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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01468 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAKC
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
26 janvier 2021
RG:2018J442
S.A.R.L. A.C.E.L.B.O.
C/
[C]
S.A.R.L. A.F.G.C.
S.A.R.L. AUDIT GESTION [G] [C] (A.G.A.C.)
Grosse délivrée
le 12 AVRIL 2023
à Me Henri-[E] ISENBERG
Me Joséphine LAVIE
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 12 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 26 Janvier 2021, N°2018J442
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Avril 2023 prorogé à ce jour,.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.R.L. A.C.E.L.B.O., société à responsabilité limitée au capital de 500 Euros, immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 528 270 200, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, Monsieur [E] [K], demeurant et domicilié es-qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Henri-laurent ISENBERG de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Postulant, avocat au barreau de NIMES substitué par Me SAUNIER de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [G] [C]
né le 31 Mars 1966 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Joséphine LAVIE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me François GARGAM, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
S.A.R.L. A.F.G.C. SARL au capital de 22.000 €, Inscrite au RCS de NÎMES sous le numéro 478 343 171, prise en la personne de son représentant légal, domicilié de plein droit au siège social,
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Joséphine LAVIE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me François GARGAM, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
S.A.R.L. AUDIT GESTION [G] [C] (A.G.A.C.) SARL au capital de 1.000.000 €, Inscrite au RCS d’AVIGNON sous le n° 444 655 773, prise en la personne de son représentant légal, domicilié de plein droit au siège social
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Joséphine LAVIE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me François GARGAM, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Mars 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 12 Avril 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 14 avril 2021 par la S.A.R.L. A.C.E.L.B.O à l’encontre du jugement prononcé le 26 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n° 2018J442,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 juillet 2021 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 octobre 2021 par Monsieur [G] [C], la S.A.R.L. AFGC et la S.A.R.L. Audit Gestion [G] [C] (AGAC), intimés et appelants incidents, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu l’ordonnance du 2 novembre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 2 mars 2023,
La société AFGC a pour activité l’exercice de mission d’expertise comptable. La répartition du capital de la société (220 parts) est la suivante:
SARL AGAC détenue par Monsieur [G] [C] : 131 parts
SARL ACELBO détenue par Monsieur [E] [K] : 88 parts
Monsieur [G] [C] : 1 part.
Monsieur [C] et Monsieur [K] étaient tous deux co-gérants de la société AFGC.
Par acte sous signature privée du 1er janvier 2011, réitéré par acte du 31 janvier 2014, un pacte d’associés a été conclu entre Monsieur [G] [C], la SARL AGAC, Monsieur [E] [K] et la SARL ACELBO. Aux termes du pacte réitéré, Monsieur [K] s’est engagé à consacrer tous ses efforts et le temps nécessaire au bon développement de la société AFGC, les diverses prestations de sous-traitance effectuées par la société ACELBO étant rémunérées par la société AFGC.
A la suite du constat d’une baisse du chiffre d’affaires et du résultat d’exploitation de l’entreprise au 30 septembre 2015 et à l’issue d’une réunion avec Monsieur [K] du 10 novembre 2015, Monsieur [G] [C] a fait convoquer une assemblée générale qui s’est tenue le 11 décembre 2015. Lors de cette assemblée, seul Monsieur [C] et la société AGAC ont voté en faveur d’une résolution tendant notamment à une reprise de la gestion et du suivi de la clientèle par la société AGAC aux lieu et place de la société ACELBO, cette dernière continuant à assurer la gestion d’arrêté des bilans pour les clients et préparer le juridique traditionnel, moyennant un taux de facturation passant de 3 000 à 1 600 euros hors taxes par mois.
Par délibération d’assemblée générale ordinaire du 29 décembre 2015, Monsieur [E] [K] a été révoqué de ses fonctions de co-gérant de la société AFGC. Postérieurement à cette révocation, la société ACELBO a cessé d’effectuer ses prestations de sous-traitance comptable au profit de la société AFGC.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2016, le conseil de la société ACELBO a mis en demeure la société AGAC d’avoir à payer à la société AFGC la somme de 332 200 euros à titre d’indemnité.
Monsieur [G] [C], tant en son nom personnel qu’en sa qualité de gérant de la société AFGC, a saisi l’ordre des experts-comptables de la région de [Localité 6] afin de trouver une solution amiable au différend l’opposant à Monsieur [E] [K] et la société ACELBO, tentative de conciliation ordinale qui s’est soldée par un constat de carence le 20 septembre 2016, en raison de l’absence de Monsieur [E] [K].
Lors de l’assemblée générale de la société AFGC du 29 février 2016, les associés ont désigné la société Audit Gestion [G] [C] (AGAC) pour accomplir les tâches de sous-traitance qui étaient effectuées par la société ACELBO, pour toute la durée de l’absence de cette dernière. Le montant de la rémunération du nouveau sous-traitant jusqu’au 30 septembre 2016 a été fixé à 670 euros hors taxes par mois pour les tâches récurrentes dans les dossiers antérieurement suivis par Monsieur [G] [C], à 1 600 euros hors taxes par mois pour les tâches récurrentes dans les dossiers antérieurement suivis par la société ACELBO et à 180 euros hors taxes de l’heure pour les tâches exceptionnelles mais courantes liées à l’absence de réponse et l’absence de passage à témoin de la part de Monsieur [E] [K] sur le suivi des dossiers. Il était précisé que la facturation serait faite en fonction du temps réellement passé. Il a été également décidé que pour le suivi de l’ensemble des prestations pour la gestion de la clientèle, une assemblée générale ordinaire serait convoquée durant la quatrième trimestre 2016 pour en fixer la rémunération pour l’exercice débutant le 1er octobre 2016.
Lors de l’assemblée générale de la société AFGC du 21 décembre 2016, les associés ont arrêté à 12 500 euros hors taxes par mois avec rétroactivité au 1er octobre 2016, soit à 150 000 euros hors taxes par an, le montant de la rémunération de la prestation de sous-traitance comptable de la société Audit Gestion [G] [C].
Lors de l’assemblée générale de la société AFGC du 28 septembre 2018, les associés ont arrêté à 12 500 euros hors taxes par mois à compter du 1er octobre 2018, le montant de la rémunération de la prestation de sous-traitance comptable de la société Audit Gestion [G] [C].
Lors de l’assemblée générale ordinaire de la société AFGC du 13 avril 2016, il a été statué sur l’approbation des comptes de l’exercice clos le 30 septembre 2015. Une résolution relative à un emprunt à contracter par la SARL AFGC, pour re-financer le compte courant de la société AGAC qui en a demandé le remboursement, a été soumise au vote.
Lors de l’assemblée générale extraordinaire du même jour, une autre résolution a été adoptée concernant la modification de l’article 7 des statuts de la société AFGC.
Par exploit du 14 décembre 2016, Monsieur [K] et la SARL ACELBO ont fait citer Monsieur [G] [C], la SARL AFGC et la société VLA devant le tribunal de commerce d’Avignon aux fins d’obtenir notamment une indemnisation du fait de la révocation de Monsieur [K] de la gérance des sociétés AFGC et VLA et de la rupture du contrat de prestations avec la société ACELBO.
Par jugement du 19 mars 2018, le tribunal de commerce d’Avignon s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nîmes. Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a déclaré irrecevables les prétentions de Monsieur [K] et de la SARL ACELBO à l’encontre de Monsieur [G] [C], de la SARL AFGC et de la société VLA aux motifs que les demandeurs n’avaient pas justifié avoir proposé aux défendeurs l’arbitrage prévu par les statuts de la SARL AFGC.
Par exploit du 27 novembre 2018, la société ACELBO a fait assigner Monsieur [G] [C] et la société Audit Gestion [G] [C] devant le tribunal de commerce de Nîmes afin de voir au principal dire et juger que les conventions adoptées les 29 février 2016, 21 décembre 2016 et 28 septembre 2018 constituent des conventions réglementées et qu’elles auraient dû être approuvées selon les formes légales prévues par le code de commerce.
Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 1134, 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-31 du 10 février 2016, des articles 74, 100, 700 du code de procédure civile, de l’arrêt de chambre mixte de la cour de cassation n°00-19.423 publié au bulletin, de l’ordonnance en référé du tribunal de commerce de Nîmes du 28 juin 201, des pactes d’associés conclus par acte sous-seing privé les 1er janvier 2011 renouvelé le 31 janvier 2014 et signés par tous les associés de la société AFGC et Monsieur [K]:
-Rejeté l’exception de litispendance
-Dit irrecevable la demande de la société ACELBO
-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires;
-Condamné la SARL ACELBO aux dépens de l’instance, liquidés et taxés à la somme de 116,42 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
Le 14 avril 2021, la SARL ACELBO a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu’elle a dit irrecevable sa demande, rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions et l’a condamnée aux dépens.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa des articles L. 223-19, R. 223-17, R. 223-26, L. 238-1 du code de commerce, des articles 1240, 1241 du code civil, de:
-Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 26 janvier 2021 en ce qu’il a reconnu irrecevable sa demande, en l’absence de conciliation préalable
Statuant à nouveau,
-la Juger recevable en ses demandes et la déclarer bien fondée
-Juger que les conventions adoptées les 29 février 2016, 21 décembre 2016 et 28 septembre 2018 constituent des conventions réglementées;
-Juger que les conventions adoptées les 29 février 2016, 21 décembre 2016 et 28 septembre 2018 auraient dû être approuvées, selon les formes légales prévues, à savoir :
que toutes justifications soient apportées sur les quantum, les modalités des prestations facturées, tel que prévu par l’article R. 223-17 du code de commerce
que la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C] ne prennent pas part au vote et leurs parts ne soient pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité
En conséquence,
-Juger que les conventions adoptées les 29 février 2016, 21 décembre 2016 et 28 septembre 2018 doivent être supportées par la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C];
-Condamner solidairement la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C] à payer à la société AFGC :
la somme de 107 224 euros HT pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2016
la somme de 150 000 euros HT pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2017
toute somme facturée par la société Audit Gestion [G] [C] à AFGC au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2018 et à titre provisionnel la somme de 150 000 euros HT pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance
toute somme facturée par la société Audit Gestion [G] [C] à AFGC depuis le début de l’exercice ouvert le 1er octobre 2018 et, à titre provisionnel, la somme de 12 500 euros HT par mois écoulé pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance
-Juger que les sommes mises à la charge de la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C] seront assorties des intérêts légaux à compter de la date de leur prélèvement dans la société AFGC, et ce jusqu’au parfait remboursement de ces sommes à AFGC, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil;
-Juger que la société ACELBO a demandé à Monsieur [G] [C] différents éléments en prévision de l’assemblée générale du 13 avril 2016;
-Juger que Monsieur [G] [C] n’a jamais communiqué les différents éléments sollicités par la société ACELBO en prévision de l’assemblée générale du 13 avril 2016
En conséquence,
-Juger que Monsieur [G] [C] n’a pas respecté le droit d’information de la société ACELBO;
-Condamner, sous astreinte de mille (1 000) euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, Monsieur [G] [C] à communiquer à la société ACELBO les justificatifs des postes comptables ‘Factures à établir’ et ‘Produits constatés d’avance’ ainsi que celui de l’exercice précédent par la société AFGC au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2015 ou désigner un mandataire chargé de procéder à la communication des dits documents;
-Juger que l’emprunt bancaire adopté le 13 avril 2016 constitue une convention réglementée;
-Juger que l’emprunt bancaire adopté le 13 avril 2016 aurait dû être approuvé selon les formes légales prévues à savoir :
que toutes justifications soient apportées sur les quantums, les modalités des prestations facturées tel que prévu par l’article R. 223-17 du code de commerce
que la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C] ne prennent pas part au vote et leurs parts ne soient pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité (article L. 223-19 alinéa 1 du code de commerce)
En conséquence,
-Juger que l’emprunt bancaire adopté le 13 avril 2016 doit être supporté par la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C];
-Condamner solidairement la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C] à rembourser à la société AFGC l’emprunt bancaire souscrit par cette dernière pour financer un compte courant au nom de la société Audit Gestion [G] [C];
-Juger que la résolution n°1 adoptée lors de l’assemblée générale du 13 avril 2016 suppose, en application des stipulations de l’article 20 des statuts de la société une majorité des 3/4
-Juger que la résolution n°1 n’a pas été adoptée selon la majorité des 3/4
En conséquence,
-Annuler la modification des statuts décidée par l’assemblée générale du 13 avril 2016;
-Débouter Monsieur [G] [C] et les sociétés AFGC et Audit Gestion [G] [C] de l’intégralité de leurs demandes;
En toutes hypothèses,
-Condamner la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C] à payer chacun la somme de 2 000 euros à la société ACELBO sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
-Condamner in solidum la société Audit Gestion [G] [C] et Monsieur [G] [C] aux entiers dépens.
En ce qui concerne le non-respect de la clause de conciliation et d’arbitrage, l’appelante fait valoir que l’objet du pacte d’associés, qui stipule une clause de conciliation, est de définir les modalités de détention et de gestion des participations détenues par les associés dans la SARL AFGC ; or, le litige concernant la justification de prestations de sous-traitance ne rentre pas dans le cadre du pacte et la société ACELBO n’avait dès lors pas à solliciter de conciliation préalablement à l’engagement du contentieux devant le tribunal de commerce. Au surplus, une conciliation a bien eu lieu et elle s’est soldée par un constat d’échec.
En ce qui concerne les conventions de sous-traitance, l’appelante soutient que le choix et la rémunération du sous-traitant de la société Audit Gestion [G] [C] ainsi que l’adoption de la convention de sous-traitance de cette même société ont fait l’objet de résolutions adoptées par assemblées générales de la société AFGC des 29 février et 21 décembre 2016 et du 28 septembre 2018, sans le rapport visé à l’article L.223-19 du code de commerce et alors qu’aucune justification n’a été apportée sur les quantums ou les modalités, comme prévu par l’article R.223-17 du même code. Ces résolutions ont été votées uniquement par la société AGAC, bénéficiaire de la convention, dont l’associé n’est autre que Monsieur [G] [C], gérant de la société AFGC.
L’appelante précise qu’en quatre mois d’exploitation sur l’exercice ouvert le 1er octobre 2016, le coût de la prestation réalisée Audit Gestion [G] [C] a atteint le montant de 50 000 euros hors taxes alors que sur l’exercice 2015 de douze mois, en présence des deux prestataires AGAC et ACELBO, le montant annuel des prestations de sous-traitance s’est élevé à 44 040 euros hors taxes. Il en résulte un surcoût de 63 184 euros au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2016 soit 13,49% environ du chiffre d’affaires et de 105 960 euros HT au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2017, soit 21,21% du chiffre d’affaires. Sur quatre ans de gestion de Monsieur [G] [C] de 2015 à 2018, la société a dégagé en moyenne une perte comptable de 4 000 euros alors que sur les quatre années précédentes, de 2011 à 2014, la société avait généré un bénéfice annuel moyen de 34 000 euros .
L’appelante expose que, pour se soustraire aux obligations légales liées à l’établissement et la présentation des conventions réglementées, Monsieur [C] a considéré que lesdites conventions n’en étaient pas puisque conclues à des conditions normales ; sa justification apportée présente un caractère lapidaire ; de plus, il apparaît incohérent de soumettre à l’assemblée des associés les prestations en cause et de considérer qu’elles ne constituent pas une convention réglementée ; enfin, le taux horaire facturée est quatre fois plus cher du temps de Monsieur [C] que du temps de Monsieur [K] ; il évolue chaque année à la hausse, ce qui menace la pérennité de la société et montre la volonté de Monsieur [C] de s’approprier le bénéfice de la société par le biais des prestations. D’ailleurs, il a été soumis à l’assemblée générale ordinaire de la société AFGC du 25 mars 2019, une première résolution intitulée ‘après lecture du rapport spécial vote l’arrêt de la rémunération du sous-traitant AGAC représentée par Monsieur [G] [C]. Cette résolution étant valable à compter du 31 mars 2019″. La deuxième résolution a porté sur l’augmentation de la rémunération de Monsieur [G] [C] en qualité de gérant. En changeant ainsi de méthode, Monsieur [G] [C] fait l’aveu de son incapacité à apporter toute justification aux prestations facturées par sa société AGAC et du non respect du formalisme lié aux conventions réglementées. Les prestations de la société AGAC qui représente 30% environ du chiffre d’affaires de la société AFGC ne peuvent être considérés comme des actes normaux. De plus, en augmentant à 6 500 euros sa rémunération de gérant fixée jusqu’alors à 1 000 euros par mois, Monsieur [G] [C] démontre sa volonté de vider de sa substance la société AFGC et poursuit la captation du bénéficie de cette société à son seul profit.
S’agissant des décisions prises par Monsieur [C] dans la gestion de la société, l’appelante explique que Monsieur [G] [C] a refusé d’informer les associés sur la situation réelle de la société AFGC en ne répondant pas aux questions écrites relatives aux factures à établir et aux produits constatés d’avance. Pourtant, ces questions ont été adressées préalablement à l’assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes devant se tenir le 13 avril 2016 et les demandes ont été renouvelées lors de l’assemblée générale et par correspondance. Par ailleurs, alors que la société ACELBO a voté contre, Monsieur [G] [C] a considéré comme adoptée la résolution concernant un emprunt souscrit pour le compte de la société AGAC pour financer un compte courant, alors qu’il s’agit d’une convention réglementée devant être approuvée par les associés. Monsieur [C] et sa société AGAC ont également modifié illégalement les statuts, sans la majorité des 3/4. Enfin, l’appelante relève que la tenue de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes clos le 30 septembre est intervenue hors délai et hors autorisation du président du tribunal de commerce.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, les intimés demandent à la cour de :
-Débouter la société ACELBO de toutes ses demandes, fins et conclusions
-Recevoir Monsieur [G] [C], la société A.F.G.C. et la société Audit Gestion [G] [C] en leur appel incident contre la décision rendue par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 26 janvier 2021,
-Les déclarer bien fondés en leur appel incident;
-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 26 janvier 2021 en ce qu’il a dit irrecevable la demande de la société ACELBO;
-Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes en date du 26 janvier 2021 en ce qu’il débouté Monsieur [G] [C], la société A.F.G.C. et la société Audit Gestion [G] [C] de leurs demandes reconventionnelles contre la société ACELBO;
Et en conséquence et plus généralement,
Au principal,
Sur la fin de non-recevoir,
Vu les pactes d’associés conclus par acte sous-seing privés les 1er janvier 2011 et le 31 janvier 2014 signés par tous les associés des sociétés AFGC, AGAC, Monsieur [G] [C] et la société ACELBO,
Vu les articles 2 et 10 des pactes d’associés, et tout particulièrement la clause de conciliation prévue à son article 12,
Vu l’article 22 des statuts de la SARL AFGC,
Vu l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne,
Vu l’ancien article 1134 du code civil,
Vu les dispositions des articles 122, 123, 124 et 872 du code de procédure civile,
Vu la clause de conciliation telle que prévue à l’article 12 du pacte d’associés conclu par acte sous-seing privé en date du 31 janvier 2014 préalablement à la saisine de toutes juridictions,
-Recevoir Monsieur [G] [C], la société A.F.G.C. et la société Audit Gestion [G] [C] en leur fin de non-recevoir
-Déclarer irrecevables les demandes formées par la société ACELBO à l’encontre de Monsieur [G] [C], la société A.F.G.C. et la société Audit Gestion [G] [C] et, en conséquence, les rejeter
A titre subsidiaire,
Vu les articles L 223-19 alinéa 1 et L. 225-39 du code du commerce,
-Débouter la société ACELBO de toutes ses demandes, fins et conclusions
Sur les demandes reconventionnelles,
-Recevoir les sociétés AGAC, AFGC et à Monsieur [G] [C] en leurs demandes reconventionnelles
Vu l’article 1240 du Code civil,
-Condamner la société ACELBO à payer à chacune des sociétés des sociétés AGAC, AFGC et à Monsieur [G] [C] la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts
En tout état de cause,
-Condamner la société ACELBO à payer à chacune des sociétés AGAC, AFGC et à Monsieur [G] [C] la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
-Condamner la société ACELBO aux entiers dépens de première instance et dont distraction au profit de Maître Joséphine Lavie, avocat aux offres de droit.
Au soutien de leurs prétentions, les intimés font valoir, à titre principal, que le pacte d’associés du 1er janvier 2011, et le pacte renouvelé le 31 janvier 2014, stipulent tous deux une clause de conciliation opposable à tous les signataires; la réunion devant l’Ordre des Experts Comptables de [Localité 6] n’avait pas pour objet la conciliation mais s’inscrivait dans le cadre des obligations des parties d’un point de vue purement déontologique ; la nature du litige soumis à l’ordre des experts comptables portait sur la révocation de Monsieur [K] et sur la modification des prestations dispensées par la société ACELBO aux sociétés AFGC et VLA et non sur un litige portant sur les conventions adoptées le 29 février 2016, 21 décembre 2016 et 28 septembre 2018 ; d’ailleurs, la société Audit Gestion [G] [C] n’était pas présente ou représentée dans le cadre de cette conciliation alors que le pacte d’associés a été conclu entre elle, Monsieur [C], Monsieur [K] et la société ACELBO. La société ACELBO aurait donc dû mettre en oeuvre la clause de conciliation préalablement à la saisine du tribunal de commerce.
Les intimés prétendent également qu’aux termes de l’article 22 des statuts de la société AFGC, il est prévu qu’en cas de contestation au sujet des affaires sociales, avant tout recours, les associés devaient mettre en oeuvre l’arbitrage soit du président du Conseil Régional de l’ordre des experts comptables, soit du président de la compagnie régionale des commissaires aux comptes; or, la société ACELBO, associée, n’a pas mis en oeuvre cet arbitrage obligatoire.
A titre subsidiaire, les intimés soulignent le caractère infondé des demandes de la SARL ACELBO sur les décisions prises par Monsieur [C] dans la gestion de la société AFGC. En effet, Monsieur [K] a été cogérant de la société AFGC jusqu’au 29 décembre 2015, soit postérieurement à la date d’arrêté des comptes de l’exercice 2015 ; la société AFGC et son gérant avaient donc une connaissance pleine et entière de la situation comptable de la société AFGC ; Monsieur [K], cogérant de la société AFGC depuis 2009, n’a jamais établi aucun détail des produits constatés d’avance pour la société et ce durant plusieurs années ; les produits constatés d’avance n’ont pas été calculés à la hauteur à laquelle ils auraient dû l’être les années précédentes pour la société AFGC par Monsieur [K], pour permettre à la société ACELBO de percevoir des dividendes plus importants que ceux qui auraient été dus si les produits constatés d’avance avaient bien été arrêtés et comptabilisés à la date d’arrêté des comptes. D’autre part, l’emprunt bancaire n’a jamais été souscrit.
S’agissant des contrats de sous-traitance liant les sociétés AGAC et AFGC, les intimés répliquent que les votes lors de l’assemblée générale du 29 février 2016 ont eu pour objet de suppléer la défaillance de la société ACELBO dans l’exécution de ses prestations de sous-traitance et de prévoir les mesures pour son remplacement durant la période de son absence ainsi que déterminer les prestations dont le sous-traitant aurait la charge. Le contrat de sous-traitance conclu entre la société AFGC et la société AGAC ne peut être qualifié de convention réglementée car l’opération est rattachée à l’activité sociale ordinaire et conclue dans le cadre de l’activité de la société, d’autant plus que cette pratique est courante dans l’ensemble de la profession des experts comptables. La société Agac a consacré 472 heures sur 5 mois pour prendre connaissance des dossiers de tous les clients que cela soit au niveau du social, de la comptabilité, du fiscal et du juridique et pour rattraper toutes les erreurs commises par le sous-traitant ACELBO. Le produit d’exploitation de la société AFGC a augmenté au 30 septembre 2016 pour atteindre 478 296 euros contre 413 926 euros au 30 septembre 2015; cette convention n’a pas eu d’effet dommageable pour la société AFGC et lui a permis de faire face à la rupture unilatérale du contrat de sous-traitance par la société ACELBO. Les prestations facturées par la société AFGC l’ont été conformément aux usages et aux pratiques de la profession. La société AGAC a communiqué un décompte heure par heure pour chaque client de ce qui a été facturé à la société AFCG, ce que n’a jamais fait la société ACELBO. Il incombe à la société ACELBO d’apporter la preuve que les opérations litigieuses ne sont pas des conventions courantes, ce qu’elle ne fait pas. Elle ne démontre pas non plus en quoi la convention conclue aurait eu des conséquences dommageables pour elle.
Enfin, à l’appui de leur demande reconventionnelle, les intimés soutiennent que l’action engagée par la société ACELBO est malveillante et dolosive et qu’elle vise à instrumentaliser une procédure judiciaire pour essayer d’obtenir, d’une manière infondée, des dommages-intérêts et faire pression sur eux.
Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS
1) Sur la fin de non-recevoir
L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l’occurrence, les intimés soulèvent l’irrecevabilité des prétentions de l’appelante et invoquent l’application de l’article 12 du pacte d’associé conclu le 1er janvier 2011 par acte sous signature privée, renouvelé le 31 janvier 2014. Cet article contient une clause de conciliation qui prévoit que :
‘Pour toute question, contestation ou conflit qui s’élèverait relativement àl’interprétation et/ou à l’exécution des présentes, les soussignés s’engagent obligatoirement à soumettre leur différend, préalablement à toute instance des juridictions étatiques ou arbitrales, à des conciliateurs.
Chaque associé ayant le même intérêt, désignera un conciliateur, sauf le
cas où ils se mettraient d’accord sur le choix d’un conciliateur unique.
Cette désignation devra intervenir au plus tard 15 jours après la naissance du désaccord ou l’apparition de la question à étudier.
Ce ou ces conciliateurs s’efforceront de régler les difficultés qui leur seront soumises et de faire accepter par les parties une solution amiable, dans un délai maximum de deux mois à compter de leur désignation.
En cas d’accord, le ou les conciliateurs dresseront un procès-verbal de conciliation qui vaudra transaction. En cas de persistance du désaccord, passé le délai de deux mois, ils établiront un procès-verbal de non conciliation.
Chacune des parties retrouvera alors sa liberté pour porter son/ différend devant le Tribunal compétent dons le délai de son choix, y compris par voie de référé en vue de la désignation d’un expert.
Les frais de cette conciliation et de justice seront supportés par les parties par parts égales.’
L’article 1134 ancien du code civil, applicable au présent litige, dispose que : ‘Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le pacte d’associés indique en son article 1 qu’il a pour objet de définir les modalités de détention et de gestion des participations détenues par les associés dans la SARL AFGC. Il complète les statuts de la société.
Le présent litige ne porte pas sur la modification dans le contrôle d’une société associée, l’exclusion ou le retrait de l’un des associés, la cession des parts sociales, la garantie d’actif et de passif, l’engagement de non concurrence ou toute autre question abordée dans le pacte d’associés.
Par conséquent, la clause de conciliation ne saurait être opposée à la SARL ACELBO dont l’action tend faire dire et juger que les conventions adoptées les 29 février 2016, 21 décembre 2016 et 28 septembre 2018 constituent des conventions réglementées et qu’elles doivent être supportées par Monsieur [G] [C] et la SARL AGAC, condamner sous astreinte Monsieur [G] [C] à communiquer des justificatifs de postes comptables de l’exercice clos le 30 septembre 2015, dire et juger que l’emprunt bancaire autorisé le 13 avril 2016 constitue une convention réglementée, condamner Monsieur [G] [C] et la SARL AGAC à le rembourser, et enfin, annuler la modification des statuts décidée par l’assemblée générale du 13 avril 2016.
A l’appui de leur fin de non-recevoir, les intimés invoquent également l’article 22 des statuts de la société AFGC qui prévoient:
« CONTESTATIONS
En cas de contestation entre la société et l’un de ses clients, la société s’efforcera avant tout recours contentieux de faire accepter l’arbitrage du Président du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptables ou du Président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes, selon l’objet du litige.
En cas de contestation soit entre les associés, les gérants, les liquidateurs et la société, soit entre les associés eux-mêmes au sujet des affaires sociales ou relativement à l’interprétation ou à l’exécution des clauses statutaires, les intéressés s’efforceront avant tout recours contentieux, de faire accepter l’arbitrage, selon leur choix, soit du Président du Conseil Régional de l’Ordre des Experts Comptables, soit
du Président de la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes. »
Toutefois, ces stipulations, qui n’ouvrent qu’une faculté et ne dérogent pas à la compétence de la juridiction de droit commun pour connaître des demandes relatives à l’approbation des conventions réglementées, l’exercice du droit à l’information des associés et la modification des statuts, ne peuvent faire obstacle au droit qu’a toute personne d’agir en justice.
La fin de non-recevoir soulevée par les intimées doit donc être écartée et le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable les demandes de la société ACELBO.
2) Sur les conventions de sous-traitance
L’article L. 223-19 du code de commerce dispose que :
‘Le gérant ou, s’il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l’assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l’un de ses gérants ou associés. L’assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l’associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Toutefois, s’il n’existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l’approbation préalable de l’assemblée.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsque la société ne comprend qu’un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions.
Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s’il y a lieu, pour l’associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.
Les dispositions du présent article s’étendent aux conventions passées avec une société dont un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la société à responsabilité limitée.’
L’article L. 223-20 du même code précise que les dispositions de l’article L. 223-19 ne sont pas applicables aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.
Il résulte de l’interprétation de ces dispositions par la Cour de cassation (Com., 1er octobre 1996, n° 94-16.315) que, pour être une opération courante, au sens de l’article 102 de la loi du 24 juillet 1966, une convention doit avoir été conclue dans le cadre de l’activité ordinaire de la société, et, s’agissant d’un acte de disposition, avoir une portée limitée et être arrêtée à des conditions suffisamment usuelles pour s’apparenter à une opération habituelle.
En l’occurrence, les conventions de sous-traitance ont bien été conclues entre la société AFGC et l’une de ses associées, la société AGAC.
Les intimés prétendent qu’il s’agit de conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales, échappant ainsi à la procédure prévue par l’article L. 223-19 du code de commerce pour permettre le contrôle par les autres associés de la conformité à l’intérêt social de conventions conclues entre la personne morale et ses dirigeants ou associés.
Les opérations courantes s’entendent comme celles effectuées de manière habituelle par la société, dans le cadre de son activité, c’est-à-dire de son objet social.
En l’occurrence, la société AFGC exerce une activité d’expertise-comptable et le recours à la sous-traitance a trait à l’organisation et aux modalités d’exercice de la dite activité et non à l’objet social de la personne morale. En effet, la conclusion d’une convention de sous-traitance tend à permettre à la société AFGC de déléguer son activité d’expertise-comptable à l’une de ses associées, la société AGAC dirigée par Monsieur [G] [C], et elle ne saurait entrer dans le cadre des actes habituels de la profession exercée.
De plus, il a été rappelé lors de l’assemblée générale extraordinaire du 11 décembre 2015 que les tâches confiées à la société ACELBO, reprises par la société AGAC représentaient la gestion de près de 80% de la clientèle tandis que la convocation à l’assemblée générale du 29 décembre 2015 indiquait que la société ACELBO était en charge de la gestion de 95% de la clientèle. La convention de sous-traitance a donc une portée importante pour la société AFGC.
Les intimés font état des conditions en usage dans la profession d’expert comptable sans rapporter la moindre preuve qu’il serait recouru de manière habituelle à la sous-traitance dans ce secteur d’activité et ne produisent aucune pièce relative aux conditions tarifaires des dites opérations.
Enfin, en ce qui concerne la sous-traitance désormais confiée à la société AGAC, il n’y a pas eu reconduction du tarif antérieurement arrêté entre la société AFGC et la société ACELBO pour les prestations accomplies par cette dernière. En effet, il ressort des bilans des exercices comptables clos les 30 septembre 2014 et 2015 que les prestations de sous-traitance représentaient des charges de 51 709 et de 44 040 euros soit 12,06 et 10,64 % du chiffre d’affaires, et que parmi ces charges, les prestations de sous-traitance confiées à la société ACELBO s’élevaient respectivement à 46 000 et 36 000 euros ; or, en 2016, les prestations de sous-traitance ont augmenté de manière considérable pour atteindre 116 224 euros en 2017 et 250 000 euros en 2018.
Les conventions de sous-traitance confiées par la société AFGC à la société AGAC ne constituent donc pas des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales de sorte que la procédure prévue à l’article L. 223-19 du code de commerce aurait du être respectée.
L’article L. 223-19, alinéa 1er, du code de commerce qui ne prévoit qu’un contrôle a posteriori des conventions passées par une SARL avec l’un de ses gérants ou associés n’est pas applicable lorsque la conclusion de la convention est intervenue postérieurement au vote de la résolution litigieuse (En ce sens, Com., 7 juillet 2009, n°08-16.790).
L’exécution de la convention de sous-traitance est intervenue postérieurement à l’adoption de la délibération du 29 février 2016 laquelle pouvait être valablement votée par la SARL AGAC et Monsieur [G] [C].
En revanche, un rapport spécial dont le contenu est mentionné à l’article R223-17 du code de commerce aurait du être présenté par le gérant de la SARL AFGC, à la fin de l’exercice comptable du 30 septembre 2016 ; de même, aurait du être adoptée une nouvelle délibération d’une assemblée générale, sans que la SARL AGAC ne prenne part au vote, en vue de la validation à posteriori de la convention de sous-traitance dont le coût avait été fixé le 29 février 2016 jusqu’au 30 septembre 2016.
Aux termes de l’article L. 223-19 du code de commerce, les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s’il y a lieu, pour l’associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.
En ce qui concerne l’exercice clos le 30 septembre 2016, il ressort de la délibération du 29 février 2016 que, s’agissant des tâches récurrentes, la rémunération du nouveau sous-traitant a été fixée à 670 euros hors taxes par mois dans les dossiers antérieurement suivis par Monsieur [G] [C], soit à 8 040 euros par an conformément à la pratique antérieure et à 1 600 euros hors taxes par mois, pour les tâches récurrentes dans les dossiers antérieurement suivis par la société ACELBO, alors que cette dernière percevait jusqu’au 31 décembre 2015 des honoraires de 3 000 euros par mois. S’agissant des tâches exceptionnelles mais courantes liées à l’absence de réponse et l’absence de passage à témoin de la part de Monsieur [E] [K] sur le suivi des dossiers, le taux horaire a été fixé à 180 euros hors taxes et il a été décidé que la facturation serait effectuée en fonction du temps réellement passé.
Il était nécessaire de remplacer dans l’urgence la société ACELBO, de prendre connaissance des dossiers en cours, de rencontrer tous les clients afin de les rassurer sur la continuité du suivi de leur comptabilité. Compte-tenu de ces circonstances exceptionnelles et de l’ampleur des tâches à accomplir pour la reprise en mains des dossiers, la convention conclue jusqu’au 30 septembre 2016 n’est pas préjudiciable aux intérêts de la société AFGC.
Au cours des exercices 2014 et 2015, le coût de la sous-traitance de Monsieur [G] [C] et de la société ACELBO s’est élevé en moyenne à 47 874 euros et cette charge d’exploitation représentait 11,35 % du chiffre d’affaires moyen de 421 296 réalisé par la société AFGC.
Au cours des exercices 2017 et 2018, le coût de la sous-traitance de la société AGAC s’est élevé en moyenne à 150 000 euros et cette charge d’exploitation représentait 29,8 % du chiffre d’affaires moyen de 505 255 euros réalisé par la société AFGC.
La sous-traitance a donc augmenté de 102 126 euros tandis que le chiffre d’affaires n’a augmenté que de 83 959 euros.
Cependant, les intimés fournissent le décompte précis et détaillé, avec des codes clients permettant de déterminer de quel dossier il s’agit, de l’ensemble des tâches accomplies par la société AGAC au cours des mois de janvier 2016 à mars 2019 ; il en ressort notamment un volume de 2087,20 heures de travail en 2017 et de 2039,50 heures en 2018.
Les intimés ont établi un tableau duquel il ressort que les heures de travail des salariés de la société AGAC étaient facturables entre 35,51 euros et 75,58 euros de l’heure du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 et entre 35,55 euros et 74,18 euros de l’heure du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018
La société AGAC ayant perçu 150 000 euros d’honoraires de sous-traitance par exercice, le taux horaire de sa facturation ressort en moyenne à 72,69 euros, compte-tenu des volumes d’heures justifiés de 2 063,35 euros par an au cours des années 2017 et 2018. Etant donné le coût salarial des collaborateurs de l’expert-comptable, les charges générales inhérentes à tout cabinet d’expertise-comptable et la rémunération de l’expert-comptable lui-même, le taux horaire de 72,69 euros de la facturation de la société AGAC constitue une contrepartie légitime des prestations fournies, quand bien même la société ACELBO aurait été rémunérée à un tarif bien inférieur jusqu’au 31 décembre 2015. Par conséquent, les contrats de sous-traitance aux conditions déterminées par les délibérations adoptées les 29 février 2016, 21 décembre 2016 et 28 septembre 2018 ne sont pas préjudiciables aux intérêts de la société AFGC.
Ainsi, l’appelante sera déboutée de ses demandes en condamnation à paiement, au titre de la sous-traitance.
3) L’emprunt
Le procès-verbal versé au débat est très confus en ce qui concerne la quatrième résolution soumise au vote lors de l’assemblée générale ordinaire du 13 avril 2016 puisqu’il y est indiqué ‘Cette résolution, mise aux voix, est pas adoptée’.
Les intimés indiquent, dans leurs écritures, que l’emprunt bancaire ayant donné lieu à une délibération lors de l’assemblée générale du avril 2016 n’a pas été souscrit. Les demandes de l’appelant au sujet de cet emprunt sont donc sans objet et seront rejetées.
4) la violation du droit à l’information des associés
L’article L.223-26, alinéa 3 du code de commerce prévoit la possibilité pour tout associé, à compter de la communication des documents prévus à l’alinéa précédent, de poser par écrit des questions auxquelles le gérant est tenu de répondre au cours de l’assemblée générale chargée d’approuver le rapport de gestion, l’inventaire et les comptes annuels.
Aux termes de l’article L.238-1, lorsque les personnes intéressées ne peuvent obtenir la production, la communication ou la transmission des documents visés notamment à l’article L.223-26, elles peuvent demander au président du tribunal statuant en référé soit d’enjoindre sous astreinte au liquidateur ou aux administrateurs, gérants et dirigeants de les communiquer, soit de désigner un mandataire chargé de procéder à cette communication.
Préalablement à l’assemblée générale des associés de la SARL AFGC devant se tenir le 13 avril 2016, la SARL ACELBO a notamment demandé, par courrier du 2 avril 2016 à Monsieur [G] [C] en sa qualité de gérant de donner le détail des factures à établir et des produits constatés d’avance de l’exercice clos le 30 septembre 2015 ainsi que de l’exercice précédent.
Par courrier de son conseil du 22 avril 2016, la SARL ACELBO a renouvelé sa demande.
Il n’est pas établi que Monsieur [K] ait arrêté le bilan de l’exercice clos le 30 septembre 2015 qui a été finalisé alors qu’il n’était déjà plus gérant de la SARL AFGC. La SARL ACELBO est, par conséquent, bien fondée en sa demande tendant à la communication par Monsieur [G] [C] en qualité de gérant de la SARL AFGC des justificatifs des postes comptables ‘factures à établir’ et ‘produits constatés d’avance’, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours suivant la signification de la présente décision.
En revanche, Monsieur [K] était bien encore le gérant de cette société lorsqu’a été établi le bilan de l’exercice précédant et c’est lui qui a déterminé le montant des produits constatés d’avance. Sa demande sera donc rejetée au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2014.
5) La modification des statuts
Conformément à l’article 20 des statuts de la société AFGC, une majorité des trois quarts des parts sociales est exigée pour adopter une résolution modifiant les statuts.
La société AGAC détient 131 parts sociales et Monsieur [G] [C] une part sur 220. La résolution n°1 a donc été adoptée au cours de l’assemblée générale du 13 avril 2016 avec le vote de ces deux associés détenant 132 parts sociales alors qu’une majorité de 165 parts sociales était exigée.
Les intimés ne développent aucun moyen pour s’opposer à la demande d’annulation de la modification des statuts décidée par l’assemblée générale du 13 avril 2016 à laquelle il convient de faire droit, à défaut de majorité des trois quarts des parts sociales.
6) Sur la demande en dommages-intérêts formée par les intimés
Le droit d’agir en justice dégénère en abus s’il est exercé de mauvaise foi, ou pour le moins avec une légèreté blâmable révélée par l’absence de tout fondement sérieux.
En l’occurrence, à l’appui de ses prétentions, l’appelante a fait valoir des moyens non dénués de toute pertinence.
De plus, les intimés ne démontrent pas avoir subi du fait de la procédure un préjudice distinct de celui découlant de l’obligation dans laquelle ils se sont trouvés de devoir assurer leur défense.
Le jugement déféré sera, par conséquent, confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive.
7 ) Sur les frais du procès
La SARL ACELBO n’a obtenu que très partiellement satisfaction en appel. Pour ces motifs, elle sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel. Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance.
L’équité ne commande toutefois pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [G] [C], la société Audit Gestion [G] [C] et la société AFGC de leur demande en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil et en ce qu’il a condamné la SARL ACELBO aux dépens de première instance
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare recevables les demandes de la SARL ACELBO
Déboute la SARL ACELBO de ses demandes de condamnation solidaire de la société Audit Gestion [G] [C] et de Monsieur [G] [C] à payer à la société AFGC:
la somme de 107 224 euros HT pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2016;
la somme de 150 000 euros HT pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2017;
toute somme facturée par la société Audit Gestion [G] [C] à AFGC au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2018 et à titre provisionnel la somme de 150 000 euros HT pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance
toute somme facturée par la société Audit Gestion [G] [C] à AFGC depuis le début de l’exercice ouvert le 1er octobre 2018 et à titre provisionnel la somme de 12 500 euros HT par mois écoulé pour remboursement de coûts de conventions de sous-traitance
Déboute la SARL ACELBO de ses demandes relatives à l’emprunt bancaire
Prononce l’annulation de la résolution n°1 concernant la modification des statuts, adoptée au cours de l’assemblée générale du 13 avril 2016
Condamne Monsieur [G] [C] en qualité de gérant de la SARL AFGC à communiquer à la SARL ACELBO les justificatifs des postes comptables ‘factures à établir’ et ‘produits constatés d’avance’ de l’exercice clos le 30 septembre 2015 , sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours suivant la signification de la présente décision
Déboute la SARL ACELBO de sa demande d’informations au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2014
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la SARL ACELBO aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Lavie, avocat constitué des intimés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,