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Arrêt n° 23/00049
13 Février 2023
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N° RG 20/01220 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FJXD
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Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social
07 Février 2020
15/01291
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
Section 3 – Sécurité Sociale
ARRÊT DU
treize Février deux mille vingt trois
APPELANTES :
S.A.R.L. [12] ([12])
représentée par son gérant
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 8]
Maître [I] [G] – Mandataire Judiciaire
prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement de la Sarl [12]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentées par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ
INTIMÉES :
Madame [X] [N] [M] [S]
[Adresse 5]
[Localité 14]
représentée par Me Christine SALANAVE, avocat au barreau de METZ
Société [11]
immatriculée au RCS de Metz sous le n° [N° SIREN/SIRET 4]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
et Maître LEFAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MOSELLE
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par M. [C], muni d’un pouvoir général
S.A. [10] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 9]
représentée par Me Eric MANDIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre
Mme Carole PAUTREL, Conseillère
Mme Anne FABERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement après prorogation du 12.12.2022
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [J] [A] [L] est décédé le 05 mai 2011 suite à un accident du travail survenu la veille, alors qu’il était employé par la société [11] ([11]) et mis à disposition de la SARL [12] ([12]) dans le cadre d’une mission de travail temporaire.
La caisse primaire d’assurance maladie de Moselle (CPAM) a reconnu l’origine professionnelle de l’accident par décision du 06 septembre 2011 et a notifié à Mme [X] [N] [M] [S], une décision d’attribution d’une rente d’ayant-droit au sens du code de la sécurité sociale, le 12 juin 2012 ,d’un montant annuel de 7.168,66 euros à compter du 06 mai 2011.
Par jugement du 26 janvier 2015, le tribunal correctionnel de Thionville a déclaré M. [V] [L], gérant de la SARL [12], coupable des infractions d’ homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail, de mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d’équipement de travail ne préservant pas la sécurité des travailleurs et d’emploi de travailleurs temporaires sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité et l’a condamné pour ces faits au paiement d’une amende de 8000 euros. Le tribunal a également reçu la constitution de partie civile de Mme [X] [N] [M] [S], compagne de [J] [A] [L] et de M. [O] [M], le fils de cette dernière, au soutien de l’action publique, leur a donné acte de ce qu’ils entendaient faire valoir ultérieurement leurs droits devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Par courrier du 25 juin 2015, Mme [X] [N] [M] [S] a formé auprès de la caisse une demande amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [11] qui n’a pas aboutie, la caisse l’informant par courrier du 20 juillet 2015 de la contestation élevée par la société [11] et du refus de cette dernière de concilier.
Par requête expédiée le 27 août 2015, Mme [X] [N] [M] [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Moselle d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [11], son employeur, en présence de la société [12] ( [12]), en qualité d’entreprise utilisatrice et de la CPAM afin d’obtenir la majoration au maximum de la rente que lui verse la caisse ainsi qu’une indemnisation de son préjudice moral consécutif au décès de [J] [A] [L].
La SARL [12] a indiqué avoir fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Thionville le 31 mars 2016, Me [I] [G], ayant été nommé mandataire judiciaire et Maître [K] [Z], administrateur judiciaire.
Les organes de la procédure collective de la Société [12] ont été régulièrement cités.
Maître [K] [Z] a indiqué par courrier du 22 mars 2018 qu’il a été mis fin à sa mission par jugement rendu le 30 avril 2017 de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Thionville qui a arrêté un plan de redressement au profit de la société [12], Maître [I] [G] ayant été désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Maître [I] [G] , mandataire judiciaire devenue commissaire à l’exécution du plan de redressement de la société [12], n’a pas comparu.
La SA [10], assureur de la société [11], a été appelée dans la cause à la demande de la société [11].
Par jugement du 07 février 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a :
– déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle
– déclaré le jugement opposable à la société [10] en sa qualité d’assureur de la société [11] ;
– dit que Mme [M] [S] concubine de feu [J] [A] [L] a qualité pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur de ce dernier ;
– déclaré Mme [M] [S] recevable en ses demandes ;
– dit que l’accident du travail dont a été victime [J] [A] [L], le 4 mai 2011, est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [11], substituée dans la direction par la SARL [12], entreprise utilisatrice actuellement placée en redressement judiciaire ;
– ordonné la majoration maximale de la rente de conjoint survivant allouée à Mme [M] [S] en sa qualité de concubine sans que la rente majorée ne puisse excéder le salaire annuel du de cujus ;
– dit que cette majoration portant intérêt au taux légal à compter du 25 juin 2015, date de la demande de conciliation de Mme [M] [S], sera directement versée à celle-ci par la CPAM de Moselle ;
– fixé à la somme de 20.000 euros le préjudice moral subi par Mme [M] [S] en sa qualité d’ayant-droit de feu [J] [A] [L] ;
– dit que cette somme qui portera intérêt au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, sera directement versée par la CPAM de Moselle à Mme [M] [S], en sa qualité d’ayant-droit de feu son concubin [J] [A] [L] ;
– condamné la SARL [11] à rembourser à la CPAM de Moselle l’ensemble des sommes que cet organisme devra avancer à Mme [M] [S] sur le fondement des articles L. 452-1 à L. 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la majoration de sa rente de conjoint survivant et de son préjudice moral ;
– condamné la société [11] à verser à Mme [M] [S] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société [11] aux dépens ;
– rappelé que la société [12], entreprise utilisatrice doit garantir la société [11], entreprise de travail temporaire des condamnations prononcées à son encontre ;
– fixé au passif de la société [12] l’obligation de garantir la société [11] de toutes les conséquences financières qui résultent de la reconnaissance de la faute inexcusable, à savoir :
+ la somme de 20.000 euros due au titre du préjudice moral de Mme [M] [S], intérêts compris,
+ la majoration de la rente annuelle de conjoint survivant, dans la limite du salaire du de cujus,
+ la somme de 1.500 euros due au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
+ les dépens ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration formée par courrier recommandé expédié au greffe de la cour, le 30 juin 2020, la SARL [12] prise en la personne de son gérant et Maître [I] [G], mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de la société [12],ont interjeté appel du jugement qui a été notifié à la société, par LRAR du 4 mars 2020 et à son mandataire et commissaire à l’exécution du plan, Maître [G] par LRAR de la même date.
Par leurs dernières conclusions datées du 03 mai 2022, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par leur conseil, la SARL [12] et Me [I] [G] es qualités demandent à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé l’appel formé par la SARL [12] et par Maître [G] agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
A titre principal,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance rendu le 07 février 2020 par le tribunal judiciaire de Metz ;
Et, statuant à nouveau,
– juger que Mme [M] [S] n’a pas qualité pour agir et est prescrite à l’encontre de la SARL [12] et de Maître [G] ;
– juger qu’en l’absence de déclaration de créance de Mme [M] [S] dans la procédure collective de la SARL [12], la demande est irrecevable et subsidiairement mal fondée, en tout cas inopposable à la procédure collective de la SARL [12] ;
– donner acte à Mme [M] [S] qu’elle ne présente aucune demande contre la SARL [12] ;
– déclarer Mme [M] [S] irrecevable et subsidiairement mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, les rejeter ;
– condamner Mme [M] [S] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel ;
– déclarer Mme [M] [S], la société [11] et la société [10] irrecevables et subsidiairement mal fondées en l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens, prétentions et conclusions dirigés contre la société [12], les en débouter ;
– déclarer la société [10] irrecevable en l’ensemble de ses demandes, fins, conclusions, moyens et prétentions et notamment celles tendant à : «ordonner la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution des termes du jugement par la société [12] , faire injonction à la société [12] et à Maître [I] [G] de produire l’attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle de la société [12] pour l’année 2015, et ce, sous une astreinte de 1 000,00 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir , condamner la société [12] et Maître [I] [G] à payer à la compagnie [10] la somme de 5 000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , condamner les mêmes aux entiers dépens. »
– Subsidiairement, l’en débouter
A titre subsidiaire,
Vu l’article L 622-26 du code de commerce,
– juger que la SARL [11] ne justifie pas d’une déclaration de créance dans la procédure collective de la SARL [12] survenue dans les deux mois du jugement d’ouverture de redressement judiciaire du 31 mars 2016 publié au BODACC le 20 avril 2016 ;
– déclarer irrecevable la demande de garantie dirigée par la SARL [11] contre la SARL [12] ;
Plus subsidiairement,
– déclarer inopposable la créance de garantie revendiquée par la SARL [11] à l’encontre de la SARL [12] et Maître [G], ès qualités ;
– juger que la SARL [11] ne sera pas admise dans la réparation des dividendes du plan de redressement de la SARL [12] ;
En tout état de cause,
– déclarer Mme [M] [S], la société [11] et la société [10] irrecevables et subsidiairement mal fondés en l’ensemble de leurs demandes, fins, moyens, prétentions et conclusions tels que dirigés contre la société [12].
– condamner la société [10] aux dépens ainsi qu’à payer à la société [12] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner la SARL [11] aux dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de conclusions datées du 11 octobre 2022, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, Mme [X] [N] [M] [S] demande à la cour de :
– rejeter l’appel de la SARL [12] ;
– rejeter l’appel incident et provoqué de la société [11] ;
– rejeter l’appel incident et provoqué de la société [10] ;
Vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile,
– débouter la société [11] de sa demande tendant à voir déclarer Mme [M] [S] irrecevable pour absence de qualité à agir ;
– débouter les sociétés [12], [11] et [10] de leurs demandes tendant à voir déclarer l’action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par Mme [M] [S] comme irrecevable car prescrite,
Et au contraire accueillant l’appel incident de Mme [M] [S] :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
+ déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Moselle ;
+ déclaré le présent jugement opposable à la société [10], en sa qualité d’assureur de la société [11]
+ dit que Mme [X] [N] [M] [S], concubine de feu [J] [A] [L], a qualité pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur de ce dernier ;
+ déclaré Mme [X] [N] [M] [S] recevable en ses demandes ;
+ dit que l’accident du travail dont a été victime [J] [A] [L] le 4 mai 2011 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [11], substituée dans la direction par la SARL [12], entreprise utilisatrice actuellement placée en redressement judiciaire ;
+ ordonné la majoration maximale de la rente de conjoint survivant allouée à Mme [M] [S] en sa qualité de concubine, sans que la rente majorée ne puisse excéder le salaire annuel du de cujus ;
+ dit que cette majoration, portant intérêt au taux légal à compter du 25 juin 2015, date de la demande de conciliation de Mme [M] [S], sera directement versée à celle-ci par la CPAM de la Moselle;
+ dit que cette somme, qui portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, sera directement versée par la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle à Mme [X] [N] [M] [S], en sa qualité d’ayant-droit de feu son concubin [J] [A] [L];
+ condamné la SARL [11], à rembourser à la CPAM de Moselle l’ensemble des sommes que cet organisme devra avancer à Mme [X] [N] [M] [S] sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale, au titre de la majoration de sa rente de conjoint survivant et de son préjudice moral ;
+ condamné la société [11] à verser à Mme [M] [S] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
+ condamné la société [11] aux dépens ;
+ rappelé que la SARL [12] entreprise utilisatrice, doit garantir la société [11], entreprise de travail temporaire, des condamnations prononcées à son encontre ;
– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a fixé à la somme de 20.000 euros le préjudice moral subi par Mme [N] [M] [S] en sa qualité d’ayant-droit de feu [J] [A] [L] et fixé cette somme au passif de la société [12]
En conséquence,
– fixer à la somme de 30.000 euros le préjudice moral subi par Mme [M] [S] en sa qualité d’ayant-droit de feu [J] [A] [L] ;
– et fixer au passif de la société [12] l’obligation de garantir la société [11] de toutes les conséquences financières qui résultent de la reconnaissance de la faute inexcusable, à savoir la somme de 30.000 euros due au titre du préjudice moral de Mme [M] [S], intérêts compris ;
Vu l’article 123 du code de procédure civile,
– condamner in solidum la société [11], la société [12] et [10] à payer à Mme [M] [S] une somme de 6.000,00 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter les sociétés [11], [12] et [10] de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner la SARL [11] et son assureur la société [10] à payer à Mme [M] [S] la somme de 4.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société [12] à payer à Mme [M] [S] la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et fixer cette somme au passif,
– condamner in solidum les sociétés [11], [12] et [10] aux dépens.
Aux termes de conclusions datées du 27 juillet 2022, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, la société [11] demande à la cour de :
– recevoir l’appel incident de la SAS [11] et le dire bien fondé,
infirmer le jugement du 07 février 2020 du tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il :
« – Déclare Mme [X] [N] [M] [S] recevable en ses demandes,
– Dit que l’accident du travail dont a été victime Monsieur [J] [A] [L] le 4 mai 2011 est du à la faute inexcusable de son employeur, la société [11], substituée dans la direction par la SARL [12], entreprise utilisatrice actuellement placée en redressement judiciaire,
– Ordonné la majoration maximale de la rente de conjoint survivant allouée à Mme [X] [N] [M] [S] en sa qualité de concubine, sans que la rente majorée ne puisse excéder le salaire annuel du de cujus,
– Dit que cette majoration, portant intérêt au taux légal à compter du 25 juin 2015, date de la demande de conciliation de Mme [X] [N] [M] [S], sera directement versée à celle-ci par la CPAM de la Moselle,
– Fixe à la somme de 20.000 euros le préjudice moral subi par Mme [X] [N] [M] [S] en sa qualité d’ayant droit de feu [J] [A] [L],
– Dit que cette somme, qui portera intérêt aux taux légal à compter du prononcé de la présente décision, sera directement versée par la caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle à Mme [X] [N] [M] [S], en sa qualité d’ayant-droit de feu son concubin [J] [A] [L],
– Condamne la SARL [11] à rembourser à la CPAM de la Moselle l’ensemble des sommes que cet organisme devra avancer à [X] [N] [M] [S] sur le fondement des articles L 452-1 à L 452-3 du code de la sécurité sociale, au titre de la majoration de sa rente de conjoint survivant et de son préjudice moral,
– Condamne la société [11] à verser à Mme [X] [N] [M] [S] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamne la société [11] au dépens »
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
– dire et juger que Mme [X] [N] [M] [S] n’a pas qualité pour agir à l’encontre de la SARL [12] et de Maître [G],
– dire et juger que l’action en reconnaissance de faute inexcusable dirigée à l’encontre de la société [11] est prescrite,
– dire et juger que Mme [X] [N] [M] [S] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la faute inexcusable alléguée à l’encontre de la société [11],
En conséquence,
– déclarer irrecevable l’ensemble des demandes fins et conclusions de Mme [X] [N] [M] [S].
– subsidiairement, dire les demandes de Mme [M] [S] mal fondées et les rejeter.
A titre subsidiaire,
– dire et juger que la faute inexcusable si elle devait être retenue, a été commise par la société [12], entreprise utilisatrice, substituée dans la direction à la société [11].
En conséquence,
– fixer au passif de la société [12] l’obligation de garantir la société [11] de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance de la faute inexcusable (majoration de la rente ainsi que tous les préjudices quels qu’ils soient, énumérées ou non par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale) tant en principal qu’en intérêts et frais y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à la société [10].
A titre infiniment subsidiaire,
– dire et juger que la faute inexcusable si elle devait être retenue, a été commise par la société [12], entreprise utilisatrice, substituée dans la direction à la société [11],
– déclarer ou rappeler que la société [12] reste débitrice d’une obligation de garantir la société [11] de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance de la faute inexcusable (majoration de la rente ainsi que tous les préjudices quels qu’ils soient, énumérées ou non par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale) tant en principal qu’en intérêts et frais y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence,
– déclarer que l’obligation de la société [12] de garantir la société [11] de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance de la faute inexcusable (majoration de la rente ainsi que tous les préjudices quels qu’ils soient, énumérées ou non par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale) tant en principal qu’en intérêts et frais y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile, est inopposable mais non éteinte.
En tous les cas,
– recevoir l’appel provoqué d'[11] et le dire bien fondé.
– déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à la société [10].
– rejeter l’appel incident de Mme [M] [S], le dire mal fondé.
– rejeter l’appel de la société [12] et de Maître [I] [G], es qualités de mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de la SARL [12] pour leurs demandes subsidiaires formulées à l’encontre de la société [11], le dire mal fondé.
Aux termes de conclusions datées du 17 octobre 2022, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, la société [10] demande à la cour de :
– recevoir [10] en ses écritures et l’y dire bien fondée ;
– déclarer l’appel interjeté par la société [12] et Maître [I] [G] mal fondé et accueillir l’appel incident d'[10] ;
– rejeter comme étant nouvelles, au besoin, les prétentions qui seraient formalisées par la CPAM à l’encontre d'[10] en application de l’article 564 du code de procédure civile ;
– dénier à la Convocation par Officier de Police Judiciaire (pièce n°24 de Mme [M] [S]) tout effet interruptif de la prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur
– infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la décision opposable à [10] ;
– rejeter la demande de Mme [X] [N] [M] [S] de 6.000 euros de dommages et intérêts au visa de l’article 123 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
– déclarer l’action en reconnaissance de faute inexcusable dirigée à l’encontre de la société [11] irrecevable comme prescrite ;
– juger par suite sans objet la mise en cause d'[10], assureur de la société [11];
Vu l’article 2224 du code civil,
– déclarer irrecevables et mal fondées les demandes dirigées à l’encontre d'[10] ;
Vu l’arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 13 mai 2004n° 03-10964,
– prononcer par suite la mise hors de cause d'[10] ;
– ordonner la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution des termes du jugement par la société [12] ;
-faire injonction à la société [12] et à Maître [I] [G] de produire l’attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle de la société [12] pour l’année 2015, et ce, sous une astreinte de 1 000,00 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a accueilli le recours de la CPAM de Moselle à l’encontre de la société [11] ;
A défaut, statuant de nouveau,
Vu les articles R 142-19 du code de la sécurité sociale et 333 du code de procédure civile,
– dire et juger que l’intervention forcée de l’assureur de la société [11] ne peut tendre qu’à voir la décision à intervenir opposable à cette partie, le Pôle social, juridiction d’exception, n’ayant pas compétence pour statuer sur la question de l’exécution du contrat d’assurance ;
En tout état de cause,
– déclarer la décision à intervenir opposable à la société [10] et rejeter toute demande de condamnation ;
– condamner la société [12] et Maître [I] [G] à payer à la société [10] la somme de 5 000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner les mêmes aux entiers dépens.
Par conclusions du 27 juillet 2021, reprises oralement par son représentant, la CPAM de Moselle demande à la cour de :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [11] ;
Le cas échéant :
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de la rente de conjoint survivant ;
– donner acte à la caisse qu’elle s’en remet à la cour en ce qui concerne l’évaluation des préjudices moraux de Mme [M] [S] ;
En tout état de cause confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société [11] à rembourser à la caisse l’ensemble des sommes qu’elle devra avancer à Mme [M] [S] au titre de la majoration de sa rente de conjoint survivant et de son préjudice moral.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l’appel de la SARL [12] :
L’appel interjeté par la société [12] et Maître [G] es- qualités, le 30 juin 2020, est recevable car fait dans les délais des ordonnances prises en application de de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et de la loi du 13 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire.
Sur la demande de la société [10] de radiation de l’appel de la SARL [12] :
La société [10], intimée et appelée en déclaration d’arrêt commun par la société [11], conclut à la radiation de l’appel de la SARL [12] pour défaut d’exécution du jugement en application de l’article 524 du code de procédure civile.
La SARL [12] réplique que cette demande ne peut être formée par la société [10] qui n’y a pas intérêt et qu’elle ne peut être formée que devant le Premier Président de la cour.
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Aux termes de l’article 524 du code de procédure civile, la demande de radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement par l’appelant relève du Premier Président ou, lorsqu’il est désigné, du conseiller de la mise en état.
En l’espèce, la procédure d’appel en matière de sécurité sociale est orale sans mise en état et le Premier Président n’a pas été saisi d’une demande de radiation de l’appel pour défaut d’exécution du jugement.
Cette demande qui ne ressort pas des pouvoirs de la cour est donc irrecevable et doit être écartée.
Sur la demande de la société [10] tendant à écarter les conclusions et pièces de la SARL [12] :
La SA [10] soutient dans ses conclusions que la SARL [12] ne lui avait pas communiqué, au 09 août 2021, ses conclusions qui devaient être transmises avant le 18 mai 2021. Elle en déduit que le non-respect du calendrier par la société [12] porte atteinte aux droits de la défense et justifie que les pièces, conclusions et moyens qui viendraient à être communiqués par celle-ci soient déclarés irrecevables.
La SARL [12] fait valoir qu’elle n’avait pas intimé la SA [10] et qu’elle n’avait pas à communiquer ses conclusions à cette dernière, précisant que l’assureur a été appelé dans la cause après leur dépôt et n’a constitué avocat que quelques jours avant l’audience du mois d’octobre 2021. Elle ajoute avoir notifié ses conclusions récapitulatives et ainsi respecté le principe du contradictoire.
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Si la société [10], indique que la SARL [12] ne lui avait pas communiqué ses conclusions au 09 août 2021 et n’avait pas respecté le calendrier de procédure mis en place par la cour, il est constant que les parties ont depuis lors échangé de nouvelles conclusions dans le respect du principe du contradictoire.
Aucune difficulté sur ce point n’a été soulevée à l’audience de plaidoirie du 17 octobre 2022 où toutes les parties étaient présentes ou représentées et ont soutenu oralement leurs demandes en reprenant leurs dernières conclusions.
Dès lors, la demande de la SA [10] tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces de la SARL [12] est infondée et doit être écartée, le principe du contradictoire n’étant pas en cause.
Sur la recevabilité des demandes de Mme [M] [S] :
La SARL [12] et Me [G] es-qualité concluent à l’irrecevabilité des demandes de Mme [M] [S] à leur encontre, tant pour défaut de déclaration de créance que pour défaut de qualité pour agir et prescription, tout en demandant à la cour de leur donner acte de ce que Mme [M] [S] ne présente aucune demande contre la SARL [12].
La société [10] et la société [11] concluent également à l’irrecevabilité des demandes de Mme [M] [S] pour prescription, faisant valoir que cette dernière ne justifie pas d’un acte interruptif intervenu dans le délai de 2 ans à compter de la prise en charge, par la caisse, de l’accident du travail.
Mme [M] [S] réplique qu’elle a uniquement dirigé ses demandes envers la société [11], employeur de M. [J] [A] [L] et que le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut de déclaration de créance à la procédure de la SARL [12] est par conséquent inopérant, précisant qu’en tout état de cause le salarié victime n’est pas tenu de déclarer sa créance puisque l’indemnisation complémentaire demandée est versée directement par la CPAM.
Elle fait également valoir qu’en cas d’accident mortel, la concubine a la qualité d’ayant-droit. Elle expose qu’elle était concubine de M. [J] [A] [L], depuis 2006, vivant avec lui, et produit des photographies et des témoignages en ce sens.
Sur la prescription, Mme [M] [S] soutient que la notification de la prise en charge de l’accident puis du droit à la rente ont interrompu le délai de prescription puisque M. [V] [L], gérant de la SARL [12], a été cité en justice dans une procédure pénale le 11 juillet 2013. Elle ajoute que cette citation correspond à une mise en mouvement de l’action publique dans le délai de prescription de 2 ans qui s’est trouvé interrompu jusqu’à ce que le jugement correctionnel soit devenu définitif 10 jours après son prononcé.
Enfin, Mme [M] [S] expose qu’elle entend se prévaloir de l’article 123 du code de procédure civile car elle considère que la fin de non-recevoir tirée de la prescription a été soulevée de mauvaise foi par les sociétés [12], [11] et [10], après 7 ans de procédure.
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Sur l’absence de déclaration de créance de Mme [M] [S] au passif de la SARL [12]
En application de l’article L. 622-7 du code de commerce, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire emporte de plein droit l’interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17 du même code.
Les créanciers sont tenus de déclarer leur créance auprès des organes de la procédure collective et peuvent uniquement solliciter la fixation de leur créance au passif de celle-ci.
En matière de faute inexcusable, la victime, ou l’ayant-droit, qui réclame la reconnaissance d’une faute inexcusable ne peut être considérée comme demandant la condamnation de l’employeur et de l’entreprise utilisatrice au paiement d’une somme d’argent et n’a donc pas à déclarer sa créance en cas de redressement judiciaire de cette dernière, l’indemnisation complémentaire demandée étant versée directement par la CPAM.
En l’espèce, la société [12] et Me [G] es-qualités ainsi que Mme [M] [S] s’accordent sur le fait que cette dernière n’a pas dirigé ses demandes envers la SARL [12] mais a sollicité la reconnaissance de l’existence d’une faute inexcusable de la société [11], employeur de M. [J] [A] [L], qui, en cette qualité, peut seule défendre à une telle action. Les demandes en paiement des conséquences financières de la faute inexcusable ne sont pas davantage dirigées envers la SARL [12].
S’il est vrai que Mme [M] [S] a demandé, dans ses conclusions écrites, que soit fixée au passif de la société [12] l’obligation de garantir la société [11] de toutes les conséquences financières qui résultent de la reconnaissance de la faute inexcusable, force est de constater que cette demande est formulée au bénéfice de la société [11] et non de Mme [M] [S] elle-même qui n’a pas qualité pour demander la fixation au passif de la SARL [12] d’une obligation à laquelle elle n’est pas partie.
Au surplus, il est rappelé que, la victime, ou l’ayant-droit, qui réclame la reconnaissance d’une faute inexcusable ne peut être considérée comme demandant la condamnation de l’entreprise utilisatrice au paiement d’une somme d’argent. Mme [M] [S] n’était donc pas tenue de déclarer une créance auprès de la SARL [12].
La fin de non-recevoir soulevée à l’encontre de Mme [M] [S] pour défaut de déclaration de créance doit donc être écartée.
Sur la qualité pour agir de Mme [M] [S]
L’article L. 434-7 du code de la sécurité sociale dispose qu’en cas d’accident suivi de mort, une pension est servie, à partir du décès, aux personnes et dans les conditions mentionnées aux articles suivants. Les articles suivants énumèrent de façon limitative, pour le cas des accidents suivis de morts, l’ensemble des ayants droit, à savoir, le conjoint ou le concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité, les descendants et ascendants dans certaines conditions.
L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définis aux articles suivants.
En l’espèce, Mme [M] [S] produit aux débats de nombreuses attestations (plus de dix) de membres de sa famille et d’amis, toutes concordantes, qui relatent qu’elle vivait en concubinage avec M. [J] [A] [L] et que ce dernier s’occupait du fils de Mme [M] [S] tel un père. Les attestations de Mme [W] et Mme [R] précisent que Mme [M] [S] et M. [J] [A] [L] avaient pour projet de se marier (pièces de Mme [M] [S] n°21 et 22).
Il ressort manifestement tant de ces attestations, des photographies versées aux débats, que de la déclaration de vie commune enregistrée auprès de la mairie de la commune de [Localité 14] (pièce de Mme [M] [S] n°3) et encore des termes du jugement correctionnel du 26 janvier 2015 que Mme [M] [S] vivait effectivement en concubinage avec M. [J] [A] [L] à la date de son accident mortel, et ce, à tout le moins depuis 2007, à savoir près de 5 ans.
Dès lors, la qualité d’ayant-droit de Mme [X] [N] [M] [S] au sens des articles L. 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale est établie.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a déclaré Mme [M] [S], concubine de M. [J] [A] [L], recevable en ses demandes à ce titre.
Sur la prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable
Selon l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, les droits de la victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, ou de ses ayants droit, aux prestations et indemnités dues se prescrivent par deux ans. Toutefois, en cas d’accident susceptible d’entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la prescription de deux ans opposable aux demandes d’indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l’exercice de l’action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.
Cette interruption de la prescription profite à des ayants droit n’ayant pas été partie au litige initial, dès lors que les faits dommageables étaient identiques. Cet effet interruptif subsiste jusqu’à la date à laquelle la décision ayant statué sur cette action est devenue irrévocable.
La saisine de la caisse par les ayants droit interrompt également la prescription biennale, suspendant le cours de la prescription tant que l’organisme social n’a pas fait connaître aux intéressés le résultat de la tentative de conciliation. Un nouveau délai de prescription de deux ans commence à courir à compter de la notification de ce résultat.
En l’espèce, Mme [X] [N] [M] [S] a eu connaissance de la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels, le 06 septembre 2011.
Par la suite, M. [V] [L], gérant de la SARL [12] a fait l’objet d’une convocation devant le tribunal correctionnel pour l’audience du 25 novembre 2013, convocation délivrée par officier de police judiciaire sur instruction du Procureur de la République en application de l’article 390-1 du code de procédure pénale ,le 11 juillet 2013.
Cette convocation, produite aux débats par Mme [M] [S] en pièce n°24, correspond à une citation en justice et donc à l’exercice de l’action pénale pour les faits d’homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail, mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d’équipement de travail ne préservant pas la sécurité du travailleur et emploi de travailleur temporaire sans organisation de formation pratiquée et appropriée en matière de sécurité.
Son caractère interruptif de prescription est donc avéré, contrairement à ce que soutient la société [10].
En outre, l’article L. 431-2 du code de la sécurité sociale précité vise expressément l’exercice d’une action pénale engagée pour les mêmes faits, et non envers les mêmes personnes. Il est donc inopérant que l’action pénale ait été engagée envers M. [L], dirigeant de la société [12], en sa qualité de personne physique et non envers la société [12] elle-même, puisque cette action pénale visait les faits ayant conduit au décès de M. [J] [A] [L].
Il est également inopérant, eu égard aux dispositions spécifiques de l’article L. 431-2 précité qui visent une action pénale « pour les mêmes faits », qu’il existe une autonomie, entre l’action civile de l’ayant-droit envers l’employeur et l’action opposant l’employeur et l’entreprise utilisatrice.
Dès lors, l’action pénale initiée par les poursuites engagées le 11 juillet 2013, a interrompu le délai biennal de prescription prévu par l’article L. 431-2 précité qui avait commencé à courir le 06 septembre 2011 et n’avait pas expiré. Les multiples décisions de renvoi de l’affaire à des audiences correctionnelles ultérieures n’ont pas d’influence sur cette interruption de prescription, étant précisé que la prescription était interrompue jusqu’au prononcé d’une décision pénale définitive.
Ce délai n’a donc recommencé à courir qu’à compter du jour où la décision du tribunal correctionnel du 27 avril 2015 condamnant M. [L] est devenue définitive à défaut d’appel dans le délai de 10 jours suivant son prononcé, à savoir le 09 mai 2015.
Ainsi, Mme [M] [S] a diligemment saisi la CPAM d’un recours amiable visant la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [11], le 25 juin 2015 alors que le délai biennal prévu pour ce faire n’avait pas expiré de nouveau. Cette saisine a interrompu de nouveau le délai de prescription qui a recommencé à courir le 20 juillet 2015, date à laquelle la caisse a informé Mme [M] [S] du refus de la société [11] de concilier.
Mme [M] [S] qui a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale par requête expédiée le 27 août 2015 dirigée contre la société [11] n’était donc pas prescrite dans sa demande.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté le moyen d’irrecevabilité pour prescription soulevé à son encontre.
La fin de non-recevoir soulevée par les sociétés [11], [12] et [10] étant infondée et n’entraînant aucune irrecevabilité, il n’y a pas davantage lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts de Mme [X] [N] [M] [S] à l’encontre de ces sociétés, fondée sur l’article 123 du code de procédure civile.
Enfin, Mme [M] [S] étant parfaitement recevable en ses demandes envers la société [11], assurée de la société [10], la demande de mise hors de cause formée par cette dernière ne peut prospérer.
Sur le fond
Sur la caractérisation de la faute inexcusable
La société [11] fait grief au jugement d’avoir retenu l’existence d’une faute inexcusable en rappelant qu’une telle faute doit être prouvée et, en l’espèce, qu’elle doit être appréciée à l’égard de l’entreprise utilisatrice qui était responsable des conditions de travail du salarié. Elle expose s’associer aux développements de la SARL [12] sur ce point et précise qu’elle n’a pas été entendue dans le cadre de la procédure pénale qui a conduit à la reconnaissance de la responsabilité du seul dirigeant de la SARL [12].
La SARL [12] et Me [G] es-qualité ne développent aucun moyen relatif à la caractérisation de la faute inexcusable.
La SA [10] soutient également que la faute inexcusable doit s’apprécier dans la personne de l’entreprise utilisatrice et qu’il incombe donc à la société [12] de s’expliquer sur le respect des obligations qui lui incombaient. La SA [10] soutient que seule la société [12] doit répondre des conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable.
Mme [M] [S] conclut à la confirmation du jugement. La CPAM s’en remet à justice.
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L’article L. 412-6 du code de sécurité sociale prévoit que l’entreprise utilisatrice est regardée comme substituée à la société de travail temporaire pour l’exercice des pouvoirs de direction et que c’est cette dernière qui, sauf son recours en remboursement contre l’auteur de la faute inexcusable, demeure tenue des conséquences prévues aux articles L.452-1 à L.452-4 du même code.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers lui d’une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
La condamnation pénale définitive de l’employeur ou de celui substitué dans la direction pour infraction aux règles de sécurité établit que celui-ci devait avoir conscience du danger encouru par le salarié et que sa négligence revêt le caractère d’une faute inexcusable.
En l’espèce, M.[J] [A] [L], travailleur intérimaire de la société [11] a été mis à la disposition de la SARL [12] pour l’exécution d’un contrat de mission. L’existence d’une faute inexcusable doit donc s’apprécier au regard du seul comportement de la SARL [12], les conséquences financières étant éventuellement assumées vis-à-vis de la caisse, de la victime et de ses ayant-droits par la société [11].
Ni la société [11], ni la société [12] et Me [G] n’apportent à hauteur de cour d’élément nouveau permettant de remettre en cause la pertinente motivation des premiers juges, au demeurant fondée sur une condamnation pénale définitive de M. [L], dirigeant de la SARL [12], pour homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail, mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d’équipement de travail ne préservant pas la sécurité du travailleur et emploi de travailleur temporaire sans organisation de formation pratiquée et appropriée en matière de sécurité.
Il résulte tant de cette condamnation pénale que des motifs du jugement, que la cour adopte, que la SARL [12] devait avoir conscience du danger auquel était exposé [J] [A] [L] et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz qui a retenu la faute inexcusable de l’employeur, la société [11], substituée dans la direction par la SARL [12], est sur ce point, confirmé.
Sur les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable
Sur la majoration de la rente
Aucune discussion n’existe à hauteur de cour sur la majoration de la rente telle que prononcée par le jugement dont appel. Cette majoration, prévue légalement par l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale n’est donc pas utilement remise en cause et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l’indemnisation du préjudice moral
Mme [M] [S] forme appel incident du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu’elle a subi du fait du décès de son concubin. Elle sollicite l’allocation à ce titre d’une somme de 30.000 euros.
La SARL [12] et Me [G] es-qualité soutiennent que les montants sollicités par Mme [M] [S] et ceux qui lui ont été alloués sont trop élevés au vu de la jurisprudence usuelle et applicable compte tenu de la situation personnelle de cette dernière.
La société [11] ne développe aucun moyen sur ce point.
La SA [10] et la CPAM s’en remettent à la cour.
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Il résulte de la combinaison des articles L. 434-7, L. 434-13 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale que l’ayant-droit de la victime décédée des suites d’un accident du travail, imputable à la faute inexcusable de l’employeur, peut prétendre à la réparation de son préjudice moral.
En l’espèce, Mme [X] [N] [M] [S], concubine de M. [J] [A] [L], avec qui elle partageait son quotidien depuis près de 5 ans lors de l’accident mortel, est fondée à solliciter la réparation de son préjudice moral résultant du décès de son concubin.
C’est par une juste évaluation de ce préjudice, et sans que Mme [X] [N] [M] [S] n’apporte à hauteur de cour des éléments de nature à la remettre en cause, que les premiers juges lui ont alloué la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur l’action récursoire de la caisse
Bien que la SA [10] ait conclu à l’infirmation du jugement qui a accueilli le recours de la CPAM contre la société [11], aucune discussion ni moyen ne sont développés à hauteur de cour sur l’action récursoire de la caisse contre l’employeur de M.[J] [A] [L].
La faute inexcusable de la société [11] étant établie, la CPAM est bien fondée à solliciter le bénéfice de cette action récursoire en application de l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale.
Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef également.
Sur l’action en garantie contre la SARL [12]
La SARL [12] fait valoir que l’action en garantie de la société [11] est irrecevable et, plus subsidiairement, doit être déclarée inopposable à la procédure collective, dès lors que Mme [M] [S] n’a pas formé de demande envers la SARL [12] et qu’en outre la société [11] n’a pas déclaré sa créance dans la procédure collective.
La société [11] fait valoir que la SARL [12] n’a jamais soutenu une telle argumentation en première instance et elle soutient que le fait générateur de sa créance de garantie est non pas l’accident du travail mais la reconnaissance par le tribunal judiciaire de l’obligation de garantie par jugement du 07 février 2020, de sorte que sa créance n’est pas antérieure à la procédure collective. A titre subsidiaire elle fait valoir que la sanction du non-respect du délai pour déclarer sa créance est l’inopposabilité de celle-ci.
La SA [10] ne conclut pas utilement sur ce point.
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L’action récursoire de l’employeur à l’encontre de l’entreprise utilisatrice d’un salarié victime d’un accident du travail trouve son fondement dans l’éventuelle faute de celle-ci, ayant concouru à la réalisation du dommage, et non dans l’action en reconnaissance de faute inexcusable intentée par la suite par le salarié victime.
En application des dispositions de l’article L. 622-24 du code du commerce, les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doivent déclarer celle-ci dans la procédure collective et ce, dans les délais impartis par les textes.
En l’espèce, la SARL [12] en qualité d’entreprise utilisatrice ayant commis une faute inexcusable, est tenue de garantir la société [11] des conséquences de cette faute.
Toutefois, il est constant que la SARL [12] a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte le 31 mars 2016. L’origine de la créance contre la SARL [12] réside dans la faute à l’origine de l’accident du travail, dont l’existence a été retenue par le jugement entrepris.
Or, cette faute date de l’accident du travail, soit du 04 mai 2011.
L’origine de la créance de la société [11] sur la SARL [12] est donc antérieure au jugement d’ouverture de sa procédure collective, étant noté au surplus que l’action en reconnaissance de faute inexcusable a également été initiée antérieurement à ce jugement.
La société [11] avait donc parfaitement connaissance, à la date de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SARL [12] des demandes de Mme [M] [S] et du recours en garantie que l’employeur pouvait avoir envers l’entreprise utilisatrice. La société [11] ne justifie toutefois pas avoir procédé à une déclaration de créance ni avoir sollicité d’être relevée de sa forclusion pour ce faire.
Dès lors, faute d’avoir fait l’objet d’une déclaration au passif du redressement judiciaire de la SARL [12], les demandes de la société [11] envers la SARL [12] sont irrecevables en l’état et les créances qu’elle détient envers cette dernière sont inopposables à la procédure collective de cette dernière et à Me [G] es-qualité de commissaire à l’exécution du plan en application des dispositions de l’article L. 622-26 du code de commerce et ce, pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a fixé au passif de la SARL [12], entreprise utilisatrice, substituée dans la direction de la société [11], l’obligation de garantir cette dernière des conséquences financières résultant de la faute inexcusable, les créances de la société [11] étant inopposables à la procédure collective de la SARL [12] et à Me [G] es-qualité dans les conditions de l’article L. 622-26 du code de commerce précité.
Sur les demandes de la société [10]
A titre liminaire, la cour rappelle que l’appel provoqué de la société [11] envers son assureur, la SA [10], partie à la procédure en première instance, a pour effet de rendre cette dernière partie à l’instance d’appel et ainsi recevable à former des demandes contre la SARL [12] et Me [G] es-qualité, appelants principaux, indépendamment du fait que ces dernières ne l’aient pas intimée directement. Les développements de la SARL [12] et Me [G] à cet égard sont donc inopérants.
Par ailleurs, il est rappelé, comme le fait valoir au demeurant la SA [10], que la juridiction de sécurité sociale peut uniquement déclarer la décision commune à l’assureur, la compétence de la juridiction du contentieux de la sécurité sociale ne portant pas sur l’action fondée sur la garantie de l’assurance à l’égard de l’employeur.
Les développements de l’assureur sur la prescription de demandes éventuellement formées à son encontre par la société [11], son assurée, ou de la Caisse sont par conséquent dépourvus d’objet.
En tout état de cause, ni la société [11] ni la Caisse n’ont formulé d’autre demande qu’une déclaration de jugement commun, demande à visée purement procédurale qui ne se prononce pas sur les relations entre les parties et ne peut se prescrire.
Au demeurant, la SA [10] demande elle-même à la cour, dans le dispositif de ses dernières conclusions reprises oralement à l’audience, « en tout état de cause, déclarer la décision à intervenir opposable à la société [10] », ce qui est manifestement en contradiction avec l’ensemble de ses développements sur l’irrecevabilité de la demande de déclaration de jugement commun.
Enfin, la demande de la société [10] qui vise à faire injonction à la SARL [12] de produire une attestation d’assurance trouve sa cause dans la garantie de l’assureur de la société [11], qui nécessite cette attestation pour exercer un éventuel recours, entre assureurs, qui ne relève pas de la compétence de la juridiction de la sécurité sociale. Au surplus, cette demande n’avait pas été formée en première instance et est nouvelle en cause d’appel sans qu’aucun élément postérieur à la première instance ne le justifie.
Dans ce cadre, la cour déclare le présent arrêt commun à la SA [10] mais écarte les autres demandes formées par cette dernière.
Sur les autres demandes
L’issue du litige conduit la cour à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile mis à la charge de la société [11]. En revanche le jugement est infirmé en ce qu’il a fixé à titre de garantie ces sommes au passif de la SARL [12].
A hauteur de cour, la société [11] qui succombe principalement envers la SARL [12] et Me [G] es-qualités sera condamnée aux dépens et à payer à ces dernières une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société [11] qui succombe également dans son appel incident à l’encontre de Mme [M] [S] sera condamnée à payer à cette dernière la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité ne commande pas de faire droit aux autres demandes fondées sur ces dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DECLARE recevable l’appel interjeté par la SARL [12] ([12]) et Me [I] [G] es-qualités de commissaire à l’exécution du plan .
DECLARE irrecevable la demande de radiation de l’appel formée par la SA [10] .
REJETTE l’ensemble des fins de non-recevoir soulevées par la SA [10] .
INFIRME le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 7 février 2020 mais uniquement en ce qu’il a fixé au passif de la société [12] l’obligation de garantir la société [11] de toutes les conséquences financières qui résultent de la reconnaissance de la faute inexcusable, à savoir la somme de 20.000 euros due au titre du préjudice moral de Mme [M] [S], intérêts compris, la majoration de la rente annuelle de conjoint survivant, dans la limite du salaire du de cujus, la somme de 1.500 euros due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens .
Statuant à nouveau sur ce point,
DECLARE irrecevable la demande de fixation au passif du redressement judiciaire de la société [12] des sommes dues au titre de l’obligation de garantie de la société [11] à savoir la somme de 20.000 euros due au titre du préjudice moral de Mme [M] [S], intérêts compris, la majoration de la rente annuelle de conjoint survivant, dans la limite du salaire du de cujus, la somme de 1.500 euros due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens .
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus.
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [X] [N] [M] [S] de sa demande de condamnation in solidum de la société [11], la SARL [12] et la SA [10] à lui payer une somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts .
REJETTE les demandes de la SA [10] .
CONDAMNE la société [11] à payer à la SARL [12] et Me [G] es-qualités la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
CONDAMNE la société [11] à payer à Mme [X] [N] [M] [S] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes.
CONDAMNE la société [11] aux dépens d’appel .
DÉCLARE le présent arrêt commun et opposable à la SA [10] .
Le Greffier Le Président