Your cart is currently empty!
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RG 21/02683 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FTUX
Minute n° 23/00022
[C]
C/
[C]
Ordonnance Référé, origine Tribunal paritaire des baux ruraux de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 21 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 52-20-0002
COUR D’APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE – Baux Ruraux
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
APPELANT :
Monsieur [S] [C]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non comparant, Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [O] [C]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Non comparant, Représenté par Me Pierre DEVARENNE, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, Me KEYSER avocat plaidant au barreau de NANCY
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 08 Septembre 2022 tenue par M. MICHEL, Magistrat Rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l’arrêt être rendu le 24 novembre 2022 à cette date le délibéré a été prorogé au 12 Janvier 2023.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sophie GUIMARAES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Madame BASTIDE, Conseiller
Monsieur MICHEL, Conseiller
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme GUIMARAES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [N] [D] veuve [C] est usufruitière d’une parcelle située à [Localité 6] ayant pour référence cadastrale section [Cadastre 3] (anciennement section [Cadastre 4]), d’une superficie de 98 ares 62 centiares. Son fils, M. [S] [C] est nu-propriétaire de la parcelle et son petit-fils, M. [O] [C] est locataire d’une partie.
Par acte d’huissier du 8 septembre 2020, M. [O] [C] a assigner M. [S] [C] devant le président du tribunal paritaire des baux ruraux de Sarreguemines statuant en référé et au dernier état de la procédure, il a demandé au juge de :
– écarter des débats la pièce adverse n°5 ‘certificat médical du Docteur [T]’produite pour le compte de M. [S] [C]
– faire interdiction à M. [S] [C] d’avoir à pénétrer sur la partie de la parcelle louée à concurrence de 80 ares selon les limites précisées par la bailleresse Mme [C], dans sa lettre du 2 juillet 2020, située à [Localité 6] ayant pour référence cadastrale [Cadastre 3], sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée
– déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé M. [S] [C] en ses prétentions et l’en débouter
– condamner M. [S] [C] à lui payer une somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
M. [S] [C] a demandé au juge des référés avant dire droit d’enjoindre M. [O] [C] de produire aux débats l’original de sa pièce n°1, à titre principal de rejeter ses demandes en raison de l’existence d’une contestation sérieuse et reconventionnellement, le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 21 octobre 2021, le président du tribunal a :
– dit que la demande de M. [S] [C] en production avant dire droit de l’original de l’attestation de location verbale est devenue sans objet
– écarté des débats le certificat médical du Dr [T]
– fait interdiction à M. [S] [C] d’avoir à pénétrer sur la partie de la parcelle louée à concurrence de 80 ares par Mme [C] située sur le ban de la commune d'[Localité 6] section [Cadastre 3] d’une contenance cadastrale totale de 98 ares 62 centiares
– assorti l’interdiction d’une astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée pendant une durée de 365 jours à compter la signification de l’ordonnance, sans s’en réserver la liquidation
– rejeté toute autre demande
– condamné M. [S] [C] aux dépens de l’instance et à verser à M. [O] [C] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée au greffe le 4 novembre 2021, M. [S] [C] a formé appel de chacune des dispositions de cette ordonnance.
Il demande à la cour d’infirmer l’ordonnance et de :
– dire n’y avoir lieu à référé et renvoyer M. [O] [C] à mieux se pourvoir
– déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de l’intimé
– dans tous les cas le débouter de toutes ses prétentions et le condamner au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’appelant expose, au visa de l’article 564 du code de procédure civile, que les prétentions nouvelles de l’intimé tendent à d’autres fins que celles soumises au premier juge, qu’elles n’en sont ni l’accessoire, ni la conséquence, ni le complément puisqu’elles n’ont pas la même nature et supposent une analyse différente. Il ajoute que l’intimé ne démontre pas que les faits nouveaux qu’il invoque, respectivement le dépôt de matériel aratoire sur la parcelle louée et l’implantation d’une clôture sauvage, lui sont imputables, et conteste la valeur probante de l’attestation, des photographies et des constatations faites par l’huissier quant à la distinction entre les terres.
Sur les autres demandes, il soutient que Mme [C] a consenti à M. [O] [C] un bail rural verbal sur 60 ares de la parcelle section [Cadastre 3] qui en compte 98 au total, qu’en sa qualité de nu-propriétaire il a acquiescé à l’opération et qu’une attestation de location verbale a été établie en un seul exemplaire original non daté conservé par le preneur. Il précise avoir édifié en 1982 sur cette parcelle un bâtiment pour son activité agricole, que le terrain loué n’a pas fait l’objet d’un arpentage précis, qu’il n’est pas physiquement matérialisé, qu’au fil du temps M. [O] [C] a étendu son exploitation à l’intégralité de la parcelle et l’a ainsi empêché d’accéder normalement à son bâtiment, ajoutant que ses tentatives pour un règlement amiable du litige, notamment la saisine du conciliateur, sont restées vaines.
L’appelant s’oppose à la demande tendant à voir écarter des courriers et courriels échangés au cours de la tentative de conciliation aux motifs que le principe de confidentialité ne prohibe que les constatations et déclarations recueillies au cours de la médiation, précisant que l’une de ces pièces avait pour objet de communiquer au conciliateur une information sur la situation litigieuse alors même que la procédure de conciliation n’était pas encore entamée et qu’une autre consiste en un courriel adressé à une personne qui n’était pas partie à la conciliation.
Il conteste la valeur de l’attestation de location verbale en rappelant que M. [O] [C] a expressément reconnu avoir pris l’initiative de modifier la mention manuscrite de la contenance de la parcelle. Il prétend que l’intimé a fait un usage ostensible de cette attestation ‘corrigée’ à l’égard des autorités et des institutions de manière à lui permettre en cas de contrôle, de justifier de la surface exploitée déclarée. Il soutient que le premier juge a inversé la charge de la preuve alors qu’il appartient à M. [O] [C] de rapporter la preuve que la correction a été effectuée concomitamment à l’établissement du document, laquelle n’est pas rapportée. Il fait également valoir que les déclarations effectuées par le preneur au titre de la PAC ne sont pas des preuves suffisantes, et que le seul fait pour le nu-propriétaire et l’usufruitier de ne pas utiliser ou exploiter les 10 ares de différence de la parcelle, comme l’a relevé le premier juge, n’est pas constitutif de droits pour le preneur.
S’agissant des certificats médicaux délivrés par le Dr [T], l’appelant expose que le premier de certificat du 9 mars 2021, prétendument établi à la demande de son avocat qui l’a démenti, précise le prénom, le nom, l’adresse de la bailleresse, qu’il a été remis en main propre à Mme [C] qui le lui a transmis volontairement pour assurer la défense de ses droits et que la production d’un certificat médical en justice est recevable dès lors qu’elle est justifiée par un motif légitime. Il observe que le second certificat médical délivré à M. [O] [C] le 1er avril 2021 qui énonce comme le premier que ‘l’état de santé de Mme [C] ne lui permet pas de prendre une décision éclairée en raison d’une vulnérabilité et une altération de ses facultés mentales’ n’a pas été écarté des débats et que l’intimé n’a jamais contredit cette appréciation médicale. Il en déduit qu’il est acquis que les facultés mentales de la bailleresse sont affaiblies et que la diminution de ses capacités cognitives ne lui a pas permis d’apprécier la portée des documents qu’elle a signés le 2 juillet 2020 à la veille de son hospitalisation, soit une attestation dactylographiée et une vue satellitaire de la parcelle.
Il soutient que les pièces produites (témoignages, déclarations à la MSA, forfaits fiscaux, cotisations sociales) démontrent qu’il exploitait jusqu’en 2000 les terres non comprises dans l’objet du bail verbal et qu’il n’a cessé d’user de fait d’un droit de passage sur ces terres, qu’il est désormais privé de ce droit de passage et ne peut plus se rendre à son hangar à défaut d’un autre accès, notamment par la route. Il considère que les prétentions de M. [O] [C] se heurtent à une contestation sérieuse, qu’elles n’ont aucune légitimité juridique, que les mesures sollicitées ne répondent pas au besoin de prévenir un dommage imminent que rien ne caractérise et que si un trouble imminent a pu émerger, celui-ci est exclusivement imputable aux manoeuvres frauduleuses de l’intimé, à ses voies de fait et à ses abus dans l’exercice des droits que lui confèrent le bail rural.
M. [O] [C] demande à la cour de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions et de:
– y ajoutant, écarter des débats les pièces produites par M. [S] [C] n° 8, 9, 10, 11 et 12 relatives à la conciliation conventionnelle entre les parties, au visa de l’article 1531 du code de procédure civile
– enjoindre à M. [S] [C] d’avoir à retirer sur l’emprise de la parcelle qui lui est louée à concurrence de 80 ares section 6 n°141, l’ensemble du matériel aratoire qu’il a entreposé ainsi que les piquets et fils de fer, dans le mois de l’arrêt à intervenir et dire qu’à défaut il sera dû par M. [S] [C] une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant deux mois passé lequel délai il sera à nouveau fait droit
– ordonner à M. [S] [C] d’avoir à retirer la clôture ‘sauvage’ qu’il a implantée sur la limite séparative de la parcelle louée par Mme [C] cadastrée section [Cadastre 3] et la parcelle pour laquelle il justifie d’un titre d’occupation cadastrée section [Cadastre 5], dans un délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant deux mois
– déclarer M. [S] [C] irrecevable et mal fondé en ses prétentions et l’en débouter
– condamner M. [S] [C] à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.
Il expose que Mme [C] et M. [S] [C] lui ont loué à compter du 1er janvier 2005 la parcelle située à [Localité 6] section [Cadastre 4] (désormais [Cadastre 3]) à concurrence d’une superficie de 80 ares, que la partie non louée de cette même parcelle correspond à un bâtiment et au terrain attenant réservée par le bailleur, que les fermages sont régulièrement réglés, que le bail s’est poursuivi sans difficulté jusqu’au cours de l’année 2015 et que depuis lors M. [S] [C] pénètre sur la partie louée, pratique une fauche sauvage, ouvre la clôture et arrache des piquets, coupe le courant sur la clôture et entrepose son matériel.
Sur le certificat médical du 9 mars 2021, il explique qu’après lui avoir avoué que le document avait été rédigé à la demande de l’avocat de M. [S] [C], le médecin l’a spontanément ré-édité le 1er avril 2021 en mentionnant ‘certificat réalisé à la demande de l’avocat de la partie adverse’, que si le premier certificat contrevient à la règle du secret professionnel institué par l’article R.4127-4 du code de la santé publique, la production du certificat du 1er avril 2021 n’enfreint pas les mêmes dispositions dans la mesure où ce n’est que la reproduction en ‘copier-coller’du premier certificat pour indiquer que son contenu a été rédigé à la demande de l’avocat et non de Mme [C] comme indiqué initialement.
L’intimé soutient que l’appelant enfreint également les règles de la confidentialité en produisant des documents relevant d’une conciliation conventionnelle intervenue entre les parties, que sa demande tendant à les faire écarter des débats n’est pas nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile dans la mesure où elle vise à faire écarter les prétentions de la partie adverse et que ces pièces ont été produites pour la première fois en cause d’appel.
Sur le fond, il expose que les immixtions de M. [S] [C] sur la partie louée sont récurrentes, que les démarches pour y mettre un terme se sont avérées vaines, que la contenance de 80 ares figure expressément à deux reprises dans l’attestation de location verbale et que cette superficie a été mentionnée lors de la signature du document et non postérieurement comme le prétend l’appelant. Il souligne que la bailleresse a confirmé dans un document que la location porte sur une superficie de 80 ares identifiée sur un plan annexé et que ces indications ont été réitérées par un autre document signé par Mme [C] le 2 juillet 2020 sur lequel est en outre apposée la mention ‘lu et approuvé’ de sa main, ajoutant qu’en 2020 sa grand-mère avait ses facultés pour confirmer la contenance du bail sur ces documents.
Il prétend que l’ensemble des éléments du dossier contredisent la version de M. [S] [C] quant à son ‘expansion’ en cours de bail pour passer de la location de 60 à 80 ares, en particulier les déclarations effectuées au titre de la PAC et les relevés d’exploitation auprès de la MSA, notamment celui du 1er janvier 2005 précisant que 18 ares 62 centiares sont gardés par le propriétaire. Il précise qu’antérieurement au bail, son père M. [J] [C] exploitait la même surface qui a fait ensuite l’objet d’une modification d’exploitant auprès de la MSA à compter du 1er janvier 2005 et que M. [S] [C] ne justifie d’aucun titre d’occupation.
Sur les demandes nouvelles en appel, il soutient qu’elles sont recevables puisqu’elles procèdent des mêmes fins que ses prétentions initiales et qu’elles en sont l’accessoire, la conséquence et le complément au sens des articles et 565 et 566 du code de procédure civile. Sur le fond, il indique justifier du dépôt de matériel et des exactions de l’appelant par les attestations et photographies produites et par un constat d’huissier du 20 décembre 2021. Il ajoute que le commentaire apposé sur une photographie produite aux débats par M. [S] [C] confirme que le matériel agricole entreposé sur la parcelle louée lui appartient et que la clôture que l’appelant a installée, sépare artificiellement la parcelle section [Cadastre 3] de la parcelle [Cadastre 5] dont il est également locataire, de sorte que son îlot de culture n’est plus d’un seul tenant.
A l’audience du 8 septembre 2022, les parties représentées, se sont référées oralement à leurs conclusions écrites déposées à l’audience, en date du 31 mai 2022 pour l’appelant et du 8 septembre 2022 pour l’intimé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes de M. [S] [C]
M. [O] [C] ne développant aucun moyen au soutien de l’irrecevabilité des prétentions de l’appelant qu’il soulève, il doit être débouté de sa fin de non recevoir.
Sur la demande de production de l’original de l’attestation de location verbale
Si M. [S] [Z] a formé appel de l’ordonnance en ce qu’elle a dit que sa demande en production avant dire droit de l’original de l’attestation de location verbale est devenue sans objet, il ne formule à cet égard aucune prétention, ni moyen. Il s’ensuit que la cour n’a pas à statuer de ce chef et ne peut que confirmer la disposition susvisée.
Sur le certificat médical du 9 mars 202
L’article R.4127 – 4 de la santé publique dispose que le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.
C’est à juste titre que le premier juge a écarté des débats le certificat médical établi par le Dr [T] le 9 mars 2021. En effet, ce document évoque l’état de santé de Mme [C] et il résulte du second certificat délivré le 1er avril 2021 par le même médecin, qu’il n’a pas été établi à la demande de la patiente mais de ‘l’avocat de la partie adverse’. Même si la mention selon laquelle le document a été remis en main propre à l’intéressée n’est pas contestée et peut induire que Mme [C] l’a transmis à son fils [S] ainsi qu’il le soutient, cette circonstance n’est pas à elle seule de nature à lui permettre de produire le certificat médical aux débats, alors que la production en justice de document intéressant la santé d’une personne dont la divulgation peut constituer une atteinte à sa vie privée ou au secret médical, n’est recevable que si elle justifiée par un motif légitime, ce qui n’est pas le cas d’espèce puisque le certificat du 9 mars 2021 a été versé aux débats non dans l’intérêt de Mme [C] mais uniquement de celui de son fils afin d’étayer sa contestation relative aux documents signés par Mme [C]. En conséquence l’ordonnance ayant écarté des débats ce certificat médical est confirmée.
Sur les pièces relatives à la conciliation
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Aux termes de l’article 565, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. En application de l’article 566 du même code, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge, les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire et selon les articles 70 et 567 du même code, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, la demande nouvelle en appel de M. [O] [C] tendant à voir écarter des débats les pièces n° 9, 10, 11, 12 afférentes à la conciliation, est recevable puisqu’elle a pour objet de faire écarter les prétentions adverses au sens de l’article 564 du code de procédure civile.
Selon l’article 1531 du code de procédure civile, la médiation et la conciliation conventionnelles sont soumises au principe de la confidentialité dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 21-3 de la loi du 8 février 1995. Il résulte de l’article 21-3 de la n° 95-125 du 8 février 1995, que les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers, ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties.
En l’espèce, l’intimé sollicite que soient écarté des débats des courriers et courriels échangés entre le conciliateur et les parties, comportant leurs explications et positions. L’appelant soutient vainement que la lettre du 11 décembre 2017 est antérieure la procédure de conciliation alors que le principe de confidentialité s’applique dès que le conciliateur est saisi, à toutes les déclarations relatives au litige que lui adressent les parties verbalement ou par écrit et que le courrier de M. [S] [C] a pour objet ‘des informations utiles pour la suite des opérations de conciliation judiciaire’. Il est également mal fondé à soutenir que la pièce n° 11 est un courriel adressé par le conciliateur à Mme [A] [H] non partie à la conciliation, dès lors qu’outre ce mail de quelques lignes, la pièce n°11 comporte sur plusieurs pages les messages échangés entre le conciliateur et M. [O] [C].
En conséquence il convient d’écarter des débats les pièces produites par l’appelant sous les numéros 9 (‘lettre adressée par M. [O] [C] au conciliateur de justice du 11 décembre 2017″), 10 (‘lettre adressée par M. [O] [C] au conciliateur de justice du 21 février 2018″), 11 (‘courriel du conciliateur à M. [S] [C] du 7 avril 2018’) et 12 (‘lettre adressée par M. [O] [C] au conciliateur de justice du 18 avril 2018″).
Sur la demande d’interdiction de pénétrer sur la partie de la parcelle louée
L’article 893 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal paritaire, peut dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Selon l’article 894 du même code, le président peut dans les mêmes limites et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, les parties s’accordent à reconnaître que Mme [C] a consenti à M. [O] [C] un bail à ferme à effet du 1er janvier 2005 sur la parcelle située à [Localité 6] cadastrée section [Cadastre 3] dont elle est usufruitière et M. [S] [C] nu-propriétaire mais s’opposent sur la superficie louée, le litige ayant pour objet l’immixtion alléguée de M. [S] [C] sur une partie de la parcelle dont M. [O] [C] revendique la location.
Il est rappelé qu’il appartient au preneur qui se prévaut d’un bail à ferme de rapporter la preuve de son existence et de sa contenance et qu’il incombe à l’intimé de rapporter la preuve du trouble manifestement illicite allégué.
Or, M. [O] [C] ne démontre pas être locataire de 80 ares au moyen de l’attestation de location verbale qu’il a signée avec Mme [C] et M. [S] [C], alors que le chiffre mentionné à deux reprises sur ce document pour désigner la superficie louée a été surchargé, la faisant ainsi passer de 60 à 80 ares. Il n’est établi ni que cette modification a été effectuée en présence et avec l’accord de la bailleresse et du nu-propriétaire comme le soutient l’intimé, ni qu’elle est la marque d’une hésitation, d’une erreur ou d’une négociation au jour de son établissement. Dès lors l’attestation de location verbale est dépourvue valeur probante quant à la surface louée.
Les relevés parcellaires de la MSA ne sont pas davantage de nature à établir l’étendue de la location alors que ces pièces reposent sur les déclarations du preneur et sont à elles seules insuffisantes à démontrer la réalité du bail rural et sa superficie. Cette preuve n’est pas non plus rapportée par le relevé parcellaire signé par M. [J] [C] en 2005, puisque si le document mentionne la location de la parcelle section [Cadastre 3] (à l’époque section [Cadastre 4]), le complément manuscrit signé par M. [O] [C] et faisant état de la reprise de 80 ares, procède également d’une simple déclaration de l’intimé et il n’est pas démontré que M. [J] [C] était avant 2005, effectivement locataire de tout ou partie de la parcelle alors que cette qualité lui est contestée par M. [S] [C] qui verse aux débats des témoignages indiquant qu’il entretenait le terrain, en assurait la récolte des fruits et l’empruntait pour se rendre dans son hangar.
Les déclarations PAC de M. [O] [C], pour la période de 2005 à 2020, comportant l’indication sur une photographie de la partie louée de la parcelle ne sont pas plus probantes, ces documents étant établis par le preneur et il n’est fait état d’aucun contrôle de leur véracité, le fait qu’ils aient date certaine ou que certains soient antérieurs au litige n’est aucunement de nature à leur donner une valeur probatoire supplémentaire quant à la superficie qu’ils désignent.
C’est également en vain que M. [O] [C] se prévaut des ‘attestation concernant la parcelle lieudit Eben’ que Mme [C] a signées les 18 avril et 2 juillet 2020, même si contrairement à ce qu’affirme M. [S] [C], il n’est pas acquis que les capacités mentales de la bailleresse étaient affaiblies à l’époque. La valeur probante de ces documents est insuffisante au regard des disposition de l’article 202 du code de procédure civile. En effet, s’ils précisent le nom, le prénom et l’adresse de Mme [C], il est relevé qu’ils sont dactylographiés en des termes exactement identiques à l’exception de la date, que la seule mention manuscrite ‘lu et approuvé’ figurant sur la seconde attestation induit que Mme [C] ne l’a pas rédigée, et qu’aucun de deux documents ne mentionne que son signataire a eu connaissance de sa production en justice alors que cette précision était particulièrement nécessaire dans le cadre d’une procédure judiciaire opposant son fils et son petit-fils. Il est également observé que ces attestations est en inadéquation avec le plan annexé, puisque selon l’estimation établie par le géomètre expert, il résulte de la délimitation figurant sur ce plan que la superficie de la partie réservée à M. [S] [C] est de 11,2 ares, de sorte que celle de la partie louée est de 87,42 ares, ce qui ne correspond ni aux termes des attestations, ni aux déclarations du preneur revendiquant la location de 80 ares.
Il résulte de ces éléments que M. [O] [C] ne démontre pas que la partie de la parcelle section [Cadastre 3] consentie à bail serait d’une superficie de 80 ares excluant uniquement l’emprise du hangar de M. [S] [C] et ses abords, ni que la location porte notamment sur la bande de terrain dont il prétend interdire l’accès à l’appelant. Il s’ensuit, indépendamment de l’existence d’une contestation sérieuse sur la consistance du bail à ferme, l’intimé ne justifie pas de l’existence d’un trouble manifestement illicite ni d’un dommage imminent lui permettant d’interdire à l’appelant de pénétrer sur cette partie de la parcelle.
En conséquence, il convient d’infirmer l’ordonnance de référé et de débouter M. [O] [C] de sa demande.
Sur le retrait du matériel agricole et de la clôture
L’article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoires, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l’espèce, la demande principale formée devant le premier juge a pour objet d’interdire à M. [S] [C] de pénétrer sur la parcelle section [Cadastre 3]. Le dépôt de matériel agricole sur cette même parcelle comme l’implantation d’une clôture tels qu’allégués par M. [O] [C], ne sont que les effets des immixtions dont il est sollicité l’interdiction, de sorte que les prétentions tendant à les voir retirer qui sont la conséquence de la demande initiale sont recevables.
Sur le fond, il résulte des développements qui précèdent que M. [O] [C] ne démontre pas que la partie de la parcelle section [Cadastre 3] qui lui a été consentie à bail serait d’une superficie de 80 ares et porterait notamment sur la bande de terrain dont il prétend interdire l’accès à l’appelant. Par voie de conséquence, il ne peut valablement solliciter le retrait du matériel implanté sur cette même partie du terrain, ni de la clôture qui la sépare d’une parcelle voisine dont il justifie être locataire, en l’absence de preuve d’un trouble manifestement illicite. M. [O] [C] est donc débouté de ces demandes.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont infirmées.
M. [O] [C], partie perdante, est condamné aux dépens d’instance et d’appel. Pour des raisons d’équité, les parties sont déboutées de leur demande présentées en application de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE les demandes de M. [S] [C] recevables ;
DÉCLARE recevable la demande de M. [O] [C] tendant à voir écarter des débats les pièces produites par M. [S] [C] n° 8, 9, 10, 11 et 12 ;
ÉCARTE des débats les pièces produites par M. [S] [C] n° 8, 9, 10, 11 et 12 ;
CONFIRME l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit que la demande de M. [S] [C] en production avant dire droit de l’original de l’attestation de location verbale est devenue sans objet et écarté des débats le certificat médical du Dr [T] ;
L’INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. [O] [C] de sa demande tendant à faire interdiction à M. [S] [C] d’avoir à pénétrer sur la partie de la parcelle louée à concurrence de 80 ares selon les limites précisées par la bailleresse dans sa lettre du 2 juillet 2020 située à [Localité 6] située sur le ban d'[Localité 6] section [Cadastre 3] d’une contenance cadastrale de 98 ares 62 centiares et ce sous peine d’astreinte ;
Y ajoutant,
DÉCLARE recevables les demandes de M. [O] [C] tendant à la condamnation de M. [S] [C] à retirer sur l’emprise de la parcelle louée section [Cadastre 3], l’ensemble du matériel qu’il a entreposé ainsi que des piquets et fils de fer et à retirer la clôture ‘sauvage’ qu’il a implantée sur la limite séparative de la parcelle louée section [Cadastre 3] et la parcelle cadastrée section [Cadastre 5] ;
DÉBOUTE M. [O] [C] de ces demandes ;
DÉBOUTE les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel ;
CONDAMNE M. [O] [C] aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président de chambre