qu’il a condamné M. et Mme [F] à faire procéder à la coupe des branches de l’érable et du cèdre dépassant de leur fonds sur le leur jusqu’à la moitié de la largeur du mur mitoyen,

Statuant à nouveau,

– condamner in solidum M. et Mme [F] à élaguer les branches de l’érable et du cèdre qui dépassent sur leur propriété sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai d’un mois à compter de la signification de la décision,

Vu les nouveaux devis produits,

– condamner in solidum M. et Mme [F] à leur payer la somme de 18 310 euros au titre du nettoyage de leurs toitures,

– condamner in solidum M. et Mme [F] au paiement d’une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. et Mme [F] aux dépens d’appel qui comprendront notamment le constat d’huissier du 24 juin 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 février 2023.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la demande d’élagage du cèdre et de l’érable

Les époux [F] prient la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux [J] de leur demande d’élagage du cèdre et de l’érable sur le fondement de l’article 673 du code civil.

Ils font valoir au soutien de cette prétention que :

– les dispositions de l’article 673 du code civil ne sont pas d’ordre public et peuvent être écartées notamment lorsque l’arbre concerné par l’élagage fait l’objet d’une protection administrative ou contractuelle particulière,

– les arbres litigieux bénéficient d’une stipulation contractuelle faisant obstacle à l’application des dispositions de l’article 673 du code civil : il existe, en effet, une servitude par destination du père de famille que les époux [J] ont acceptée en achetant leur propre fonds,

– l’élagage doit être rejeté en ce qu’il est nuisible à la conservation de l’arbre,

– le cèdre litigieux fait également l’objet d’une protection administrative particulière faisant obstacle à l’application des dispositions de l’article 673 du code civil, pour avoir été inscrit par la commune du Vésinet sur la liste des ‘arbres remarquables’ protégés par L’AVAP-AIRE de mise en valeur du patrimoine, une AVAP étant un document d’urbanisme qui crée une véritable servitude,

– des élagages sont accomplis régulièrement : l’érable a été élagué en janvier 2022 ; le cèdre le 3 février 2023.

Les époux [J] de répliquer que :

– les branches du cèdre litigieux, qui est gigantesque, surplombent et étouffent la propriété [J],

– en application de l’article 673 du code civil, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres peut contraindre celui-ci à les couper,

– les dispositions des articles L.642-1 et suivants du code du patrimoine relatifs aux ‘ aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine’ ne font que soumettre les travaux d’élagage à l’autorisation du maire et du préfet mais ne les interdisent point,

– le cèdre litigieux leur cause un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, en ce que les chutes de végétaux, épines et cônes rendent nécessaires des opérations régulières d’entretien et de nettoyage, provoquent des infiltrations à l’intérieur du logement,

– les époux [F] ne peuvent se prévaloir d’une servitude, l’attestation notariale du 28 décembre 2022 confirmant l’absence de servitude par destination du père de famille,

– s’agissant de l’érable, le constat de commissaire de justice du 24 juin 2022 établit que ses branches surplombent leur terrain et la toiture de la construction située dans l’angle est du terrain,

– la Cour de cassation n’a censuré l’arrêt du 9 juillet 2019 que parce qu’il ordonnait un élagage annuel des deux arbres et il n’est pas justifié que l’élagage a été réalisé jusqu’à la moitié de la largeur du mur mitoyen.

Réponse de la cour

L’article 673 du code civil dispose que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.

Cette disposition n’est pas d’ordre public et il peut être dérogé (3Civ., 13 juine2012, n°11-18.791).

Cependant, comme en matière d’empiétement, aucune restriction ne peut être apportée au droit imprescriptible du propriétaire d’un fonds sur lequel s’étendent les branches des arbres d’un voisin d’en demander l’élagage (Cass.3ème Civ., 30 juin 2010, n° 09-16.257).

Les dispositions de l’article 673du code civil, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de priver le propriétaire des arbres de son droit de propriété, mais seulement d’en restreindre l’exercice, tendent à assurer des relations de bon voisinage par l’édiction de règles relatives aux végétaux débordant les limites de propriété, proportionnées à cet objectif d’intérêt général ( Cass. 3ème Civ., 3 mars 2015, n°14-40.051).

Cependant, le juge n’a pas le pouvoir d’ordonner, pour l’avenir, un élagage périodique en application de l’article 673 du code civil, dès lors qu’il ne peut être présumé pour l’avenir de la méconnaissance par un propriétaire de son obligation légale d’élagage (Cass. 3ème Civ., 18 janvier 2018, n°16-24.724), en raison de la prohibition par l’article 5 du code civil, des arrêts de règlements, c’est-à-dire des arrêts par lesquels une juridiction disposerait que toutes les difficultés semblables à celle qu’elle viendrait de résoudre à l’occasion d’un procès déterminé seraient dorénavant résolues de la même manière.

Si la juridiction de renvoi doit apprécier les droits des parties au jour de la demande, une parties peut invoquer de nouveaux faits ou de nouvelles preuves (Cass.com. 1er décembre 1969, n°65-10344).

Au cas d’espèce, s’agissant en premier lieu du chêne litigieux, les époux [F] produisent un courriel de la société Arbre en ciel du 13 octobre 2022, annonçant des travaux d’élagage sur le chêne litigieux le 3 février 2023 à huit heures, et une série de photographies en couleur, datées du 3 février 2023, montrant l’intervention en cours, dont il ressort qu’après réalisation des travaux d’élagage, plus aucune branche du chêne ne surplombe, jusqu’à la moitié de la largeur du mur mitoyen, la toiture du bâtiment côté rue ni du garage des époux [J].

Il n’est pas démontré que la réduction du volume de 2,5 mètres sur tout le pourtour de l’arbre et qui constitue ‘ une taille de cohabitation importante avec les voisins’ serait insuffisante pour empêcher le dépassement au-delà de la moitié de la largeur du mur mitoyen.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt du 9 juillet 2019, motif pris de ce qu’il avait présumé d’une méconnaissance par les époux [F] de leur obligation d’élagage pour l’avenir en ordonnant un élagage annuel, non sans avoir relevé au préalable, que la cour d’appel avait constaté que les branches du chêne litigieux dépassaient sur le fonds voisin.

Dès lors qu’il est constaté qu’il n’y a plus aucun dépassement sur le fonds voisin, il n’y a pas lieu d’ordonner l’élagage et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande par motifs substitués à ceux retenus par le premier juge.

S’agissant, en revanche, de l’érable litigieux, s’il est justifié par les époux [F], que l’arbre a été élagué au mois de janvier 2022, les époux [J] produisent un constat de commissaire de justice, dressé le 24 juin 2022, soit postérieurement à l’élagage, dont il ressort que ‘ sur le terrain voisin situé au [Adresse 2], est également planté, à proximité immédiate de la clôture située dans un axe Nord-Sud entre les deux terrains, un érable. Les branches de cet érable surplombent le terrain situé au [Adresse 1] sur environ un mètre de longueur. Elles surplombent également la toiture de la construction située dans l’angle Est du terrain… Les branches de l’érable surplombent le terrain, la cour et la toiture du bâtiment situé en fond de parcelle’.

Par suite, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’élagage et les époux [F] condamnés in solidum à faire procéder à l’élagage demandé dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt. Passé ce délai et à défaut d’exécution, ils seront condamnés à payer aux époux [J] une astreinte de 100 euros par jour de retard.

II) Sur la demande en paiement des frais de nettoyage

Les époux [F] concluent à l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il les a condamnés à payer aux époux [J] une somme de 4 474, 25 euros en réparation de leur préjudice matériel et au débouté des époux [J] de leur demande d’indemnisation.

Ils exposent à la cour que :

– la perte des aiguilles est sporadique, s’étale sur toute l’année, est peu perceptible dans l’environnement immédiat et ne constitue pas un trouble anormal du voisinage,

– les déchets végétaux peuvent être éliminés par un banal nettoyage relevant de l’obligation d’entretien incombant à tout propriétaire d’un fonds,

– le fait que les époux [J] n’aient fait déboucher les gouttières de leur toit qu’une seule fois en 25 ans, démontre qu’ils ne subissent aucun trouble anormal du voisinage,

– les époux [J] ne produisent que de simples devis, qui ne prouvent pas qu’ils ont exposé des frais de nettoyage,

– les servitudes de bon père de famille et de L’AVAP contraignent les propriétaires des deux fonds à assumer les contraintes occasionnées par la présence des arbres protégées,

– la maison des époux [J] est orientée au Nord et leurs fenêtres situées sous un auvent de sorte que la présence du cèdre n’est pas de nature à aggraver un défaut préexistant et la toiture de leur maison reste ensoleillée,

– les époux [J] n’entretiennent pas leur bien,

– l’unique facture de nettoyage remonte à 2015 et s’élève à 700 euros toutes taxes comprises et les précédents devis, produits en première instance, s’élevaient à 4 000 euros ; le devis de M. [N], ‘spécialiste de tout ce qui peut se vendre’, et qui se monte à 18 310 euros, n’est pas sérieux.

Les époux [J] de rétorquer que :

– les déchets ne peuvent être éliminés par un simple nettoyage, et cette élimination nécessite la pose d’un échafaudage et le démontage des tuiles recouvrant la toiture de l’habitation et du garage,

– pour les deux bâtiments le devis s’élève à la somme de 18 310 euros, et les devis produits sont corroborés par l’avis exprimé par l’expert de la société Matmut.

Réponse de la cour

La plantation d’un arbre, même dans le respect des distances légales, peut générer un trouble anormal de voisinage, par la chute ou l’infiltration de déchets végétaux et les dispositions de l’article 673 du code civil permettent d’engager la responsabilité du propriétaire de l’arbre dont les branches avancent sur le fonds voisins, pour les dommages causés par cet empiétement.

Il s’agit d’une responsabilité objective, donc sans faute.

Il appartient alors au voisin qui se plaint de démontrer en quoi la présence de l’arbre “est une source d’inconvénients dépassant la mesure de ce que la coutume oblige à supporter entre voisins”.

Si donc la présence du cèdre litigieux n’est pas constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil, elle oblige ses propriétaires à réparer le dommage causé à leurs voisins, sans que l’existence d’une servitude par destination du père de famille ou le fait qu’il s’agisse d’un arbre protégé puisse faire obstacle à cette indemnisation, comme le soutiennent à tort les époux [F].

Les époux [J] produisent au soutien de leur demande d’indemnisation :

– un procès-verbal de constat du 24 juin 2022, dont il ressort que ‘ sur la toiture de la maison (des époux [J]) il existe de très nombreux déchets et résidus végétaux de type épines de résineux et fruits de résineux… Sous la partie actuellement bâchée de la toiture, il existe également, sur la quasi totalité de la toiture, des déchets et résidus végétaux de type épines de résineux et fruits de résineux… Les résidus végétaux d’épines de résineux et de fruits de résineux sont fortement accumulés dans les interstices des tuiles mécaniques et à la périphérie des fenêtres de toit… Sur les vitrages des fenêtres de toit, il existe un important dépôt collant ne partant pas avec un simple nettoyage et nécessitant d’être fortement frotté pour être retiré… Sur la couverture du bâtiment situé en fond de parcelle côté Est, il existe de nombreux déchets et résidus végétaux de type épines de résineux et fruits de résineux…La gouttière est pleine de ces résidus végétaux.. Il existe, à la périphérie des fenêtres de toit, de nombreux résidus végétaux…. La partie de la couverture qui ne se trouve pas surplombée par les branches du cèdre est propre et exempte de résidus végétaux’,

– deux devis établis par un artisan, M. [N], pour le bâtiment principal et le bâtiment annexe, s’élevant respectivement à 6 480 euros et 11 830 euros,

– un rapport de visite de M. [N] qui note ‘ j’ai constaté que le cèdre déborde sur la toiture de M. et Mme [J] et qu’il s’y dépose une quantité impressionnante de déchets végétaux qui remplissent la gouttière, ainsi que les rangées de tuiles, ce qui empêche l’évacuation normale des eaux de pluie. Après avoir déposé quelques tuiles, j’ai constaté qu’elles présentent des coulants obstrués par les aiguilles du cèdre et que cela occasionne un débordement sur l’avant du toit lors de fortes pluies. Du fait que les branches du cèdre surplombent la toiture, le pourtour des velux est recouvert d’un amas de végétaux qui se colmate, ce qui nuit à l’étanchéité des velux et provoque une dégradation prématurée…. Mon devis porte sur le nettoyage de la toiture par dépose de tuiles… J’ai constaté le même phénomène sur la toiture du garage’,

– un rapport de la société d’assurance Matmut qui relève ‘ la présence de déchets végétaux, constitués d’épines, d’aiguilles et de pomme de pins, générés et projetés par les branches du cèdre de M. [F], propriétaire occupant de la maison voisine, obstrue le dispositif d’évacuation des eaux pluviales (gouttières et chénaux) de la maison de M. [J]. Ces déchets végétaux en abondance et l’humidité qui en découle, mettent en péril les toitures et les velux de ce dernier. Il est à souligner que M. [F] refuse d’élaguer son arbre et ne se conforme pas à la loi (article 673 du code civil) empêchant la suppression de l’origine des dommages subis par M. [J] et participant, de ce fait, à leur aggravation’,

– deux attestations délivrées par les filles de M. [J], [B] et [X], qui témoignent en substance que leur père monte plusieurs fois par an sur le toit pour le débarrasser de tout ce que rejette le cèdre du voisin et vider les gouttières qui se bouchent constamment et que chaque week-end, elles sont contraintes de balayer la cour, qu’enfin, lorsqu’il pleut, les épines mouillées et le cônes deviennent spongieux et rendent le sol extrêmement glissant,

– un rapport d’expertise de M. [T] réalisé en 2018, qui indique notamment que la présence du cèdre génére en raison de l’inclinaison du tronc et de l’envergure de la ramure une pluie permanente de débris végétaux.

Les époux [F] produisent un rapport de l’Office national des forêts qui conclut que ‘ les gênes engendrés par la production de déchets végétaux du cèdre restent relatives. La perte des aiguilles les plus anciennes reste très infime et sporadique, étalée sur toute l’année. La manifestation est peu perceptible dans l’environnement immédiat. Les troubles les plus importants sont engendrés par la chute de fleurs mâles, quelques semaines à l’automne. Les nuisances se produisent donc sur une très courte période, définie de l’année. Elle ne constitue donc pas un trouble anormal du voisinage’.

Il résulte de l’ensemble de ces pièces que les époux [J] démontrent que c’est bien le surplomb de la ramure du cèdre sur les toits de leur logement et de leur garage, qui explique l’accumulation de déchets végétaux de toutes sortes sur leurs toits et les infiltrations de ces déchets entre les tuiles, sur le pourtour des fenêtres de toit et dans les gouttières. Il est également démontré que ces déchets ne peuvent être éliminés par un simple balayage et que le trouble subi, contrairement à ce que soutient le rapport de l’ONF, excède, de par son intensité et son caractère répétitif, les inconvénients normaux du voisinage.

Par suite, le dommage consécutif à cette accumulation et à ces infiltrations, qui ne peut être imputé à un défaut d’entretien, doit être réparé.

La seule circonstance que les époux [J] ne justifient pas par la production d’un simple devis et non d’une facture acquittée, de la réalité des dépenses de nettoyage à engager ne fait pas obstacle à l’indemnisation de leur préjudice dès lors qu’il est, comme en l’espèce, suffisamment certain et établi.

Enfin, le fait que les devis produits devant le premier juge soient d’un montant inférieur et que les compétences de M. [N] ne se limitent pas aux travaux de couverture ne suffit pas à démontrer que les devis produits par cet artisan, qui justifie d’une assurance professionnelle pour ce type de travaux, seraient dépourvus de tout caractère de sérieux.

Néanmoins il convient de prendre en considération, pour fixer le montant de l’indemnisation, le fait que les époux [J], qui ont acquis leur propriété en 1996, alors que le cèdre litigieux a été planté dans les années cinquante, aurait dû prévoir que la présence de cet arbre majestueux connu pour sa croissance rapide et qui embellit leur environnement, même étayé, est susceptible d’entraîner la présence d’aiguilles et de déchets végétaux sur leurs toitures et dans leur jardin.

Ils ne peuvent donc faire supporter à leurs voisins toutes les conséquences qu’ils invoquent du fait de la présence de l’arbre litigieux, même si le fait que les propriétés des époux [J] et [F] soient issues de la division d’une plus grande propriété et que le cèdre litigieux soit un arbre protégé ne puisse faire obstacle au principe de l’indemnisation du trouble anormal subi et démontré.

Il résulte de ce qui précède que le dommage matériel des époux [J] sera intégralement réparé par la condamnation in solidum des époux [F] à leur payer la somme de 12 000 euros.

III) Sur la demande de sursis à statuer sur la dégradation du mur mitoyen jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ordonnée

Il n’y a pas lieu d’accueillir cette demande des époux [F], dès lors que la décision attaquée n’ayant été que partiellement cassée, le juge de renvoi ne statue en droit et en fait que sur les chefs de cette décision qui ont été censurés et ne peut, en application des dispositions de l’article 638 du code de procédure civile, statuer sur les chefs de la décision attaquée qui n’ont pas donné lieu à cassation, sauf s’ils sont indissociables de ceux censurés (Cass. 2ème civ. 3 décembre 1997, n°96-12.049).

Au cas d’espèce, la mesure d’instruction ordonnée par l’arrêt mixte du 9 juillet 2019 n’a pas été censurée par la Cour de cassation et elle n’est pas indissociable des dispositions de l’arrêt querellé qui ont donné lieu à cassation.

IV) Sur les demandes accessoires

En application de l’article 639 du code de procédure civile, la cour d’appel de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée ainsi que sur l’indemnité de procédure dont le sort est assimilé aux dépens.

Au cas d’espèce, cependant, la mesure d’expertise ordonnée est toujours en cours, c’est pourquoi les dépens seront réservés jusqu’à ce que la cour ait vidé sa saisine en statuant sur la dégradation du mur mitoyen.

Pareillement, aucune considération d’équité ne justifie à ce stade de la procédure l’octroi d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J], de leur demande d’élagage du cèdre planté sur la propriété de M. [I] [F] et de Mme [R] [A], épouse [F] ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J], de leur demande d’élagage de l’érable planté sur la propriété de M. [I] [F] et de Mme [R] [A], épouse [F], et en ce qu’il a limité l’indemnisatio accordée à M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J], en réparation de leur préjudice matériel à la somme de 4 474,25 euros ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

Condamne in solidum M. [I] [F] et Mme [R] [A], épouse [F], à faire élaguer les branches de l’érable qui dépassent sur la propriété de M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J], dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Dit que, passé ce délai et à défaut d’exécution, M. [I] [F] et Mme [R] [A], épouse [F], devront payer à M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J], une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Condamne in solidum M. [I] [F] et Mme [R] [A], épouse [F], à payer M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J] une somme de 12 000 euros en réparation de leur préjudice matériel ;

Déboute M. [I] [F] et Mme [R] [A], épouse [F], de leurs demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, déboute M. [I] [F] et Mme [R] [A], épouse [F], d’une part, M. [S] [J] et Mme [Y] [P], épouse [J], d’autre part, de leurs demandes en paiement ;

Réserve les dépens.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

 


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