Tentative de conciliation : 13 février 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01364

·

·

Tentative de conciliation : 13 février 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01364
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

Arrêt n° 23/00019

13 Février 2023

—————

N° RG 21/01364 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FQII

——————

Pole social du TJ de METZ

30 Avril 2021

18/00251

——————

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

treize Février deux mille vingt trois

APPELANT :

Monsieur [G] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1] / FRANCE

Représenté par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ substitué par Me BEMER , avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

S.A.S. [7] Représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON

substitué par Me AMBROSI , avocat au barreau de METZ

SOCIETE [5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ

substitué par Me MULLER , avocat au barreau de METZ

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Mme [L], munie d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement après prorogation du 12.12.2022

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [G] [N] a été engagé par la société de travail temporaire [5], par contrat de mission temporaire, à compter du 22 juillet 2015 en qualité de soudeur.

Il a été mis, pour la période du 22 au 31 juillet 2015, à la disposition de la société [7] dans le cadre d’un chantier situé sur le site d'[4] à [Localité 8].

Suite à l’information donnée, le 30 juillet 2015, par l’entreprise utilisatrice, quant à l’accident survenu à Monsieur [N] le jour même, l’employeur, la société [6] a établi, le 3 août 2015, la déclaration d’accident du travail à destination de la CPAM de Meurthe-et- Moselle qui l’a reçue le 4 août 2015 et qui mentionne quant aux circonstances, « Après une opération de pointage d’un fourrure, la victime reçoit un pull lift sur la main ». Il était relevé des contusions sur le pouce et l’index de la main droite.

Le certificat médical initial du 30 juillet 2015 a fait état d’une luxation du pouce droit.

Le 12 août 2015, la caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe-et-Moselle (CPAM) a décidé de prendre en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Monsieur [N] a fait l’objet d’arrêts de travail ininterrompus jusqu’au mois d’octobre 2018.

Par décision du 4 janvier 2019, la CPAM a fixé son taux d’incapacité permanente à 50 % et lui a attribué une rente à compter du 18 octobre 2018, lendemain de la date de consolidation.

Après échec de la tentative de conciliation , Monsieur [N] a, le 7 février 2018, par requête adressée au secrétariat du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle, saisi le tribunal d’une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société [5], dans la survenance de l’accident du travail survenu le 30 juillet 2015.

Par jugement du 30 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :

– jugé recevable mais non fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société [5] ;

– jugé recevables la forme et les demandes de Monsieur [N]

– déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Meurthe et Moselle ;

– jugé que le caractère professionnel de l’accident déclaré le 3 août 2015 est établi ;

– jugé que Monsieur [G] [N] n’a pas rapporté la preuve de la commission par la société [5] d’une faute inexcusable à l’origine de cet accident et rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

– rejeté la demande d’expertise médicale formée par Monsieur [N] ;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

– dit n’y avoir lieu application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société [5] ;

– condamné Monsieur [G] [N] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 28 mai 2021, Monsieur [N] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR du 10 mai 2021, le pli ayant été retourné avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».

Par conclusions datées du 18 mai 2022, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, Monsieur [N] demande à la cour de :

– déclarer l’appel interjeté recevable et bien fondé

En conséquence,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que Monsieur [N] n’avait pas rapporté la preuve d’une faute inexcusable commise par la société [5] et rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, rejeté sa demande d’expertise, dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, débouté Monsieur [N] de sa demande au titre de l’article 700 du CPC et condamné Monsieur [N] aux entiers frais et dépens.

Statuant à nouveau

– déclarer Monsieur [N] recevable et bien fondé en ses demandes

– déclarer que l’accident du travail du 30 juillet 2015 de Monsieur [N] est imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [5],

– ordonner la majoration de la rente de Monsieur [N] à son maximum ;

– ordonner une expertise médicale

1) convoquer, dans le respect des textes en vigueur, M. [G] [N] ;

2) se faire communiquer par la victime, les parties, ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs à l’accident, en particulier le certificat médical initial ;

3) fournir le maximum de renseignement sur l’identité de la victime, ses conditions d’activité professionnelles, son statut exact et/ou sa formation s’il s’agit d’un demandeur d’emploi ;

4) à partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concerné et la nature des soins ;

5) indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l’accident et, si possible, la date de fin de ceux-ci ;

6) décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ;

7) retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totatement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution ;

8) prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits ;

9) recueillir les doléances de la victime en l’interrogeant sur les conditions d’apparition, l’importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ;

10) décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse

– au cas où il aurait entrainé un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l’état antérieur et la part imputable au fait dommageable ;

– au cas où il n’y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel, ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l’avenir ;

11) procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

12) déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles ;

13) Chiffrer, par référence au barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun, le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ;

14) lorsque la victime allègue une perte de chance de promotion professionnelle, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles, dire si un changement de poste ou d’emploi apparait lié aux séquelles.

16) décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés.

17) donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif. L’évaluer selon l’échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l’éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit.

18) Lorsque la victime allègue l’impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation ;

19) dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement, ou totalement : la morphologie ; l’acte sexuel (libido, impuissance, ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

20) indiquer, le cas échéant

‘ si l’assistance d’une tierce personne constante ou occasionnelle est, ou, a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d’intervention quotidienne) ;

‘ si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prevoir ;

21) si le cas le justifie, procéder selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans un délai de rigueur déterminé de manière raisonnable et y répondre avec précision.

En tout état de cause :

– renvoyer l’affaire par devant la cour de céans après transmission du rapport définitif de l’expert,

– condamner la CPAM de la Meurthe-et-Moselle à payer à Monsieur [N], les sommes suivantes :

* 10.000€ au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 50.000€ au titre de l’incidence professionnelle,

* 10.000€ au titre des souffrances physiques et morales endurées,

* 5.000€ au titre du préjudice d’agrément,

* 5.000€ au titre du préjudice sexuel,

* 38 800 € au titre de l’acquisition d’un véhicule adapté à son membre supérieur,

– condamner la société [5] à payer à Monsieur [N] la somme de 2500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile afférent à la procédure de première instance, y ajoutant 3000€ au titre de la présente procédure,

– condamner la société [5] aux entiers frais et dépens,

– déclarer l’arrêt à intervenir exécutoire par provision.

Par conclusions datées du 3 août 2022, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, la société [5] demande à la cour de :

– débouter Monsieur [N] de son appel ;

– confirmer le jugement entrepris à titre subsidiaire,

– condamner la société [7] à garantir la société [5] de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance ;

– condamner la société [7] à indemniser la société [5] de l’intégralité du coût de l’accident de Monsieur [N] au sens des dispositions de l’article R242-6-1 du code de la sécurité sociale ;

– CONDAMNER Monsieur [N] à verser à la société [5] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 22 août 2022, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, la société [7] demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL

– dire et juger qu’aucune faute inexcusable à l’origine de l’accident dont a été victime Monsieur [G] [N] ne peut être caracterisée en l’espèce.

EN CONSEQUENCE

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 avril 2021 par le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Metz.

– débouter Monsieur [G] [N] de l’integralité de ses demandes, fins et conclusions.

A TITRE SUBSIDIAIRE

– dire et juger que la Société [7] ne peut être tenue de relever et garantir la Société [5] de l’intégralité des conséquences financières résultant de l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable dirigée à son encontre par Monsieur [G] [N].

EN CONSEQUENCE

– limiter l’action en garantie de paiement de la Société [5] à l’encontre de la Société [7] à hauteur de 50%;

– débouter la Société [5] de sa demande tendant à voir la Société [7] supporter l’intégralité du coût de l’accident du travail dont a été victime Monsieur [G] [N]

– ordonner une mission d’expertise en la limitant à la détermination des postes de préjudice suivants :

* souffrances physiques et morales endurées ;

* préjudice esthétique ;

* préjudice sexuel ;

* préjudice d’agrément suivant la définition donnée par la Cour de cassation ;

* déficit fonctionnel temporaire ;

* tierce personne avant consolidation.

– débouter Monsieur [G] [N] et la Société [5] du surplus de leurs demandes.

Par conclusions datées du 8 juillet 2022, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe-et-Moselle demande à la cour de :

– dire si l’accident du travail dont a été victime Monsieur [G] [N] le 30/07/2015 résulte ou non de la faute inexcusable de son ancien employeur, la société [5],

Dans l’affirmative,

– liquider les différents préjudices de Monsieur [N] après la mise en oeuvre éventuelle d’une expertise médicale, l’expert n’ayant à évaluer que les préjudices énoncés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale et ceux qui ne sont pas déjà couverts par le livre IV du même code,

– condamner la société [5], éventuellement garantie par la société [7], à rembourser à la caisse Primaire d’assurance maladie de Meurthe-et-Moselle toutes les sommes qu’elle sera amenée à verser à Monsieur [N] du fait de cette faute inexcusable, de même que les éventuels frais d’expertise,

– condamner la société [5], éventuellement garantie par la société [7], à verser à la caisse Primaire d’assurance maladie de Meurthe-et-Moselle la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.

SUR CE,

SUR LA VALIDITE DE L’APPEL

La société [5] fait valoir que, Monsieur [N] n’ayant pas déposé de conclusions justificatives d’appel suite à sa déclaration d’appel, la cour ne peut que rejeter son recours.

***********************

L’article 932 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur concernant le présent litige, indique que, en procédure sans représentation obligatoire, « L’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour ».

2° et 3° de l’article 54 et par le troisième alinéa de l’article 57. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision ».

En l’espèce, la déclaration d’appel de Monsieur [N], transmise par voie électronique le 28 mai 2021, apparaît conforme aux prescriptions des textes susvisés.

Il apparaît par ailleurs que les parties ont été invitées à suivre un calendrier de procédure qui invitait l’appelant à déposer au greffe ses conclusions avant le 18 mai 2022, puis l’intimée à y répondre ou à conclure si l’appelant ne s’était pas expliqué, avant le 18 août 2022, et enfin l’appelant à répliquer éventuellement avant le 3 septembre 2022.

En l’espèce, il appert que Monsieur [N] a déposé ses conclusions le 18 mai 2022 et que la société [5] a déposé les siennes le 3 août 2022.

A l’audience de plaidoirie, les parties ont repris oralement leurs conclusions écrites et ont pu débattre contradictoirement.

Il résulte de ces constatations que la cour étant valablement saisie de l’appel formé par Monsieur [N], le moyen soulevé par la société [5] tiré de l’absence de conclusions récapitulatives est rejeté.

SUR LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

Monsieur [N] sollicite l’infirmation du jugement entrepris et entend démontrer l’existence d’une faute inexcusable de la part de son employeur. Il fait valoir que le simple fait qu’un pull lift pesant plusieurs dizaines de kilos lui soit tombé dessus, et ce alors même qu’il n’était pas responsable de l’équipement, induit nécessairement un manquement de l’employeur en termes de sécurité, et que cette absence de mesures prises en termes de sécurité est d’autant plus grave qu’il est reconnu travailleur handicapé. Monsieur [N] soutient qu’aucun système de blocage des chaînes, ni aucun mécanisme de sécurité n’ayant pu empêcher le décrochage de l’équipement, il en résulte également une non-conformité du matériel litigieux. Il souligne également le fait qu’aucun équipement de protection individuelle ne lui a été proposé (gants..) alors même que son contrat de mission temporaire stipulait l’existence de risques en matière de contusion, écrasement, coupure et chutes. Il fait valoir que son employeur avait nécessairement conscience du danger encouru dès lors que l’utilisation d’un pull lift sans dispositif de sécurité était nécessairement un fait connu de l’employeur.

La société [5] et la société [7] sollicitent la confirmation du jugement, contestant l’existence d’une faute inexcusable commise à l’encontre de Monsieur [N]. Elles font valoir que l’appelant ne rapporte aucunement la preuve des éléments constitutifs d’une faute inexcusable de l’employeur et se montre ainsi défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe.

La CPAM de Meurthe-et-Moselle s’en remet à l’appréciation de la cour sur la reconnaissance de la faute inexcusable.

**************************

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat.

Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

Il est de jurisprudence constante qu’il appartient au salarié de rapporter la preuve que l’employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Tout d’abord, il sera relevé en l’espèce que les parties ne contestent pas le caractère professionnel de l’accident survenu le 30 juillet 2015, ni les dispositions du jugement entrepris qui a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société [5] concernant la prescription de l’action.

Les parties s’opposent seulement sur l’existence ou non d’une faute inexcusable, à savoir sur la conscience du danger par la société [5] du danger encouru par son salarié, et sur l’existence ou non des mesures de protection prises afin de préserver Monsieur [N] du danger auquel il était exposé.

Il sera relevé que, au titre de son contrat de mission temporaire (pièce n°1 de l’appelant), Monsieur [N] était destiné à accomplir des travaux de meulage et de soudage, et que l’accomplissement de ces travaux n’était pas à risque selon l’article L.4154-2 du code du travail. Cet article énonce que les salariés temporaires affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité doivent bénéficier d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés.

Or, malgré l’absence de risques particuliers pour sa sécurité selon l’article susvisé, il est établi en l’espèce que Monsieur [N], lors de son arrivée au sein de la société utilisatrice, a signé une attestation d’accueil sécurité (pièce n°9 de la société [7]) décrivant le matériel qu’il était amené à utiliser, ainsi que la liste des protections individuelles et collectives mises à sa disposition, comprenant notamment la remise de gants de sécurité.

Par ailleurs, il a réalisé, le 22 juillet 2015, une évaluation relative à la sécurité, visant notamment différentes hypothèses d’accidents dans le cadre de ses fonctions (pièce n°10 de la société [7]).

Il apparaît ainsi que, s’agissant de ses fonctions propres de soudeur, Monsieur [N] a bénéficié du matériel et de la formation adéquats.

Il ressort également des éléments du dossier que les circonstances précises de l’accident n’apparaissent pas certaines dès lors que, s’il est établi que Monsieur [N] a été atteint à la main droite par un pull-lift en suspension qui a fini par tomber alors même qu’il venait d’achever une opération de soudure, aucun élément du dossier ne permet de déterminer si cette chute est le fait de la négligence d’un autre travailleur intervenant sur le même chantier, ou si cette chute est le fait d’un manquement de l’employeur quant à l’information du travailleur commandant le pull-lift, ou si cette chute est le fait d’une défaillance du matériel.

En effet, selon la description faite par la société utilisatrice de l’accident (cf. ses dernières écritures), Monsieur [N] a été atteint par un pull lift qui venait d’être démonté par un autre soudeur lequel l’avait temporairement posé sur un tuyau situé au-dessus de Monsieur [N], l’équipement chutant sur la main droite de l’appelant.

Or, selon la description faite de l’accident par Monsieur [N] dans ses écritures, le pull-lift aurait été lâché par un responsable de la société utilisatrice.

Ainsi, dès lors qu’aucun témoignage, ni aucun autre élément de preuve n’a été rapporté quant aux circonstances de l’accident, il en résulte une incertitude manifeste sur les circonstances exactes de la chute du pull-lift sur la main de Monsieur [N], la Ccour ne disposant d’aucun élément sur l’état de l’équipement au jour des faits, sur l’existence ou non d’une négligence d’un autre travailleur, sur les qualités et fonctions de celui-ci, ni sur le respect ou non des normes en vigueur quant à la suspension en hauteur et à l’utilisation régulière de ce type d’équipement.

Il ressort ainsi des éléments du dossier que, en l’absence d’éléments de preuve plus approfondis sur les circonstances de l’accident, la faute de l’employeur apparaît difficilement appréciable, tant les circonstances exactes de la chute du pull-lift demeurent indéterminées, étant rappelé que la seule survenance de l’accident apparaît insuffisante à démontrer l’existence d’une faute inexcusable.

Il en résulte qu’en l’absence de connaissance du danger qui s’est réalisé, la faute de l’employeur ne peut être caractérisée de façon pertinente et que la preuve de cette faute inexcusable, même seulement nécessaire, n’est pas rapportée en l’espèce.

Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés, la cour confirme ainsi le jugement entrepris.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L’issue du litige conduit la cour à débouter Monsieur [N] et la CPAM de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’équité ne commande, par ailleurs, pas de faire droit à la demande de la société [5] dirigée contre Monsieur [N] sur ce même fondement.

La disposition sur les frais irrépétibles des première instance non critiquée est par ailleurs confirmée.

Enfin, Monsieur [N], partie succombante, sera condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DECLARE recevable l’appel formé par Monsieur [N] .

CONFIRME le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 30 avril 2021.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile .

CONDAMNE Monsieur [N] aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x