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Le salarié en télétravail qui procèdé à des pointages irréguliers, tous en sa faveur, aboutissant à un total d’heures de travail déclaré mais non effectué, s’expose à un licenciement pour faute.
En l’espèce, le salarié invoque en vain le caractère déloyal du fait pour son responsable, avec qui il a eu une altercation, de l’avoir ‘suivi’ jusqu’à son domicile. Néanmoins, étant rappelé d’une part que la preuve est libre en la matière et d’autre part que le seul fait que près d’un an auparavant le salarié et son responsable aient eu une altercation n’est pas en tant que tel de nature à remettre en cause la réalité des constatation auxquelles il a procédé, il ne saurait être considéré que le fait pour un responsable des chargés de proximité de procéder à des vérifications sur un salarié qui a déjà fait l’objet de remarques sur ses erreurs de pointage constitue un procédé déloyal, la vérification effectuée s’étant de surcroît limitée à se rendre à son domicile pendant la pause déjeuner, et non le ‘suivre’ comme soutenu par le salarié pour simplement y constater la présence de sa voiture et ensuite de faire la correspondance avec ses heures de pointage. De plus, il est démontré que les consignes applicables en la matière ont été communiquées aux salariés par courriers électroniques et rappelées lors d’une réunion. Dans ces conditions, peu important que le salarié n’ait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire quelconque auparavant ni qu’aucune mise à pied à titre conservatoire ait été décidée par l’employeur dès lors qu’une telle mesure n’est pas le corollaire indispensable d’une procédure de licenciement pour faute grave, le fait pour le salarié de multiplier sur une période de 2 mois les pointages irréguliers ayant pour conséquence de déclarer des heures de travail non réellement effectuées, alors même que son attention avait déjà été appelée sur la question et que les consignes lui avaient été rappelées très peu de temps avant le premier manquement constaté, caractérisent, à l’exclusion de tout doute, une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. |
Résumé de l’affaire : M. [L] [N] a été embauché par l’Office Public Grand Dijon Habitat le 3 janvier 2018 en tant que chargé de proximité. Il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement le 15 mars 2021 et a été licencié pour faute grave le 6 avril 2021. Contestant son licenciement, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon le 31 mai 2021, demandant la requalification de son licenciement et des indemnités. Le 10 novembre 2022, le conseil a rejeté ses demandes. M. [N] a fait appel le 5 décembre 2022, demandant l’infirmation du jugement et diverses indemnités. L’Office Public Grand Dijon Habitat a également demandé la confirmation du jugement. Le 17 octobre 2024, la cour a confirmé le jugement de première instance, rejeté la demande de M. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné M. [N] à payer 1 500 euros à l’employeur pour les frais de justice.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C/
E.P.I.C. GRAND DIJON HABITAT prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 17/10/24 à :
-Me BOISADAM
C.C.C délivrées le 17/10/24 à :
-Me LIGIER
-Me GOULLERET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2024
MINUTE N°
N° RG 22/00759 – N° Portalis DBVF-V-B7G-GCNQ
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section CO, décision attaquée en date du 08 Novembre 2022, enregistrée sous le n° F 21/00311
APPELANT :
[L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Marie CASSEVILLE, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
E.P.I.C. GRAND DIJON HABITAT prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, Me Yann BOISADAM de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Maître Julie MAREC, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Septembre 2024 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Fabienne RAYON, Présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [L] [N] a été embauché par l’Office Public Grand Dijon Habitat (ci-après GDH) le 3 janvier 2018 par un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chargé de proximité, catégorie 1, niveau 2 (agent d’exécution).
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le même poste en catégorie 2, niveau 1.
Le 15 mars 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 suivant.
Le 6 avril 2021, il a été licencié pour faute grave.
Par requête du 31 mai 2021, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon afin de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et non-respect de l’obligation de sécurité.
Par jugement du 10 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Dijon a rejeté l’ensemble des demandes des parties.
Par déclaration formée le 5 décembre 2022, M. [N] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 août 2023, l’appelant demande de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
* a jugé que le licenciement s’analyse en un licenciement pour faute grave,
* l’a débouté de ses demandes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour non-respect de l’obligation de sécurité,
* l’a débouté de l’intégralité de ses demandes, principales, subsidiaires et accessoires,
* a dit que chaque partie supportera ses propres frais engagés au titre de la présente procédure,
– le confirmer en ce qu’il a débouté l’Office Public GRAND DIJON HABITAT de l’intégralité de ses demandes, principales, subsidiaires et reconventionnelles,
– juger que le licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse,
– condamner l’Office Public GRAND HABITAT DIJON à lui régler les sommes suivantes : * 3 055,99 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 4 365,7 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 436,57 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 8 731,4 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4 365,7 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
* 2 500 euros au titre du non-respect de l’obligation de sécurité de l’employeur,
En toutes hypothèses,
– condamner l’Office Public GRAND HABITAT DIJON à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 22 juillet 2024, l’Office Public GRAND HABITAT DIJON demande de :
– déclarer l’appel de M. [N] mal fondé, l’en débouter ainsi que de l’intégralité de ses fins, moyens et conclusions,
– confirmer le jugement déféré,
– le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
I – Sur le bien fondé du licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La lettre de licenciement du 6 avril 2021, laquelle fixe les limite du litige, est rédigée dans les termes suivants :
‘[…] Le motif de ce licenciement concerne les faits qui se sont produits les 27 janvier, 16, 17 et 18 février et les 2 et 4 mars 2021 à savoir que vous avez pointé virtuellement à votre domicile sur votre session de travail à distance lors de vos ¿ journées de travail prévues en présentiel en agence alors que votre arrivée ou votre départ effectifs de l’agence n’a été constaté par votre hiérarchie que bien plus tard ou plus tôt, cela entraînant les écarts de temps de travail suivants :
– Le 27/01/ un écart de 1 heure 04 minutes,
– Le 16/02 un écart de 19 minutes,
– Le 17/02 un écart de 1 heure 08 minutes,
– Le 18/02 un écart de 58 minutes,
– Le 02/03 un écart de 1 heure 14 minutes,
– Le 04/02 un écart de 41 minutes.
Le cumul de ces écarts de pointage frauduleux sur cette période ont représenté 5 heures et 38 minutes.
En outre, à chaque arrivée ou départ, votre responsable hiérarchique direct a constaté que vous étiez vêtu d’une tenue de ville, et que vous arriviez sur votre lieu de travail ou votre domicile avec votre voiture personnelle et rien ne figurait dans votre agenda qui pouvait justifier un rdv avec 1 locataire.
Je vous rappelle que l’organisation du télétravail pour le service Proximité, dont vous dépendez, vous a été précisée par courriel le 6 novembre 2020.
La gestion des heures de travail pendant les séquences de télétravail a été précisé à nouveau à votre responsable hiérarchique par courriel le 17 décembre 2020, qui l’a immédiatement répercutée oralement à l’ensemble de l’équipe.
Enfin, les consignes de pointage vous ont été communiquées à plusieurs reprises par votre hiérarchie à l’oral pendant cette période et à l’écrit lors des réunions d’agence du 8 et du 29 janvier 2021. Vous connaissez parfaitement ces consignes car le compte-rendu de ces réunions vous a ensuite été adressé par courriel.
Ces faits sont d’une particulière gravité, par eux-mêmes d’une part et par leur répétition d’autre part et constituent des manquements graves à vos obligations contractuelles.
Les investigations effectuées auprès de votre hiérarchie ne m’ont pas permis d’expliquer votre comportement et n’ont donc pas modifié mon appréciation des faits
Par conséquent, au regard de tous ces éléments, nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration même pendant le temps limité du préavis, et nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, sans indemnités ni préavis’ (pièce n°22).
M. [N] conteste son licenciement et soutient :
– qu’il n’a commis aucun fait fautif susceptible de caractériser une faute grave au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation et que l’employeur échoue à rapporter la preuve qui lui incombe, se contentant d’invoquer des retards présumés sans en démontrer la réalité ni en quoi ces retards auraient pour conséquence d’empêcher son maintien dans l’entreprise,
– aucune sanction disciplinaire quelconque n’a été prononcée à son encontre ni aucune mise à pied conservatoire, de sorte qu’il est clair que les prétendus manquements n’ont pour objectif
que de créer des motifs de licenciement afin de se séparer de lui en toute mauvaise foi,
– le courrier électronique du 6 novembre 2020 et le listing des adresses mails concernées produits par l’employeur sont insuffisants pour établir le non respect des consignes en matière de télétravail et de pointage, celui-ci omettant de préciser les pannes récurrentes dans les échanges de mails, l’employeur ne s’étant pas assuré de la réception effective des courriers électroniques,
– sur le fait de ne pas badger correctement et le courrier électronique de M. [C], salarié de la société avec qui il a connu des difficultés et a signalé des agissements à son encontre, selon lequel il l’a suivi jusqu’à son domicile durant sa pause afin d’établir un itinéraire et une durée de trajet dans le seul but de démontrer le défaut de badgeage, de tels agissements ne peuvent être acceptés s’agissant de man’uvres totalement déloyales dont le seul objectif est de permettre la création de preuves. L’employeur se contente en outre d’un simple courrier électronique sans la moindre indication de lieu, horaires et il n’est apporté aucune précision permettant d’établir concrètement qu’il s’agissait bien de lui, de son adresse et de son véhicule,
– l’employeur crée des reproches de toute pièce, il n’existe aucune erreur de badgeage. Il s’agit juste de man’uvres afin de le déstabiliser sur le long terme, ce qui a abouti à l’incident du 13 février 2020 où il a été victime d’une agression verbale sur son lieu de travail (pièce n°4),
– sur la question des consignes dans le cadre du télétravail, l’employeur affirme que ces éléments ont été repris lors de la réunion du 8 janvier 2021 mais la fiche hebdomadaire est rédigée sous format WORD, donc modifiable, et aucune signature n’a été apposée afin de confirmer le contenu des échanges lors de cette réunion. Ce document n’a donc aucune force probante et le grief n’est pas justifié,
– s’agissant des pointages, l’employeur se fonde sur des ‘attestations’ par courriers électroniques rédigés par une salariée, Mme [V], affirmant qu’il n’était pas présent lorsqu’il a pointé ou encore sur un courrier électronique d’un salarié qui est allé à son domicile et qui a constaté que sa voiture était là, ce qui est insuffisant et dépourvu de force probante. La matérialité des faits n’est donc pas démontrée,
– en matière de faute grave, si un doute subsiste il profite au salarié.
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l’employeur expose et produit les éléments suivants :
– dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid 19, des demi-journées de télétravail ont été mises en place à compter du mois de novembre 2020, en particulier pour les chargés de proximité (pièces n°24 et 25), les règles applicables ayant été rappelées lors d’une réunion du 8 janvier 2021 à laquelle M. [N] a participé (pièce n°26),
– M. [N] avait déjà été alerté les 13 janvier et 13 février 2020 par son responsable sur la nécessité de faire attention à son badgeage (pièces n°5 et 5-2), des écarts de pointage ayant également été constatés à la fin de l’année 2020 et en début d’année 2021,
– en dépit des instructions claires et des alertes de son responsable, M. [N] a, le 27 janvier 2021, pointé depuis son domicile à 13h04 (ce qui était formellement interdit) alors même qu’il avait physiquement quitté son lieu de travail vers 12h, soit un écart en sa faveur d’1h04,
– M. [C], responsable service proximité, décrit le stratagème mis en place par le salarié sur la base de constatations qu’il a lui-même effectuées (pièce n°27),
– ce fait du 27 janvier 2021 n’est pas isolé puisque M. [N] l’a reproduit a minima sur
cinq autres journées de travail (pièces n°28 à 33).
Il résulte des pièces produites que l’Office Public GRAND HABITAT DIJON démontre qu’à 6 reprises entre le 27 janvier et le 4 mars 2021, M. [N] a procédé à des pointages irréguliers, tous en sa faveur, aboutissant à un total de 5 heures et 38 minutes de travail déclaré mais non effectué.
Par ailleurs, nonobstant le fait que l’affirmation de M. [N] selon laquelle le pointage était soumis à des ‘pannes récurrentes’ n’est corroborée par aucun élément, la cour relève que cette affirmation est, en tout état de cause et pour chacune des dates retenues par l’employeur au titre de la faute grave, contredite par les constatations effectuées tant par M. [C], qui l’a suivi jusqu’à son domicile le 27 janvier 2021, que par Mme [V], responsable d’agence, qui a dénoncé son comportement par une succession de courriers électroniques.
A cet égard, M. [N] invoque le caractère déloyal du fait pour son responsable, avec qui il a eu une altercation, de l’avoir ‘suivi’ jusqu’à son domicile. Néanmoins, étant rappelé d’une part que la preuve est libre en la matière et d’autre part que le seul fait que près d’un an auparavant le salarié et son responsable aient eu une altercation n’est pas en tant que tel de nature à remettre en cause la réalité des constatation auxquelles il a procédé, il ne saurait être considéré que le fait pour un responsable des chargés de proximité de procéder à des vérifications sur un salarié qui a déjà fait l’objet de remarques sur ses erreurs de pointage constitue un procédé déloyal, la vérification effectuée s’étant de surcroît limitée à se rendre à son domicile pendant la pause déjeuner, et non le ‘suivre’ comme soutenu par M. [N], pour simplement y constater la présence de sa voiture et ensuite de faire la correspondance avec ses heures de pointage.
De plus, il est démontré que les consignes applicables en la matière ont été communiquées aux salariés par courriers électroniques et rappelées lors d’une réunion du 8 janvier 2021, donc avant les constatations effectuées par M. [C] et Mme [V]. Sur ce point, s’il est exact qu’un document rédigé sous format WORD non signé reste modifiable, la cour constate d’une part que la participation de M. [N] à cette réunion n’est aucunement discutée et d’autre part que le salarié n’apporte aucun élément de nature à démontrer, pas même à laisser supposer, que ce document, même modifiable, a effectivement été modifié.
Dans ces conditions, peu important que le salarié n’ait jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire quelconque auparavant ni qu’aucune mise à pied à titre conservatoire ait été décidée par l’employeur dès lors qu’une telle mesure n’est pas le corollaire indispensable d’une procédure de licenciement pour faute grave, le fait pour M. [N] de multiplier sur une période de 2 mois les pointages irréguliers ayant pour conséquence de déclarer des heures de travail non réellement effectuées, alors même que son attention avait déjà été appelée sur la question et que les consignes lui avaient été rappelées très peu de temps avant le premier manquement constaté, caractérisent, à l’exclusion de tout doute, une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Il s’en déduit que les prétentions de M. [N] au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas fondées et ses demandes à ce titre seront rejetées, le jugement déféré étant confirmé sur ces points.
II – Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Au visa de l’article L.1222-1 du code du travail, M. [N] soutient que l’Office Public de l’Habitat GRAND DIJON n’a pas rempli ni exécuté de bonne foi ses obligations en ce qu’il a été victime de plusieurs agressions ayant fait l’objet de plaintes (pièce n°4, 12, 13) et ajoute qu’au regard de caractère purement fantaisiste des motifs de son licenciement, l’employeur souhaitait délibérément se séparer de lui sans le moindre motif réel et sérieux. Il sollicite en conséquence la somme de 4 365,70 euros nets à titre de dommages-intérêts.
L’employeur oppose que les allégations du salarié sont infondées et qu’il ne justifie d’aucun préjudice distinct de la rupture du contrat de travail ou d’un prétendu manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Il ressort des conclusions des parties et des pièces produites que la relation de travail a été émaillées, à compter de février 2020, de multiples incidents et plaintes du salarié contre sa hiérarchie. Néanmoins, la cour relève que l’employeur a pris en compte chacune de ses dénonciations en procédant soit à une réaffectation de l’intéressé, soit à des vérifications internes, lesquelles n’ont pas permis d’aboutir à la confirmation des faits dénoncés par M. [N] au titre des agressions dont il dit avoir été victime.
Par ailleurs, l’attestation de M. [S] est douteuse pour avoir été rédigée un an après le fait qu’il rapporte (altercation du 13 février 2020 avec M. [M]) et surtout en ce que, selon les propres déclarations du témoin, il ajoute à ses déclarations spontanées dans un courrier électronique transmis ‘à chaud’ dans lequel il indiquait simplement ‘je n’ai pas entendu l’ensemble de la conversation mais j’ai été témoin de la réaction agressive de monsieur [M] vis à vis de mon collègue monsieur [N] lui demandant d’aller dans son bureau. Je trouve que ce n’est pas une manière correcte de s’exprimer vise à vis de son collègue pour X ou Y raison. Je ne prends partie pour personne mais je n’aimerai pas que l’on me parle de cette manière, personne d’ailleurs ne mérite ça’ (pièce n°34), ce qui remet en cause l’authenticité de ses propos. Elle ne sera donc pas prise en compte. Quant à la main courante de M. [N] du 29 septembre 2020 mettant en cause Mme [V], elle ne repose que sur ses propres déclarations et se trouve contredite par le résultat des vérifications menées par l’employeur.
En conséquence des développements qui précèdent, et nonobstant le fait qu’en tout état de cause M. [N] ne justifie d’aucun préjudice, la cour considère que celui-ci échoue à démontrer un quelconque manquement de l’Office Public de l’Habitat GRAND DIJON à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire à ce titre.
III – Sur le manquement à l’obligation de sécurité :
Au visa de l’article L.4121-1 du code du travail, M. [N] soutient avoir fait l’objet d’une agression le 13 février 2020 pour laquelle il a déposé plainte et que l’employeur se retranche derrière l’enquête diligentée par le CSE et l’absence de résultat alors qu’il ne peut ignorer l’alerte adressée par M. [S], ajoutant que, outre les autres agissements des 23 septembre 2020 et 3 février 2021, il a effectué 3 signalements, ce qui démontre de vraies difficultés et un climat anxiogène au sein de la société de sorte que l’Office ne pouvait continuer à ignorer les difficultés rencontrées au sein de sa structure, lesquelles ont justifié une lettre ouverte adressée à la direction générale par le syndicat FO le 13 décembre 2021 (pièces n°21 et 22).
Rappelant avoir été placé en arrêt de travail pendant de nombreux mois en raison des séquelles psychologiques résultant de cet incident et des conditions de travail délétères, il indique que l’Office n’a pris aucune mesure afin de chercher l’origine de cette agression ou pour prévenir de nouveaux faits dramatiques pour lui, ce qui est arrivé le 23 septembre 2020.
Il précise également ne pas être le seul à faire l’objet de pressions psychologiques et cite MM. [I], [P] (pièces n°26 et 27), [Z], [B], [T], [W], [K] et [O], et aussi que l’employeur a mis en place de façon tardive une formation contre les violences subies par les salariés de son ancien service proximité (pièce n°27) alors que les violences subies sont notoires et reconnues par l’inspection du travail.
Enfin, il indique avoir été victime d’un accident du travail le 17 mars 2021 (pièce n°25).
Compte tenu de ces grief, il sollicite la somme de 2 500 euros au titre du préjudice subi.
L’employeur oppose que :
– M. [N] allègue avoir subi plusieurs ‘agressions’ sans en rapporter la preuve, alors même qu’il est démontré que l’Office a pris toutes les mesures nécessaires pour préserver sa santé et sa sécurité lorsqu’il s’est plaint de harcèlement moral de la part de son supérieur et lorsqu’il a été placé en arrêt de travail, en l’affectant temporairement à un autre secteur (sans suite du fait de la prolongation de son arrêt) puis en l’affectant à sa reprise sous la responsabilité de la nouvelle responsable de l’agence du Lac, à l’égard de laquelle il a immédiatement fait preuve d’insubordination (pièces n°5 à 10),
– un mois après son retour d’arrêt de travail, il s’est plaint d’avoir été agressé verbalement par sa responsable, laquelle lui aurait également fait des remarques à connotation ‘limite raciste’ (pièce n° 14). Une enquête interne a été menée et n’a aucunement confirmé les accusations du salarié (pièces n°11 à 15),
– persistant dans sa posture victimaire, M. [N] a accusé le responsable service proximité le 3 février 2021 de lui mettre des ‘coups de pression’ (pièce n° 16). Une enquête a de nouveau été menée, conjointement avec le CSE et en lien avec l’inspection du travail, laquelle a révélé que les faits d’agressions et de harcèlement moral allégués n’étaient aucunement établis (pièces n°17 à 20).
Il résulte des développements qui précèdent que l’employeur n’est pas resté sans réaction face aux dénonciations répétées du salarié sur les incidents dont il s’est dit victime, les vérifications effectuées n’ayant pas permis de confirmer leur bien fondé. Par ailleurs, M. [N] ne saurait sérieusement soutenir qu’aucune mesure n’a été prise pour prévenir de nouveaux faits ‘dramatiques pour lui’ puisqu’il ressort des pièces produites qu’une réaffectation lui a été proposée. Enfin, il ne saurait se prévaloir de la situation d’autres salariés pour se prévaloir d’un manquement le concernant.
Par ailleurs, s’il justifie d’une déclaration d’accident du travail le 17 mars 2021 (pièce n°25), en l’absence d’élément établissant les circonstances de cet événement, M. [N] se bornant à indiquer qu’il a ‘glissé en frappant le bas du dos sur la porte en fer de l’agence’ sans préciser la cause de cette glissade ni même l’imputer à son employeur, celle-ci ne saurait à elle seule caractériser le manquement allégué.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire à ce titre.
IV – Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de M. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [N] sera condamné à payer à l’Office Public de l’Habitat GRAND DIJON la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande de M. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel sera rejetée.
M. [N] succombant, il supportera les dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Dijon, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de l’E.P.I.C. GRAND DIJON HABITAT au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE la demande de M. [L] [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
CONDAMNE M. [L] [N] à payer à l’E.P.I.C. GRAND DIJON HABITAT la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] [N] aux dépens de première instance et d’appel,
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Jennifer VAL, greffier.
Le greffier Le président
Jennifer VAL Olivier MANSION