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ARRET
N°
Ste Coopérative banque Pop. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ATLANTI QUE VENDEE
C/
[S]
[S]
OG
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 12 AVRIL 2023
N° RG 21/04004 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IF5F
JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 08 JUILLET 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Ste Coopérative banque Pop. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ATLANTI QUE VENDEE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIMES
Monsieur [I] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Audrey BOUDOUX D’HAUTEFEUILLE, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 90
Madame [L] [S] épouse [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey BOUDOUX D’HAUTEFEUILLE, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 90
DEBATS :
A l’audience publique du 31 Janvier 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Avril 2023.
GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 12 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.
DECISION
Par acte authentique en date du 7 février 1997 la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique Vendée (CRCAM) a consenti à M. [I] [S] et à Mme [L] [X] épouse [S] un prêt immobilier d’un montant de 554.000 francs remboursable en 180 mensualités au taux annuel de 6,950%.
Par exploit d’huissier en date du 19 novembre 2019 les époux [S] ont fait assigner la CRCAM Atlantique Vendée devant le tribunal judiciaire de Saint-Quentin aux fins de voir à titre principal déclarer prescrite la créance de la CRCAM à leur encontre.
Par jugement du tribunal judiciaire de Saint-Quentin en date du 8 juillet 2021 il a été fait droit à leur demande et ainsi les demandes reconventionnelles de la CRCAM au titre du prêt immobilier du 7 février1997 ont été déclarées irrecevables comme prescrites, les demandes des époux [S] relatives à la radiation ou la mainlevée des hypothèques judiciaires ou de restitution des sommes consignées ont également été déclarées irrecevables comme prescrites. La CRCAM Atlantique Vendée a été condamnée au paiement d’une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 juillet 2021 la CRCAM Atlantique Vendée a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions excepté en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes relatives aux hypothèques judiciaires ou à la restitution des sommes consignées.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 janvier 2022 la CRCAM Atlantique Vendée demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté comme prescrites ses demandes reconventionnelles et statuant à nouveau de déclarer les époux [S] irrecevables et mal fondés en leurs demandes, de les en débouter et accueillant ses demandes de condamner solidairement les époux [S] à lui payer la somme de 111061,93 euros somme arrêtée au 30 janvier 2020 avec intérêts au taux contractuel de 6,95% après cette date, d’ordonner la capitalisation des intérêts et de condamner in solidum les époux [S] à lui payer la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 31 janvier 2022 les époux [S] demandent à la cour de déclarer irrecevable et mal fondé l’appel formé par la CRCAM, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, d’ordonner la radiation ou la mainlevée des hypothèques judiciaires publiées le 10 mars 2006, de dire que les fonds consignés entre les mains du notaire à la suite de la vente de l’immeuble sis à [Localité 3] objet des hypothèques devront leur être reversés . Ils demandent enfin la condamnation de la CRCAM à leur payer une somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître [D].
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2023.
SUR CE,
Il sera relevé en premier lieu que si les époux [S] demandent que l’appel de la CRCAM soit déclaré irrecevable ils ne motivent aucunement leur demande qui sera ainsi rejetée.
Sur la prescription
La CRCAM Atlantique Vendée soutient que sa créance n’est pas prescrite dès lors que la procédure de saisie des rémunérations a pour effet d’interrompre la prescription tant qu’elle est en cours d’exécution et que contrairement aux allégations des époux [S] la saisie des rémunérations concernant sa créance est toujours en cours ainsi qu’en témoigne une attestation du greffe.
Elle fait valoir que des prélèvements sur la pension de l’époux sont effectués mais ne concernent que les dettes fiscales qui priment les prélèvements au bénéfice des autres créanciers dans le cadre de la saisie des rémunérations.
Elle fait valoir qu’elle a effectué une requête en intervention volontaire à la saisie des rémunérations, déposée au tribunal sans constituer une procédure distincte.
Elle conteste l’existence d’une nouvelle requête en intervention et l’existence de deux saisies des rémunérations distinctes.
Elle fait observer que 14 ans après son intervention aucune demande de nullité de la saisie des rémunérations n’a été déposée, demande relevant du juge de l’exécution.
Elle précise que l’intervention volontaire à la saisie des rémunérations est un acte d’exécution régi par les articles R3252-30 et suivants du code du travail qui entraîne la vérification de la créance et fait de l’intervenant volontaire une partie à la procédure de saisie et lui permet de contraindre le paiement du débiteur saisi et qu’elle démontre la volonté du créancier intervenant d’obtenir le paiement de sa créance et son intention d’interrompre la prescription.
Elle ajoute que la saisie des rémunérations a un effet interruptif qu’elle soit fructueuse ou non et qu’en exigeant la preuve qu’elle ait donné lieu à paiement le tribunal a ajouté une condition à l’article 2244 du code civil qui exige seulement un acte d’exécution forcée.
Elle maintient que l’effet interruptif de la saisie se poursuit jusqu’à l’extinction de l’instance qui n’intervient qu’en cas d’accord des créanciers pour une mainlevée ou par la constatation par le tribunal de l’extinction de la dette.
Enfin elle fait valoir que si seul M. [S] est concerné par la saisie le prêt ayant été souscrit solidairement la mesure d’exécution contre l’un des débiteurs interrompt la prescription pour l’autre.
Les époux [S] rappellent que si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance respectives l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui en l’espèce est intervenue le 5 juillet 2000 soit il y a plus de 21 ans.
Ils font valoir que les inscriptions d’hypothèques et leur renouvellement n’ont pas d’effet interruptif de prescription .
Ils soutiennent également qu’aucun acte d’exécution interruptif de prescription n’étant survenu deux ans après le commandement aux fins de saisie-vente intervenu le 18 juin 2000 ce seul commandement ne peut autoriser la CRCAM à se prévaloir d’une créance non atteinte de prescription .
Ils ajoutent que les différents courriers recommandés n’ont pas davantage d’effet interruptif de prescription ni même la procédure initiée par eux en 2010 à l’encontre de la banque et de l’assurance qui ne portait que sur le point de savoir s’ils pouvaient bénéficier d’une assurance de groupe.
S’agissant de la saisie des rémunérations ils mettent en doute l’existence d’une procédure de saisie des rémunérations initiée ou poursuivie à la requête de la CRCAM dès lors que l’organisme prestataire des pensions de retraite de M. [S] ne vise pas la CRCAM au nombre des créanciers saisissants et que s’il est justifié du dépôt d’une requête en intervention au service des saisies-arrêts sur salaires du tribunal d’instance de Saint-Quentin au 9 mars 2006 il n’est pas justifié qu’elle ait été suivie d’effet dès lors que le montant de la créance figurant sur la requête est identique au montant visé sur un accusé réception du tribunal du 2 mars 2020.
Ils considèrent qu’une requête en intervention volontaire aux fins de saisie-arrêt restée lettre morte pendant 14 années ne peut avoir d’effet interruptif.
Ils soutiennent en outre qu’à supposer que la requête en intervention volontaire ait interrompu la prescription son effet à la suite de la réforme de la prescription intervenue en 2008 s’est poursuivi jusqu’au 19 juin 2013 et qu’aucun acte interruptif n’est intervenu depuis lors.
Ils contestent que l’effet interruptif se poursuive jusqu’à l’extinction de la procédure de saisie des rémunérations et font valoir que seule une répartition des fonds entraîne l’effet interruptif de prescription alors qu’en l’espèce aucune répartition n’a eu lieu.
Ils ajoutent que si le greffe du tribunal atteste que la CRCAM est intervenue à la procédure le 2 mars 2020 c’est qu’elle n’en faisait pas partie auparavant .
Il convient de rappeler que le contrat de prêt a été conclu en 1997 et que la déchéance du terme a été prononcée le 5 juillet 2000.
Il sera relevé à titre liminaire qu’il convient de ne pas confondre prescription du titre et prescription de la créance qu’il renferme.
Dès avant la réforme de la prescription issue de la loi du 17 juin 2008 il était admis que la durée de la prescription était déterminée par la nature de la créance sans que la circonstance qu’elle soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire ait pour effet de modifier cette durée.
Ainsi le délai d’exécution d’un titre exécutoire n’est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre lesquelles obéissent à la prescription applicable en fonction de la nature de la créance.
Au regard des articles 4 et 26 de la loi du 17 juin 2008 le délai de prescription biennal de l’article L 137-2 du code de la consommation est devenu applicable s’agissant d’un délai réduisant le délai de prescription à compter de l’entrée en vigueur de la loi soit le 19 juin 2008.
Les’créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire à la suite de la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur sont donc soumises au délai de prescription prévu à l’ article L. 218-2 ( L 137-2 ancien) du code de la consommation , applicable au regard de la nature de la créance.
Il échet de constater que le paiement volontaire de la somme de 53770 euros par les débiteurs à la suite de la cession d’un bien immobilier en novembre 2004 doit être compris comme une renonciation à la prescription.
Le renouvellement d’une inscription d’hypothèque ne pouvant être retenu comme acte interruptif d’instance, seule l’intervention de la CRCAM à la procédure de saisie des rémunérations sur les retraites de M. [S] est de nature à avoir eu un effet interruptif de prescription.
Il est désormais admis en effet que la requête à fin de convocation d’une partie à une tentative de conciliation préalable à une saisie des rémunérations interrompt la prescription.
Dès lors la requête en intervention à la procédure de saisie des rémunérations qui permet à un créancier de participer à la saisie des rémunérations déjà mise en place produit également un effet interruptif à l’égard du créancier concerné.
Il est justifié que la requête en intervention dont copie est produite a été déposée le 14 mars 2006 . Il est également justifié de son admission pour la somme de 61435,64 euros ainsi qu’il résulte de la notification du tribunal d’instance de Saint-Quentin en date du 21 mars 2006 avisant des possibilités de contester cette intervention et des modalités de contestation.
Au demeurant il est établi par les courriers et décomptes de l’huissier chargé du recouvrement des répartitions réalisées en exécution de cette intervention nonobstant le courrier de la caisse de retraite daté de 2016 qui ne fait état que des créances fiscales.
Contrairement aux allégations des époux [S] il résulte des décomptes établis par l’huissier de justice chargé du recouvrement de la créance que différents virements de répartition en provenance du tribunal d’instance de Saint-Quentin sont intervenus entre 2007 et 2016.
Si ces répartitions ont été très modestes et irrégulières il convient de relever qu’il est justifié de l’existence de saisies administratives à tiers détenteur qui ont pour effet de suspendre le cours de la saisie des rémunérations mais non de l’interrompre.
Il est ainsi justifié d’un avis du greffe du tribunal d’instance de Saint-Quentin en date du 2 mars 2020 constatant l’intervention de la CRCAM Atlantique Vendée à la procédure de saisie des rémunérations de M. [S] le jour même afin de participer à la répartition des sommes saisies permettant de s’assurer du fait que la procédure de saisie des rémunérations était à cette date toujours en cours.
Or il sera rappelé qu’en application de l’article 2242 du code civil l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
Or la procédure de saisie des rémunérations ne cesse qu’à la suite de sa mainlevée ordonnée sur contestation par jugement ou donnée par le créancier ou encore lorsque toutes les causes de la saisie sont réglées.
En l’espèce aucune de ces conditions n’est même invoquée.
Par ailleurs il est admis que la procédure de saisie des rémunérations a pour effet d’interrompre le cours de la prescription tant qu’elle est en cours d’exécution et que l’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou un acte d’exécution forcée interrompt le délai de prescription à l’égard des autres.
Ainsi tant avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ayant institué la prescription biennale de l’article L137-2 du code de la consommation qu’après son entrée en vigueur aucune prescription n’était et n’a été acquise.
Il convient dès lors d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle déclaré prescrite la créance de la CRCAM Atlantique Vendée.
Sur la demande reconventionnelle de la banque
Il résulte des différents décomptes produits par les parties que seul le décompte des sommes dues par M. [S] produit en pièce n° 7 tient compte des versements intervenus dans le décompte notamment des intérêts.
Il convient de retenir que ce décompte permet d’établir que la créance de la CRCAM Atlantique Vendée se compose au 12 mars 2020 d’une somme en principal de 51249,92 euros, au titre des intérêts d’une somme de 54390, 52 euros et au titre de l’indemnité contractuelle de 5328,80 euros.
Il convient ainsi de condamner les époux [S] solidairement au paiement de la somme de 110969,24 euros avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 51249,92 euros à compter du 12 mars 2020 et au taux légal pour le surplus.
Il convient de faire droit à la demande de capitalisation du droit aux intérêts.
Enfin outre le fait relevé par le premier juge que le juge de l’exécution est le juge compétent pour statuer sur les difficultés liées aux titres exécutoires et aux contestations s’élevant à l’occasion de l’exécution forcée il convient de retenir que la présente décision en ce qu’elle condamne les époux [S] au paiement des sommes restant dues doit conduire à rejeter les demandes des époux [S] relatives à la mainlevée des hypothèques et à la restitution des sommes consignées.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner les époux [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel d’infirmer la décision de première instance ayant condamné la CRCAM Atlantique Vendée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de débouter les époux [S] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner in solidum à payer à la CRCAM Atlantique Vendée la somme de 2000 euros sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Dit l’appel interjeté par la CRCAM Atlantique Vendée recevable;
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit non prescrite la créance de la CRCAM Atlantique Vendée à l’encontre des époux [S] au titre du prêt immobilier en date du
7 février 1997 ;
Condamne solidairement M. [I] [S] et Mme [L] [X] épouse [S] à payer à la CRCAM Atlantique Vendée la somme de 110969,24 euros avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 51249,92 euros à compter du 12 mars 2020 et au taux légal pour le surplus ;
Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1243-2 du code civil ;
Déboute les époux [S] de leurs demandes relatives à la mainlevée des hypothèques et à la restitution des sommes consignées ;
Condamne in solidum M. [I] [S] et Mme [L] [X] épouse [S] à payer à la CRCAM Atlantique Vendée la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, La Présidente,