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9 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/01892
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 MARS 2023
N° RG 20/01892 –
N° Portalis DBV3-V-B7E-UBIJ
AFFAIRE :
[K] [A]
C/
S.A.S.U. COMPAGNIE IBM FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Août 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F18/00371
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Valérie BLOCH
Me Lionel PARAIRE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [K] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH – AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1923
APPELANT
****************
S.A.S.U. COMPAGNIE IBM FRANCE
N° SIRET : 552 118 465
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Lionel PARAIRE de la SELEURL GALION, Société d’avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0171
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,
Rappel des faits constants
La société Compagnie IBM France, dont le siège social est situé à [Localité 3] dans les [Localité 6], est spécialisée dans la commercialisation de services et conseils en informatique. Elle emploie environ 7 000 salariés et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 27 avril 1973.
M. [K] [A], né le 13 octobre 1954, a été engagé par cette société, selon contrat de travail du 19 décembre 1974, en qualité d’agent administratif.
En dernier lieu, M. [A] occupait le poste de chef de département, statut cadre, et percevait une rémunération mensuelle brute fixe de 5 330 euros outre diverses primes.
En 2010, il a été reconnu travailleur handicapé suite à une maladie génétique évolutive réduisant son acuité visuelle, l’ayant rendu mal voyant (basse vision).
Suivant avis du 8 août 2017, M. [A] a été déclaré inapte à son poste, avec l’indication que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
En conséquence de cet avis d’inaptitude, M. [A] a été licencié par lettre du 17 janvier 2017.
Soutenant avoir été victime d’un harcèlement moral et d’une discrimination en raison de son état de santé, M. [A] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre de différentes demandes indemnitaires outre d’une demande autonome de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, par requête reçue au greffe le 15 février 2018.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 10 août 2020, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– débouté M. [K] [A] de sa demande de reliquat d’indemnité de licenciement,
– débouté M. [K] [A] de sa demande reconventionnelle (sic),
– accordé un article 700 de 1 200 euros (sic).
Le conseil a ajouté en fin de motifs ce qui suit :
« Le bureau de jugement dit :
Qu’il n’y a pas lieu à indemniser les demandes de dommages-intérêts pour des faits de harcèlement moral. Déboute de sa demande M. [K] [A].
Considère qu’il y a lieu à indemniser les manquements, insuffisance et l’absence de volonté de mise en ‘uvre (article L. 5213-6, L. 5212,113) d’IBM France en matière d’obligation d’adaptation dans le cadre des accords handicapés de l’entreprise à hauteur de 16 000 euros ».
M. [A] avait présenté les demandes suivantes :
– 100 000 euros pour harcèlement moral et subsidiairement manquement à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail,
– 100 000 euros pour discrimination et manquement à l’obligation d’adaptabilité,
– 20 951 euros à titre de reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– remise des documents de fin de contrat de travail sous astreinte,
– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure d’appel
M. [A] a interjeté appel du jugement par déclaration du 8 septembre 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/01892.
Une médiation a été tentée qui a cependant échoué.
Par ordonnance rendue le 4 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 12 janvier 2023.
Prétentions de M. [A], appelant
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 12 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [A] demande à la cour d’appel de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
. condamné la société IBM France à lui verser des dommages-intérêts au titre de la discrimination et du manquement à l’obligation d’adaptabilité,
. condamné la société IBM France au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société IBM France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il :
. a limité la condamnation de la société IBM France au titre de la discrimination et du manquement à l’obligation d’adaptabilité à 16 000 euros,
. a limité la condamnation de la société IBM France au titre de l’article 700 du code de procédure civile à 1 200 euros,
. l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, et subsidiairement au titre de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
. l’a débouté de sa demande de reliquat d’indemnité de licenciement,
statuant à nouveau,
– juger que l’article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 27 avril 1973 lui est inopposable en ce qu’il prévoit pour le salarié âgé de 63 ans, une indemnité conventionnelle de licenciement minorée de 20 %,
– condamner la société Compagnie IBM France à lui verser les sommes suivantes :
. dommages-intérêts pour harcèlement moral, subsidiairement au titre de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail : 100 000 euros,
. dommages-intérêts pour discrimination et manquement à l’obligation d’adaptabilité : 100 000 euros,
. reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement : 20 951 euros,
. article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros,
– condamner la société Compagnie IBM France à lui remettre ses documents de fin de contrat, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
– condamner la société Compagnie IBM France aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Prétentions de la Compagnie IBM France, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 21 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Compagnie IBM France demande à la cour d’appel de :
à titre principal,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
. dit et jugé que M. [K] [A] n’a pas fait l’objet de harcèlement moral, ni, à titre subsidiaire, d’une exécution déloyale du contrat de travail,
. débouté M. [K] [A] de sa demande de reliquat d’indemnité de licenciement,
– infirmer le jugement en ce qu’il :
. l’a condamnée à indemniser M. [K] [A] des manquements, insuffisance et absence de volonté de mise en ‘uvre en matière d’obligation d’adaptation dans le cadre des accords handicapés de l’entreprise à hauteur de 16 000 euros,
. l’a condamnée à verser à M. [K] [A] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel,
en tout état de cause,
– débouter M. [K] [A] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [K] [A] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L’ARRÊT
M. [A] ne conteste pas le bien-fondé du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dont il a fait l’objet.
Il sollicite en premier lieu l’allocation de dommages-intérêts à hauteur de 100 000 euros pour harcèlement moral et subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail.
Il sollicite en deuxième lieu l’allocation de dommages-intérêts à hauteur de 100 000 euros pour manquement de l’employeur à son obligation d’adaptabilité, constitutive selon lui d’une discrimination.
Il sollicite, en dernier lieu et de façon indépendante, le paiement d’un complément d’indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à une minoration de 20% pour les salariés licenciés âgés de 63 ans prévue par la convention collective et qui lui a été appliquée par l’employeur. Il prétend que cette minoration lui est inopposable car discriminatoire et subsidiairement, inapplicable, faute pour lui de pouvoir prétendre au bénéfice des retraites complémentaires sans décote.
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Aux termes de l’article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 […], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il y a lieu d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il y a lieu d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l’appui de son allégation de harcèlement moral, M. [A] présente trois séries d’éléments de fait :
– l’insistance de son employeur à le voir accepter un plan de départ volontaire,
– l’attitude de son employeur consistant à vider de sa substance ses fonctions,
– des conditions de travail dégradantes et humiliantes.
Concernant l’insistance de son employeur à le voir accepter un plan de départ volontaire
M. [A] prétend d’abord que son employeur, qui voulait selon lui se débarrasser de lui, a insisté pour qu’il accepte un plan de départ volontaire en 2013.
Il produit un compte-rendu rédigé par le médecin du travail faisant état d’un entretien intervenu entre ce dernier et le manager du salarié le 21 novembre 2013, rédigé en ces termes :
« Dr [R] [P]
Confidentiel médical
pour dossier M. [A] [K]
Objet : entretien à la demande du manager 1ère ligne P. [Y] le 21 novembre 2013
[K] [A] l’a mise au courant de l’évolution de sa pathologie rétinienne. Un nouveau bilan a été fait aux 15/20 récemment, et le pré-résultat n’est pas bon.
Au quotidien, vient d'[Localité 9] en transports en commun.
Il lui a dit que sa vision était de plus en plus perturbée, qu’il voyait comme « à travers une passoire ».
Contexte de réunion SDS/CF, départ des jobs, restriction du nombre de managers ; elle ne sait pas comment elle pourra l’employer l’an prochain.
Lui a proposé un coaching avec un salarié d'[Localité 9], dit que ses déplacements sur [Localité 9] sont aussi difficiles que ceux sur [A], car il n’y a pas ses repères.
Lui aurait dit qu’il souhaitait partir à 59 ans soit Q2 2014, pour bénéficier d’une mesure d’inaptitude SS au travail.
Craint qu’il ne puisse tenir, et craint +++ le risque d’accident physique.
Lui a dit qu’il viendrait nous voir avec ses résultats de bilan d’ici deux semaines.
Sinon le convoquer en EMP avant fin décembre.
Faire bilan avec [W] [Z] sur possibilités prévoyance.
Au besoin, inaptitude temporaire et arrêt jusque départ en retraite ‘
A suivre. » (pièce 61 du salarié).
Contrairement à ce que soutient M. [A], il ne se déduit pas de ce compte-rendu que celui-ci aurait été incité à partir mais démontre en revanche que son manager dialoguait avec le médecin du travail sur sa situation. M. [A] ne s’explique d’ailleurs pas clairement sur les raisons pour lesquelles il produit ce document, qu’il affirme être totalement mensonger, alors que celui-ci ne contient que des notes confidentielles prises par le médecin du travail dans le cadre d’un échange avec le manager du salarié, qui n’engagent que leur auteur.
M. [A] prétend également que son employeur aurait « largement insisté » pour qu’il accepte de quitter l’entreprise lors des plans de départ volontaire proposés en mai, décembre 2014, septembre 2015 et octobre 2016, sans produire aucune pièce utile à l’appui de son allégation.
Ce fait n’est pas matériellement établi.
Concernant l’attitude de son employeur consistant à vider de sa substance ses fonctions
M. [A] allègue qu’à compter de la fin de l’année 2013, et malgré la reconnaissance de son aptitude au travail sans réserve par le médecin du travail, il a été brutalement déchargé de toute mission, que dès l’année 2014, les fonctions qu’il occupait jusqu’alors ont été transmises à Mme [M], qui n’était autre que l’assistante de Mme [Y], qu’il ne lui restait plus rien à faire, alors qu’il était chef de département, que tout au plus, il se voyait confier des petites missions ponctuelles.
Il produit un échange de courriels datant de janvier 2014 dans lesquels il s’inquiète de sa situation auprès de sa supérieure hiérarchique France, Mme [Y], celle-ci lui répondant en ces termes :
« [K],
Tout d’abord merci pour cet échange ouvert qui nous a permis de clarifier et va nous permettre de poursuivre.
Pour faire suite à notre entretien de ce jour et pour résumer les actions à venir : (…)
2ème sujet : Organisation 2014 (‘)
L’organisation et le choix des skills versus job roles, ow managers fait partie intégrante du pouvoir d’organisation de décision et de management du STS leader. Rien de plus, c’est à l’identique pour chaque entité (‘).
Je tiens à préciser que tu m’as indiqué lors d’un précédent entretien que ta situation actuelle te posait quelques soucis pour assurer le poste actuel et tu étais dans l’obligation de te faire aider, que tous ces efforts déployés t’épuisaient. Que de ce fait un domaine d’activités plus conséquent, avec des sujets additionnels à ton niveau de compétences actuelles n’était pas envisageable. Comme tu le comprends très bien, nous ne souhaitons en aucune manière te mettre at risk, toi ainsi que le business que nous supportons. Il faudrait envisager une aide de la mission handicap (tools, etc).
3ème sujet : ta situation personnelle
Je comprends tes difficultés pour te positionner et prendre une décision, nous allons t’aider dans la mesure de nos possibilités. Je vais demander à quelqu’un de case management de s’entretenir directement avec toi.
Tu souhaiterais avoir une overview complète et honnête en tant que manager IBM depuis 17 années. Connaître ce qui pourrait t’être proposé sous forme de business case pour un départ au plus tôt en juin 2014, à deux niveaux :
– dans le cadre d’employé classifié handicapé selon les différents niveaux d’invalidité et incapacité (sous responsabilité médicale IBM),
– rupture conventionnelle.
Tu n’as pas donné suite aux conditions proposées dans le cadre du PSE 2013 pour raisons financières et ta décision en 2014 dépend entièrement de ce que la Compagnie sera en mesure de te proposer. A ta demande, je suis OK pour rester informée et en contact sur ce que Case management te proposera.
Dans l’attente, tu souhaites également conserver des activités, des responsabilités et ne pas te retrouver dans un « placard » (pièce 9 du salarié).
Il résulte de ce courriel que M. [A] a reçu une explication quant à l’évolution de ses fonctions, qu’il a certes perdu son rôle d’encadrement mais que ce changement s’inscrit dans le cadre d’une évolution globale de l’organisation de l’entreprise, alors que le salarié avait demandé un allègement de ses missions, ce qu’il admet.
Ainsi, même s’il a connu une évolution de son profil de poste, M. [A] ne rapporte pas la preuve qu’il était inoccupé comme il le soutient.
M. [A] produit les attestations de Mme [B], ancienne collègue, Mme [U], ancienne subordonnée, et de Mme [J], également ancienne subordonnée, qui toutes les trois, ont certes constaté que le salarié avait perdu son rôle de manager mais qui n’indiquent pas qu’il n’avait plus aucune activité (pièces 46, 47 et 48 du salarié).
Les difficultés dont M. [A] fait état quant à la fixation de ses objectifs 2014 et 2015, dans un contexte d’évolution organisationnelle, sont insuffisantes à caractériser une mise au placard, alors que les entretiens annuels d’évaluation montrent que le salarié n’était pas sans activité (ses pièces 14 et 15).
S’agissant des objectifs 2016 et 2017, M. [A] a rappelé que « seule une réelle adaptation de mon poste pourra me permettre de prétendre à la réalisation de ces objectifs » reconnaissant, de fait, s’être vu fixer des objectifs, même s’il réclame une adaptation de son poste.
Le dossier de la médecine du travail produit par M. [A] démontre que l’évolution des missions du salarié est intervenue en concertation avec le médecin du travail, afin de les rendre compatibles avec son handicap, même si la mise en ‘uvre des mesures adaptatives est remise en cause par le salarié.
M. [A] fait d’ailleurs état du fait d’une alerte du médecin du travail, par courriel du 26 février 2014, sur la dangerosité des missions qui lui étaient confiées : « La consultation permanente d’un tableur et le travail intensif sur écran sont totalement incompatibles avec son état de santé actuel. Je lui demande de vous revoir pour étudier une mission plus en rapport avec ce qui précède. » (pièce 18 du salarié).
Dans ces conditions, il n’est pas établi que le poste de M. [A] a été vidé de sa substance.
Concernant des conditions de travail dégradantes et humiliantes
M. [A] indique que Mme [Y] lui a dans un premier temps proposé de travailler sur le site de Marne-la-Vallée dans un bureau individuel, pensant ce cadre de travail plus adapté à sa situation. Il a cependant refusé cette mutation, ce que la société a accepté sans discussion, de sorte que cette initiative ne peut être reprochée à l’employeur.
Il indique ensuite que lors du déménagement de son service au deuxième étage de l’immeuble [7] à [Localité 8] en avril 2017, il a été relégué dans un simple box sans aucune lumière extérieure placé auprès de la machine à café, mais que le médecin du travail s’est opposé à cette affectation. Aucun reproche ne peut toutefois être fait à l’employeur dès lors que l’entreprise n’a pas souhaité entreprendre les travaux sollicités par le médecin du travail pour adapter cet espace au handicap du salarié et a opté pour une autre solution.
Il allègue enfin qu’en juin 2017, il a partagé le bureau de l’un de ses managers, M. [F], présent à mi-temps, l’obligeant à attendre devant la porte du bureau quand ce dernier avait des activités confidentielles.
Il n’explicite cependant pas en quoi cette affectation, qui a été validée par le médecin du travail, n’était pas conforme aux pratiques d’attribution de bureaux au sein de la société, ni ne donne de renseignements sur la taille de la pièce et ses équipements, de sorte que l’attribution de ce bureau ne peut être remise en cause.
Au contraire même, il apparaît que cette attribution a plutôt porté préjudice à M. [F], qui a écrit à ce sujet à son manager le 30 mai 2017 : « Je t’informe qu’à compter de ce jour, [K] va s’installer dans le bureau 0223 (bureau que j’occupais seul depuis notre implantation au 2ème étage de [7]). [K] m’annonce qu’il est désormais équipé d’un logiciel qui va lire à haute voix tout ce qui est sur écran… une voix synthétique comme celle de nos GPS. Pas certain que je puisse supporter ceci toute la journée… Je vais tester et si ce n’est pas supportable, je rejoindrai l’openspace et [K] aura le double bureau pour lui seul. » (pièce 31 du salarié).
M. [A] produit les attestations d’anciens collègues qui confirment son ressenti négatif quant à ses conditions de travail (ses pièces 46, 48 et 49).
Pour autant, le seul changement de bureau, conforme aux souhaits du salarié et aux exigences du médecin du travail, en dehors de tout autre élément, ne caractérisent pas des conditions de travail dégradantes et humiliantes.
Ce fait n’est pas matériellement établi.
Concernant les éléments médicaux
M. [A] produit un certificat médical établi par le docteur [D] le 2 décembre 2020 en ces termes : « Je soussigné, docteur [E] [D], certifie que M. [K] [A], né le 13 octobre 1954, présente un état dépressif sévère avec sentiment d’inutilité, de perte de son estime de lui-même, tristesse et perte de confiance en lui-même, ensemble de symptômes qu’il associe à ce qu’il dit avoir vécu à son travail et qu’il considère comme avoir été une « placardisation », une humiliation alors qu’antérieurement, il se serait beaucoup investi dans ses missions de manager d’équipe. Il estime avoir perdu sa place dans la société au sens large et la représentation relationnelle aux autres que son travail lui apportait. Il se sent en rupture et n’arrive plus à nouer un réseau social, plongé dans un sentiment de honte et d’injustice. » (pièce 62 du salarié).
M. [A] produit par ailleurs l’entier dossier de son suivi par le service de médecine du travail (sa pièce 2).
Il s’ensuit qu’au regard de l’ensemble des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer, dans leur ensemble, l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée.
Aucun harcèlement moral ne peut dans ces conditions être retenu.
M. [A] invoque un autre fondement à l’appui de la même demande, soutenant à titre subsidiaire que la Compagnie IBM France aurait exécuté de façon déloyale le contrat de travail.
Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Le salarié, qui se fonde sur les mêmes faits que ceux examinés précédemment et qui ont été écartés, n’établit toutefois pas que son employeur a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail, de sorte que son argumentation à ce titre doit être rejetée.
En définitive, M. [A] doit être débouté de sa demande pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail, par confirmation du jugement entrepris.
Sur l’obligation d’adaptabilité
M. [A] prétend que la Compagnie IBM France n’a pas rempli son obligation d’adaptabilité. Il soutient qu’entre le certificat médical de 2010 dans lequel le médecin du travail a précisé qu’il était apte à son poste de travail, et l’avis d’inaptitude 7 ans plus tard, ce n’est pas son état de santé qui s’est dégradé au point de devoir le déclarer inapte, mais l’absence délibérée d’actions appropriées de la part de son employeur, ce qui l’a contraint, « éreinté de ne pas avoir de réelle mission et de ne pouvoir travailler dans de bonnes conditions », à accepter son inaptitude en désespoir de cause.
La Compagnie IBM France prétend de son côté n’avoir jamais refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à M. [A] de conserver son emploi et souligne qu’elle a réussi à maintenir le salarié dans son emploi pendant plus de sept années à compter de la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé, respectant ainsi parfaitement ses obligations légales et réglementaires.
Il est rappelé que l’article L. 5213-6 du code du travail dispose : « Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail.
Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en ‘uvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur.
Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3. »
Dans le cadre de la mise en ‘uvre de ces dispositions, la Compagnie IBM France a signé avec les organisations syndicales représentatives un accord d’entreprise relatif à la protection des salariés handicapés, lequel a été homologué par la Direccte et est suivi par le biais de la Mission Handicap avec une commission de suivi et des budgets affectés.
M. [A] indique lui-même qu’il bénéficiait d’un suivi extrêmement sérieux du médecin du travail de la Compagnie IBM France, lequel contrôlait tous les deux mois sa situation et alertait le cas échéant ses supérieurs hiérarchiques sur les mesures à prendre pour adapter son poste de travail à son handicap.
Il reproche à son employeur d’avoir été contraint de commander lui-même le matériel préconisé par le médecin du travail dans un certificat du 24 août 2010.
Aux termes de ce certificat, le docteur [P], médecin du travail au sein de la Compagnie IBM France, a indiqué que l’état de santé de M. [A] justifiait l’attribution d’un écran plat, d’un clavier séparé, d’une souris grande taille ainsi que la fourniture d’un luminaire individuel « à éclairage intensif » X’trem lite 18 W batterie, d’une loupe de lecture Eschenbach « easy-pocket » Led grossissement x3 et d’une valisette à roulettes pour l’utilisation de son Thinkpad lors de ses activités professionnelles (pièce 23 du salarié).
M. [A] reconnaît avoir bénéficié de l’ensemble de ces matériels, le seul fait qu’il ait passé commande lui-même aux frais de son employeur et selon ses choix, n’étant pas de nature à engager la responsabilité de la Compagnie IBM France.
M. [A] reproche encore à Mme [Y] ses propos du 22 janvier 2014 : « Comme tu le comprends très bien, nous ne souhaitons en aucune manière te mettre at risk, toi ainsi que le business que nous supportons. Il faudrait envisager une aide de la mission handicap ».
Il prétend que dire qu’il serait « at risk » ne serait qu’une excuse pour justifier sa mise à l’écart et son déclassement, sans tirer d’autres conséquences quant à l’obligation d’adaptabilité pesant sur l’employeur, de sorte que ce moyen doit être écarté.
M. [A] rappelle que, par courriel du 16 juillet 2014, le médecin du travail a sollicité une nouvelle adaptation de son poste de travail, en réclamant de nouvelles aides techniques dans ces termes : « J’ai revu ce jour votre collaborateur M. [A]. Son état de santé justifie qu’on aménage son poste de travail. Le matériel proposé par Mission Handicap :
– logiciel « dragon naturally speaking wireless » + console « readit schoplar HD + pack « zommtexte magnifier S/R USB »,
– ainsi que le remplacement de sa lampe LESA Xtrem Lite 18W,
– et la fourniture d’un casque audio,
sont des éléments actuellement indispensables à cet aménagement.
Merci de ce que vous ferez en liaison avec Mission Handicap. » (pièce 25 du salarié).
Il n’allègue toutefois pas que ce matériel ne lui a pas été fourni, tandis que la société démontre l’avoir livré.
M. [A] rappelle encore que les fiches médicales de 2014, 2015 et 2016 ont toujours mentionné « apte avec réserve », et que le médecin du travail a, chaque année, émis les mêmes réserves d’aptitude et réclamé inlassablement la fourniture d’aides techniques pour adapter son poste de travail, reprochant ce faisant à son employeur de ne pas avoir répondu aux demandes du médecin du travail.
Les fiches d’aptitude 2014, 2015 et 2016 mentionnent effectivement une aptitude avec réserves, le médecin du travail rappelant le cas échéant le matériel à fournir, mais sans jamais faire état de manquements de l’employeur à ce titre (pièce 26 du salarié).
Il apparaît qu’en réalité, le médecin du travail de l’entreprise était en relation continue avec l’employeur et actualisait ses demandes d’équipement indépendamment des fiches d’aptitude pour tenir compte de l’évolution du handicap de M. [A].
M. [A] fait encore état d’un compte rendu d’évaluation de sa vision fonctionnelle établi le 17 décembre 2015 par l’Institution nationale des Invalides adressé au médecin du travail d’IBM France.
Cette évaluation particulièrement complète menée par un instructeur en locomotion, un ergothérapeute et une orthoptiste sous la direction du docteur [S], ophtalmologiste, présente les difficultés visuelles du salarié, ses possibilités visuelles, les conditions d’environnement, le rôle de la vision dans le choix et la gestion des activités, les adaptations dans les activités les plus courantes et les aides optiques ou techniques et contient la conclusion suivante : « Ce compte rendu a tenté de rassembler les éléments nécessaires à l’adaptation du poste de M. [A] à ses difficultés/possibilités visuelles. L’avis d’un ergonome semblerait pertinent pour parfaire la définition de l’adaptation du poste. Il restera à acquérir les aides techniques nécessaires pour lesquelles des essais préalables avec M. [A] sont recommandés. N’hésitez pas à nous contacter pour toute question ou complément d’information au (‘) » (pièce 27 du salarié).
Pour prétendre à la responsabilité de la Compagnie IBM France, M. [A] se limite à constater de façon inopérante que le logiciel NVDA, gratuit, et l’aménagement du clavier avec quelques repères tactiles sur certaines touches majeures, ont été fournis et installés par l’Institution nationale des Invalides, et non par son employeur qui ne saurait, selon lui, se prévaloir de ces aménagements.
M. [A] fait encore état du retard de l’employeur dans l’aménagement de son poste en 2016 mais la Compagnie IBM France justifie que le retard constaté était dû à plusieurs difficultés exclusives de mauvaise volonté, dont l’absence de réponse de M. [A] à la société Alphabraille.
Le 7 août 2017, Mme [G], infirmière de santé au travail IBM France a réalisé une étude de poste et des conditions de travail de M. [A] et a rédigé un rapport dans les termes suivants :
« M. [K] [A], 62 ans,
[Adresse 4]
le 7 août 2017
Étude du poste de travail
réalisée par Mme [C] [G], infirmière de santé au travail IBM France
Métier : sédentaire
Temps de travail : 7h par jour, temps plein,
Ordinateur portable T 430
Sac de transport disponible, poids 7 kg
Bureau pour deux personnes
Trajet : 2 X 2h45 par jour, transports en commun (train + RER)
Sites plus proches : [Localité 5], mais ne peut s’y rendre (ne peut prendre l’autobus sans risques).
Santé : handicap visuel lourd, reconnu RQTH
Matériel :
bureau réglable
écran additionnel avec équipement retour audio sur texte dactylographié (depuis trois semaines)
Seul le track-point permet de situer l’emplacement du curseur sur l’écran
fauteuil « ergonomique » réglable
environnement :
– température confortable
– ambiance calme
– éclairage : source plafond/lampe de bureau/ lampe spéciale
adapte les réglages si nécessaire
pause active ergonomique pratiquée.
Commentaire sur ce qui précède :
– souris trop lente et non-utilisée
– logiciel d’OCR (« Access Solution ») prévu (devis signé récemment par Mission Handicap)
commentaire du médecin du travail
L’apparition progressive d’un handicap visuel a conduit à une adaptation des missions et des responsabilités de ce collaborateur.
M. [A] a maintenant un travail administratif sédentaire, STS support aux ventes, qu’il a beaucoup de difficultés à réaliser :
– la lecture d’un document écrit est quasiment impossible, du fait d’un champ visuel extrêmement réduit,
– les documents doivent souvent lui être lus par une tierce personne, et l’on attend toujours un logiciel de déchiffrement adapté. Il n’est pas certain que le logiciel d’Access Solutions soit compatible avec les systèmes IBM,
– le poste de travail était sous bon contrôle jusque récemment, lorsque son service a déménagé du rez-de-chaussée au deuxième étage,
– le service médical a refusé son installation dans un bureau éloigné de son équipe et non-adapté,
– les travaux d’isolation et d’accessibilité n’ont pas été réalisés et il a été décidé de l’installer dans un bureau disponible et seul. En fait, il a été affecté à un bureau de deux personnes, occupé à temps partiel par son manager deuxième ligne,
– malgré la bonne volonté de chacun, la gêne ressentie est réelle, les difficultés de communication et l’isolement du reste de l’équipe majorés en fait.
La poursuite de l’activité professionnelle dans ces conditions est dommageable pour l’état de santé de ce salarié et le reclassement est absolument impossible. » (pièce 35 du salarié).
M. [A] fait valoir à ce sujet qu’il avait demandé cette visite médicale dans l’unique but de faire le point avec le docteur [P], médecin du travail, sur l’avancement du réaménagement de son poste de travail et de la concrétisation d’un bureau privatif et qu’il a été contraint d’accepter les conclusions d’inaptitude. Il ne justifie cependant pas avoir exercé un recours contre cet avis alors que cette possibilité était ouverte, de sorte qu’il ne peut plus aujourd’hui s’en plaindre.
En conclusion, il ne se déduit pas des éléments mis en avant par le salarié au soutien de son argumentation que la Compagnie IBM France a manqué à son obligation d’adaptabilité.
Pour prétendre à une discrimination à son égard, M. [A] se prévaut des dispositions de l’article L. 1133-3 du code du travail, lequel énonce : « Les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées. »
Or, il a été jugé que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation d’adaptabilité, les mesures prises étant justifiées, nécessaires et appropriées au handicap du salarié, qui les a d’ailleurs réclamées.
Aucune discrimination ne peut dès lors être reprochée à la Compagnie IBM France sur le fondement des dispositions précitées.
M. [A] sera en conséquence débouté de cette demande, par infirmation du jugement entrepris.
Sur le complément d’indemnité conventionnelle de licenciement
M. [A] sollicite la condamnation de la Compagnie IBM France à lui payer une somme de 20 951 euros à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement, celui-ci ayant reçu la somme de 79 464 euros dans le cadre de son solde de tout compte (pièce 7 de l’employeur).
Les parties admettent toutes les deux que, pour déterminer le montant de cette indemnité, l’employeur a fait application d’une minoration de 20 % prévue par l’article 29 de la convention collective.
M. [A] prétend que cette minoration lui est inopposable car discriminatoire et à titre subsidiaire, qu’elle lui est inapplicable, faute pour lui de pouvoir prétendre au bénéfice des retraites complémentaires sans décote.
L’article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie dispose :
« Il est alloué à l’ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis.
Le taux de cette indemnité de licenciement est fixé comme suit, en fonction de la durée de l’ancienneté de l’intéressé dans l’entreprise :
‘ pour la tranche de 1 à 7 ans d’ancienneté : 1/5 de mois par année d’ancienneté ;
‘ pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d’ancienneté.
Pour le calcul de l’indemnité de licenciement, l’ancienneté et, le cas échéant, les conditions d’âge de l’ingénieur ou cadre sont appréciées à la date de fin du préavis, exécuté ou non. Toutefois, la première année d’ancienneté, qui ouvre le droit à l’indemnité de licenciement, est appréciée à la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement.
En ce qui concerne l’ingénieur ou cadre âgé d’au moins 50 ans et de moins de 55 ans et ayant 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise, le montant de l’indemnité de licenciement sera majoré de 20 % sans que le montant total de l’indemnité puisse être inférieur à 3 mois.
En ce qui concerne l’ingénieur ou cadre âgé d’au moins 55 ans et de moins de 60 ans et ayant 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise, l’indemnité de licenciement ne pourra être inférieure à 2 mois. S’il a 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise, le montant de l’indemnité de licenciement résultant du barème prévu au deuxième alinéa sera majoré de 30 % sans que le montant total de l’indemnité puisse être inférieur à 6 mois.
L’indemnité de licenciement résultant des alinéas précédents ne peut pas dépasser la valeur de 18 mois de traitement.
En ce qui concerne l’ingénieur ou cadre âgé d’au moins 60 ans, le montant de l’indemnité de licenciement résultant des dispositions ci-dessus, et limité à 18 mois conformément à l’alinéa précédent, sera minoré de :
‘ 5 %, si l’intéressé est âgé de 61 ans ;
‘ 10 %, si l’intéressé est âgé de 62 ans ;
‘ 20 %, si l’intéressé est âgé de 63 ans ;
‘ 40 %, si l’intéressé est âgé de 64 ans.
La minoration ne pourra aboutir à porter l’indemnité conventionnelle de licenciement à un montant inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement calculée conformément aux articles L. 1234-9, L. 1234-11, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail.
La minoration deviendra inapplicable s’il est démontré que, le jour de la cessation du contrat de travail, soit l’intéressé n’a pas la durée d’assurance requise au sens de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour bénéficier d’une retraite à taux plein, soit l’intéressé ne peut pas prétendre faire liquider sans abattement une des retraites complémentaires auxquelles l’employeur cotise avec lui ».
Concernant le caractère discriminatoire de la disposition
Aux termes de la disposition conventionnelle précitée, le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement varie en fonction de l’âge du salarié lors de son licenciement.
Il sera rappelé que l’article L. 1133-1 du code du travail ne fait pas obstacle aux différences de traitement « lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ».
Plus particulièrement au regard du critère d’âge, l’article L. 1133-2 alinéa 1 du code du travail énonce : « Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. »
Il sera observé que ces dispositions légales sont la transposition de l’article 6 de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lequel prévoit : « La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaît l’importance de la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, y compris la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l’intégration sociale et économique des personnes âgées et des personnes handicapées ».
L’indemnité de licenciement est destinée à compenser la perte de l’emploi et à réparer le préjudice subi par le salarié du fait de cette perte. Elle a pour cause la rupture du contrat de travail.
En l’espèce, la minoration de l’indemnité conventionnelle de licenciement ne vaut qu’à partir de 61 ans en vertu d’une stipulation conventionnelle de 2010 (au moment où l’âge de départ à la retraite à taux plein était fixé à 60 ans).
L’employeur explique que cette stipulation avait pour finalité d’inciter le départ des salariés ayant atteint l’âge de la retraite pour favoriser le partage du travail entre les générations et l’insertion professionnelle de jeunes travailleurs, cet objectif étant légitime ainsi que l’a reconnu la Cour de justice.
Par ailleurs, au regard du contrôle de proportionnalité, il est constant que ces dispositions sont appropriées car les travailleurs, malgré leur âge, bénéficient d’une couverture économique qui n’est pas déraisonnable au regard de la finalité recherchée de politique de l’emploi et que le mode de calcul n’est pas manifestement inapproprié pour atteindre cet objectif.
Ainsi, cette disposition n’apparaît pas discriminatoire.
Concernant l’inapplicabilité de la minoration à M. [A]
M. [A] explique qu’il a cotisé auprès de caisses de retraite complémentaires, chez AXA jusqu’en 2010 puis chez AG2R La Mondiale à partir de 2011 et qu’il ne percevra 100 % de ces retraites qu’à l’âge de 65 ans. Il soutient que, licencié à 63 ans, il ne peut en bénéficier sans abattement.
Il est constant que la minoration ne peut s’appliquer si le salarié n’a pas son taux plein ou ne peut bénéficier des complémentaires sans décote.
Pour autant, les complémentaires visées ici s’entendent des régimes Agirc et Arrco à l’exclusion des contrats d’assurance collective AXA puis AG2R La Mondiale qui sont des « contrats ayant pour objet la fourniture de prestations de retraite liées à une activité professionnelle, versées en supplément des prestations servies par les régimes de base et complémentaires légalement obligatoires », conformément aux dispositions de l’article L. 143-1 du code des assurances. Ces contrats d’assurance collective s’inscrivent dans le cadre d’un régime de retraite à cotisations définies et sont gérés par des organismes habilités en application de l’article L. 922-1 du code de la sécurité sociale.
L’argumentation de M. [A] doit dans ces conditions être rejetée.
En définitive, M. [A] sera débouté de sa demande, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
M. [A], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. A ceux-ci s’ajouteront les dépens de première instance, sur lesquels le conseil de prud’hommes n’a pas statué.
Compte tenu de la teneur de la présente décision, le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il a condamné la IBM France à payer à M. [A] une somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, mais pour des considérations tirées de l’équité, la société intimée sera déboutée de sa demande présentée à ce titre à hauteur d’appel, de même que M. [A].
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 10 août 2020, excepté en ce que la SASU Compagnie IBM France a été condamnée à payer à M. [K] [A] une somme de 16 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’adaptabilité et une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE M. [K] [A] de sa demande pour discrimination et manquement à l’obligation d’adaptabilité,
CONDAMNE M. [K] [A] au paiement des entiers dépens,
DÉBOUTE la SASU Compagnie IBM France de sa demande présentée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [K] [A] de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,