Télétravail, un des critères de l’obligation de reclassement

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Télétravail, un des critères de l’obligation de reclassement
Ce point juridique est utile ?

Alors qu’une salariée était travailleur handicapé et avait alerté son employeur sur sa volonté de retrouver un poste adapté à son état, au besoin par transformation ou adaptation de son poste et après une éventuelle formation, l’employeur n’a pas sérieusement ni loyalement cherché à préserver son emploi en affirmant sans le démontrer qu’aucun reclassement de la salariée dans l’entreprise n’était possible y compris sur un poste aménagé en télétravail comme le préconisait le médecin du travail, alors que cet aménagement n’apparaît pas incompatible avec le bon fonctionnement de l’entreprise eu égard à la nature de son activité.

Reflexe juridique : lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié d’exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible que l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

La preuve de l’impossibilité du reclassement est à la charge de l’employeur, qui doit proposer au salarié déclaré inapte par le médecin du travail un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédent, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Cette obligation doit s’apprécier dans le périmètre du groupe auquel la société appartient (L. 1226-2 du code du travail).

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT DU 03 JUIN 2021

Rôle N° RG 18/15176 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDC2E

Y X

C/

S.A.S. GROUPE NICE MATIN

Copie exécutoire délivrée

Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE,

avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

— 

Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 24 Juillet 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00854.

APPELANTE

Madame Y X, demeurant 17, allée de la Touraque – Hameau Fontmerle – 06270 VILLENEUVE-LOUBET

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et Me Jean-paul PURPO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Emilie VIELZEUF, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

S.A.S. GROUPE NICE MATIN, venant en lieu et place de la Société EUROSUD COMMUNICATION, demeurant […]

représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2021.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Madame Y X a été engagée par la société Eurosud Côte d’azur à compter du 19 septembre 2000, suivant contrat à durée déterminée, devenu à durée indéterminée, à compter du 1er janvier 2002, en dernier lieu en qualité d’Hôtesse Télévente, moyennant un salaire de 2.043,06€.

A la suite de la liquidation judiciaire de la société Eurosud Côte d’azur, les contrats de travail des salariés, dont celui de Mme X, ont été transférés à la société Eurosud Communication, le 1er décembre 2014.

Par suite d’une fusion absorption, la société Groupe Nice Matin déclare intervenir en cause d’appel, en lieu et place de la société Eurosud Communication.

Madame Y X s’est trouvée placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 20 août 2013 jusqu’au 6 mars 2015 . Elle a été reconnue travailleur handicapé pour la période du 21 octobre 2014 au 20 octobre 2019.

Au terme de deux examens médicaux en date des 6 et 22 octobre 2014, le médecin du travail l’a déclarée:« Inapte à reprendre son poste de travail et tout autre poste au sein du siège. A reclasser sur un poste équivalent ou autre poste adapté sur un autre site. Télétravail possible».

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2015, Mme X a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé le 29 juin 2015, auquel elle ne s’est pas présentée.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 2 juillet 2015, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement, le 23 février 2016, Mme X a saisi la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses sommes tant au titre d’une exécution déloyale qu’au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 24 juillet 2018, le conseil de prud’hommes de Nice l’a déboutée de ses demandes, a débouté la société Eurosud Communication de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens à la charge de Mme X.

Mme X a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 février 2021, Mme X soutient :

— qu’avant même sa déclaration d’inaptitude, et alors que depuis le 20 août 2013, elle souffrait d’un « syndrome anxio-dépressif réactionnel » résultant d’un conflit affectif important sur son lieu de travail entraînant une impossibilité de travailler avec sa hiérarchie, son employeur d’alors n’a pas cherché à la reclasser notamment dans des postes de commerciaux qui étaient disponibles, et lui a proposé une rupture conventionnelle qu’elle a refusée,

— qu’en dépit d’un bilan de repositionnement professionnel en date du 25 juillet 2014 mettant en exergue ses atouts et la transférabilité de ses compétences compte tenu de ses expériences professionnelles passées, l’employeur ne lui a pas proposé de poste correspondant à ses capacités,

— qu’ à la suite du constat d’inaptitude de la médecine du travail la société Eurosud Communication, manquant à son obligation de reclassement :

* a tardé à lui proposer un reclassement,

* lui a proposé des postes inadaptés à sa situation: un poste de secrétaire d’agence à Grasse entraînant de nombreux frais de déjeuner, de trajet et de stationnement, un poste de téléconseiller au sein du service client de Nice-Matin, situé au siège du journal, donc non conforme aux préconisations du médecin du travail, un poste de prospectrice, situé à Nice, impliquant la vente de « porte à porte » radicalement différent du précédent et entraînant une modification de ses conditions de travail,

*ne lui a pas proposé de poste en télétravail comme préconisé par le médecin du travail: alors que le poste d’hôtesse télévente ne nécessite qu’un simple ordinateur et un téléphone et pouvait être aisément aménagé à domicile, l’employeur s’est borné à lui répondre que « les activités du groupe Nice Matin, à savoir portage, édition journal, impression, télé-conseil, régie publicitaire ne se prêtaient pas à la mise en place du télétravail. »

* n’a pas interrogé le médecin du travail sur l’aptitude de la salariée à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté, faisant ainsi preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail alors que son adaptabilité était certaine au terme de 15 années d’expérience et compte tenu de sa polyvalence,

* n’a pas recherché tous les postes disponibles dans le cadre de son reclassement, en ayant publié des offres d’emploi à foison, qui auraient pu lui être proposées, tant en interne qu’en externe, l’organigramme de la Société Eurosud Communication, tel qu’il l’était en janvier 2015 et en avril 2015, montrant la dimension des possibilités de reclassement, et que les agences étaient bel et bien toujours actives, ouvertes, fonctionnelles et prêtes à recevoir des salariés pour s’employer à toutes fonctions bureautiques comme celles qu’assurait Mme X,

*ne justifie pas que le support informatique qu’elle verse au débat et qu’elle présente comme étant son livre des entrées et sorties du personnel est conforme aux dispositions légales,

* ne justifie pas du périmètre de reclassement ni de l’impossibilité de reclasser Mme X sur un autre poste, dès lors qu’après le licenciement des offres publiées par la société en interne qui auraient légitimement pu lui être proposées par son ancien employeur, ce qui prouve encore sa déloyauté.

* ne lui a pas transmis les motifs s’opposant à son reclassement, avant l’engagement du licenciement.

Mme X demande en conséquence, d’infirmer le jugement et statuant à nouveau de:

Fixer le salaire brut mensuel de Mme X à la somme de 2.043,06€,

Constater au besoin dire et juger que le licenciement pour inaptitude physique définitive de Mme X est dénué de cause réelle et sérieuse,

Constater au besoin dire et juger que la Sas Groupe Nice Matin venant en lieu et place de la société Eurosud Communication a manqué à son obligation de reclassement,

Constater au besoin dire et juger que le contrat de travail de Mme X a été exécuté de façon déloyale,

En conséquence,

Condamner la Sas Groupe Nice Matin venant en lieu et place de la société Eurosud Communication au paiement de la somme de 49.033,44 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la Sas Groupe Nice Matin venant en lieu et place de la société Eurosud Communication au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Condamner la Sas Groupe Nice Matin venant en lieu et place de la société Eurosud Communication au paiement de la somme de 4.086,12 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 408,61 € à titre de congés payés sur préavis,

Y ajoutant,

Condamner la Sas Groupe Nice Matin venant en lieu et place de la société Eurosud Communication au paiement de la somme de 4.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-provence, avocats aux offres de droit.

Condamner la Sas Groupe Nice Matin venant en lieu et place de la société Eurosud Communication au paiement des intérêts de droit à compter de la saisine.

Dans l’hypothèse où les condamnations prononcées à son profit de la ne seraient pas réglées spontanément et où l’exécution forcée serait confiée à un huissier de justice, dire que les sommes

retenues par ce dernier en application du décret du 10 mai 2007 portant modification du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 relatif au tarif des huissiers, devront être supportés par la Sas Groupe Nice Matin venant en lieu et place de la société Eurosud Communication, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 16 février 2021, la société Groupe Nice Matin intervenant en lieu et place de la société Eurosud Communication fait valoir:

— que de nombreux griefs développés par Mme X dans ses écritures, traitent de faits antérieurs au 1erdécembre 2014, qui ne sont pas imputables à la société Eurosud Communication laquelle n’a jamais proposé de rupture conventionnelle mais au contraire a proposé plusieurs rendez-vous à Mme X aux fins de « pouvoir envisager avec elle sa reprise d’activité dans l’entreprise »

— qu’à la suite des difficultés économiques du groupe Nice Matin, il a été décidé du regroupement de la majorité des salariés au siège; que l’ensemble des sociétés de la Sapo Nice Matin et ses filiales (Eurosud Côte D’azur et Publinice Service) puis de la SCIC Nice Matin et de ses filiales (Eurosud Communication et Azur Distribution) à compter du 1er décembre 2014, ont leur siège sis […] à Nice à l’instar d’Eurosud Communication ; qu’il a été décidé de la fermeture de nombreuses agences ; que le médecin du travail ayant considéré que Mme X était inapte à tout poste au sein du siège, les recherches de reclassement ont donc été limitées ;

— que la tardiveté alléguée de la notification du licenciement traduit le sérieux de la recherche de reclassement,

— que dès le 29 octobre 2014, l’employeur s’est rapproché de la médecine du travail aux fins d’obtenir des précisions quant aux préconisations à prendre à l’égard de Mme X et également sur le type de postes qui pourrait lui être proposé ; que la médecine du travail répondait le 30 octobre suivant qu’il était nécessaire de reclasser Mme X sur un poste adapté : à savoir poste antérieur ou équivalent correspondant à ses compétences, sur un autre site Eurosud (siège exclu),

— qu’elle a donc proposé : d’une part, un poste de « secrétaire d’agence » au sein de l’agence Nice Matin de Grasse à compter du 8 janvier 2015, que Mme X avait accepté avant de rompre la période d’essai le 3 mars 2015 estimant que ses frais de déplacement lui revenaient non plus à 210 € mais à 500 € par mois, d’autre part, un poste de « prospectrice » au sein d’azur Distribution que Mme X a également refusé prétextant « l’éventualité de difficultés physiques » alors que le médecin du travail ne faisait pas état de difficultés physiques, nécessitant un aménagement du poste,

— que les refus de Mme X semblent donc abusifs dans la mesure où en plus de respecter toutes les préconisations de la médecine du travail, ces offres d’emploi n’entraînaient pas de modification de son contrat de travail ni de ses conditions de travail,

— que dès lors que la salariée avait accepté un poste de reclassement à l’agence de Grasse, l’obligation de recherche d’un nouveau poste n’avait plus lieu d’être,

— que les postes disponibles postérieurement à son acceptation n’avaient pas à lui être proposés,

— qu’il n’était pas possible de créer un poste en télétravail au sein des sociétés du groupe Nice Matin,

— que s’agissant de la formation, l’employeur lui a tout de même proposé une formation de deux jours afin de lui permettre de se préparer à son nouveau poste de travail,

— que c’est dans la lettre de licenciement que doit être énoncé précisément l’impossibilité de reclassement ainsi que les motifs empêchant ledit reclassement et motivant donc le licenciement, que tel est le cas en l’espèce,

— que la salariée n’hésite pas à verser aux débats, les offres publiées par la société Eurosud Communication, alors qu’elle ne pouvait ignorer que ces offres étaient toutes regroupées au siège de la société,

— que la société Eurosud Communication verse aux débats le compte rendu de réunion du 25 mars 2013 de la Délégation unique du personnel de la société mettant en place le registre du personnel sur support informatique lequel est conforme aux prescriptions légales,

— qu’elle justifie s’être adressée à toutes les sociétés du Groupe Nice Matin aux fins de se renseigner sur la disponibilité de postes correspondant aux préconisations du médecin du travail.

La société Eurosud Communication, demande en conséquence de confirmer le jugement, de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 février 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 16 juin 2015 est ainsi motivée :

Vous avez été soumise à deux examens médicaux de reprise du travail: le premier examen a eu lieu le 6 octobre2014 ; le second examen a eu lieu le 22 octobre 2014. A l’issue du second examen, le médecin du travail vous a déclaré inapte à occuper votre emploi de Téléconseillère ou tout autre poste au sein du siège à Nice.

Nous avons à plusieurs reprises tenté de vous reclasser au sein du Groupe :

– Vous avez dans un premier temps été affectée à l’agence NICE-MATIN de Grasse en qualité de secrétaire d’agence à compter du 8 janvier 2015, vous n’avez pas donné suite à votre reclassement ;

– Puis vous avez été détachée à Azur Distribution en qualité de Prospectrice, vous n’avez pas donné suite à votre reclassement.

Suite aux différentes tentatives de reclassement, nous nous trouvons dans l’impossibilité de vous proposer d’autres solutions de reclassement car aucun emploi dans notre entreprise ou groupe que vous étiez susceptible d’occuper n’est disponible, compte tenu de votre état de santé et de vos compétences. En outre, nous avons recherché tous les aménagements possibles pour vous reclasser, mais aucune d’entre-elle n’a pu aboutir du fait de la situation actuelle de la société.

Aussi, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement qui prend effet immédiatement.

(…)

L’article L. 1226-2 du code du travail dispose :

‘Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

‘Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié d’exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

‘L’emploi proposé est aussi comparable que possible que l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.’

La preuve de l’impossibilité du reclassement est à la charge de l’employeur, qui doit proposer au salarié déclaré inapte par le médecin du travail un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédent, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Cette obligation doit s’apprécier dans le périmètre du groupe auquel la société appartient.

Au cas de Mme X, alors que cette salariée était travailleur handicapé et avait alerté son employeur sur sa volonté de retrouver un poste adapté à son état, au besoin par transformation ou adaptation de son poste et après une éventuelle formation, la société Euro Sud Communication, n’a pas sérieusement ni loyalement cherché à préserver son emploi :

— en lui proposant un reclassement soit dans un poste à Grasse qui entraînait une modification de ses conditions de travail, soit dans un poste de « prospectrice » au sein d’azur Distribution qui n’était pas conforme aux préconisations de la médecine du travail d’ un poste équivalent ou autre poste adapté,

— en affirmant sans le démontrer qu’aucun reclassement de la salariée dans l’entreprise n’était possible y compris sur un poste aménagé en télétravail comme le préconisait le médecin du travail, alors que cet aménagement n’apparaît pas incompatible avec le bon fonctionnement de l’entreprise eu égard à la nature de son activité,

— en ne lui proposant aucune formation dans le cadre du reclassement autre qu’une formation de deux jours, préparatoire à son reclassement à Grasse dans un poste de secrétariat,

— en ne justifiant pas au moyen de pièces utiles l’impossibilité de permutation du poste de la salariée à l’intérieur de l’ensemble des entités du groupe.

L’employeur ne justifie pas dès lors avoir rempli son obligation de reclassement. Le jugement du conseil de prud’hommes qui a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse sera en conséquence infirmé de ce chef, et la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera accueillie à concurrence d’une somme de 25.000 euros.

L’indemnité de préavis est due au salarié déclaré inapte dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.

L’employeur sera condamné au paiement de la somme de 4.086,12 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 408,61 € à titre de congés payés sur préavis.

Sur les dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Le manquement de la société Eurosud Communication à son obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail n’est pas établi .

Le manquement de la société Eurosud Communication à son obligation de bonne foi dans la recherche de reclassement est quant lui réparé par la somme ci-dessus allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.

Sur les intérêts

Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais non-répétibles

Succombant, la société Eurosud Communication supportera les dépens.

L’équité commande de faire application au bénéfice de Mme X des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur le droit proportionnel

La demande tendant à voir juger que les sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001seront supportées par tout succombant en plus des frais irrépétibles et des dépens, est sans objet dès lors que s’agissant de créances nées de l’exécution du contrat de travail, le droit proportionnel de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 n’est pas dû.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout,

Condamne la société Groupe Nice Matin intervenant en lieu et place de la société Eurosud Communication à payer à Mme X :

— une somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— une somme de 4.086,12 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 408,61 € à titre de congés payés sur préavis

Dit que ces créances indemnitaires sont productive d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société Groupe Nice Matin intervenant en lieu et place de la société Eurosud Communication à payer à Mme X une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Groupe Nice Matin intervenant en lieu et place de la société Eurosud Communication de sa demande d’indemnité de procédure,

Condamne la société Groupe Nice Matin intervenant en lieu et place de la société Eurosud Communication aux dépens de première instance et d’appel,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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