Tentative de conciliation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01957

·

·

Tentative de conciliation : 1 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01957
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

N° RG 21/01957 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IYRU

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 01 JUIN 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 26 Mars 2021

APPELANTE :

S.A. LA POSTE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuel JOB de la SELARL Cabinet HIRSCH Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alois DENOIX, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [G] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

présent

représenté par Me David VERDIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 01 Juin 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 01 Juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Engagé par la société La Poste en contrat à durée indéterminée le 20 septembre 1999 en qualité d’ingénieur cadre supérieur à la direction de l’informatique du courrier et promu directeur technique en juillet 2013, M. [G] [K] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de trois mois le 12 juillet 2016 rédigé dans les termes suivants :

‘Nous avons eu à déplorer de votre part les faits fautifs ci-après exposés :

Le 16 mars 2016, vous êtes venu voir M. [P], le directeur du centre financier de [Localité 6], pour lui demander d’intervenir auprès de Post immo car le centre était majoritairement en ‘veille restreinte’ ce qui signifie que de nombreuses zones du bâtiment ne bénéficiaient plus de sécurisation et qu’en cas d’incendie, il n’y aurait pas d’alarme qui se déclencherait. Après avoir fait un mail à Post immo, M. [P] a souhaité comprendre ce qu’il se passait.

Concomitamment, le préventeur du centre a fait parvenir à M. [P] un rapport de la société de maintenance qui indiquait que 144 points étaient HS sur 184 existants ce qui veut dire que près de 80% du centre était sans alerte directe en cas d’incendie.

Le 18 mars, M. [P] a sollicité le gestionnaire de site pour remettre en fonction les différents points, ce qu’il a fait le 21 mars suivant.

Quelques jours après, alors que vous étiez en congés, M. [P] a dû signer des permis de feu et il s’est aperçu en présence du préventeur que vous aviez déjà signé lesdits documents alors même qu’ils doivent normalement être remplis et signés en présence de la société prestataire qui intervient afin d’identifier les zones où il est nécessaire de couper l’alarme incendie.

Suite à cela, M. [P] s’est renseigné au poste de garde. Le chef de poste lui a alors appris que vous agissiez ainsi de manière systématique.

Compte tenu de cette découverte, M. [P] a mandaté M. [F], directeur des risques et du contrôle bancaire, afin qu’il puisse lui faire part de son analyse sur les permis de feu établis. Ce dernier a établi un rapport dans le cadre duquel plusieurs anomalies importantes ont été constatées et dont la nature remettait en cause le dispositif de sécurité du centre.

Sans revenir dans le détail et à titre principal, cette analyse relève que les documents paraissent remplis et signés à l’avance sans respect de la reconnaissance contradictoire qui doit se faire avec la société prestataire, beaucoup de mentions ne sont pas renseignées, dont les risques identifiés et les lieux d’intervention.

Le 5 avril suivant, M. [F] a dû solliciter M. [P] pendant ses congés au motif qu’il constatait que vous aviez signé des permis de feu en date des 4 et 5 avril alors même que vous étiez en congés à ces dates. Il est à noter que ces documents, en plus d’avoir été signés par avance, ont été postdatés.

Alors qu’il était lui-même en congés, M. [P] a dû mettre en place un système de délégations temporaires afin de s’assurer qu’une personne de son équipe serait en mesure de signer les permis de feu.

En parallèle de cela, le 25 mars 2016, une des sociétés prestataires du centre, SERIS, suite à un mail de votre part constatant des anomalies concernant les conditions dans lesquelles les agents de la société utilisent les clefs de la zone rouge et celle-ci, vous a clairement fait savoir que si des dysfonctionnements existaient c’est parce que vous n’aviez pas de consignes écrites sur le sujet.

De la même manière, le 25 avril suivant, un échange de mail entre Post immo et vous au sujet des permis de feu montre que vous avez tenté en vain de dégager votre responsabilité sur les actions/contrôles que vous vous deviez de mener compte tenu de votre fonction.

A cet égard, il convient de noter que M. [P] vous avait déjà, en décembre 2015, écrit au sujet des dysfonctionnements qu’il constatait. Dans ce cadre, des manquements liés à des aspects sécuritaires avaient notamment déjà été relevés. 

Il résulte des constatations faites que vous avez commis plusieurs fautes professionnelles :

– Signature des permis de feu à l’avance en les postdatant pour certains ;

– Non-respect de la procédure de rédaction des permis de feu qui requière la présence du directeur technique et de la société prestataire ;

– Absence de vérification des données inscrites par les sociétés prestataires sur les permis de feu qui sont de ce fait pour la quasi-totalité invalides car ne sont pas complétés comme il se doit ;

– Absence de contrôle sur les rondes de surveillance et la remise en activité du système.

En agissant de la sorte, vous avez manqué :

– aux règles de sécurité du site puisque le permis de feu est une pièce majeure dans la prévention du risque incendie/explosion. L’absence de signature de ce document le rend invalide.

– à vos obligations contractuelles tirées notamment de votre fonction de directeur technique dans le cadre de laquelle vous êtes d’une part, responsable de la ‘sécurité des biens et des personnes’ et d’autre part, êtes tenu de vous assurer ‘du respect des normes et réglementations (IGH, ERP…) et du respect de la réglementation en matière de sécurité des entreprises sous-traitantes intervenant dans le centre financier’ ;

– à votre devoir de loyauté contractuelle, puisqu’en signant des documents par avance, vous avez trompé votre employeur sur les actions qu’il vous revenait d’accomplir ;

– Vous avez par ailleurs fait preuve de négligence fautive dans l’accomplissement de votre fonction puisqu’il vous revenait de valider les données présentes dans les permis de feu ;

– Aux obligations tirées de la délégation de pouvoirs puisque celle-ci prévoit que vous devez ‘respecter et faire respecter l’ensemble des normes internes, des dispositions légales et réglementaires applicables relatives à l’hygiène, à la sécurité, à la santé et aux conditions de travail (…) des tiers se trouvant dans le bâtiment…’.

C’est dans ce contexte que par lettre recommandée avec accusé de réception, vous avez été convoqué à un entretien préalable le 26 avril 2016 auquel vous vous êtes présenté, assisté.

Conformément aux dispositions de la convention commune La poste-France télécom, nous avons recueilli l’avis de la commission consultative paritaire qui était initialement fixée au 23 mai 2016 mais qui a été reportée au 13 juin suivant suite à votre demande.

Au regard de ce qui précède et prenant en compte les explications que vous avez fournies lors de la procédure disciplinaire, nous vous notifions par la présente une mise à pied disciplinaire de trois mois avec retenue correspondante de salaire.

Celle-ci débutera au terme de votre arrêt-maladie ou après toute prolongation qui pourrait intervenir.

Nous comptons sur vous pour que de tels agissements ne se renouvellent plus. A défaut, nous vous informons qu’une sanction plus importante pourrait alors être prise à votre encontre.’

M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen le 25 septembre 2017 en contestation de la sanction, ainsi qu’en paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 26 mars 2021, le conseil de prud’hommes, dans sa formation de départage, a :

– déclaré recevables les demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et celle additionnelle de rappel de salaire formée par M. [K],

– annulé la mise à pied disciplinaire d’une durée de trois mois notifiée par la société La Poste à M. [K] le 12 juillet 2016 et ordonné à La Poste de supprimer cette sanction disciplinaire du dossier disciplinaire de M. [K],

– condamné la société La Poste à payer à M. [K] la somme de 15 667,38 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant à sa période de mise à pied, outre 1 566,74 euros au titre des congés payés afférents,

– condamné la société La Poste à verser à M. [K] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– débouté M. [K] de sa demande de rappel de salaire fondée sur la baisse de sa progression salariale depuis sa sanction disciplinaire,

– rappelé que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2017 et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du jugement,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement pour ses dispositions qui n’en bénéficieraient pas de plein droit, fixé à 5 083 euros bruts par mois la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [K] et rappelé les dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail relatives à l’exécution provisoire de droit,

– condamné la société La Poste à verser à M. [K] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La société La Poste a interjeté appel de cette décision le 6 mai 2021.

Par conclusions remises le 29 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société La Poste demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande de rappel de salaire fondée sur la baisse de progression salariale depuis sa sanction disciplinaire ainsi que de ses demandes plus amples ou contraires,

– statuant à nouveau,

– se déclarer incompétent pour se prononcer sur la demande de réparation du préjudice moral subi par M. [K] au profit du tribunal judiciaire de Rouen, et, à titre subsidiaire, débouter M. [K] de cette demande,

– déclarer M. [K] irrecevable dans sa demande de rappel de salaire à hauteur de 5 141,78 euros, outre 514,17 euros au titre des congés payés afférents, et, à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande de rappel de salaire fondée sur la baisse de sa progression salariale depuis sa sanction disciplinaire.

– dire que la sanction disciplinaire de M. [K] était justifiée et le débouter de l’intégralité de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 13 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [K] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de l’absence de progression salariale et en ce qu’il a limité les dommages et intérêts au titre du préjudice moral à 5 000 euros,

– statuant à nouveau, condamner la société La Poste à lui payer les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour préjudice moral : 10 000 euros

rappel de salaire : 5 141,78 euros

congés payés afférents : 514,18 euros

indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros

– débouter la société La poste de ses demandes et la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 30 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la nullité de la sanction disciplinaire

1.1. Sur la régularité procédurale

M. [K] soutient que la mise à pied disciplinaire doit être annulée à défaut pour la société La poste d’avoir mentionné dans le courrier de sanction les articles de la convention commune La Poste-France télécom et l’avis rendu par la commission consultative paritaire et ce, alors que ces règles sont instituées par le guide des règles de discipline applicable au sein de la société, lequel document a la même valeur impérative que le règlement intérieur conformément à l’article L. 1321-5 du code du travail, et constitue, à tout le moins, un engagement unilatéral de l’employeur.

En réponse, la société La Poste soutient que le guide mémento des règles RH est dépourvu de tout caractère réglementaire comme l’a tout récemment rappelé la Cour de cassation et qu’ainsi, se bornant à expliciter les règles de droit applicables à destination des délégataires du pouvoir disciplinaire, il ne peut davantage lui être accordé la portée d’un engagement unilatéral.

Selon l’article 51 du guide mémento des règles de gestion RH, ‘Le dossier disciplinaire comportant la proposition de sanction émise par la commission consultative paritaire, ou la ou les propositions n’ayant pas obtenu l’accord de la majorité des membres présents, est dans le meilleur délai, transmis pour décision, à l’autorité qui détient le pouvoir disciplinaire.

Cette autorité qui intervient en qualité d’employeur n’est pas tenue de suivre l’avis de la commission dont le rôle est consultatif.

La décision de sanction doit viser les articles de la convention commune relatifs à la procédure disciplinaire et l’avis rendu par la commission consultative paritaire s’il s’agit d’une sanction prononcée après consultation de cet organisme.

La décision de sanction doit être motivée. Cette motivation doit être suffisante pour permettre au salarié de connaître la nature des faits qui lui sont reprochés. A défaut de motivation précise, un licenciement serait considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Après entretien préalable, les motifs retenus pour la sanction ne doivent pas s’éloigner de ceux indiqués lors de la convocation à cet entretien.

Par ailleurs, lorsqu’un licenciement est retenu, la nature de la faute (sérieuse, grave ou lourde) doit être mentionnée ainsi que les incidences de cette mesure en terme de préavis et d’indemnités. (cf supra § 122.2)’

Selon l’article L. 1321-5 du code du travail, les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre.

En l’espèce, il ne résulte nullement du mémento des règles de gestion RH qu’il instituerait des obligations générales et permanentes s’agissant d’un simple document interne se bornant à expliciter les règles de droit à destination des délégataires du pouvoir disciplinaire en charge de les appliquer.

En outre, au regard de l’objet précité de ce document, il ne constitue en aucune manière un engagement unilatéral de l’employeur envers les salariés, ce document, loin de manifester une volonté claire et non équivoque d’accorder des droits supplémentaires aux salariés, ayant pour seul objet de se prémunir d’actions de leur part en encadrant au maximum les formalités à accomplir par les délégataires du pouvoir disciplinaire.

Il n’y a donc pas lieu de retenir l’existence d’une irrégularité de la procédure disciplinaire pour non-respect du guide mémento des règles RH.

Sur le manque d’impartialité de la commission

M. [K] fait valoir que la présidente de la commission consultative paritaire était Mme [H], directrice des ressources humaines, et que le rapporteur était M. [P], soit la personne ayant monté le dossier disciplinaire, sachant qu’il a pu ainsi grandement orienter l’avis des autres membres de la commission dès lors que lui-même donne un avis motivé sur l’existence et la qualification des faits, ainsi que sur l’adéquation de la sanction proposée soumise à l’avis de la commission.

En réponse, la société La Poste relève que la cour administrative d’appel de Nancy a considéré que la participation de la personne ayant, au terme d’un rapport, saisi la commission paritaire devant se prononcer sur le sort d’un agent pouvait non seulement intervenir lors de la réunion mais également participer aux délibérations de cet organisme, aussi, et alors que M. [P] n’a eu qu’un simple rôle de rapporteur, sans aucune participation au vote, elle considère qu’il n’y a pas eu atteinte au principe d’impartialité, sans que la présence de Mme [H] ne modifie cette analyse, celle-ci n’ayant aucun intérêt personnel dans cette affaire mais ayant simplement pour rôle d’assurer la gestion du personnel.

Il résulte de l’article 3.5 du bulletin des ressources humaines intitulé ‘Organisation, attributions et fonctionnement des commissions consultatives paritaires de La Poste’ que lorsque les commissions siègent en formation disciplinaire, la production des observations écrites ou orales destinées à éclairer le conseil de discipline est assurée par un rapporteur, lequel, selon l’article 23, fournit les indications et les éclaircissements qui lui semblent nécessaires pour permettre au conseil de se prononcer en parfaite connaissance de cause et donne, au vu des éléments du dossier, un avis motivé sur l’existence et la qualification des faits, ainsi que sur l’adéquation de la sanction proposée soumise à l’avis de la commission.

Enfin, il est prévu qu’avant que la commission ne commence à délibérer, le salarié dont le cas est évoqué, ou son défenseur, sont invités à présenter d’ultimes observations et que la commission délibère hors la présence du salarié déféré devant elle, de son défenseur, des témoins et du rapporteur et qu’elle émet un avis motivé sur la sanction éventuelle à infliger.

Au regard du fonctionnement ainsi décrit, et alors que le rapporteur ne participe pas au délibéré, il ne peut être considéré que la désignation de M. [P] en cette qualité ait porté atteinte au principe d’impartialité dès lors qu’il a eu à connaître des faits reprochés à M. [K] en tant que supérieur hiérarchique, et ce, sans qu’il soit établi l’existence d’un différend personnel, et ce, d’autant qu’après l’avis émis par M. [P] sur les faits et la sanction envisagée, M. [K], ou son représentant, a eu la possibilité de s’exprimer pour apporter tout élément utile à sa défense.

Enfin, la présence de la responsable des ressources humaines, Mme [H], en qualité de présidente de la commission n’est pas davantage de nature à porter atteinte au principe d’impartialité dès lors qu’il s’agit d’une commission composée en nombre égal de représentants de l’employeur et de représentants du personnel et qu’elle n’avait, pas plus que M. [P], un intérêt personnel au traitement de la situation de M. [K].

Il convient en conséquence de dire qu’il ne peut être reproché aucune partialité à la commission consultative paritaire de par sa composition, étant enfin rappelé qu’elle n’a qu’un rôle consultatif et non décisionnaire.

Sur le caractère illicite d’une mise à pied disciplinaire de trois mois

Faisant valoir que la durée de la mise à pied maximale prévue par le règlement intérieur est manifestement excessive et doit en conséquence s’analyser en une sanction pécuniaire interdite par l’article L. 1331-2 du code du travail, M. [K] soutient que la société La Poste l’utilise comme moyen de pression pour tenter de contraindre certains de ses salariés à mettre un terme, d’eux-mêmes, à la relation de travail, ce qui a d’ailleurs été dénoncé par les syndicats.

S’agissant plus particulièrement de sa situation, il explique que cette sanction est intervenue dans le cadre d’une réorganisation des services avec la suppression de treize postes de directeurs techniques en 2018, dont le sien, sachant que, contrairement aux autres directeurs techniques, il n’a reçu aucune proposition de mobilité et a dû postuler par lui-même à une vingtaine d’offres, avant que ne lui soit proposé un seul poste, à [Localité 5], alors même que les accords ‘Avenirs métiers bancaires’ prévoient la nécessité de saisir préalablement à la suppression du poste un comité technique local et l’obligation de proposer trois postes de reclassement.

Enfin, il note que sa situation n’a de nouveau évolué favorablement qu’après la décision des premiers juges et le départ de M. [P] puisqu’il a, depuis, été promu responsable de maîtrise des risques sur le site de [Localité 6] et a travaillé sur le même projet que celui auquel il était affecté au moment de la sanction.

En réponse, la société La Poste soutient qu’une mise à pied disciplinaire est licite dès lors qu’elle est prévue par le règlement intérieur et que celui-ci en précise la durée maximale, ce qui est le cas en l’espèce, peu importe cette durée, étant précisé qu’il ne peut s’agir d’une sanction pécuniaire dans la mesure où la mise à pied entraîne une suspension du contrat de travail.

Selon l’article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Par ailleurs, si selon l’article L. 1331-2, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites et que toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite, néanmoins, dès lors que la mise à pied disciplinaire se traduit par une suspension de la prestation de travail du salarié, il ne peut être considéré que la privation de la rémunération sur cette période durant laquelle aucune prestation de travail n’est accomplie constituerait une sanction pécuniaire.

Aussi, et si la licéité d’une sanction ne résulte pas de sa seule inscription dans le règlement intérieur, néanmoins, en l’espèce, en prévoyant la possibilité de prononcer une mise à pied disciplinaire avec privation de tout ou partie du salaire, pour une durée d’une semaine au moins et de trois mois plus, il ne peut être considéré, au regard des règles précédemment rappelées, que cette disposition du règlement intérieur de la société La Poste serait illicite.

Par ailleurs, il appartient à la juridiction saisie d’apprécier le caractère proportionné de la sanction à la faute commise sans qu’il ne puisse être considéré, qu’en soi, une mise à pied disciplinaire de trois mois serait disproportionnée, étant noté qu’il ne peut pas être fait de parallèle avec la mise à pied conservatoire dont l’objet est uniquement de permettre à l’employeur de finaliser le plus rapidement possible une procédure de sanction disciplinaire.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de M. [K] de sa demande tendant à voir annulée la mise à pied disciplinaire à raison du caractère illicite de sa durée.

Sur le bien-fondé de la mise à pied disciplinaire

La société La Poste explique que le projet SDU 3, ordonné par la Poste Immo avait pour objectif la rénovation de certains locaux loués au centre financier de [Localité 6] afin de permettre notamment une amélioration des conditions de travail et une réduction des coûts, ce qui impliquait la réalisation de certains travaux, tels que soudage, meulage, découpage, lesquels constituent ‘des points chauds’ nécessitant la rédaction d’un ‘permis de feu’ dont la responsabilité dépend du responsable de l’établissement, ou de son représentant, pour les parties privatives, soit en l’espèce, M. [K], qui a d’ailleurs signé une cinquantaine de permis et disposait à cet effet d’une délégation de pouvoir, laquelle était parfaitement valable et n’avait pas besoin d’être réitérée lors du remplacement de M. [S], directeur financier, par M. [P].

Or, alors qu’en sa qualité de directeur technique il avait tout pouvoir pour prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des personnels, elle constate qu’il a signé par avance certains permis de feu, hors la présence du directeur technique de la société prestataire, et ce, alors qu’autorisant l’usage d’outils à risques incendiaires et entraînant la neutralisation des systèmes de détection incendie, ils doivent être signés le jour des travaux et en concertation avec l’entreprise prestataire afin de s’assurer au mieux de la faisabilité des travaux et prévenir les risques.

Elle relève encore que certains permis de feu ont été signés sans vérification des données qui y étaient, ou non, inscrites et enfin, qu’il n’y pas eu de contrôle des rondes de surveillance et de remise en activité du système de détection incendie, conduisant ainsi à ce que 144 points de détection incendie sur 184 aient été désactivés sur la période, sans que M. [K] puisse se dédouaner en invoquant la faute par ailleurs commise par la société de gardiennage.

En réponse, M. [K] explique que, contrairement à ce qu’affirme la société La Poste, le projet SDU 3, qui requerrait la mise en oeuvre de travaux lourds et complexes compte tenu de l’occupation des lieux durant la durée des travaux, ne portait pas sur les parties privatives des locaux du CRSF de Saint-Sever, mais quasi-exclusivement sur les parties communes, ce qui impliquait que le propriétaire des locaux, Poste immo, pilote directement les entreprises extérieures, lui-même n’ayant pour seul rôle que celui de chef de projet utilisateur local avec la charge de recenser les besoin des utilisateurs, d’étudier l’impact des travaux sur les activités ou encore de réceptionner les réalisations Poste immo au nom de tous les locataires, ce qui le conduisait à participer à des réunions bilatérales hebdomadaires avec M. [P] sans qu’aucun grief ne lui ait jamais été reproché, sachant que c’est lui qui a alerté M. [P] sur les difficultés liées au système de sécurité incendie et aux permis de feu.

S’agissant plus précisément des faits qui lui sont reprochés, il fait valoir qu’il ne disposait pas de délégation de pouvoir valable, celle délivrée par M. [S] étant devenue caduque à l’arrivée de M. [P], sachant qu’en tout état de cause, cette délégation ne pouvait s’appliquer au cas d’espèce dès lors qu’il n’avait autorité ni sur les entreprises externes, ni sur le chargé de travaux de Poste immo, tous deux étant sous la responsabilité de Poste immo, ordonnateur des travaux.

A cet égard, il indique que ce n’est qu’en raison du caractère contradictoire et inapplicable de la procédure nationale compte tenu de la présence trop peu fréquente sur le chantier des responsables de Poste immo, propriétaire, et GEMIB, gestionnaire de site, qu’il a établi des permis de feu mais ce, uniquement pour ne pas bloquer les travaux et à la demande expresse des chargés de travaux successifs de Poste immo, étant précisé qu’il a alerté à plusieurs reprises les responsables nationaux de ces incohérences, ce qui les a d’ailleurs conduit à modifier la procédure et à intégrer la notion de ‘délégation de Poste immo au directeur du centre financier’.

Il conteste par ailleurs avoir signé ces permis de feu à l’avance, expliquant que, face à la multitude des demandes, dans un souci de gain de temps et par manque de carnet à souches, il a été décidé d’un commun accord entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise extérieure de préparer et cacheter à l’avance les pages de présentation des permis de feu, sans cependant les signer, et en procédant à l’analyse des risques sur la zone concernée à chaque nouvelle demande, sachant que pour les permis de feu 101 à 116 et 122 à 123, M. [D], chef de poste PSI, s’est permis de photocopier d’anciens permis de feu et d’effectuer un montage informatique avec les cachets et signatures de l’entreprise pour établir ainsi unilatéralement dix-huit permis de feu.

Il s’étonne encore qu’il puisse lui être reproché une absence de contrôle sur les rondes de surveillance et de remise en activité du système de détection incendie alors même que cette tâche incombait au gestionnaire de site et à la société de gardiennage, lui-même ou son équipe effectuant cependant en journée un passage pour s’assurer du bon déroulement des travaux dans la mesure où le gardien ne pouvait quitter son poste.

Enfin, il relève que nombre de permis de feu étaient délivrés pour éviter que les poussières endommagent les éléments détecteurs reliés au système de sécurité incendie alors même qu’il n’y avait en réalité pas de ‘points chauds’, que le contrôle effectué sur la forme des permis de feu n’a été qu’un prétexte pour la société pour se débarrasser de lui puisqu’elle savait que dans les faits, ça ne pouvait être respecté, que d’ailleurs la procédure de rédaction des permis de feu n’était pas non plus respectée par le directeur ou ses adjoints lors de ses absences.

A titre liminaire, il convient de relever que si M. [K] ne conteste pas avoir reçu délégation pour la délivrance des permis de feu en vertu de la décision du 14 août 2013, acceptée le 20 septembre 2014, il soutient cependant qu’elle est devenue caduque lorsque M. [P] a pris la succession de M. [S] en 2015 en tant que directeur de centre financier de [Localité 6], et ce, en vertu de l’article 6 de la décision du 14 août 2013 qui prévoyait que la délégation était accordée au délégataire en qualité de directeur du centre financier de [Localité 6] et cessait dès lors que le délégataire n’avait plus cette qualité.

Néanmoins, s’il résulte effectivement de cet article que M. [S] a perdu, dès la cessation de ses fonctions de directeur du centre financier, les pouvoirs qui lui étaient délégués en cette qualité, il ressort cependant de ce même article que les pouvoirs ainsi délégués et ayant fait l’objet de subdélégations de pouvoirs successives au titre de la délégation du directeur du centre financier de [Localité 6], à l’exception des délégations de signature, pouvaient être maintenus dans le cadre du changement de déléguant, sauf en cas de révocation de la délégation par le déléguant ou son successeur et dans la mesure où le changement de déléguant n’entraînait pas de modification de l’organisation de l’entreprise.

Ainsi, contrairement à ce qu’affirme M. [K], la subdélégation de pouvoir dont il a bénéficié n’est pas devenue caduque par le simple effet du remplacement de M. [S] par M. [P], étant surabondamment relevé que M. [K] a, en tout état de cause, signé des permis de feu.

Par ailleurs, alors que M. [K] soutient qu’il ne lui appartenait pas de signer ces permis de feu dès lors que les travaux avaient été ordonnés par Poste immo et portaient au surplus sur les parties communes, la société La Poste produit un document à l’adresse du Codir du 7 septembre 2015 sur l’état d’avancement du projet SDU 3 [Localité 6] dont il ressort qu’il avait pour objectif de rénover les sanitaires et certains locaux, d’optimiser les surfaces et réduire les coûts, respecter les concepts communs LBP et faciliter le déploiement du projet PROCEF.

Il est également fourni un document reproduisant les plans des lieux et ceux concernés par des travaux, dont il ressort suffisamment que ceux-ci portaient, certes, en partie sur les parties communes mais aussi sur les parties privées, ce qui permet de s’assurer que M. [K] était en partie responsable des permis de feu puisqu’il résulte de ses propres documents qu’en cas d’impact dans une zone privative, il est nécessaire de recueillir la co-signature du chef d’établissement ou de son représentant, soit M. [K].

Surtout, au-delà de la complexité des interventions croisées de plusieurs organismes en fonction de l’ordonnateur et de la nature des locaux pour délivrer les permis de feu, laquelle a justifié une clarification faite au niveau national postérieurement aux faits reprochés à M. [K], en tout état de cause, le reproche qui est fait à M. [K] n’est pas en lien avec cette question dès lors qu’il ne lui est ni reproché de ne pas avoir délivré des permis de feu alors qu’il aurait dû le faire, ni d’en avoir délivré alors que cela ne ressortait pas de sa compétence, mais d’avoir délivré des permis de feu sans en respecter la procédure, à savoir, manque de vigilance sur les mentions qui y étaient portées et, bien plus, signature à l’avance, sans procéder préalablement aux vérifications journalières conjointes avec l’entreprise extérieure.

Aussi, en délivrant des permis de feu, quand bien même ceux-là ne seraient pas rentrés dans son champ de compétence, M. [K] a engagé sa responsabilité et la société La Poste est bien fondée à s’assurer qu’il le faisait en respectant les règles s’y rattachant, étant noté que les premiers mails de M. [K] faisant état de difficultés quant à sa compétence pour signer ces permis sont postérieurs à sa convocation à entretien préalable, laquelle date du 18 avril 2016 pour un entretien fixé le 26 avril.

De même, il est inopérant de savoir si les permis de feu ont été délivrés alors qu’ils n’étaient pas nécessaires, et ce, d’autant que la délivrance d’un tel document a une incidence directe sur le service de sécurité incendie puisqu’il conduit à neutraliser, le temps des travaux, les détecteurs d’incendie et qu’ils ne peuvent donc être délivrés, même lorsqu’ils ne sont pas d’une nécessité absolue, avec légèreté.

Au contraire, il convient de relever que M. [K] justifie que les rondes relatives à la levée de doutes suite à une alarme incendie ou à une fin de travaux soumis à permis de feu relevait de la société Seris, sous le contrôle du gestionnaire de site, Gemib, et qu’il a lui-même alerté des dysfonctionnements du système de sécurité incendie dès le mois de février, aussi, n’existe t-il pas d’éléments suffisants permettant de retenir sa responsabilité dans les rondes effectuées et les remises en sécurité du système, étant encore relevé que les permis de feu sont signés en amont par le représentant du centre financier, sans que le mail de M. [R] du 25 avril 2016 aux termes duquel il affirme qu’il appartient à l’entreprise utilisatrice de vérifier l’application des consignes ne soit de nature à remettre en cause cette analyse, dès lors qu’en tant que chef de projet local, il pouvait voir sa responsabilité engagée.

Aussi, il convient d’examiner le contenu de ces permis de feu afin d’apprécier si M. [K] a ou non commis des fautes pouvant justifier une mise à pied disciplinaire de trois mois.

A cet égard, M. [K] admet, lorsque la nature des travaux était récurrente, avoir pré-rempli un certain nombre de mentions, ainsi notamment la nature des opérations, la liste des opérateurs autorisés, le nom du responsable de l’entreprise extérieure et le tamponnage des permis, ce qui est corroboré par un mail de M. [B], chargé de travaux de l’entreprise Gagneraud, qui indique le 27 avril 2016 qu’ils ont établi l’ensemble des demandes de permis de feu de la semaine jusqu’au lundi suivant inclus, qu’elles ont été laissées au PCS afin de permettre à M. [K] de les signer au jour le jour mais que ce dernier les ayant retirées, il souhaite qu’elles soient remises au PCS pour ne pas être en difficulté pour débuter les travaux le lendemain, ce à quoi M. [K] répond avoir constaté une anomalie, à savoir la case gardien présignée, qu’il sera là le lendemain à 7h30 pour remplir des permis vierges en attendant le carnet à souches et qu’il ne peut plus accepter des permis à l’avance bien que le risque soit circoncis et les opérations répétitives dans le même endroit.

Il résulte suffisamment de ce mail que non seulement des permis de feu ont été signés à l’avance, ce qui est d’ailleurs conforté par la signature de deux permis de feu pour les 4 et 5 avril alors que M. [K] était en congés depuis le 4 avril, mais aussi qu’ils ne l’étaient pas systématiquement en concertation préalable entre M. [K] et le représentant des entreprises extérieures et ce, alors qu’il s’agit d’une des obligations entourant la délivrance de ces permis.

Néanmoins, il n’est pas établi qu’il s’agissait d’une pratique courante dès lors que M. [B] évoque pour sa part des signatures au jour le jour malgré le pré-remplissage et qu’à l’exception des permis de feu signés les 4 et 5 avril, il n’est pas possible d’affirmer que M. [K] en aurait pré-signés d’autres, sachant qu’il ne peut être accordé aucune force probante au courrier du 11 avril 2016 de M. [D], chef de poste sur le site de la banque postale, adressé à M. [P], aux termes duquel il tient à confirmer que les permis de feu se situant au PSI sont systématiquement remplis par avance (cachet+signature) par M. [K], mais non datés, dès lors qu’il n’est corroboré par aucune attestation et que sa propre responsabilité pouvait être mise en cause sur les rondes du soir.

A cet égard, au regard du caractère parfaitement identique des signatures tant de M. [K] que de M. [B], il convient de retenir que les permis de feu 101 à 118 et 121 à 123 correspondent manifestement à de simples photocopies trafiquées, ce qui ne permet en aucune manière d’affirmer que M. [K] serait à l’origine de leur délivrance.

De même, il ne peut lui être reproché les permis de feu non signés, ceux-ci n’ayant aucune valeur quand bien même le tampon de M. [K] y est apposé et il ne pouvait en être tenu compte par les autres interlocuteurs qui sont ainsi les seuls à avoir commis une erreur en les utilisant.

Ainsi, outre les deux permis des 4 et 5 avril, manifestement délivrés à l’avance, restent cinq permis de feu signés par M. [K] pour la semaine du 4 au 8 janvier sur lesquels il n’a pas mentionné la date de délivrance, empêchant ainsi de s’assurer d’une date de délivrance adaptée par rapport au début des travaux.

Aussi, et s’il est certain qu’il a ainsi commis une faute, et ce, d’autant plus au regard des enjeux de sécurité en cause, il doit néanmoins être tenu compte de la charge de travail qui lui était ainsi impartie du fait des carences des autres intervenants, et notamment Poste immo qui aurait dû assurer le suivi d’un certain nombre de travaux, et il convient en conséquence de dire que la mise à pied disciplinaire de trois mois, avec retrait du salaire, était disproportionnée, sachant qu’aucune remarque préalable ne lui avait jamais été faite.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire de M. [K], a ordonné à la société La Poste de supprimer cette sanction disciplinaire du dossier de M. [K] et a condamné la société La Poste à lui verser la somme de 15 667,38 euros au titre du rappel de salaire correspondant, outre 1 566,74 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [K] demande réparation du préjudice moral né du prononcé de la sanction, lequel au-delà de l’absence de toute rémunération durant trois mois, a eu des répercussions importantes sur son état de santé physique et mental puisqu’il a dû être placé durant sept ans sous anti-dépresseurs et somnifères, qu’il est toujours suivi par un psychiatre et a été mis à l’écart au sein de la société La Poste, M. [P] ayant interdit à ses collègues de le côtoyer.

Tout en notant que cette demande lui est inopposable dès lors que la maladie professionnelle dont se prévaut M. [K] lui a été déclarée inopposable, la société La Poste soulève l’incompétence de la cour dès lors que cette demande a pour objet de réparer un préjudice résultant d’une pathologie liée à ses conditions de travail, laquelle relève du pôle social du tribunal judiciaire de Rouen.

Si la juridiction prud’homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé d’une sanction disciplinaire et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’une telle sanction, l’indemnisation des dommages résultant d’une maladie professionnelle, qu’elle soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire.

En l’espèce, M. [K] a bénéficié d’une prise en charge au titre de la législation professionnelle pour une pathologie déclarée le 23 septembre 2016 au titre d’une ‘dépression sévère-état anxieux’.

Or, si M. [K] indique solliciter la réparation du préjudice moral subi du fait du caractère injustifié de la sanction, il ressort de la lecture de ses conclusions qu’il invoque en réalité la réparation du dommage résultant de la maladie professionnelle, à savoir l’état dépressif qu’il a connu suite à cette sanction et qui a conduit à la reconnaissance de sa maladie professionnelle comme en témoigne la teneur du certificat médical de son psychiatre qui indique que son état de santé a été gravement altéré par un état dépressif important à partir de mai 2016, que cette affection a été reconnue en maladie professionnelle et qu’il nécessite toujours des soins spécialisés pour cette affection.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré le conseil de prud’hommes compétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Néanmoins, selon l’article 90 du code de procédure civile, lorsque le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en premier ressort, celui-ci peut être frappé d’appel dans l’ensemble de ses dispositions et, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente.

Aussi, la cour d’appel de Rouen étant juridiction d’appel du Pôle social du tribunal judiciaire de Rouen, il convient de statuer sur la demande et, au regard des pièces précédemment citées, et notamment le certificat médical du médecin psychiatre de M. [K], qui témoignent des répercussions conséquentes qu’a pu avoir la mise à pied disciplinaire de trois mois sur son état de santé, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société La Poste à lui payer 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, sans que la décision d’inopposabilité de la maladie professionnelle à la société La Poste n’ait une quelconque incidence sur la condamnation ainsi prononcée.

Sur la demande de rappel de salaire

M. [K] explique qu’au 1er avril 2015, sa rémunération annuelle a été portée à 60 815 euros, soit une augmentation de salaire annuelle de 1,2 %, et que sa part variable était de 7 309 euros, soit près de 12 % de sa rémunération. Or, il constate qu’au 1er avril 2016, il n’a bénéficié que d’une augmentation de salaire de 0,3 % et que sa part variable n’a représenté que 8,7% de sa rémunération, sachant qu’en 2017, la situation s’est encore aggravée puisqu’il n’a eu aucune augmentation de salaire et que sa part variable n’a été que de 5,5 %.

Il soutient que cette situation est la conséquence de la sanction disciplinaire injuste et discriminatoire dont il a été l’objet suite à l’arrivée de M. [P] et constitue en réalité une sanction pécuniaire prohibée, aussi réclame t-il un réajustement de sa rémunération, à savoir une augmentation de 3 % de sa rémunération annuelle pour l’année 2016 et de 2,45 % pour celle de l’année 2017, avec, en conséquence, un réajustement de la part variable perçue, à savoir 8,7 % de 62 639,45 euros pour l’année 2016 et 5,5 % de 64 174,12 euros pour l’année 2017.

En réponse, la société La Poste fait valoir que cette demande additionnelle formulée par M. [K] est sans lien avec la sanction disciplinaire et doit donc être déclarée irrecevable, et ce, d’autant qu’elle n’a pas bénéficié de la tentative de conciliation obligatoire.

En tout état de cause, elle relève que M. [K] n’explicite nullement sa demande d’augmentation de 3 % pour l’année 2016 et que, s’agissant de l’année 2017, il ne fournit aucun détail de ses calculs, sachant que la circulaire qu’il invoque prévoit une enveloppe globale de 1,5 % correspondant à trois mesures d’augmentation distinctes, sans que M. [K] précise quelles sont les mesures dont il entend obtenir le bénéfice. Enfin, elle rappelle que la rémunération variable de M. [K] n’est pas proportionnelle à sa rémunération mais dépend des résultats obtenus dans le poste.

Dès lors qu’en vertu de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, dans la mesure où M. [K] soutient ne pas avoir bénéficié des augmentations salariales auxquelles il pouvait prétendre à raison de la sanction disciplinaire dont il a été l’objet il convient de déclarer sa demande de rappel de salaire recevable, étant précisé qu’au moment où il lui a été notifié le montant de son augmentation de salaire, soit le 3 mai 2016, la procédure relative à la sanction disciplinaire avait débuté.

Néanmoins, si M. [K] soutient que sa rémunération a été augmentée en avril 2015 de 1,2 % pour être portée à 60 815 euros, il n’est pas produit le moindre bulletin de salaire antérieurement à septembre 2015 permettant de s’assurer de la réalité de cette augmentation, mais bien plus, alors qu’il réclame une augmentation salariale de 3% pour l’année 2016, il n’explicite en aucune manière sur quel fondement celle-ci est réclamée et pour l’année 2017, s’il affirme n’avoir bénéficié d’aucune augmentation de salaire, il ne produit pas ses bulletins de salaire.

Au surplus, s’il invoque un accord sur les mesures salariales de l’année 2017, comme justement relevé par la société La Poste, il n’explicite pas sa demande d’augmentation de 2,45 %, sachant que l’accord en cause évoque une enveloppe globale de 1,5 % pour les salariés relevant du niveau de M. [K] répartie entre trois mesures, l’une pour les premiers niveaux de salaire, une deuxième au titre de mesures individuelles et une troisième au titre des mesures spécifiques, et ce, sans que M. [K] n’apporte la moindre précision sur la revalorisation réclamée.

Il convient en conséquence de débouter M. [K] de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération annuelle de 2016 et 2017, et en conséquence de la rémunération variable, sachant qu’il ne sollicitait à ce titre un rappel de salaire qu’à raison de l’augmentation du salaire de base réclamé.

Sur les intérêts

Les sommes allouées à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société La Poste aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [K] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sur les intérêts et en ce qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le conseil de prud’hommes était incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Statuant néanmoins sur le fond en vertu de l’article 90 du code de procédure civile,

Condamne la SA La Poste à payer à M. [K] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Dit que les sommes allouées à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la SA La Poste aux entiers dépens ;

Condamne la SA La Poste à payer à M. [G] [K] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA La Poste de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x