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AFFAIRE : N° RG 21/00472
N° Portalis DBVC-V-B7F-GWBB
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 19 Janvier 2021 – RG n° 19/00795
COUR D’APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRÊT DU 11 MAI 2023
APPELANT :
Monsieur [K] [R]
[Adresse 3]
Comparant en personne, assisté de Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de CAEN
INTIMES :
Monsieur [O] [M] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « [5] »
[Adresse 2]
Représenté par Me Hubert DE FREMONT, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me WAHAB, avocat au barreau de CAEN
Caisse Primaire D’Assurance Maladie du Calvados
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Mme DESLANDES, mandatée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
DEBATS : A l’audience publique du 02 mars 2023
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 11 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par M. [R] d’un jugement rendu le 19 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l’opposant à M. [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société [5] en présence de la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados.
FAITS et PROCEDURE
La société [5] (‘la société’) avait pour activité principale la messagerie, c’est-à-dire le transport et la livraison de colis de faible poids, l’entreposage de ceux-ci et leur affrètement.
Par jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 26 novembre 2013, le redressement judiciaire de la société a été prononcé. M. [Z] et M. [V] ont été désignés administrateurs avec mission d’assistance concernant les actes de gestion. M. [M] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 6 février 2014, le tribunal de commerce a arrêté un plan de cession de la société au profit de la société [6] en cours de constitution, et a prononcé la liquidation judiciaire de la société. M. [M] a été désigné en qualité de liquidateur.
M. [R] a été embauché par la société par contrat à durée déterminée du 3 septembre 2007, à effet du 1er septembre 2007, puis dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008, en qualité de conducteur poids lourd.
Il a été victime d’un accident du travail le 27 décembre 2012. La déclaration d’accident du travail du même jour mentionnait ‘déchargement de marchandises – basculement de colis sur genou droit’.
Le certificat médical initial, également établi le 27 décembre 2012, indiquait ‘fracture plateau tibial droit non déplacée’.
Le 9 janvier 2013, la caisse primaire d’assurance maladie du Calvados (‘la caisse’) a reconnu le caractère professionnel de l’accident.
Le 10 octobre 2014, la caisse a informé M. [R] que le médecin conseil estimait son état consolidé à la date du 1er octobre 2014. Le taux d’incapacité permanente de M. [R] a été estimé à 15 %. A la suite des demandes de réévaluation formées par l’assuré, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Caen a fixé le taux d’incapacité à 25 % par jugement du 16 janvier 2017.
M. [R] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados le 28 octobre 2016 aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Par requête du 20 juillet 2017, M. [R] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados d’une demande identique à celle du 28 octobre 2016, après échec de la tentative de conciliation constatée par la caisse dans un procès-verbal établi le 4 juillet 2017.
Par ordonnances du 22 juillet 2018, ces deux affaires ont fait l’objet d’une radiation. Elles ont été réinscrites au rôle de la juridiction à la demande de M. [R] par courrier du 18 juillet 2019.
Selon jugement du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Caen auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019 a :
– ordonné la jonction de l’affaire portant le numéro de rôle 2019/796 à celle portant le numéro de rôle 2019/795,
Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 6 février 2014,
– mis hors de cause Me [Y] [Z], ès-qualités d’administrateur judiciaire de la société [5] en liquidation judiciaire,
– dit que l’accident dont a été victime M. [R] le 27 décembre 2012 présente un caractère professionnel,
– dit que l’accident du travail dont a été victime M. [R] le 27 décembre 2012, pris en charge par la caisse par décision du 9 janvier 2013 n’a pas pour cause la faute inexcusable de la société,
– débouté en conséquence M. [R] de ses demandes,
– débouté M. [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [R] aux dépens.
M. [R] a formé appel de ce jugement par déclaration du 23 février 2021.
Aux termes de ses conclusions déposées le 2 mars 2023, soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. [R] demande à la cour de :
– réformer le jugement déféré en ce qu’il a dit que l’accident du travail dont a été victime M. [R] le 27 décembre 2012, pris en charge par la caisse par décision du 9 janvier 2013 n’a pas pour cause la faute inexcusable de la société, débouté en conséquence M. [R] de ses demandes, débouté M. [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et a condamné M. [R] aux dépens,
Statuant à nouveau,
– dire que l’accident du travail dont a été victime M. [R] le 27 décembre 2012 a pour cause la faute inexcusable de la société, en qualité d’employeur,
– fixer en conséquence au maximum légal la majoration de la rente accordée à M. [R] conformément à l’article L.452-2 du code de sécurité sociale,
– renvoyer M. [R] devant la caisse pour le paiement de la majoration de rente au maximum légal de la rente accident du travail,
– condamner la société de toutes les conséquences financières résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable avec intérêts et frais,
– dire que la caisse sera tenue d’en faire l’avance, à charge pour elle d’en récupérer les sommes auprès de l’employeur,
– ordonner, avant-dire-droit, une mesure d’expertise médicale afin de déterminer la réparation des préjudices extra patrimoniaux et patrimoniaux tels que définis ci-dessus,
– mettre à la charge de la caisse les frais d’expertise avec recours subrogatoire à l’encontre de la société,
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 8 000 euros à titre d’indemnité provisionnelle, en application de l’article L.452-3 du code de sécurité sociale,
– fixer enfin au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par écritures déposées le 24 février 2023, soutenues oralement à l’audience par son conseil, M. [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société [5], demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] de ses demandes,
Y ajoutant,
– le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
– dire irrecevables toutes demandes de condamnation,
– dire irrecevables la demande de fixation au passif d’une indemnité provisionnelle sur le fondement de l’article L.452-3 du code de sécurité sociale, l’indemnisation devant être avancée par la caisse,
– dire irrecevable toute demande de la caisse visant à voir reconnaître une action récursoire et l’en débouter, sa créance étant inopposable à la procédure collective faute de déclaration,
– limiter la mesure d’expertise aux postes de préjudice non réparés par le livre IV du code de sécurité sociale,
– débouter M. [R] de sa demande de provision ou en réduire le montant,
– débouter M. [R] de sa demande relative aux intérêts.
Par conclusions déposées le 2 mars 2023, soutenues oralement à l’audience par son représentant, la caisse demande à la cour de :
– constater que la matérialité de l’accident est établie du fait de l’existence d’éléments objectifs et de présomptions précises et concordantes, et que c’est à bon droit que la caisse a pris en charge cet accident,
– déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle,
– constater que la caisse s’en rapporte sur le principe de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur,
Dans l’hypothèse où la faute inexcusable est reconnue,
– réduire à de plus justes proportions le montant des préjudices extra patrimoniaux sollicités par M. [R] au titre des préjudices de souffrances physiques et morales, ainsi que sur les préjudices personnels,
– dire que la caisse pourra dans l’exercice de son action récursoire recouvrer auprès de l’employeur dont la faute inexcusable aura été reconnue ou de son assureur, l’intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l’avance au titre de la faute inexcusable (majoration de rente, préjudices extrapatrimoniaux et provision),
– dire que l’ensemble des sommes avancées par la caisse (majoration de capital ou de rente, provisions et préjudices) seront inscrites au passif de la société.
Pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Le jugement entrepris n’est pas critiqué en ce qu’il a :
– ordonné la jonction de l’affaire portant le numéro de rôle 2019/796 à celle portant le numéro de rôle 2019/795,
Vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 6 février 2014,
– mis hors de cause Me [Y] [Z], ès-qualités d’administrateur judiciaire de la société [5] en liquidation judiciaire,
– dit que l’accident dont a été victime M. [R] le 27 décembre 2012 présente un caractère professionnel.
Ces dispositions sont donc acquises.
– Sur la faute inexcusable
Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il appartient à la victime de justifier que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.
La conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d’activité.
Pour apprécier cette conscience du danger et l’adaptation des mesures prises aux risques encourus, les circonstances de l’accident doivent être établies de façon certaine.
En l’espèce, M. [R] fait valoir que la société n’a fourni aux salariés de l’entreprise aucune formation particulière de nature à leur permettre d’utiliser le matériel de l’entreprise en parfaite sécurité. Il ajoute qu’elle n’a pas plus fourni le matériel utile pour éviter les chutes de chargement de camions, et que l’organisation comme l’encadrement des conditions de travail n’étaient pas suffisamment étudiés. Il souligne que la pression qui lui était imposée et l’absence de matériel ont été à l’origine de son accident.
Il expose que le 27 décembre 2012, il se trouvait positionné sur le quai de déchargement du site du [Localité 4] lorsque son collègue de travail, M. [U], ‘se précipitait sur lui, alors pris par le temps, dans le cadre d’une opération de déchargement de camions, avec un ensemble de colis lourds et volumineux non sanglés’ (page 3 des conclusions de l’appelant).
Il explique que, à raison de la surcharge de l’ensemble positionné sur des supports peu adaptés, et de l’absence de maintien du tout à l’aide de sangles, l’intégralité du chargement s’est effondré sur sa jambe droite, le blessant sévèrement.
En réponse, la société estime qu’aucun des éléments du dossier ne corrobore ces indications.
M. [R] produit l’attestation de M. [U], ancien collègue de travail. Celui-ci écrit : ‘je suis la personne qui a charger les chariots qui ont causer sont accident. En obligation de les charger ‘sans sangles’.
– pression ‘nombre de pose obligatoire de livraison’.
– manquent de sangles
– manquent de plaques de chargement.’
Ce témoignage ne donne aucune indication sur les circonstances de l’accident dont M. [R] a été victime le 27 décembre 2012.
M. [U] indique en effet qu’il aurait chargé les chariots sans sangles, et qu’il manquait de plaques de chargement. En revanche, il n’explique pas dans quelles conditions l’accident est survenu, ni le lien entre celui-ci et les conditions de travail qu’il décrit, ni même s’il en a été personnellement témoin. Il ne précise ni la tâche à laquelle il se livrait au moment de l’accident, ni celle qui était alors effectuée par M. [R].
Les autres témoignages produits font état d’un manque de matériel, d’un manque de sangles ou d’un camion qui n’était pas adapté à sa destination, sans qu’aucun des témoins n’ait assisté personnellement à l’accident, ne puisse en décrire les circonstances et donc les causes.
Il résulte de ces constatations que les circonstances de l’accident du 27 décembre 2012 demeurent inconnues, et que la preuve n’est pas rapportée que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.
Le jugement déféré mérite donc confirmation en ce qu’il a dit que l’accident du travail dont a été victime M. [R] le 27 décembre 2012, pris en charge par la caisse par décision du 9 janvier 2013 n’a pas pour cause la faute inexcusable de la société, et a débouté en conséquence M. [R] de ses demandes.
– Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement étant confirmé sur le principal, il sera aussi confirmé sur les dépens et en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant, M. [R] sera condamné aux dépens d’appel.
Aucune considération tirée de l’équité ne s’oppose à ce que chacune des parties conserve la charge de ses frais irrépétibles. M. [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société [5], sera débouté de la demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Déboute M. [O] [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société [5] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [R] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX