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COUR D’APPEL DE CAYENNE
[Adresse 1]
Chambre Sociale
ARRÊT N°
N° RG 22/00151 – N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BBCH
[I] [Z]
C/
CAISSE GENERALE DE LA SECURITE SOCIALE DE LA GUYANE – CONTENTIEUX URSSAF
ET
S.A.R.L. [4]
[4]
ARRÊT DU 01 SEPTEMBRE 2023
Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 23 Février 2022, enregistrée sous le n° 20/00090
APPELANT :
Monsieur [I] [Z]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Sylvie COMPPER-GAUDY, avocat au barreau de GUYANE, présent lors des débats,
INTIMEES :
CAISSE GENERALE DE LA SECURITE SOCIALE DE LA GUYANE – CONTENTIEUX URSSAF
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Régine GUERIL-SOBESKY, avocat au barreau de GUYANE, présent lors des débats,
S.A.R.L. [4]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Georges BOUCHET, avocat au barreau de GUYANE, substitué par Me Murielle PREVOT, présent lors des débats,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
En application des dispositions des articles 805, 907 et 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 juin 2023 en audience publique et mise en délibéré au 01 septembre 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Yann BOUCHARE, Président de chambre. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Yann BOUCHARE, Président de chambre
M. Michel BONIFASSI, Président de chambre
M. Laurent SOCHAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER :
Mme Johanna ALFRED, Greffier, présent lors des débats et Mme Jessika PAQUIN, Greffier placé, présent lors du prononcé.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 al 2 du Code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 3 janvier 2017, Monsieur [I] [Z] salarié de la société [4] en qualité d’ouvrier polyvalent, a été victime d’un accident de travail déclaré comme suit «Monsieur [I] [Z] est monté à côté du malaxeur (je ne sais pas s’il a glissé ou si son bas de pantalon s’est pris dans une pale) et sa jambe a été happée par le malaxeur. Pied coupé »
Le certificat médical initial établi le même jour par le Docteur [X] [D] mentionne « polytraumatisme avec l’amputation de la jambe gauche, plaie du montant inférieur droit, traumatisme thoraco abdominal avec’ illisible »
La caisse générale de la sécurité sociale de la Guyane a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle. L’état de santé de Monsieur [I] [Z] a été déclaré consolidé le 10 janvier 2019, avec attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 73 %.
Par courrier du 11 décembre 2019, Monsieur [I] [Z] a saisi la caisse générale de la sécurité sociale de la Guyane d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [4].
La tentative de conciliation ayant échoué, par requête déposée le 25 mai 2020 et enregistré par le greffe le 26 mai 2020 Monsieur [I] [Z] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Cayenne aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société [4], dans la survenance de l’accident du travail du 3 janvier 2017.
Monsieur [I] [Z] demandait de :
– dire que l’accident du travail du 3 janvier 2017 est dû à la faute inexcusable de la société [4],
– fixer à son maximum la majoration de la rente et dire qu’elle suivra, le cas échéant, l’évolution du taux d’incapacité permanente,
– dire que la caisse primaire d’assurance-maladie de la Guyane devra faire l’avance au profit de Monsieur [I] [Z] des sommes accordées à ce dernier au titre de son indemnisation sur le fondement des articles L.452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,
– Condamner la société [4] à rembourser à la caisse primaire d’assurance de la Guyane les sommes qu’elle sera amenée à avancer au profit de Monsieur [I] [Z] sur le fondement des articles L.452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,
Avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par Monsieur [Z]:
– Recevoir Monsieur [I] [Z] en sa demande de provision de 10’000 € à valoir sur
l’indemnisation de ses préjudices qui sera avancé par la caisse primaire d’assurance-maladie de Guyane à charge pour elle d’exercer son action récursoire à l’encontre de la société [4],
– ordonner avant-dire droit une expertise médicale et désigner tel expert pour y procéder,
– réserver les dépens de l’instance ainsi que l’article 700 du code de procédure civile,
– Déclarer le jugement opposable à la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane.
Par conclusions 09 septembre 2021 reprises oralement à l’audience la société [4] demandait de :
– débouter Monsieur [I] [Z] de toutes ses demandes,
– condamner Monsieur [I] [Z] à la somme de 3000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner Monsieur [I] [Z] aux dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 09 décembre 2021, la CGSS a sollicité :
sur la demande de faute inexcusable,
– de donner acte à la CGSS de la Guyane de ce qu’elle s’en rapporte à la justice,
En cas de reconnaissance de faute inexcusable,
– de donner acte à la CGSS de la Guyane de ce qu’elle s’en rapporte à la justice sur les demandes
de la victime,
– Dire et juger que la caisse récupèrera immédiatement le capital représentatif de la majoration
de rente auprès de l’employeur en application de l’article D 452-1 du code de la sécurité sociale.
Dans tous les cas,
– de condamner l’enmployeur, la société [4], à rembourser la CGSS de la Guyane de toutes les sommes dont elle a fait et aura à faire l’avance.
Par décision du 23 février 2022 le tribunal a :
– Débouté Monsieur [I] [Z] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [4],
– Débouté la société [4] sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné Monsieur [I] [Z] aux dépens,
Le 6 avril 2022 Monsieur [I] [Z] faisait appel de la décision du 23 février 2022.
Par conclusions d’appelant sur le RPVA du 2 juin 2022 et reprise pour l’audience du 2 juin 2023 Monsieur [I] [Z] demande de :
– réformer la décision rendue par le tribunal judiciaire/tribunal des affaires de sécurité sociale de Cayenne en date du 23 février 2022,
– Dire que l’accident du travail dont Monsieur [I] [Z] a été victime le 3 janvier 2017 est dû à la faute une excusable son employeur la société [4],
– Fixer à son maximum la majoration de la rente et dire qu’elle suivra le cas échéant l’évolution du taux d’incapacité permanente,
– dire que la caisse primaire d’assurance-maladie de la Guyane devra faire l’avance au profit de Monsieur [I] [Z] des sommes accordées à ce dernier au titre de son indemnisation sur le fondement des articles L.452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,
– Condamner la société [4] à rembourser à la caisse primaire d’assurance de la Guyane les sommes qu’elle sera amenée à avancer au profit de Monsieur [I] [Z] sur le fondement des articles L.452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,
Avant dire droit sur la liquidation des préjudices subis par Monsieur [Z]:
– Recevoir Monsieur [I] [Z] en sa demande de provision de 10’000 € à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices qui sera avancé par la caisse primaire d’assurance-maladie de Guyane à charge pour elle d’exercer son action récursoire à l’encontre de la société [4],
– ordonner une expertise médicale et désigner tel expert pour y procéder, avec une mission auquel il conviendra de se référer à la lecture des conclusions.
– réserver les dépens de l’instance ainsi que l’article 700 du code de procédure civile,
– Déclarer le jugement opposable à la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane.
Par conclusions d’intimée en date du 1er septembre 2022 et reprise pour l’audience du 2 juin 2023 la société [4] demande de :
– Confirmer le jugement du 23 février 2022,
– Débouter Monsieur [I] [Z] de toutes ses demandes,
– Condamner Monsieur [I] [Z] à la somme de 5000 € titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamner Monsieur [I] [Z] aux entiers dépens.
Par première et dernière conclusions d’intimée déposées le 3 mars 2023, la CGSS de la Guyane demande à la Cour de :
– Constater que la CGSS s’en rapoorte à la justice en ce qui concernne la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur outre la majoration de la rente accident du travail et la demande d’exertise médicale,
– rejeter la demande de provision de 10.000 € sollicitée par M.[Z],
– Dire et juger que les demandes d’indemnisation complémentaire de M.[Z] découlant de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [4] doivent être limitées aux préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, société [4],
– Condamner la société [4] à rembourser à la CGSS toutes les sommes dont elle a fait et aura à faire l’avance y compris à titre provisionnel.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, qui seront exposés dans les motifs pour les besoins de la discussion la cour se réfère aux conclusions sus-visées et à la décision déférée conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.
A l’audience du 02 juin 2023, il était indiqué aux parties que la décision était mise en délibéré au 1er septembre 2023.
Il convient avant tout de se pencher sur l’existence ou non d’une faute inexcusable de l’employeur
Sur la faute inexcusable de l’employeur :
Monsieur [I] [Z] comme en première instance soutient que son employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité de résultat en ne mettant pas en ‘uvre les moyens de prévention technique prévus par les dispositions légales en vigueur au moment de l’accident. Il met en avant l’absence de formation particulière dispensée par l’entreprise sur les problèmes de sécurité et sur le fonctionnement des machines, l’absence de grilles sécurité qui ont été enlevées depuis plusieurs années ou de toute installation permettant de bloquer l’accès à la plate-forme du malaxeur. Il soutient que l’employeur avait conscience du danger auquel il était exposé ainsi que les autres salariés en maintenant le système de sécurité insuffisant. Il affirme également que de son côté il n’a pas commis de faute inexcusable volontaire et avait conscience de l’existence d’un danger connu.
L’employeur de son côté expose que Monsieur [I] [Z] ne démontre pas en quoi l’employeur a eu conscience du danger auquel il était exposé et n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il considère que le comportement de Monsieur est imprévisible dans la mesure où alors qu’il était affecté à une tâche sur un élévateur et qu’il n’avait pas reçu pour consigne de nettoyer le malaxeur, il avait pu se rendre sur place.
Comme en première instance l’employeur précise qu’un employé avait été posté sur la plate-forme du malaxeur pour y interdire l’accès durant les travaux de maintenance et que celui-ci avait prévenu Monsieur [I] [Z] dans sa langue de ne pas s’approcher du malaxeur en raison des recherches faites sur l’origine de la panne qui étaient menées. Il maintient que lui,l’employeur, n’a pas demandé à Monsieur [I] [Z] d’aller nettoyer le malaxeur défectueux alors qu’ils étaient en train de rechercher l’origine de la panne et que la machine pourrait se remettre en marche à tout moment.
En appel, le conseil de Monsieur [I] [Z] reprend les éléments principaux de première instance. S’il ne retient pas particulièrement le fait que les grilles de protection auraient été retirées depuis plusieurs mois, il précise qu’il n’est pas contesté que les grilles de protection du malaxeur avaient été retirées le jour des faits ; que l’appareil litigieux ne disposait ni de caméras de surveillance, ni de signal sonore avant la mise en route de la machine, ni de bouton d’arrêt d’urgence, ni de système de blocage automatique de la porte au moment du démarrage de l’appareil. Il est également fait état que la plate-forme de contrôle de l’opérateur doit être surélevé pour plus de visibilité ou qu’il y ait a minima un moyen de communiquer entre cet opérateur et les intervenants sur l’appareil il précise également que le certificat de conformité est fantaisiste.
La cour eu égard aux moyens développés par la juridiction de première instance et qu’il juge pertinent souhaite les reprendre et les compléter si nécessaire. En l’absence d’éléments nouveaux dans les pièces en appel concernant l’accident et les éléments liés au malaxeur l’analyse se fera sur les éléments du dossier de première instance.
Il ressort du dossier que le jour de l’accident et ce n’est pas contesté le malaxeur avait rencontré un problème technique l’empêchant de démarrer le responsable d’exploitation Monsieur [L] [S] déclarait dans ses auditions, y compris celle faite devant les gendarmes ainsi que dans le cas d’un procès-verbal de constat établi par un huissier les 26 et 28 octobre 2020, qu’il avait donné pour consigne à Monsieur [P] de s’assurer que personne ne s’approche du malaxeur et à Monsieur [I] [Z] de faire la vidange et l’entretien de l’élévateur télescopique autrement appelé Manitou. Cet élément était conforme aux déclarations de Monsieur [P] de même que celles de Monsieur [V] [F] qui confirmait cette version.
Il ressort des propres déclarations de Monsieur [I] [Z] « en fin de matinée, j’ai décidé d’aller aider mon collègue [E] ( [P] ) nettoyer le malaxeur à béton qui se trouve en haut de la plate-forme. Personne ne m’avait demandé de le faire je suis monté pour aider [E] ».
Ces éléments démontrent que Monsieur [I] [Z] n’avait pas été affecté au nettoyage malaxeur qu’il avait interdiction de monter sur la plate-forme et que si il s’est rendu sur place c’est à l’insu de son employeur.
En ce qui concerne le certificat de conformité qui est contesté par le conseil de Monsieur [I] [Z] comme étant fantaisiste, l’appelant n’apporte aucun élément qui permet de mettre en doute la véracité de ce certificat de conformité qui établit que cet engin répond aux normes de sécurité, il convient également d’ajouter que le rapport de l’inspectrice du travail démontre contrairement à ce qui a été évoqué par Monsieur [I] [Z] que les grilles venaient juste d’être enlevées et non pas depuis plusieurs mois comme il a pu l’indiquer.
Il convient de constater que l’appelant échoue à démontrer ses assertions ainsi au terme des articles 6 et 9 du code de procédure civile, il incombe à celui qui émet une prétention de la démontrer. Il apparaît que l’appelant ne démontre pas qu’en actionnant le démarreur, alors qu’il tentait de rechercher les causes d’une panne, l’employeur aurait dû avoir conscience de l’exposer à un danger et n’aurait pas pris les mesures propres à l’en préserver.
La faute inexcusable de la société [4] ne peut être retenue.
Sur les demandes accessoires :
Monsieur [I] [Z] succombant à l’instance il sera condamné aux dépens. La société [4] ayant du engager des frais pour l’instance d’appel, il ne paraît pas équitable de lui laisser à sa charge les frais irrépétibles non compris dans les dépens auquels Monsieur [I] [Z] sera condamné.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en date du 23 février 2022 en ce qu’il a débouté Monsieur [I] [Z] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [4],
INFIRME pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE Monsieur [I] [Z] à la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [I] [Z] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier et placé au rang des minutes,
Le Greffier Le Président
Jessika PAQUIN Yann BOUCHARE