Tentative de conciliation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01815

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Tentative de conciliation : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01815
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 13/04/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/01815 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TRB2

Jugement (N° 20/01666) rendu le 09 Mars 2021

par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

APPELANTS

Monsieur [P] [D]

né le 11 octobre 1973 à Agen (47000)

et Madame [E] [T] épouse [D]

née le 02 juin 1976 à Calais (62100)

demeurant ensemble [Adresse 6]

[Localité 4]

représentés par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistés de Me Caroline Matrat Maenhout, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [F] [C]

né le 17 janvier 1951 à Calais (62100)

et Madame [A] [H] épouse [C]

née le 27 avril 1952 à Calais (62100)

demeurant ensemble [Adresse 7]

[Localité 4]

représentés par Me Hervé Leclercq, avocat au barreau de Boulogne sur Mer, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 10 janvier 2023 tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Bruno Poupet, président de chambre

Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 après prorogation du délibéré en date du 06 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 juin 2022

****

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 09 mars 2021, 

Vu la déclaration d’appel de M. [P] [D] et Mme [E] [T] épouse [D] du 30 mars 2021,

 

Vu les conclusions de M. et Mme [D] du 30 juin 2021,

 

Vu les conclusions de M. et Mme [C] du 23 juillet 2021,

 

Vu l’ordonnance de clôture du 20 juin 2022.

EXPOSE DU LITIGE

 

M. [P] [D] et Mme [E] [T] épouse [D] ont fait l’acquisition par acte authentique en date du 02 novembre 2001 d’une maison à usage d’habitation située à [Adresse 6], cadastrée AC N° [Cadastre 3] et [Cadastre 2], pour une contenance de 5 ares 14 centiares. Les précédents propriétaires, M. et Mme [N], y avaient fait édifier plusieurs dépendances.

 

M. [F] [C] et Mme [A] [H] épouse [C] sont propriétaires depuis 1977 de la parcelle voisine sise à [Adresse 7], cadastrée AC n°[Cadastre 1].

 

Par acte d’huissier du 10 avril 2018, M. et Mme [C] ont fait assigner M. et Mme [D] en bornage.

 

Par jugement avant dire droit du 11 février 2019, le tribunal d’instance de Calais a ordonné une expertise confiée à M. [L] [I].

L’expert a rendu son rapport le 8 août 2019.

 

Par jugement du 16 juin 2020, le tribunal d’instance s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer.

 

Par jugement en date du 9 Mars 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :

– condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, à détruire la clôture en bois et la longrine en béton entre leur terrain et celui de M. [F] [C] et Mme [A] [H], son épouse, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision,

– condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, à détruire la dépendance construite entre leur terrain et celui de M. [F] [C] et Mme [A] [H], son épouse, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision,

– dit qu’à défaut pour M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, de s’exécuter dans le délai imparti, ils seront redevables d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pour une durée de deux mois,

– condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, aux dépens de la présente instance et dit n’y avoir lieu à statuer sur les frais de bornage et d’expertise judiciaire, qui relève du tribunal de proximité de Calais,

– condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, à payer à M. [F] [C] et Mme [A] [H], son épouse, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

 

Par déclaration en date du 30 mars 2021, M. et Mme [D] ont interjeté appel de la décision (RG n°21/1815).

Par dernières conclusions du 30 juin 2021, M. et Mme [D] demandent à la cour, de : 

” Dire et juger recevable et fondé l’appel interjeté par M. et Mme [D] [T] à l’encontre du Jugement déféré, et en conséquence,

 

” Réformer le Jugement rendu le 9 Mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de Boulogne Sur Mer, en ce qu’il a :

 

o condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, à détruire la clôture en bois et la longrine en béton entre leur terrain et celui de Monsieur [F] [C] et Madame [A] [H], son épouse, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision,

o condamné M [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, à détruire la dépendance construite entre leur terrain et celui de M. [F] [C] et Mme [A] [H], son épouse, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision,

o dit qu’à défaut pour M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, de s’exécuter dans le délai imparti, ils seront redevables d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pour une durée de deux mois,

o condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, aux dépens de la présente instance et dit n’y avoir lieu à statuer sur les frais de bornage et d’expertise judiciaire, qui relève du tribunal de proximité de Calais,

o condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T], son épouse, à payer à M. [F] [C] et Mme [A] [H], son épouse, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Et statuant à nouveau,

” Dire et juger que les époux [D]-[T] ont acquis la propriété par prescription acquisitive tant de la clôture en bois sur longrine en béton que de la dépendance en parpaings ;

 

” Débouter les époux [C]-[H] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

 

A titre subsidiaire, si par impossible la Cour de céans considérait que les époux [D] ont augmenté l’empiétement sur le terrain des époux [C], dans le cadre des travaux de remise en état de la dépendance édifiée par M. [N],

” Dire et juger que la prescription immobilière est acquise pour Monsieur et Madame [D]-[T] s’agissant de la dépendance telle qu’elle a été édifiée par Monsieur [N] en 1987, et en conséquence,

 

” Limiter la démolition de l’ouvrage au prolongement du mur en parpaings le long du grillage séparatif ;

 

En tout état de cause,

” Condamner les époux [C]-[H] à payer à M. et Mme [D] [T] la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

 

” Les condamner enfin aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise et de bornage.

 

Par conclusions en date du 23 juillet 2021, M. et Mme [C] demandent à la cour, de :

 

–         Confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer,

–         Condamner solidairement M. et Mme [D] à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

–         Les condamner solidairement aux dépens. 

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

 

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

1- sur l’empiétement et la prescription acquisitive

 

L’article 545 dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

 

L’article 2261 du code civil précise les conditions de la prescription acquisitive, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

Selon l’article 2272 du code civil le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

L’article 2265 du code civil précise enfin que pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.

M. et Mme [D] se prévalent d’une prescription abrégée et soutiennent que tant la clôture que l’annexe à leur immeuble empiétaient sur l’immeuble voisin avant leur acquisition, ils soutiennent que l’empiétement a été réalisé au vu de leur voisin depuis plus de trente ans, en sorte qu’ils se prévalent de la prescription, ils ajoutent avoir reconstruit l’annexe sur l’emplacement de la précédente aucun nouvel empiétement n’en est résulté.

 

M. et Mme [C] contestent toute prescription et sollicitent la confirmation du jugement.

 

Il ressort du rapport de M. [I] qu’un bornage a été réalisé entre les deux parcelles en 1976 dont il a retrouvé les traces, il indique (page 8 du rapport) que « la réapplication du plan de bornage valide le fait que le fer scié dans le massif béton en fond de jardin se trouvait bien sur la limite séparative.

Elle valide également l’empiétement des deux extensions en béton et parpaings réalisées par les consorts [D] pour atteindre 24 cm au maximum, mais également de la première dépendance réalisée en parpaing par M. [N] (10cm).

La dernière édition du plan d’état des lieux suggère l’implantation de deux points A et B, A pour matérialiser la limite à l’arrière des constructions au départ de la haie et B serait une marque de peinture sur le mur du fond dans l’axe de la limite. »  

Il ressort clairement du rapport que la construction et la clôture empiètent sur la propriété de M. et Mme [C], ce qui n’est pas contesté par M. et Mme [D] qui invoquent en leur faveur la prescription.

 

M. et Mme [D] ne sauraient valablement invoquer la prescription abrégée dès lors que même s’ils sont de bonne foi, ils ne peuvent se prévaloir d’un juste titre, l’acte d’acquisition de la maison ne fait pas état des annexes litigieuses, aucun autre document n’est invoqué.

 

Il ressort du rapport de M. [I] (page 4 du rapport) que M. et Mme [C] font état de deux « extensions » ; sont en cause, l’extension de l’annexe (construction couverte), une deuxième extension consiste en un claustra de bois posée sur une longrine en béton sur laquelle est édifiée une clôture.

 

– La dépendance en parpaings

M. et Mme [D] produisent essentiellement des attestations, notamment celle de Mme [N] précédente propriétaire (pièce n° 2) qui a indiqué que l’annexe existe depuis l980, soit depuis plus de trente ans. Ils produisent également une attestation de M. [B], ouvrier intervenu dans l’immeuble, qui confirme la présence de l’annexe en 1987.

Ces attestations, notamment de la précédente propriétaire sont contestées,

 

M. et Mme [C] produisent deux photographies aériennes, dont l’une qui serait antérieure à 2006 mettrait en évidence l’absence d’annexe sur la parcelle AC [Cadastre 3], qui ne serait visible que sur la photographie de 2006. La datation des photographies n’est pas certaine et elles sont de surcroît floues, elles ne permettent pas de conclure à l’absence des annexes avant 2000.

 

Par ailleurs, la circonstance que l’acte de vente de l’immeuble du [Adresse 6] soit muet quant à la présence des annexes ne permet pas de déterminer que les annexes auraient été construites dans les années 2000.

 

S’agissant d’une construction, le caractère public, continu, non équivoque et à titre de propriétaire est suffisamment établi par les photographies produites et les attestations.

 

Dès lors qu’il est justifié de ce que l’annexe était édifiée avant la vente de l’immeuble à M. et Mme [D], la bonne foi est établie de ceux-ci.

 

Le caractère paisible de cette possession est établi également par les attestations de Mme [N], de M. [B] et de M. [M], Mme [N] expose que l’annexe réalisée n’a fait l’objet d’aucune contestation de la part de ses voisins.

Il n’est par ailleurs pas justifié par M. et Mme [C] d’une quelconque contestation des constructions avant le 12 juin 2017 et la saisine d’un conciliateur.

 

Il sera ajouté que cette tentative de conciliation dont il est fait état par M. et Mme [C], ne saurait avoir de caractère interruptif, seule une demande en justice ou la reconnaissance aurait été de nature de nature à interrompre la prescription.

 

Les annexes ayant été réalisées au plus tard en 1987, trente-six ans se sont écoulés depuis leur édification par M. et Mme [N] et les travaux de reconstruction réalisés par M. et Mme [D].

 

Il ressort du rapport de M. [I] (page 8) et des photographies produites que la reconstruction d’une longueur de 4 m 50 réalisée par M. et Mme [D] en 2017 empiète sur la parcelle cadastrée AC [Cadastre 1] appartenant à M. et Mme [C], l’expert se fondant sur les éléments du bornage qui avait été réalisé en 1976 a établi un plan et fait figurer la limite séparative entre les deux parcelles entre les points A et B, il indique que l’empiétement atteint 10 cm sur la partie plus ancienne composée de parpaings posés par M. [N] et atteint jusqu’à 24 cm sur la partie réalisée par M. et Mme [D] en 2017 correspondant.

 

 

Il convient dès lors de considérer que la prescription acquisitive concerne une bande  de 10 cm de profondeur à partir de la limite séparative figurée au rapport de M. [I] entre les points A et B et prise sur la parcelle AC [Cadastre 1] , et ce, sur la longueur de la partie ancienne de la dépendance construite par M. [N], que dès lors la demande de démolition de l’ensemble du mur doit être rejetée et limitée au prolongement du mur ancien le long du grillage séparatif,  le mur de l’annexe sur cette partie devant être positionné en retrait de la limite séparative matérialisée sur le plan de M. [I], à l’intérieur de la parcelle AC [Cadastre 3].

 

– sur la clôture et la longrine

 

S’agissant de la deuxième extension constituée d’une claustra posée sur une longrine dont l’expert indique qu’elle empiète sur la parcelle AC [Cadastre 1] jusqu’à 24 cm par rapport à la limite de propriété déterminée à l’issue du bornage réalisé en 1976, pour cette partie des travaux réalisés par M. et Mme [D], la preuve d’une occupation trentenaire n’est pas rapportée, les éléments de clôture ayant pu être déplacés, aucune marque, attestation ou photographie ne peut établir que les clôtures et donc la longrine, le claustra et une partie de la clôture auraient été implantées depuis plus de trente années à leur emplacement actuel, il n’est donc pas justifié d’une prescription acquisitive.

 

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la démolition de cette partie des constructions réalisées par M. et Mme [D].

 

M. et Mme [D] devront établir toute construction et clôture en tenant compte de la limite séparative figurant au rapport de M. [I].

  

2- sur les frais irrépétibles et les dépens

 

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

 

Chacune des parties succombant partiellement, il convient de les condamner chacune à la moitié des dépens de première instance, en ce compris les honoraires de l’expert, et d’appel.

 

L’équité commande de les débouter de leurs demandes d’indemnités de procédure.

PAR CES MOTIFS

 

La cour,

 

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a :

– condamné M. [P] [D] et Mme [E] [T] épouse [D] à détruire la clôture en bois et la longrine en béton entre leur terrain et celui de M. [F] [C] et Mme [A] [H] épouse [C],

 

Statuant à nouveau et y ajoutant,

 

Ordonne la démolition de la partie du mur de la dépendance construite par M. [D] en 2017, correspondant au mur en parpaings le long du grillage séparatif, édifié dans le prolongement du mur ancien, qui, au regard de la limite séparative entre les parcelles, figurée entre les points A et B du plan de M. [I], empiète sur la parcelle AC [Cadastre 1],

 

Dit que les démolitions d’une partie de la dépendance, de la clôture en bois et de la longrine devront intervenir dans le délai de deux mois à compter du présent arrêt et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, pendant un délai de trois mois,

 

Déboute M. et Mme [C], propriétaires de la parcelle AC [Cadastre 1] de leur demande de démolition de la partie ancienne de la dépendance en parpaings construite par les précédents propriétaires de la parcelle [Cadastre 5] en raison de la prescription acquisitive,

 

Condamne M. [P] [D] et Mme [E] [T] épouse [D] d’une part et M. [F] [C] et Mme [A] [H] épouse [C], d’autre part à payer la moitié des dépens de première instance et d’appel en ce compris les honoraires de l’expert,

 

Déboute les parties de leurs demandes d’indemnité de procédure.

 

 

Le greffier

[O] [R]

Le président

Catherine Courteille

 


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