Tentative de conciliation : 11 septembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/02630

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Tentative de conciliation : 11 septembre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 22/02630
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE CIVILE – TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX

EXPÉDITIONS le : 11/09/2023

COPIES aux PARTIES

[T] [F] épouse [D]

[J] [Z]

Me Jérôme BOURQUENCIER

la SCP REFERENS

ARRÊT du : 11 SEPTEMBRE 2023

N° : : N° RG 22/02630 – N° Portalis DBVN-V-B7G-GVVL

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal paritaire des baux ruraux de TOURS en date du 14 Octobre 2022

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE

Madame [T] [F] épouse [D]

née le 12 juillet 1952 à [Localité 11]

[Adresse 9]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Jérôme BOURQUENCIER, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉ :

Monsieur [J] [Z]

né le 17 novembre 1975 à [Localité 10] (37)

[Adresse 7]

[Localité 11]

représenté par Me Michel ARNOULT de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS substitué par Me BORDE, avocat au barreau de TOURS.

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du 12 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 06 Juin 2023, à 14 heures, devant Madame Laure-Aimée GRUA, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en vertu de l’ordonnance N° 92/2020, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et Madame Karine DUPONT, Greffier lors du prononcé.

Prononcé le 11 SEPTEMBRE 2023 (délibéré prorogé, initialement fixé au 4 septembre 2023) par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Selon promesse de bail du 21 mai 2004, Mme [S] [X] veuve [F] a donné à bail rural pour une durée de 18 ans à compter du 1er novembre 2004 à M. [J] [Z] des parcelles de terres situées à [Localité 11], 37, cadastrées section YL n°[Cadastre 1], [Adresse 8], YL n°[Cadastre 2] et YL n°[Cadastre 2], [Adresse 6], d’une contenance totale de 13ha 00a 00ca, moyennant le paiement d’un fermage annuel de 4,5 quintaux l’hectare.

Faute d’avoir été réitéré par acte authentique, ce bail d’une durée de 9 ans, s’est renouvelé tacitement pour une durée identique.

Selon bail verbal, Mme [S] [X] veuve [F] a donné à bail rural à compter du 1er novembre 2004 à M. [J] [Z] des parcelles de terres situées à [Localité 11], 37, cadastrées section YH n°[Cadastre 4] et n°[Cadastre 5] d’une contenance totale de 5ha 39a, moyennant le paiement d’un fermage annuel de 4 quintaux l’hectare.

Les biens loués ont été mis à disposition de l’EARL [Z].

Par jugement du 23 janvier 2015, M. [Z] et l’EARL [Z] ont été placés en redressement judiciaire, la SELARL Villa étant nommée en qualité de mandataire.

Mme [X] veuve [F] a été admise en qualité de créancier chirographaire pour une somme de 2 138,48 euros. Elle a opté, dans le cadre du plan de redressement pour l’apurement du passif, pour le paiement de 100% de sa créance sur 13 ans, moyennant 12 échéances de 7,69% et la 13ème échéance de 7,72%.

Le plan de redressement sur une durée de 13 ans a été arrêté par jugement du 8 janvier 2016, la SELARL Villa étant nommée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Par jugement du 3 mai 2019, le tribunal judiciaire de Tours a autorisé le report de la 3ème échéance en fin de plan.

Mme [S] [X] veuve [F] est décédée le 30 septembre 2021, laissant pour lui succéder sa fille unique, Mme [T] [F] épouse [D].

Faisant état de ce que M. [Z] ne s’était pas acquitté de plusieurs échéances de fermage sur les années culturales 2018-2019 et 2019-2020 pour un montant de 3 826,31 euros, Mme [T] [D] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Tours par requête reçue le 8 décembre 2021 de la résiliation des baux et du paiement des fermages.

Le jour de la tentative de conciliation, le 15 mars 2022, M. [Z] a remis, par l’intermédiaire de son conseil, à Mme [D] un chèque représentant le solde du fermage 2020-2021.

Devant la formation de jugement, Mme [D] rappelait qu’elle avait adressé à M. [Z] le 4 janvier 2021 une mise en demeure de régler les fermages échus les 1er novembre 2019 et 1er novembre 2020 pour un montant de 3 826,31 euros et rappelé les dispositions de l’article L. 311-31 du code rural ; le 6 avril 2021 par acte d’huissier, elle l’a mis en demeure de payer ces mêmes fermages. Elle demandait au tribunal de constater et prononcer la résiliation des baux, enjoindre à M. [Z] et à tout occupant de son chef de quitter les lieux, à défaut de prononcer leur expulsion sous astreinte, et le condamner au paiement d’une indemnité de procédure.

Par jugement rendu le 14 octobre 2022, le tribunal a :

– rejeté la demande de résiliation des baux,

– condamné M. [Z] aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de mise en demeure du 6 avril 2021,

– condamné M. [Z] à payer à Mme [D] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il retenait que M. [Z] n’a pas été informé du décès de la bailleresse et ce n’est qu’après le retour de sa lettre recommandée du 15 décembre 2021 contenant le paiement du fermage échu le 1er novembre 2020 que l’information lui est parvenue et qu’il a pris l’attache du notaire en charge de sa succession et réglé les fermages et taxes le 4 février 2022, date à laquelle il n’avait pas été convoqué devant le tribunal. Il considérait, pour rejeter la demande de résiliation du bail, qu’au vu de la circonstance particulière constituée par l’absence d’information officielle du décès de la bailleresse, M. [Z] justifiait de raisons sérieuses quant à la non régularisation des fermages avant la saisine du tribunal.

Selon déclaration du 14 novembre 2022, Mme [D] a relevé appel de cette décision.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 6 juin 2023.

A cette audience, elles étaient représentées par leur avocat, qui a déposé des conclusions.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [D] demande de :

– infirmer partiellement le jugement en ce qu’il rejette sa demande de résiliation des baux ruraux,

Statuant à nouveau,

– prononcer la résiliation des baux,

– enjoindre à M. [Z] ainsi qu’à tout occupant de son chef de quitter les lieux à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour passé le délai d’un mois suivant la signification de la décision,

– juger et ordonner qu’à défaut, ils pourront être expulsés au besoin avec l’assistance de la force publique,

– juger et ordonner que M. [Z] devra restituer les lieux en bon état et qu’à défaut, il devra répondre des dégradations commises,

– condamner M. [Z] et l’EARL [Z] au paiement d’une indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail et jusqu’à complet départ d’un montant équivalent au fermage,

– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer partiellement le jugement en ce qu’il condamne M. [Z] aux dépens de l’instance, en ce compris les frais de mise en demeure du 6 avril 2021, et d’une indemnité de procédure de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

– condamner in solidum M. [Z] et l’EARL [Z] à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux dépens.

M. [Z] demande de :

– confirmer le jugement,

– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [D] à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’appelante fait plaider qu’au jour de la saisine du tribunal, M. [Z] n’avait pas régularisé les cause de la mise en demeure de payer les fermages, les paiements intervenus postérieurement n’ayant pas vocation à être pris en compte pour la résiliation du bail ; le tribunal a commis une erreur d’appréciation en retenant qu’en l’absence d’information officielle du décès de la bailleresse, il ne savait pas à qui adresser son fermage, alors qu’il n’existe aucune obligation légale d’informer le preneur du décès du bailleur, le preneur pouvant régler son fermage à l’huissier lui ayant adressé la mise en demeure ou au notaire, il ne s’agit pas d’une excuse indépendante de sa volonté puisqu’il n’avait pas payé son fermage avant la saisine du tribunal, il n’ignorait pas le décès de la bailleresse, Mme [D] lui ayant adressé un courrier recommandé le 29 novembre 2021 et envoyé en recommandé le 23 décembre 2021, avec accusé de réception le 24 décembre 2021 la copie de l’acte notarial ; malgré cela, il a attendu le 14 janvier 2022 pour adresser son paiement à l’étude notariale.

A l’énoncé de l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, “le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s’il justifie, notamment de :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition.”

Cependant, ce motif ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

Il est certain que ce texte ne vise que le défaut de paiement du fermage. Il laisse en dehors de son champ d’application les autres demandes en paiement quelle qu’en soit la cause, telles celles qui tendent à obtenir le remboursement des frais d’exécution ou des cotisations et taxes en totalité ou partiellement à la charge du preneur (Cass. 3e civ., 27 mars 1973, Bull. civ. III, n° 223).

Les manquements du preneur doivent être appréciés au jour de la demande en résiliation (Cass. 3e civ., 29 juin 2011, n° 09-70.894), même s’il ne s’est pas acquitté de son fermage à l’expiration du délai de 3 mois ouvert par les mises en demeure prévues par le texte précité, le preneur conserve la possibilité de régulariser sa situation jusqu’à la saisine du tribunal par le propriétaire (Cass. 3e civ., 13 avr. 2022, n° 21-10.536).

En l’espèce, Mme [F] a mis M. [Z] en demeure de payer les fermages des années culturales 2018-2019 et 2019-2020 d’un montant total de 3 826,31 euros selon exploit d’huissier du 6 avril 2021, rappelant les dispositions de l’article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

M. [Z] devait s’acquitter de sa dette dans le délai de trois mois, soit au plus tard le 6 juillet 2021, ce qu’il n’a pas fait.

Par lettre recommandée du 26 octobre 2021 avec avis de réception du 13 novembre suivant, il a adressé à la bailleresse un chèque de 1 851,91 euros en règlement de la première année culturale.

Par lettre recommandée du 15 décembre 2021, M. [Z] a adressé à la bailleresse un chèque de ce même montant en règlement du fermage de la seconde année culturale réclamée. Ce courrier lui a été retourné par la Poste avec la mention, “n’habite pas à l’adresse indiquée”.

Ayant appris, le 14 janvier 2022, le décès de Mme [F], décédée depuis le 30 septembre 2021, il a transmis au notaire le chèque représentant le fermage de l’année culturale 2019-2020. Le notaire lui a répondu par mail le 18 janvier, lui transmettant le RIB de l’étude notariale qu’il lui réclamait. Le 4 février 2022, par virement, il lui a réglé le solde des taxes foncières des années 2019 et 2020.

Entre-temps, Mme [T] [D], fille de Mme [F], avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Tours d’une demande de résiliation du bail selon requête du 8 décembre 2021.

Pour se prononcer sur la résiliation, le juge doit apprécier les manquements du preneur au jour de la demande. Il en va de même pour l’appréciation des raisons sérieuses et légitimes de nature à écarter la résiliation (Cass. 3e civ., 24 nov. 2021, n° 20-19.972).

Il est certain qu’au jour de la demande en résiliation, soit le 8 décembre 2021 date du dépôt de la requête de Mme [D] saisissant le tribunal, M. [Z] n’avait pas régularisé sa situation.

Cependant, à cette date, il ignorait le décès de la bailleresse, qu’il n’a appris qu’à réception, le 24 décembre 2021, de la lettre recommandée de Mme [D], datée du 29 novembre 2021 mais adressée le 23 décembre 2021, par laquelle elle lui réclamait l’échéance 2020-2021, ajoutant une mention relative au décès de Mme [F], en y joignant copie de l’acte notarial mentionnant sa qualité d’héritière.

Le fermage étant portable, au domicile du bailleur, il appartenait à Mme [D], dans un souci de loyauté, d’informer M. [Z] du décès de Mme [F] et de lui justifier de sa qualité à percevoir les fermages avant de saisir le tribunal de la résiliation de ses baux.

Informé de ce décès et de la qualité d’héritière de Mme [F] par le courrier précité reçu le 24 décembre 2021, le 14 janvier 2022, il a transmis au notaire le chèque représentant le fermage de l’année culturale 2019-2020, régularisant ainsi sa situation.

C’est donc à raison que le premier juge a retenu qu’en l’absence d’information officielle du décès de la bailleresse, M. [Z] justifie de raisons sérieuses, indépendantes de sa volonté, quant à la régularisation du fermage avant la saisine du tribunal. En effet, il est certain qu’il ne pouvait les régler entre les mains de l’huissier, comme prétendu, l’exploit d’huissier du 6 avril 2021, délivré au nom de Mme [F], ne mentionnant pas que le paiement pouvait être fait entre ses mains, l’huissier de justice, officier public chargé de délivrer un acte, ne recevant pas mandat général de représenter son client.

La décision sera, en conséquence, confirmée en ce qu’elle déboute Mme [D] de sa demande de résiliation des baux et en ses autres dispositions.

Il y a lieu de condamner Mme [D] qui succombe au paiement des entiers dépens d’appel.

Il ne semble pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les sommes non comprises dans les dépens. Aucune indemnité ne sera donc allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe ;

Confirme la décision, en toutes ses dispositions ;

Condamne Mme [T] [D] au paiement des entiers dépens d’appel ;

Déboute les partie de leur demande d’indemnité de procédure.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Karine DUPONT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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