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9 mars 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
20/04000
N° RG 20/04000 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IT4C
N° RG 20/04049 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IT7M
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 09 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 10 Novembre 2020
APPELANTE ET INTIMEE :
S.A.S. MANUFACTURE [W]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Adel LABADI, avocat au barreau de PARIS
INTIME ET APPELANT:
Monsieur [S] [T]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l’EURE substituée par Me Caroline LEGRAS-DEZELLUS, avocat au barreau de l’EURE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 19 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 19 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 09 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Manufacture [W] (la société) a pour activité la fabrication de chocolats et de produits de confiserie. Elle emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective nationale des cinq branches des industries alimentaires diverses.
M. [S] [T] (le salarié) a été embauché par la société en qualité de directeur maintenance, sécurité et environnement, statut cadre aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 12 août 2010.
A compter du 1er septembre 2011, il a été promu directeur des opérations techniques, statut cadre, niveau IX, coefficient 550. Sa rémunération mensuelle brut a été portée à la somme de 5 680 euros à laquelle s’est ajoutée une prime annuelle brut de 7 000 euros en fonction des objectifs atteints.
Le contrat de travail prévoyait que le salarié serait soumis à une convention de forfait annuel en jours.
Le 16 juin 2016, le salarié a été victime d’un accident. Il a été placé en arrêt de travail du 16 juin 2016 au 29 avril 2018 et a repris son poste dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique le 30 avril 2018.
A la demande du salarié, les parties ont contractualisé une rupture conventionnelle le 29 octobre 2018.
Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie le 23 novembre 2018.
Le contrat de travail a été rompu le 14 décembre 2018.
Soutenant que la rupture conventionnelle était nulle, qu’il n’avait pas été pleinement rempli de ses droits au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, M. [T] a saisi le 28 octobre 2019 le conseil de prud’hommes d’Evreux.
Par jugement du 10 novembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Evreux a :
– dit recevables les demandes formées par M. [T],
– dit que la société n’a pas respecté ses obligations en ne déclarant pas l’accident de travail de M. [T],
– annulé la convention de forfait jour pendant la durée du mi-temps thérapeutique,
– condamné la société Manufacture [W] à verser au salarié les sommes suivantes :
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
26 535,40 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance du bénéfice de la législation professionnelle au titre des accidents du travail,
1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– s’est déclaré en partage de voix sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle,
– dit que l’affaire sera entendue par le juge départiteur à l’audience de départage du vendredi 18 décembre 2020,
– débouté M. [T] du surplus de ses demandes,
– débouté la société Manufacture [W] de ses demandes reconventionnelles,
– dit que les condamnations prononcées portent intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les condamnations qui n’ont pas le caractère de dommages et intérêts et à compter du prononcé du jugement pour les condamnations à des dommages et intérêts,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations, en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenus devront être supportées par la société Manufacture [W] en sus de l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Manufacture [W] aux entiers dépens.
La société Manufacture [W] a interjeté appel le 7 décembre 2020 de cette décision.
M. [T] a constitué avocat par voie électronique le 11 décembre 2020.
M. [T] a interjeté appel le 11 décembre 2020.
La société Manufacture [W] a constitué avocat par voie électronique le 21 décembre 2020.
Par jugement en date du 5 mars 2021 le conseil de prud’hommes d’Evreux, statuant en formation de départage, a débouté le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle.
Un appel de cette décision a été interjeté.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022, l’employeur appelant, demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Evreux du 10 novembre 2020 en ce qu’il a :
dit recevables les demandes formées par M. [T],
dit que la société n’a pas respecté ses obligations en ne déclarant pas l’accident de travail de M. [T],
annulé la convention de forfait jour pendant la durée du mi-temps thérapeutique,
condamné la société Manufacture [W] à verser au salarié les sommes suivantes :
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
26 535,40 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance du bénéfice de la législation professionnelle au titre des accidents du travail,
1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
débouté la société de ses demandes reconventionnelles,
ordonné l’exécution provisoire,
condamné la société aux dépens,
– de statuer à nouveau et de :
– juger que le conseil de prud’hommes est matériellement incompétent pour reconnaître le caractère professionnel de l’accident du travail allégué par le salarié et statuer sur la demande d’indemnisation qu’il formule au titre d’une perte de chance de bénéficier de la législation sur les accidents du travail,
– renvoyer M. [T] à formuler ses demandes indemnitaires devant le Pôle Social du Tribunal judiciaire d’Evreux,
– Subsidiairement, de :
– dire et juger le salarié irrecevable en ses demandes d’indemnisation au titre d’un prétendu accident du travail et l’en débouter,
– En tout état de cause de :
– dire et juger le salarié mal fondé en toutes ses demandes,
– En conséquence :
– débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022, le salarié intimé, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, demande pour sa part à la cour de :
– in limine litis, confirmer le jugement entrepris et en ce qu’il a déclaré ses demandes recevables et s’est déclaré compétent pour en connaître,
– A titre principal :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que la société avait manqué à ses obligations en ne déclarant pas l’accident du travail dont il avait été victime,
– réformer le jugement en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts pour perte de chance du bénéfice de la législation professionnelle au titre des accidents du travail et condamner la société à lui verser à ce titre la somme de 80 240,62 euros net de Csg et de Crds à titre de dommages et intérêts,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que la société a manqué à son obligation de sécurité,
– réformer le jugement en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et condamner la société à lui verser à ce titre la somme de 39 803,10 euros net de Csg et de Crds à titre de dommages et intérêts, soit 6 mois de salaire,
– infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité de la convention individuelle de forfait jours et juger que cette dernière s’est trouvée privée d’effet pendant la période de temps partiel thérapeutique, soit du 30 avril au 14 décembre 2018,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de requalification en temps de travail à temps plein et de ses demandes de paiement d’heures complémentaires et supplémentaires,
– requalifier en temps de travail à temps plein la période de temps partiel thérapeutique du 14 mai au 14 décembre 2018 et en conséquence condamner la société au paiement de la somme de 19 068,70 euros brut à titre de rappel de salaire ainsi qu’à la somme de 1 906,87 euros brut au titre des congés payés afférents,
– condamner la société à lui payer la somme de 806,18 euros brut au titre des heures complémentaires effectuées du 30 avril au 13 mai 2018 outre la somme de 80,61 euros au titre des congés payés afférents,
– condamner la société à lui payer la somme de 1 654,03 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées du 30 avril au 23 novembre 2018 outre la somme de 165,40 euros au titre des congés payés afférents,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre du travail dissimulé et condamner la société à lui payer à ce titre une indemnité de 39 803,10 euros net,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
A titre subsidiaire:
– juger qu’il n’y a pas lieu à réduction de sa rémunération pendant la période de temps partiel thérapeutique et condamner la société au paiement de l’intégralité de sa rémunération correspondant à son forfait jours pendant cette période, soit la somme de 19 068,70 euros brut à titre de rappel de salaire et 1 906,87 euros brut au titre des congés payés afférents,
En tout état de cause :
– condamner la société au paiement de la somme de 2 400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société aux entiers dépens.
Les ordonnances de clôture en date du 12 janvier 2021 ont renvoyé les affaires pour être plaidées à l’audience du 19 janvier 2023.
Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la jonction des deux dossiers
La société Manufacture [W] et M. [T] ont tous deux interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evreux le 10 novembre 2020.
Dans un souci de bonne administration de la justice, il y a lieu d’ordonner la jonction des procédures enrôlées sur les numéros RG 20/4000 et RG 20/4049.
2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la législation sur les risques professionnels
La société soutient que la juridiction prud’homale est matériellement incompétente pour reconnaître le caractère professionnel de l’accident allégué par le salarié. Elle invoque subsidiairement la prescription de la demande.
A titre infiniment subsidiaire, elle la considère infondée.
2.1/ Sur la compétence de la juridiction prud’homale
La société reproche aux premiers juges d’avoir qualifié d’accident du travail les faits du 16 juin 2016, de s’être substitué à la caisse pour indemniser le salarié au titre d’un accident du travail qui n’a jamais été déclaré par ce dernier.
Elle rappelle que le conseil de prud’hommes est matériellement incompétent pour qualifier des faits d’accident du travail et pour statuer sur la réparation d’un préjudice né de ce prétendu accident.
Le salarié indique que si le tribunal judiciaire est en effet seul compétent pour indemniser les dommages résultant d’un accident du travail, encore faut-il que cet accident du travail ait pu être reconnu comme tel par la caisse. En l’espèce, il reproche à l’employeur un manquement lié à la déclaration d’accident du travail, ce qui relève de la compétence de la juridiction prud’homale.
Sur ce ;
Aux termes de l’article L 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes est matériellement compétent pour connaître des différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail. Cette compétence d’ordre public s’étend donc à l’ensemble des litiges en relation avec le contrat de travail, survenus au cours de l’exécution de celui-ci, au moment de sa rupture ou postérieurement à celle-ci dès lors que le litige, lié à la qualité d’ancien salarié du demandeur, peut être rattaché au contrat de travail ayant uni les parties.
Si la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un litige en relation avec le contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale devenu pôle social du tribunal judiciaire l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
En l’espèce, le salarié ne sollicite pas de la cour la reconnaissance et l’indemnisation des conséquences d’un accident du travail mais l’indemnisation du comportement fautif de l’employeur lié à l’absence de déclaration d’accident du travail.
L’action indemnitaire de M. [T] trouve ainsi son fondement dans l’omission de l’employeur de déclarer comme tel l’accident survenu le 16 juin 2016 au temps et au lieu de travail et de l’avoir ainsi privé d’une chance de bénéficier de la législation protectrice afférente.
Cette demande découlant de l’exécution du contrat de travail relève de la compétence du juge prud’homal.
En conséquence, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de l’incompétence de la juridiction.
2.2/ Sur le moyen tiré de la prescription
La société soutient qu’en application des dispositions de l’article L 1471-1 du code du travail, la demande du salarié est prescrite.
Elle considère que le manquement allégué date du 16 juin 2016, constate que le salarié n’a saisit le conseil de prud’hommes d’une demande d’indemnisation que le 28 octobre 2019 soit plus de 3 ans après les faits, de sorte que l’action intentée au titre d’une prétendue perte de chance est prescrite.
La société considère que l’argumentation du salariée fondée sur l’application de l’alinéa 3 de l’article L 1471-1 du code du travail est fallacieuse en ce que M. [T] ne sollicite pas la réparation d’un préjudice corporel mais l’octroi de dommages et intérêts au titre d’une perte de chance.
Le salarié conclut au rejet du moyen tiré de la prescription.
Il revendique l’application de l’alinéa 3 de l’article L 1471-1 du code du travail dont il découle que les actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail sont soumises à une prescription décennale en application de l’article 2226 du code civil.
En outre, il considère qu’à supposer applicable le délai de deux ans de prescription, ce dernier ne serait pas acquis puisque la prescription n’a commencé à courir qu’à la date à laquelle la déclaration d’accident du travail ne pouvait plus être réalisée soit à l’issue du délai de deux ans imparti pour effectuer cette déclaration, soit à compter du 15 juin 2018.
Il soutient que l’action ne pouvait être déclarée prescrite qu’à compter du 15 juin 2020 et qu’ayant saisi le conseil de prud’hommes le 28 octobre 2019, son action n’était pas prescrite.
Sur ce ;
L’article L 1471-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Le premier alinéa n’est toutefois pas applicable aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L. 1134-5.
Il a été précédemment jugé que le salarié sollicitait la réparation du préjudice lié au manquement de son employeur et non la réparation d’un dommage corporel puisque seul le pôle social du tribunal judiciaire est compétent pour indemniser le préjudice corporel résultant d’un accident du travail.
En conséquence, le délai de prescription applicable est celui de l’article L 1471-1 alinéa 1 du code du travail, d’une durée de deux ans.
L’article L 441-2 du code de la sécurité sociale dispose que l’employeur ou l’un de ses préposés doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d’assurance maladie dont relève la victime selon des modalités et dans un délai déterminés.
La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident.
Selon l’article R441-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, la déclaration de l’employeur ou de l’un de ses préposés prévue à l’article L 441-2 doit être faite par lettre recommandée, avec demande d’avis de réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés.
Il s’évince de ces textes que le délai imparti à l’employeur pour effectuer une déclaration d’accident du travail est de 48 heures et que le délai de deux ans ne concerne que la victime ou ses représentants.
En conséquence, le délai de prescription a commencé à courir en l’espèce à la date à laquelle l’employeur n’avait plus la possibilité d’établir une déclaration d’accident du travail soit 48 heures après le 16 juin 2016.
A compter de cette date, M. [T] avait connaissance du manquement de son employeur et disposait en conséquence d’un délai de deux ans pour en solliciter réparation.
M. [T] n’a saisi le conseil de prud’homme de sa demande d’indemnisation du manquement de son employeur que le 28 octobre 2019, soit plus de 3 années après qu’il ait eu connaissance de ce manquement, ce dont il ressort que son action doit être déclarée prescrite.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
3/ Sur les manquements de l’employeur à l’obligation de sécurité
Le salarié soutient que l’employeur a gravement manqué à son obligation de sécurité en l’ayant soumis à une charge de travail excessive mais surtout en l’ayant contraint de travailler au cours de son arrêt de travail et à temps plein pendant la période de son mi-temps thérapeutique.
Ainsi, il indique que du 17 juin 2016 au 29 avril 2018, alors qu’il bénéficiait d’un arrêt de travail, il a sans cesse été sollicité par son employeur.
Il verse aux débats des éléments aux fins d’établir qu’il a reçu plus de 7440 mails au cours de cette période, qu’il a géré des dossiers techniques, qu’une connexion VPN a été mise en place afin qu’il puisse télétravailler depuis son domicile.
Il observe qu’au cours de cette période, il n’a pas été remplacé dans ses fonctions, qu’il ressort des attestations produites qu’il répondait régulièrement aux attentes du personnel et de son employeur, que des délais lui étaient impartis pour répondre aux diverses sollicitations, qu’il a effectué un déplacement professionnel pour le compte de son employeur.
A compter du 30 avril 2018, il précise avoir repris ses fonctions dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, indiquant qu’il devait uniquement travailler le matin du lundi au vendredi.
Il soutient toutefois avoir travaillé à temps plein sur demande de son employeur, avoir dû notamment absorber la charge de travail de son adjoint qui avait quitté l’entreprise 15 jours avant son retour.
Il verse aux débats de nombreuses pièces afin d’établir qu’il a régulièrement travaillé le soir, l’après-midi, qu’il a assisté à des réunions programmées l’après midi.
M. [T] indique avoir informé à plusieurs reprises son employeur de ses difficultés, de son épuisement. Il affirme que son état psychologique s’est dégradé sous l’effet de la surcharge de travail et la pression dont il faisait l’objet, ce qui a motivé sa demande de rupture conventionnelle.
La société soutient que le salarié ne démontre ni l’existence de pressions ni la surcharge de travail alléguée. Elle indique que le salarié n’a jamais manifesté au cours de la relation contractuelle de difficultés particulières, qu’il n’a dénoncé aucune surcharge de travail, qu’il a toujours considéré son forfait jour compatible avec l’organisation du travail au sein de l’entreprise.
L’employeur relève que le médecin du travail n’a pas établi de lien entre l’état de santé de M. [T] et ses conditions de travail.
Il conteste l’avoir contraint à travailler pendant son arrêt de travail, précise que durant son absence M. [W] a repris en direct les tâches de direction opérationnelles qui lui incombaient.
L’employeur indique que le salarié a lui-même sollicité un accès VPN pour la consultation d’un seul dossier, qu’il a lui-même proposé de se joindre aux dîners organisé par la DRH les 11 octobre 2016 et 23 février 2017, qu’il a souhaité participer au salon de la manutention et de l’emballage à [Localité 5] en novembre 2016 précisant par mail que cela demeurait une ‘démarche personnelle’.
La société indique que le salarié désirait coûte que coûte maintenir un lien professionnel et social pendant son arrêt de travail, considérant lui-même qu’il le faisait à des fins thérapeutiques.
En outre, l’employeur considère que le fait d’être en copie de mails ou de faire suivre des messages pendant son arrêt de travail ne caractérise pas une activité professionnelle.
Concernant la prétendue violation du mi-temps thérapeutique, la société soutient au contraire avoir respecté le temps partiel, observant que le salarié produit des tableaux qu’il a établi de toutes pièces et qui ne sont corroborés par aucun élément. L’employeur soutient que la pauvreté des échanges démontre que les mails envoyés par le salarié ne présentaient aucun caractère d’urgence et pouvaient être traités pendant son temps de travail.
Sur ce ;
L’article L 4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.
Dès lors qu’il s’agit d’une obligation de sécurité à la charge exclusive de l’employeur, la charge de la preuve de son bon accomplissement incombe à ce dernier et non au salarié.
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le salarié a été placé en arrêt de travail du 17 juin 2016 au 29 avril 2018 puis qu’il a bénéficié d’une reprise de travail dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, les parties ayant convenu qu’il travaillerait uniquement le matin.
Il est établi qu’une connexion VPN a été mise en place à son domicile afin que durant son arrêt de travail le salarié conserve un lien avec l’entreprise.
Si l’employeur affirme que cette connexion a été effective pour que le salarié puisse consulter un seul dossier, et, ce, à sa demande, afin de favoriser son rétablissement, il résulte des éléments produits que la connexion a été fortement utilisée et que les échanges de mails n’étaient pas laissés à la seule initiative de M. [T].
Ainsi, contrairement aux allégations de l’employeur, le salarié n’était pas uniquement destinataire en copie des mails mais était effectivement sollicité pour apporter des réponses, parfois dans des délais contraints.
Ainsi, Mme [G], directrice des ressources humaines, atteste du fait ‘qu’il s’était installé une sorte de télétravail avec l’accord de M. [W] par la mise à disposition d’un accès VPN. Ce VPN avait pour effet de donner l’accès à l’ensemble du système informatique [W] depuis le domicile de M. [T] et donc à l’ensemble de ses documents de travail.(..) Je sais qu’il a dû répondre très régulièrement aux attentes de son personnel mais encore plus à celles de M. [W] (investissements, projets..) et de Mme [C] [W] pour des sujets spécifiques. Les présentations du pôle ‘opérations techniques’ lors du comité de direction étaient systématiquement préparées à distance par M. [T]. L’ensemble des membres du Codir le savaient.’
M. [K], directeur de production atteste que M. [W] lui rappelait régulièrement de prendre contact directement avec M. [T] par téléphone ou par mails, précisant ‘malgré mes réticences à le faire, M. [W] argumentait ses propos en insistant fortement sur le fait que cela ferait du bien à M.[T] de rester en contact avec les équipes, avec le quotidien qu’il continuait de suivre et essayait de gérer à distance durant son absence et que de ce fait il ne fallait pas hésiter à le contacter.’
M. [D], directeur informatique confirme qu’il échangeait très régulièrement avec M. [T] qui l’épaulait et validait les investissements, précisant être à plusieurs reprises passé le chercher au cabinet de son kinésithérapeute afin d’échanger avec lui, précisant que cet état de fait s’était installé ‘au point de devenir un mode de fonctionnement normal’.
M. [T] verse aux débats des tableaux récapitulant les mails et appels téléphoniques reçus. Ces éléments ne sont pas utilement contestés par l’employeur.
Il ressort en outre de la teneur des mails versés aux débats que des injonctions précises étaient données au salarié au cours de la suspension de son contrat de travail.
Ainsi, à titre d’exemples, par mail du 18 octobre 2016, le salarié adresse à M. [W] sa présentation. En retour, par mail du 20 octobre 2016, M. [W] lui indique avoir animé au cours de l’après-midi sa présentation.
Par mail du dimanche 16 octobre 2016, M. [W] lui indique ‘faites au plus simple pour la préparation au topZ et faites la moi passer pour la présenter’.
Le 30 novembre 2016, M. [W] demande au salarié s’il peut échanger téléphoniquement avec lui durant 30 minutes sur le budget en cours.
Par mail du 21 avril 2017, il lui demande de lui communiquer des justificatifs, de lui envoyer un état des investissements….
En juillet 2017, l’employeur lui demande s’il est informé de certains éléments et lui demande de le rappeler quand il aura informé les équipes.
Il ressort ainsi des nombreuses pièces produites par le salarié que ce dernier a travaillé au cours de la suspension de son contrat de travail, l’employeur ayant gravement manqué à son obligation de sécurité.
Au cours de la période de mi- temps thérapeutique, il ressort des pièces produites par M. [T] qu’il a travaillé, à la demande de son employeur, également les après-midis contrairement à l’organisation définie.
A titre d’exemple, il justifie du fait que Mme [W] lui a, le 23 avril 2018, proposé un rendez-vous sur la plage horaire de l’après midi, alors que par mail du 17 avril 2018, il lui avait demandé de lui proposer des créneaux uniquement le matin en raison de la mise en place du mi-temps thérapeutique.
En outre, il produit des échanges de mails durant les plages horaires de l’après-midi ainsi que des directives données pour qu’il réponde promptement.
A titre d’exemple, Mme [W] lui adresse un mail le 31 mai 2018 à 18h36 lui reprochant de ne pas avoir respecté un délai pour produire des éléments et exigeant les éléments pour le lendemain 9 heures.
Dans son mail de réponse, le salarié indique ‘je fais au maximum dans ma situation: mi-temps officiel le matin et officieux l’après midi’.
Par mail du 15 mai précédent le salarié avait précisé à son employeur ‘désolé pour le retard je suis quelque peu débordé.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que tant au cours de la suspension du contrat de travail du salarié qu’au cours de sa reprise d’activité à temps partiel, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Le salarié établit que ce manquement lui a causé un préjudice en ce que son état de santé s’est dégradé.
Il a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 23 novembre 2018 et a bénéficié d’un traitement d’antidépresseurs et d’anxiolytiques.
Il est établi que les directives du médecin du travail préconisant un mi-temps thérapeutique ont été délibérément violées par l’employeur au mépris de la santé du salarié.
En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu’il appartenait à l’employeur d’indemniser le salarié à hauteur de la somme de 10 000 euros.
Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
4/ Sur la demande de requalification de la relation de travail en temps complet du 30 avril au 14 décembre 2018
M. [T] indique avoir repris le travail à temps partiel thérapeutique à compter du 30 avril 2018 sur la base de 17,5 heures de travail par semaine réparties uniquement le matin.
Il constate qu’alors que la relation contractuelle était soumise à une convention individuelle de forfait jours de 217 jours par an, aucun avenant n’a été régularisé pour réglementer cette nouvelle durée du travail.
Il soutient qu’en conséquence la mise en place de ce mi-temps thérapeutique a nécessairement suspendu l’application de la convention de forfait jours qui en outre s’est trouvée privée d’effet faute pour l’employeur d’avoir procédé au suivi de sa charge d’activité, précisant que sur l’ensemble de la relation contractuelle d’une durée de 8 ans, un seul entretien a concerné l’application de la clause de forfait.
Le salarié considère que les premiers juges ont commis une erreur de droit en prononçant la nullité de la convention de forfait.
Il précise que dès la semaine du 14 au 18 mai 2018, il a effectué un total d’heures de travail de 37,5 heures, qu’en conséquence, la relation contractuelle doit être requalifiée en temps complet à compter de cette date.
L’employeur soutient qu’il n’existe aucune disposition légale neutralisant la convention de forfait jours en raison d’un mi-temps thérapeutique, que cette convention a été réduite, d’un commun accord entre les parties, à des demi-journées de travail conformément aux préconisations du médecin du temps du travail. Il indique que pendant le mi-temps thérapeutique, le salarié organisait lui-même son emploi du temps pour respecter la durée de travail.
La société considère que les tableaux produits par le salarié sont établis de toutes pièces et ne sont pas corroborés par d’autres éléments.
Sur ce ;
En application des articles L 3121-39 et L 3121-40 du code du travail, la mise en place d’une convention individuelle de forfait en jours est subordonnée à la conclusion d’une convention ou d’un accord collectif le prévoyant ainsi qu’à la rédaction d’un écrit.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’article 10 du contrat de travail signé le 12 août 2010 par le salarié prévoit la mise en place d’une convention de forfait jours à hauteur de 217 jours par année complète d’activité.
La cour observe que le contrat de travail ne stipule pas d’entretien annuel avec l’employeur sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
Il n’est pas davantage contesté que la mise en place du mi-temps thérapeutique du salarié à compter du 30 avril 2018 sur la base de 17,5 heures par semaine n’a pas fait l’objet d’un avenant concernant la convention de forfait jours.
L’article L 3121-46 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, dispose qu’un entretien individuel est organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié. La tenue d’un entretien annuel a pour finalité non seulement d’évaluer quantitativement la charge de travail du salarié mais également ses répercussions sur son équilibre vie professionnelle- vie personnelle, équilibre qui ne peut se mesurer seulement à l’aune de relevés d’horaires.
Les conventions individuelles de forfait en jours conclues avant le 10 août 2016 continuent de s’appliquer, sous réserve pour l’employeur du respect des exigences de contrôle prévues à titre supplétif par l’article L. 3121-65 du code du travail à savoir l’établissement d’un document de contrôle, un entretien annuel, le suivi de la charge de travail.
Le droit à la santé et au repos est un droit à valeur constitutionnelle.
Il résulte des articles 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l’article 17, §§ 1 et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, des directives de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Lorsque l’employeur n’observe pas les règles relatives à la protection de la sécurité et de la santé du travailleur soumis au forfait en jours, cette défaillance le prive de la possibilité de se prévaloir de la convention de forfait, qui, de ce fait, n’est pas nulle mais privée d’effet ou inopposable à compter de sa défaillance.
Le salarié soutient ne pas avoir bénéficié des entretiens annuels relatifs à sa charge de travail.
L’employeur ne verse aux débats aucun élément relatif à la tenue de ces entretiens tant avant que pendant la mise en place du mi-temps thérapeutique.
En effet, si l’employeur produit un compte-rendu d’entretien professionnel en date du 10 février 2016, la cour constate que celui-ci ne portait pas sur les conditions d’application et de suivi de la convention de forfait jours.
Le compte-rendu d’entretien du 24 mai 2018 abordait la question du forfait jours mais n’en précisait pas ses modalités au regard du temps partiel du salarié. Si l’employeur a coché la case indiquant la compatibilité du forfait jours au regard de la charge du travail, il ne fait pas référence à la réduction du temps de travail de M. [T], à la mise en place de ses nouveaux horaires de travail.
Ainsi, il ne ressort pas des éléments du dossier que l’employeur était placé en capacité d’opérer un contrôle effectif du salarié placé sous sa responsabilité, lui permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ou de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps du travail de l’intéressé.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de juger, par infirmation du jugement entrepris, que la convention de forfait jours n’est pas nulle mais se trouve privée d’effet.
Le forfait en jours nul ou privé d’effet permet au salarié de revendiquer le bénéfice des dispositions légales sur la durée du travail.
A compter du 30 avril 2018, M. [T] a bénéficié d’un temps partiel à hauteur de 17,5 heures par semaine.
Le salarié ayant travaillé à temps plein peut demander la requalification de la relation de travail.
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
L’article L 3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
Le salarié soutient que dès la semaine du 14 au 18 mai 2018, il a atteint voir dépassé la durée légale du travail.
Il verse aux débats un relevé des heures prétendument travaillées chaque jour, la liste des sujets évoqués par son employeur et des projets traités chaque jour, la copie des mails échangés chaque après-midi avec la société au cours de la semaine du 14 au 18 mai 2018.
M. [T] verse ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
L’employeur ne produit pas d’éléments relatifs aux horaires effectivement réalisés par le salarié.
Il se contente de contester la valeur probante des pièces produites par le salarié et de soutenir que le mi-temps thérapeutique a été respecté.
Il ressort cependant de ces éléments et plus précisément des mails produits qu’au cours de la période alléguée, M. [T] a effectivement travaillé l’après-midi, qu’il a échangé de nombreux messages avec l’entreprise y compris en fin de journée, début de soirée.
Il ressort des pièces et éléments du dossier que le salarié a travaillé à temps plein, de sorte qu’il y a lieu, à compter du 14 mai 2018 de requalifier la relation de travail à temps complet et de faire droit à la demande de rappel de salaire pour la période comprise entre le 14 mai et le 22 novembre 2018, date de son nouvel arrêt de travail.
En revanche, le salarié doit être débouté de sa demande de rappel de salaire comprise entre le 22 novembre et le 14 décembre 2018 en ce qu’il reconnaît lui-même avoir bénéficié d’un arrêt de travail à compter du 23 novembre 2018.
La société est en conséquence condamnée à verser au salarié un rappel de salaire de 19 068,70 euros brut outre 1 906,87 euros au titre des congés payés afférents pour la période comprise entre le 14 mai et le 22 novembre 2018.
5/ Sur les heures complémentaires
Le salarié soutient avoir effectué 22 heures complémentaires au cours de la période comprise entre le 30 avril et le 14 mai 2018, période qui ne fait pas l’objet d’une demande de requalification à temps plein.
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1, de l’article L. 3171-3 et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande, le salarié verse aux débats un tableau d’activité de son temps de travail, le relevé de son temps de travail, le détail des sujets abordés et des projets traités ainsi qu’une présentation graphique de ses heures de travail.
M. [T] verse ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant ses propres éléments.
L’employeur ne produit pas d’éléments relatifs aux horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu des éléments produits de part et d’autre, des précédents développements relatifs à l’absence de respect des horaires de travail du salarié au cours de son mi-temps thérapeutique, il y a lieu de faire droit à la demande formée par le salarié.
La société est en conséquence condamnée au paiement de la somme de 806,18 euros outre 80,61 euros au titre des congés payés afférents au titre des heures complémentaires effectuées du 30 avril et le 14 mai 2018.
6/ Sur les heures supplémentaires
Le salarié soutient avoir effectué 63,5 heures supplémentaires du 30 avril 2018 à la date de rupture du contrat de travail majorées à 125 % ainsi que 8,5 heures supplémentaires majorées à 150 % dont il convient de déduire la somme de 2 123,10 euros payées à la rupture du contrat de travail.
Il sollicite en conséquence la condamnation de la société au paiement d’un rappel de salaire de 1 654,03 euros outre les congés payés afférents.
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1, de l’article L. 3171-3 et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
A l’appui de sa demande, le salarié verse aux débats un tableau d’activité de son temps de travail, le relevé de son temps de travail, le détail des sujets abordés et des projets traités ainsi qu’une présentation graphique de ses heures de travail.
M. [T] verse ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant ses propres éléments.
L’employeur ne produit pas d’éléments relatifs aux horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que le salarié a bien effectué les heures supplémentaires sollicitées.
Par infirmation du jugement entrepris, l’employeur est en conséquence condamné à verser au salarié la somme de 1 654,03 euros augmentée des congés payés afférents.
7/ Sur la demande au titre du travail dissimulé
Par application de l’article L.8221-5, 2° du code du travail, la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli constitue le travail dissimulé dans la mesure où elle est intentionnelle.
Il ressort des précédents développements que pendant la totalité de son arrêt de travail soit plus de 22 mois M. [T] a travaillé à la demande et pour le compte de son employeur. Il a également été précédemment établi que le mi temps thérapeutique n’avait pas été respecté par l’employeur en ce qu’il a été demandé au salarié de fournir une prestation de travail lors de périodes non travaillées.
Au regard de la quantité de travail fournie par le salarié durant la suspension de son contrat de travail et durant la période de temps partiel, de la nature des tâches réalisées, de la taille de l’entreprise, au regard du fait que le dirigeant en personne a très régulièrement sollicité le salarié durant son arrêt de travail, l’employeur ne pouvait ignorer l’illégalité de la situation.
Le caractère intentionnel de l’infraction est ainsi caractérisé.
En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, la société est condamnée à verser au salarié la somme de 39 803,10 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
8/ Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts
La société [W], soutenant que le salarié a porté de fausses accusations à son encontre et a cherché à ternir sa réputation, demande qu’il soit condamné à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les circonstances de l’espèce et la solution apportée aux points en litige ne permettent pas de retenir l’existence ni d’un préjudice moral dont aurait été victime la société, ni d’un abus dans l’exercice du droit d’agir en justice commis par le salarié de nature à justifier la condamnation de ce dernier au paiement de dommages et intérêts.
Par confirmation du jugement entrepris, l’employeur doit en conséquence être débouté de sa demande.
9/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [T] les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer. Il convient en l’espèce de condamner l’employeur, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’employeur les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner la société appelante aux dépens d’appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sur les numéros RG 20/4000 et RG 20/4049 ;
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Evreux en ce qu’il a condamné la société au paiement de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la législation au titre des accidents du travail, en ce qu’il a annulé la convention de forfait jours, en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes au titre des rappels de salaire, au titre du travail dissimulé ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:
Dit prescrite la demande de M. [T] de dommages et intérêts pour perte de chance du bénéfice de la législation sur les risques professionnels,
Dit que la convention de forfait jours est privée d’effet ;
Requalifie la relation de travail en contrat de travail à temps complet pour la période comprise entre le 14 mai et le 22 novembre 2018 ;
Condamne la société Manufacture [W] à verser à M. [S] [T] les sommes suivantes :
19 068,70 euros brut à titre de rappel de salaire outre 1 906,87 euros au titre des congés payés afférents pour la période comprise entre le 14 mai et le 22 novembre 2018,
806,18 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures complémentaires effectuées du 30 avril et le 14 mai 2018 outre 80,61 euros au titre des congés payés afférents ,
1 654,03 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées du 30 avril au 23 novembre 2018 outre 165,40 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation;
39 803,10 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne la société Manufacture [W] à verser à M. [S] [T] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société Manufacture [W] aux entiers dépens d’appel.
La greffière La présidente