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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 JUIN 2023
N° RG 21/04453 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIBX
S.A.R.L. ALADAR
c/
Monsieur [D] [L]
S.A.S. ESTRELAND
Nature de la décision : APPEL IRRECEVABLE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : décision rendu le 30 juin 2021 (R.G. ) par le Tribunal arbitral d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 29 juillet 2021
APPELANTE :
S.A.R.L. ALADAR, représentée par Monsieur [Y] [O], domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Maître Julien GUILLARD de la SELARL BONNEAU-CASTEL-PORTIER-GUILLARD, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉS :
Monsieur [D] [L], né le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 1], de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
S.A.S. ESTRELAND, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 6]
représentés par Maître Hélène FEVRIER, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE:
Par acte sous seing privé en date du 15 janvier 2016, la société Riverland Queen (devenue ensuite société Estreland) et M. [D] [L] ont cédé à la société Aladar ayant pour gérant M. [Y] [O], la totalité des 11 375 titres qu’ils détenaient dans le capital de la SAS Boyauderie [L], ayant son siège social à [Adresse 4] (Charente), pour un prix de base de 2 600 000 euros, ajustable en fonction du montant des capitaux propres devant figurer dans le bilan de cession à arrêter au 31 décembre 2015, avec en outre un complément de prix variable, d’un montant maximum de 1 400 000 euros, en fonction des résultats futurs de la société constatés dans les 48 mois suivant la cession.
Par acte sous seing privé en date du 3 juin 2016, le prix de base a été arrêté à la somme de 2’411’321 euros en considération de la situation des capitaux propres figurant sur le bilan de cession arrêté au 31 décembre 2015 (soit 2’436’321 euros comparés à la situation nette de référence fixée à 2’625’000 euros).
Par avenant en date du 20 décembre 2016, les parties ont révisé les conditions relatives à la fixation du prix définitif de cession en convertissant le complément de prix éventuel en un complément de prix forfaitaire et définitif de 700’000 euros, sous diverses conditions suspensives, et notamment celle de la vente d’un immeuble par M. [L] à la SCI Marineleo, filiale de la société Aladar.
Le complément de prix convenu, soit 700’000 euros, devait donc être payé selon les modalités suivantes :
-à hauteur de 450’000 le jour par compensation avec le paiement du prix de vente de l’immeuble situé à [Adresse 5] à la SCI Marineleo,
– une échéance de 125’000 euros (ensuite réduite 122’000 euros) devant intervenir au plus tard le 31 janvier 2018,
– une dernière échéance de 125’000 euros devant intervenir au plus tard le 31 janvier 2019.
Au titre de ces deux échéances, la société Aladar a payé seulement une somme totale de 90’000 euros, en deux versements intervenus le 12 juillet 2018 et le 19 juillet 2018, mais ne s’est pas acquittée du solde en dépit de plusieurs relances.
Après échec d’une tentative de conciliation, les parties mis en ‘uvre la clause d’arbitrage.
Par sentence en date du 30 juin 2021, rendue en dernier ressort, le tribunal arbitral a pour l’essentiel:
-rejeté la demande de la société Aladar tendant au rejet des pièces et écritures communiquées le 28 mai 2021, pour le compte de M. [L] et de la société Estreland,
-débouté la société Aladar de toutes ses demandes,
-condamné la société Aladar à payer à M. [D] [L] et à la société Estreland la somme de 157’000 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la notification de la sentence arbitrale,
– débouté M. [D] [L] et la société Estreland de leurs demandes de dommages-intérêts à raison de l’inexécution contractuelle de la société Aladar,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700, et rejeté en conséquence les demandes formées sur ce fondement.
Par déclaration en date du 29 juillet 2021, la société Aladar a formé appel en nullité de la sentence arbitrale.
Dans ses dernières conclusions notifiées par message électronique du 26 octobre 2022, la société Aladar demande à la cour :
– d’annuler la sentence arbitrale du 30 juin 2021,
statuant à nouveau sur le fondement de l’article 1493 du code de procédure civile,
– de débouter M. [D] [L] et la société Estreland de l’ensemble de leurs demandes,
-de déclarer recevable et bien fondée la société Aladar en ses demandes,
en conséquence,
– à titre principal, d’annuler l’avenant du 26 décembre 2016,
– de condamner M. [D] [L] et la société Estreland à lui payer la somme de 1’500’000 euros à titre de dommages et intérêts au regard des nombreuses man’uvres dolosives commises par [D] [L],
– à titre subsidiaire, de constater l’absence de cause de l’avenant du 26 décembre 2016,
– d’annuler l’avenant du 26 décembre 2016,
Dans tous les cas,
– de condamner in solidum M. [D] [L] et la société Estreland à lui payer la somme de 100’000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la clause pénale du contrat du 26 novembre 2015,
outre celle de 500’000 euros au titre du détournement de clientèle
et celle de 15’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées par message électronique du 28 octobre 2021, M. [D] [L] et la société Estreland demandent à la cour:
A titre principal,
– de rejeter les pièces de la société Aladar,
– de débouter la société Aladar de sa demande de nullité de la sentence arbitrale du 30 juin 2021,
À titre subsidiaire,
-de dire [D] [L] et la société Estreland recevables et bien fondés dans l’intégralité de leurs demandes,
-de constater la mauvaise foi de la société Aladar dans l’inexécution de ses obligations contractuelles,
– de rejeter par conséquent l’ensemble des demandes fins et prétentions formulées par la société Aladar,
– de la condamner à payer à M. [D] [L] et la société Estreland la somme de 157’000 euros au principal, avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2019 date de la dernière lettre de mise en demeure,
À titre reconventionnel :
– de condamner la société Aladar à payer à M. [D] [L] et la société Estreland la somme de 10’000 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 10’000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– de la condamner en outre à leur payer la somme de 15’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2023.
Par message électronique en date du 11 mai 2023, les parties ont été invitées à faire valoir leurs observations éventuelles sur le moyen relevé d’office en cours de délibéré, tiré de l’éventuelle irrecevabilité de l’appel, au regard des dispositions des articles 1489 et 1490 du code de procédure civile.
Vu la note en délibéré transmise par la société ALADAR selon message électronique en date du 15 mai 2023,
Vu la note en délibéré transmise par M. [D] [L] et la société Estreland selon message électronique en date du 22 mai 2023,
MOTIFS DE LA DECISION:
1- Les voies de recours contre les sentences arbitrales sont soit l’appel, soit le recours en annulation.
2- L’appel est régi par les articles 1489 et 1490 du code de procédure civile.
3- Selon les dispositions de l’article 1489 du code de procédure civile, la sentence n’est pas susceptible d’appel, sauf volonté contraire des parties.
4- Selon l’article 1490 du code de procédure civile, l’appel tend à la réformation ou à l’annulation de la sentence. La cour statue alors en droit ou en amiable composition dans les limites de la mission du tribunal arbitral.
5- Selon l’article 1491 du code de procédure civile, la sentence peut toujours faire l’objet d’un recours en annulation, à moins que la voie de l’appel soit ouverte conformément à l’accord des parties.
6- En l’espèce, la clause d’arbitrage insérée en page 54 de l’acte de cession d’actions sous conditions suspensives du 26 novembre 2015, stipule en son alinéa 6 que ‘l’arbitre unique ou le tribunal arbitral statuera en dernier ressort’.
Au dernier alinéa de cette même clause, il est précisé que ‘l’arbitre unique ou le tribunal arbitral statueront en totale équité et sans aucun recours.’
7- La volonté des parties à l’acte était donc bien d’exclure toute possibilité d’appel.
8- Cette clause a force obligatoire entre les parties puisque dans l’acte réitératif de cession des titres signé le 15 janvier 2016, les parties ont reconnu que les clauses, charges et conditions figurant au compromis conclu le 26 novembre 2015 sont désormais en vigueur.
9- Il en résulte que la seule voie de recours contre la sentence rendue le 30 juin 2021 par le tribunal arbitral était donc le recours en annulation.
10- Par message électronique en date du 29 juillet 2021 à 15 h 51, la SARL Aladar a saisi la cour d’appel de Bordeaux d’une déclaration d’appel; il est précisé à la rubrique Objet/Portée de l’appel : ‘Appel nullité cf Appel en nullité des chefs de la sentence arbitrale attaquée selon pièce jointe faisant corps à la déclaration d’appel’
Le même message électronique comporte en pièce jointe un acte comportant l’en-tête suivant: ‘DECLARATION D’APPEL par devant la cour d’appel de Bordeaux’
Puis le texte suivant:
La société ALADAR (…)
DECLARE:
Interjeter appel de la sentence rendue le 30 juin 2021 par le tribunal arbitral composé par
William DEVAINE Marc ELLIES Patrick VINET
Puis : L’appel tend à l’annulation de la sentence du 30 juin 2021 des chefs de la sentence arbitrale ci-après énoncés (…)
11 – La société Aladar a ainsi, de manière réitérée, et dans un acte séparé lui laissant l’entière liberté de qualifier exactement le recours qu’elle formait, saisi la cour d’un appel et non d’un recours en annulation.
Or, le recours en annulation et l’appel nullité n’ont ni la même nature ni le même régime, de sorte que l’acte notifié le 29 juillet 2021 expressément qualifié d’appel en nullité, ne saurait être requalifié de recours en annulation.
Il en résulte que l’appel nullité doit être déclaré irrecevable, de même que l’appel.
Il est équitable d’allouer aux intimés une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Déclare irrecevable l’appel ou l’appel nullité formé par déclaration en date du 29 juillet 2012 à l’encontre de la sentence du 30 juin 2021,
Rejette toutes autres demandes.
Condamne la société Aladar à payer à M. [D] [L] et la société Estreland, ensemble, une indemnité de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Aladar aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.