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Arrêt n° 23/00032
13 Février 2023
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N° RG 21/00420 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FN32
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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social
22 Janvier 2021
18/01763
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
treize Février deux mille vingt trois
APPELANT et INTIME dans la procédure 21/544
Monsieur [N] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Guillaume DELORD, avocat au barreau de STRASBOURG substitué par Me BATTLE, avocat au barreau de METZ
INTIME et APPELANT dans la procédure 21/544
FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)
Ministères économiques et financiers Direction des affaires juridiques
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représenté par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE
CAISSE PRIMAIRE D’ ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Mme [U], munie d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Carole PAUTREL, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre
Mme Carole PAUTREL, Conseillère
Mme Anne FABERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 12.12.2022
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Né le 30 juin 1946, Monsieur [N] [F] a travaillé pour le compte des [5], devenues par la suite l’établissement public [4], de 1974 à 1996.
Il a bénéficié d’un congé charbonnier fin de carrière du 1er juillet 1996 au 30 juin 2001.
Par décision du 28 février 2018, la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les Mines (CANSSM) a pris en charge la maladie « épaississement de la plèvre viscérale » diagnostiquée le 22 mars 2017, en tant que maladie professionnelle au titre du tableau 30B.
Le 3 septembre 2018, elle a alloué à l’assuré une indemnité en capital de 1952,33 euros prenant effet le 23 mars 2017 (lendemain de la date de consolidation), compte-tenu de son taux d’incapacité permanente partielle fixé à 5 %.
Le 16 novembre 2018, Monsieur [F] a accepté l’offre du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) d’indemniser les préjudices personnels résultant de sa maladie professionnelle du tableau 30B aux sommes suivantes :
‘11.200 euros en réparation du préjudice moral ;
‘300 euros en réparation du préjudice physique ;
‘1.400 euros en réparation du préjudice d’agrément;
outre une rente de 741,30 euros au titre du préjudice d’incapacité fonctionnelle.
Après échec de la tentative de conciliation introduite devant la caisse par lettre du 12 mars 2018, Monsieur [F] a, selon courrier recommandé expédié le 5 novembre 2018, attrait l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE), venant aux droits de l’EPIC [4] suite à la clôture de sa liquidation, l’Agence Nationale pour la Garantie des droits des mineurs (ANGDM), l’Assurance Maladie des Mines et le FIVA devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle, afin de voir reconnaître la faute inexcusable des [5] dans la survenance de sa maladie professionnelle du tableau 30B et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent.
II convient de préciser que, depuis le 1er juillet 2015, la caisse primaire d’assurance Maladie (CPAM) de Moselle agit pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les Mines (CANSSM) ‘ l’Assurance Maladie des Mines.
Par courrier reçu au greffe le 21 août 2019, Monsieur [F] a indiqué se désister de sa demande portée à l’encontre de l’ANGDM, et diriger sa demande contre l’AJE.
Par jugement du 22 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :
– déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Moselle, agissant pour le compte de la CANSSM-l’Assurance Maladie des Mines ;
– déclaré Monsieur [N] [F] recevable en sa demande ;
– déclaré le FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [N] [F], recevable en ses demandes ;
– reçu l’Agent Judiciaire de l’Etat en son intervention, suite à la clôture des opérations de liquidation de [4] ;
– dit que l’existence d’une faute inexcusable des [5], devenues [4], aux droits desquels vient l’Agent Judiciaire de l’Etat, dans la survenance de la maladie professionnelle de Monsieur [N] [F] inscrite au tableau 30B, n’est pas établie ;
– débouté Monsieur [N] [F] et le FIVA de leur demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et de leurs demandes subséquentes ;
– déclaré en conséquence sans objet les demandes de la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle, agissant au nom et pour le compte de la CANSSM-l’AMM ;
– débouté Monsieur [N] [F] et le FIVA de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum Monsieur [N] [F] et le FIVA aux entiers frais et dépens de l’instance ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Par courrier recommandé expédié le 11 février 2021, Monsieur [F] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 5 février 2021. Cet appel était enregistré sous le numéro RG 21/00420.
Par courrier remis au greffe de la cour le 2 mars 2021, le FIVA interjetait appel également de cette décision qui lui avait été notifiée par LRAR reçue le 5 février 2021. Cet appel était enregistré sous le numéro RG 21/00544.
Par conclusions datées du 24 mars 2022, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, Monsieur [F] demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé l’appel formé par Monsieur [F].
– infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Metz le 22 janvier 2021.
– dire que la maladie professionnelle inscrite au tableau 30 de Monsieur [F] est due à une faute inexcusable des [4],
– dire que Monsieur [F] a droit à une majoration de sa rente en la portant au taux maximum conformément aux dispositions de l’article L 452-2 du Code de la Sécurité Sociale.
– condamner la caisse à lui payer cette majoration.
– dire que :
* cette majoration prendra effet à la date de reconnaissance de la maladie professionnelle;
* en cas d’aggravation ultérieure, le taux de rente sera indexé au taux d’IPP ;
* en cas de décès imputable, la rente de conjoint sera majorée à son taux maximum et la caisse devra verser l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L452-3 du code de sécurité sociale, de même qu’en cas d’aggravation du taux d’IPP à 100% ;
– condamner l’AJE à payer à Monsieur [F] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
– condamner l’AJE aux entiers frais et dépens.
– déclarer la décision à intervenir commune à la caisse.
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
– dire que l’ensemble des sommes allouées portera intérêt au taux légal à compter du prononcé de la décision.
Par conclusions datées du 12 mai 2021, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau,
– juger recevable la demande formée par monsieur [N] [F], dans le seul but de faire reconnaître l’existence dune faute inexcusable de l’employeur,
– juger recevable la demande du Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante, subrogé dans les droits de monsieur [F],
– juger que la maladie professionnelle dont est atteint monsieur [F] est la conséquence de la faute inexcusable de l’EPIC [4], pris en la personne de l’Agent Judiciaire de l’Etat,
– fixer à son maximum la majoration de l’indemnité en capital prévue à l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1952,33 €,
– juger que l’Assurance maladie des mines devra verser cette majoration au FIVA dans la limite d’une créance de 1489.28 €, à réactualiser lors de l’exécution de la décision à intervenir, et à monsieur [F] pour le solde éventuel, étant précisé que le FIVA révisera l’indemnisation à sa charge, en application de l’article 53-VI de la loi du 23 décembre 2000,
– juger que cette majoration devra suivre l’évolution du taux d’incapacité permanente de monsieur [F], en cas d’aggravation de son état de santé,
– juger qu’en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l’amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant.
– fixer l’indemnisation des préjudices personnels de monsieur [F] comme suit :
Préjudice moral 11 200.00 €
Souffrances physiques 300.00 €
Préjudice d’agrément 1 400.00 €
Total 12 900.00 €
– juger que l’Assurance maladie des mines devra verser cette somme au FIVA, créancier subrogé, en application de l’article L452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale,
– condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer au FIVA une somme de 1500.00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
-condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.
Par conclusions datées du 17 octobre 2022, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son conseil, l’AJE demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la preuve de l’exposition et d’une faute inexcusable commise par l’exploitant minier n’est pas rapportée ;
Par conséquent :
– débouter Monsieur [F], le FIVA et l’Assurance maladie des mines de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de l’AJE, la preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’exploitant minier n’étant pas rapportée.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue :
Sur les souffrances physiques et morales endurées
– débouter le FIVA de ses demandes d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [F], et au titre d’un préjudice d’agrément subi par ce dernier ;
– Plus subsidiairement encore, réduire à de plus justes proportions la demande du FIVA au titre des souffrances morales endurées par Monsieur [F].
En tout état de cause :
– déclarer infondée la demande présentée par Monsieur [F] au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;
– Par conséquent, le débouter, ou tout au moins réduire toute condamnation prononcée sur ce fondement à la somme de 500 euros ;
– déclarer infondée la demande du FIVA au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;
– Par conséquent, le débouter purement et simplement de ce chef ;
– dire n’y avoir lieu à dépens.
Par conclusions datées du 4 mai 2022, soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie par son représentant, la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle agissant pour le compte de la CANSSM demande à la cour de :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la Société [4] (AJE)
Et le cas échéant :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par Monsieur [F] et le FIVA.
– fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1 952,33 euros
– prendre acte que la caisse ne s’oppose pas à ce que la majoration de l’indemnité en capital suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur [F].
– constater que la caisse ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de l’indemnité en capital reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant, en cas de décès Monsieur [F] consécutivement à sa maladie professionnelle.
– donner acte à la caisse Primaire d’assurance maladie de Moselle qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant des sommes susceptibles d’être allouées au titre des préjudices extrapatrimoniaux de Monsieur [F].
– condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat intervenant pour le compte de la société [4] à rembourser à la caisse les sommes qu’elle sera tenue de verser à Monsieur [F] et au FIVA au titre de la majoration de l’indemnité en capital et des préjudices extrapatrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l’article L.452-3-1 du Code de la Sécurité Sociale.
– Le cas échéant, rejeter toute éventuelle demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle n°30B de Monsieur [F].
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE,
Pour une bonne administration de la justice, il convient de joindre l’appel N°RG 21/00544 à l’appel N°RG 21/00420.
L’AJE conteste l’exposition de Monsieur [F] au risque d’inhalation des poussières d’amiante durant l’exercice de ses emplois successifs au sein des [4], et sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a estimé que la preuve d’une exposition au risque de Monsieur [F] n’avait pas été rapportée du fait de l’absence de valeur probante des attestations versées aux débats. Il fait valoir que les [5] puis les [4] ont mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, sur le plan collectif et individuel.
Il critique l’imprécision et la stéréotypie des attestations des collègues de Monsieur [F] et estime que les nombreuses pièces générales produites par ses soins viennent contredire les affirmations de Monsieur [F] et de ses témoins.
Monsieur [F] estime que l’exploitant minier l’a exposé au risque amiante et soutient que l’employeur avait conscience du risque amiante, du fait des connaissances scientifiques de l’époque, de la réglementation applicable, de la taille, de l’organisation et des moyens considérables dont disposait l’entreprise, mais qu’il s’est abstenu de mettre en ‘uvre les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, avec un défaut d’information et une insuffisance des moyens de protection individuels et collectifs.
Le FIVA soutient les arguments présentés par l’appelant.
La caisse s’en rapporte à l’appréciation de la cour.
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Il ressort du relevé de carrière de Monsieur [F] que celui-ci a travaillé durant près de 22 ans dans les chantiers du fond des [6] de 1974 au 12 avril 1981 et des [5] du 13 avril 1981 au 30 juin 1996 d aux postes suivants :
‘abatteur
‘transporteur
‘aide décadreur
‘chef décadreur
‘raucheur
‘piqueur de carrure
‘poseur de rails
‘bettonneur coffreur ferrailleur premier ouvrier
‘chef d’équipe poseur de rails
Pour établir la faute inexcusable de l’employeur,le salarié doit établir son exposition professionnelle au risque, la conscience qu’avait l’employeur au moment de l’exposition du danger auquel il l’exposait et le fait que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour le protéger.
Les conditions de travail de Monsieur [N] [F] sont décrites par trois témoins en la personne de Messieurs [W] [O], [N] [R] , [L] [G] (pièces n°4 de M.[F]) qui ont complété, en vue de l’instance d’appel, leurs témoignages initiaux par des attestations datées respectivement des 16 février 2021, 24 mars 2021 et 25 octobre 2021.
Or, il apparaît que ces attestations, même reprises et complétées à hauteur de cour, demeurent peu probantes.
Ces attestations sont rédigées en des termes généraux , avec des passages similaires laissant penser qu’ils ont recopié des modèles préétablis, ce qui ne permet pas d’en apprécier l’authenticité.
S’agissant des pièces générales produites par M.[N] [F] ( cf son bordereau se pièces), elles ne permettent de tirer aucune conclusion sur son cas individuel tant au regard de ses conditions d’exposition que des mesures prises par l’employeur pour préserver sa santé.
Ainsi, en l’absence d’autres éléments produits de nature à justifier des conditions de travail de Monsieur [N] [F], le jugement entrepris qui l’a débouté de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable des [4] auxquels se substitue l’AJE, est confirmé.
Monsieur [N] [F] et le FIVA sont déboutés de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [N] [F] et le FIVA , succombant en leurs recours, sont condamnés aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris du 22 janvier 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Metz.
DEBOUTE M. [N] [F] et le FIVA de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [N] [F] et le FIVA aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président