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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 12 MAI 2023
N°2023/ 134
Rôle N° RG 19/09789 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEOJD
SARL MILAIX
C/
[M] [L]
Copie exécutoire délivrée
le : 12/05/2023
à :
Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Benoit GRANJARD, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 29 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F19/00162.
APPELANTE
SARL MILAIX, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [M] [L], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Benoit GRANJARD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2023.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [M] [L] a été engagée en qualité d’équipière polyvalente par la société Milaix, qui exploite un fonds de commerce de restaurant sous l’enseigne Mac Donald’s, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel du 23 juillet 2015.
Le 12 août 2015, la société Milaix a mis fin à la période d’essai.
Le 31 juillet 2017, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence d’une contestation de la rupture.
Par jugement du 29 novembre 2018, le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence, faisant application de l’article 19 du code de procédure civile, s’est dessaisi au profit du conseil de prud’hommes de Toulon.
Par jugement du 29 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a condamné la SARL Milaix à payer à Mme [L] les sommes de 2 640 euros bruts soit 12 mois de salaire ainsi que 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée de ses autres demandes.
La SARL Milaix a relevé appel de la décision le 19 juin 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 février 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, la société Milaix demande à la cour de :
‘réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon le 29 mai 2019 en ce qu’il a :
– jugé nulle la période d’essai ;
– l’a condamnée à payer à Mme [L] la somme de 2.640 euros bruts soit 12 mois de salaire ;
– l’a condamnée à payer à Mme [L] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– l’a condamnée la société milaix aux entiers dépens ;
– constaté que l’action de Mme [L] était prescrite et donc irrecevable sans en tirer les conséquences et notamment en la condamnant ;
– rejeté implicitement dans le dispositif la prescription de l’action de Mme [L] ;
– rejeté implicitement dans le dispositif l’irrecevabilité de l’action de Mme [L] ;
– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile
en conséquence :
in limine litis et à titre principal :
constater la prescription de l’action prud’homale de Mme [L] ;
déclarer irrecevable l’action prud’homale de Mme [L] ;
déclarer irrecevable la demande nouvelle de Mme [L] relative à la nullité de la période d’essai ;
constater la carence probatoire de Mme [L] quant à une prétendue discrimination ;
juger que Mme [L] n’a pas été victime de discrimination ;
juger que l’action de Mme [L] n’est pas soumise à la prescription quinquennale ;
juger, à titre subsidiaire, que l’action quinquennale est prescrite ;
A titre subsidiaire :
constater que Mme [L] n’a pas sollicité la nullité de sa période d’essai ;
constater que Mme [L] n’a pas sollicité une indemnisation au titre de la nullité de sa période d’essai
juger que le conseil de prud’hommes a statué ultra-petita ;
constater que la période d’essai de Mme [L] de deux mois était parfaitement régulière et légale ;
débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes ;
juger que la rupture de la période d’essai est légitime et qu’elle n’est nullement abusive, vexatoire, brutale voire discriminatoire ;
débouter Mme [L] de sa demande correspondant à 12 mois de salaire au titre de la nullité de la période d’essai ;
débouter Mme [L] de sa demande de dommages intérêts en réparation de son préjudice ;
débouter Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail ;
débouter Mme [L] de sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral ;
débouter Mme [L] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et autant en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens ;
quoiqu’il en soit :
condamner Mme [L] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées 9 décembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, Mme [L] demande à la cour de :
‘- débouter la société Milaix de sa demande in limine litis d’irrecevabilité de son action;
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 29 mai 2019 en ce qu’il a :
condamné la société Milaix à lui payer 12 mois de salaire au titre de la nullité de la période d’essai ;
débouté la société Milaix en la personne de son représentant légal de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamné la société Milaix en la personne de son représentant légal aux entiers dépens;
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 29 mai 2019 pour le surplus ;
statuant à nouveau,
– condamner la société Milaix à lui payer la somme de 12 093,12 € correspondant à 12 mois de salaire au titre de la nullité de la période d’essai ;
– dire et juger que la rupture de sa période d’essai est abusive;
– condamner la société Milaix à lui payer la somme de 3 500 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice ;
– condamner la société Milaix à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail ;
– condamner la société Milaix à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;
– débouter la société Milaix de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société Milaix à lui payer la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et autant en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.’
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
Moyens des parties
La SARL Milaix fait valoir que l’action intentée par la salariée devant le conseil de prud’hommes en contestation de la rupture du contrat de travail est prescrite en application de la clause contractuelle réduisant la durée de la prescription de telles actions à un an, dès lors que la salariée a agi le 31 juillet 2017 alors que le contrat était rompu depuis le 12 août 2015.
Elle soutient que la salariée ne peut tirer argument de l’absence d’une telle clause dans le précédent contrat de travail qu’elle a conclu avec une société Sofede exploitant également une franchise Mac Donald’s dès lors qu’il s’agissait d’un employeur différent; que le déséquilibre invoqué qui serait crée par le délai de prescription abrégée est inopérant dès lors qu’une telle possibilité est prévue par la loi et que le délai demeure raisonnable; que la salariée a été informée du délai mentionné au contrat de travail.
Elle expose enfin que l’intimée ne peut se prévaloir de la prescription quinquennale prévue par l’article L.1134-5 du code du travail dès lors qu’elle ne s’explique pas sur le critère en vertu duquel elle aurait été discriminée.
Mme [L] réplique qu’il n’y a pas lieu à application du délai de prescription abrégé d’un an dès lors que la clause litigieuse porte atteinte au principe selon lequel le contrat de travail ne saurait contenir des dispositions moins favorables qu’une norme supérieure ainsi qu’à sa liberté d’agir en justice ; que cette clause ne comporte pas de contrepartie et qu’elle ne l’a pas acceptée explicitement.
Elle soutient que son action devant le conseil de prud’hommes est fondée sur la discrimination dont elle a été victime lors de la rupture de son contrat de travail dans la mesure où son poste de travail s’est vu confier à un salarié bénéficiant d’un passe-droit dans l’entreprise et qu’il convenait en conséquence d’appliquer la prescription quinquennale non susceptible d’aménagement contractuel.
Réponse de la cour
L’article 2254 du code civil édicte que la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties.
Le contrat de travail liant Mme [L] à la société Milaix, stipule, article 9, que ‘conformément aux dispositions de l’article 2254 du code civil, et sous réserve des dispositions légales contraires, les parties conviennent de réduire à un an le délai de prescription de toutes les actions résultant de la conclusion, de l’exécution et de la rupture du présent contrat de travail’.
L’article L.1134-5 du code du travail énonce que l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel.
Il est de jurisprudence constante que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance, objet de la demande.
En l’espèce, il n’est pas discuté que l’action de la salariée est une action en contestation de la rupture du contrat de travail.
La cour observe que Mme [L] fonde sa demande sur la discrimination dont elle s’estime victime et qui aurait conduit la société à l’écarter de son poste de travail sans raison objective.
Il en résulte que cette action ayant pour objet de réparer un préjudice né de faits discriminatoires était en conséquence soumise à la prescription quinquennale issue de l’article L.1134-5 susvisé.
Ce délai n’étant pas susceptible d’aménagement conventionnel, la clause contractuelle réduisant le délai de prescription à un an doit être écartée.
Le contrat de travail ayant été rompu par l’employeur le 12 août 2015, aucune fin de non recevoir tirée de la prescription ne peut être opposée à la salariée qui a saisi le conseil de prud’hommes le 31 juillet 2017.
L’action est par conséquent recevable.
Sur la demande de nullité de la période d’essai
Moyens des parties
La société conclut à l’irrecevabilité de la demande de nullité de la période d’essai fondée sur la discrimination comme étant une demande nouvelle en cause d’appel.
L’appelante indique qu’en première instance, la salariée n’a pas demandé la nullité de la période d’essai, ni de condamnation financière de la société à ce titre et que le conseil de prud’hommes a jugé ultra petita la condamnant à la somme de 2 640 euros de ce chef.
La salariée soutient qu’il ne s’agit pas d’une demande nouvelle car elle a déjà fait l’objet de débats devant le conseil de prud’hommes.
Réponse de la cour
L’article 564 du code de procédure civile édicte qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Aux termes de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent.
En vertu des articles 4 et 5 du code de procédure civile, il est interdit au juge de modifier l’objet du litige tel qu’il a été défini par les parties.
En l’espèce, dans ses dernières conclusions devant le conseil de prud’hommes, Mme [L], assistée de son conseil, a demandé à la formation de jugement de :
‘- dire et juger que la clause d’aménagement conventionnel de la prescription stipulée à l’article 9 du contrat de travail de Mme [L] est contraire aux dispositions légales et d’ordre public applicables,
– dire que cette clause est nulle et de nul effet,
– déclarer recevable l’action de Mme [L],
– constater que la SARL Milaix a fait montre d’une légèreté blâmable en rompant la période d’essai de Mme [L],
– dire et juger que la rupture de la période d’essai de Mme [L] est abusive,
– condamner la société Milaix à payer à Mme [L] la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
– constater que la rupture de la période d’essai a été particulièrement brutale et vexatoire,
– condamner la SARL Milaix à payer à Mme [L] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail,
– condamner la SARL Milaix à payer à Mme [L] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– débouter la SARL Milaix de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la SARL Milaix à payer à Mme [L] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’
Les notes d’audience du 28 mars 2019 devant le conseil de prud’hommes, signées par les avocats des parties, mentionnent ces mêmes demandes de condamnation de la SARL Milaix.
Dans son dispositif, qui seul est revêtu de l’autorité de la chose jugée, le conseil de prud’hommes a condamné la société Milaix à payer à la salariée la somme de 2 640 euros bruts, soit 12 mois de salaire, outre 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté Mme [L] de ses autres demandes.
Il motive succintement cette condamnation comme suit : ‘suivant l’article 9 de la convention collective de la restauration rapide, la période d’essai devrait être de un mois; que la période d’essai constatée est nulle’ et a ‘accordé à Mme [L] 1 an de salaire, soit 2 640 euros bruts’.
La déclaration d’appel interjetée par la SARL Milaix indique critiquer notamment les deux chefs de jugement suivants :
‘- avoir jugé nulle la période d’essai
– avoir condamné la société Milaix à payer à Mme [L] la somme de 2 640 euros bruts, soit 12 mois de salaire,’
et demander à titre principal la prescription de l’action prud’homale et son irrecevabilité.
Dans ses dernières conclusions devant la cour d’appel, la société Milaix fait valoir que le conseil de prud’hommes a statué ultra petita dès lors que la salariée n’a pas sollicité la nullité de la période d’essai, ni d’indemnisation à ce titre.
Il ressort de ces élément qu’aucune demande de nullité de la période d’essai, ni de demande financière subséquente n’ont été formulées en première instance.
De telles prétentions ne procèdent pas des mêmes faits, ni du même rapport de droit que celles formées au titre de la rupture de la période d’essai devant le conseil de prud’hommes contre la société Milaix.
Elles sont donc irrecevables.
Il est par conséquent fait droit à la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de ces demandes.
Sur le caractère fautif de la rupture de la période d’essai
– sur le motif discriminatoire
Moyens des parties
La société Milaix qui conteste toute faute dans la rupture du contrat de travail, fait valoir que la salariée ne s’explique pas sur le critère en vertu duquel elle aurait été discriminée.
Soutenant que la période d’essai a été rompue pour un motif discriminatoire, Mme [L] expose que la société a favorisé un autre salarié qu’elle a embauché parce qu’il bénéficiait d’un passe droit.
Réponse de la cour
En application des dispositions des articles L.1221-19 et suivants du code du travail, si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant la fin de l’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus.
Les dispositions de l’article L.1132-1 du code du travail relatives aux discriminations prohibées sont applicables pendant la période d’essai. La période d’essai rompue pour un motif discriminatoire ouvre droit, le cas échéant, à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture illicite.
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte « telle que définie à l’article 1er de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.
En l’espèce, la cour relève que le seul fait qu’un autre candidat soit embauché et qu’il ait bénéficié de passe droit tel qu’affirmé par l’intimée, ne saurait constituer une discrimination illicite, Mme [L] n’expliquant pas en quoi elle aurait été traitée plus mal en raison de l’une des caractéristiques susvisées.
La cour relève par ailleurs que Mme [L] se borne à affirmer qu’elle a été victime de discrimination mais échoue à présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, aucune pièce, aucun élément n’étant versé de ce chef.
La demande de dommages et intérêts pour rupture illicite de la période d’essai fondée sur la discrimination doit donc être rejetée.
– Sur le caractère abusif
Moyens des parties
Mme [L] soutient qu’aucune raison objective ne peut justifier la rupture du contrat de travail et que les éléments qui ont motivé cette rupture sont étrangers à l’appréciation de ses qualités professionnelles.
Elle fait valoir les circonstances ayant entouré la rupture du contrat pour affirmer que l’employeur a agi avec une légèreté blâmable.
Elle expose avoir travaillé au sein de la société Sodefe exploitant un restaurant Mac Donald’s entre le 6 août 2013 et la date de son embauche par la société Milaix en juillet 2015, qu’elle donnait entière satisfaction à son employeur, qu’elle a été engagée par la société Milaix aux mêmes fonctions que celles occupées précédemment, travaillant dans les mêmes conditions, forte de son expérience et de ses compétences.
Elle soutient avoir subi un préjudice en lien avec le caractère fautif de la rupture, ayant démissionné d’un emploi qu’elle occupait depuis deux ans, et avoir dû compter sur l’aide financière de sa famille afin de pouvoir poursuivre ses études.
La société Milaix réplique n’avoir commis aucune faute dans le fait de rompre le contrat de travail dès lors que la rupture de la période d’essai n’a pas à être motivée et n’est entourée d’aucun formalisme particulier.
Elle ajoute que si l’expérience que la salariée avait acquise en travaillant dans un restaurant Mac Donald’s a pu jouer en sa faveur lors de l’embauche, il est apparu qu’en dépit de celle-ci, elle ne correspondait pas aux attentes et exigences de la société; qu’elle avait certainement trop d’assurance, ce qui a entravé ses capacités d’adaptation; qu’il n’existe pas de groupe Mac Donald’s mais plusieurs petites entreprises distinctes ayant chacune leur organisation et leur niveau d’exigence, de sorte que les attestations des anciens responsables sur les qualités de la salariée et ses compétences sont inopérantes.
Elle fait valoir la mauvaise foi de l’intimée et conteste toute légèreté blâmable dans le fait d’avoir rompu le contrat de travail dès lors qu’elle n’a pas demandé à la salariée de démissionner de son précédent emploi pour l’engager et que cette dernière a fait des choix personnels et géographiques étant étudiante à [Localité 3].
Réponse de la cour
La rupture de la période d’essai a un caractère discrétionnaire.
Dès lors qu’il est établi que la résiliation d’un contrat de travail est intervenue au cours de la période d’essai pour un motif sans rapport avec l’appréciation des qualités professionnelles du salarié, l’employeur commet un abus dans l’exercice de son droit de résiliation.
Il incombe au salarié d’apporter la preuve de cet abus.
En l’espèce, par courrier du12 août 2015, l’employeur a notifiée à Mme [L] que la période d’essai n’était ‘malheureusement pas concluante’ et qu’il y était mis fin.
La salariée produit deux attestations du formateur Sodefe et de son ancien manager concernant ses qualités personnelles (ponctualité, assiduité, écoute) et professionnelles (polyvalente et maîtrise) qui sont cependant inopérantes pour établir, en tant que telles, que la décision de l’employeur de rompre la période d’essai jugée non concluante est fautive. En effet, les deux sociétés sont distinctes et indépendantes l’une de l’autre, elles sont gérées par des personnes physiques différentes (extrait Kbis). Chaque employeur doté du pouvoir de direction est, sous réserve des obligations que lui imposent la loi, les conventions et accords collectifs, maître de l’organisation de l’entreprise qui est différente d’une entité à l’autre.
Il en est de même de la comparaison des postes occupés au sein de chacune des deux sociétés Sodefe puis Milaix. La description du poste au sein de l’une et de l’autre des sociétés fait certes ressortir des tâches similaires (contrats de travail pièces 1et 8), cependant, cet élément ne peut suffire à considérer que Mme [L] convenait, de facto, au poste alors qu’elle est en présence de deux employeurs différents mettant en oeuvre des organisations distinctes.
Au vu de ces éléments, il n’est pas démontré que la rupture de la période d’ essai résulte de considérations non inhérentes à la personne de la salariée, ou d’une légèreté blâmable ou d’une intention de nuire de l’employeur, étant observé que cette rupture est intervenue sans précipitation inhabituelle, après que l’employeur ait pu apprécier pleinement les capacités de la salariée à occuper le poste au sein de l’entreprise pendant 21 jours.
Dans ces conditions, la rupture de la période d’ essai ne peut être considérée comme abusive et Mme [L] a été à juste titre déboutée de ses demandes de ce chef par les premiers juges.
Sur le préjudice moral distinct lié à la rupture brutale et vexatoire
Mme [L] sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 500 euros faisant valoir que la rupture du contrat de travail a été brutale et vexatoire.
Au soutien, la salariée fait valoir une proximité douteuse entre certains restaurants Mac Donald’s marseillais et aixois et l’existence de passe droit. Elle indique que la directrice des ressources humaines était visiblement gênée pour lui annoncer la rupture et lui aurait indiqué qu’il s’agissait d’une entente de la direction relative aux départs et arrivées de personnel.
Elle affirme avoir été congédiée brutalement alors qu’elle avait démissionné d’un poste précédent, qu’elle était compétente et qu’elle n’avait jamais fait l’objet de reproche.
La société Milaix conteste ces accusations.
La cour relève qu’il n’est justifié ni d’une faute dans les circonstances ou les conditions de cette rupture ni de l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la rupture elle-même.
Les allégations concernant les connivences et les passe droit ne sont étayées par aucune pièce et leur caractère fautif non caractérisé.
En conséquence, la cour dit que la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur le préjudice moral lié au comportement procédural de la société Milaix
Mme [L] réclame la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au motif de l’attitude déloyale de la société dans la procédure prud’homale.
Elle conclut à la recevabilité de cette demande qui s’est révélée en cours d’instance devant le conseil de prud’hommes et qui se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant dès lors qu’il s’agit de sanctionner le comportement déloyal et abusif de la société Milaix.
Sur le fond, elle soutient n’avoir découvert la qualité de conseiller prud’homale du gérant de la société Milaix que quelques jours avant l’audience, sans que celui-ci ne s’explique jamais sur son silence à ce sujet durant toute la procédure; que le renvoi de l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Toulon a été fait sur décision des juges aixois; que cela lui a causé des difficultés liées à l’éloignement.
La société Milaix soulève l’irrecevabilité de cette demande comme ayant été formulée au cours de l’instance prud’homale dans le cadre de conclusions du 6 mars 2019 et comme étant nouvelle du fait de la suppression du principe de l’unicité de l’instance.
Sur le fond, elle demande son rejet comme n’étant pas fondée. Elle indique que son gérant n’était pas en charge du dossier et qu’il n’a été introduit dans la section commerce qu’en 2018, soit postérieurement à la saisine de la salariée; que Mme [L] ne peut se plaindre de l’éloignement de la juridiction ayant été saisie dès lors qu’elle avait elle-même sollicité que l’affaire soit délocalisée auprès de la juridiction arlésienne ; qu’elle ne démontre aucun préjudice.
– sur la recevabilité
L’article 70 du code de procédure civile édicte que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, la demande de condamnation à des dommages et intérêts au motif d’un comportement procédural déloyal est, de fait, apparue en cours d’instance et se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant dès lors qu’elle porte sur la sanction du comportement fautif de l’employeur.
Il convient par conséquent de la déclarer recevable.
– sur le fond
La cour relève que Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix en Provence le 31 juillet 2017; que les parties ont été convoquées le 1er août 2017 à l’audience du bureau de conciliation et d’orientation fixée au 5 octobre 2017; qu’en l’état de l’échec de la tentative de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant l’audience du bureau de jugement du 11 octobre 2018; que par conclusions d’incident du 11 octobre 2018, Mme [L] a sollicité le renvoi de l’affaire devant la juridiction d’Arles indiquant avoir découvert que le gérant de la société Milaix était conseiller prud’homal au sein du conseil de prud’homme d’Aix en Provence; que par jugement du 29 novembre 2018, l’affaire a été renvoyée devant le conseil de prud’hommes de Toulon au motif, sous le visa de l’article 47 du code de procédure civile, que M. [V], gérant de la SARL Milaix, était magistrat du conseil de prud’hommes d’Aix en Provence.
Figure au dossier de la cour un ‘Bon pour pouvoir’ signé par M. [V] le 4 octobre 2017 indiquant qu’il ne pourra se présenter personnellement au bureau de conciliation et d’orientation et qu’il donne pouvoir à un collaborateur.
Il ressort de ces éléments que dès le 1er août 2017, la société, par l’intermédiaire de son gérant, était informée de l’existence d’un risque de renvoi pour cause de suspicion légitime. Or, il est démontré que c’est Mme [L] qui est à l’origine de la demande de délocalisation de l’affaire devant une juridiction limitrophe le 11 octobre 2018, soit plus d’un an après la connaissance qu’en avait le défendeur.
Au vu de ces éléments, le comportement déloyal de la société Milaix dans la procédure est caractérisé, de même que les tracas qui en sont découlés pour la requérante lui causant un préjudice qu’il convient d’évaluer à 1 000 euros.
Sur les autres demandes
Mme [L] succombant au principal, elle supportera la charge des dépens de première instance et d’appel. Les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile doivent être rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’homme de Toulon le 29 mai 2019 en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [M] [L] au titre de la rupture du contrat de travail, des dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, pour rupture brutale et vexatoire,
L’INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,
DIT que l’action de Mme [M] [L] aux fins de contestation de la rupture du contrat de travail n’est pas prescrite et que ses demandes indemnitaires formées à ce titre sont recevables,
DECLARE irrecevable la demande portant sur la nullité de la période d’essai,
DECLARE recevable la demande de dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euros pour préjudice moral,
Condamne la société Milaix à payer à Mme [M] [L] la somme de 1 000 euros pour comportement procédural fautif,
DEBOUTE Mme [L] de ses autres demandes,
DEBOUTE la société Milaix de sa demande reconventionnelle,
LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT