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8 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/00108
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 MARS 2023
N° RG 21/00108
N° Portalis DBV3-V-B7F-UIAH
AFFAIRE :
[B] [C]
C/
S.A.S. MANN+HUMMEL FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Décembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 18/01483
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELEURL BOUHANA
la SELARL BRS & PARTNERS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [B] [C]
né le 09 Septembre 1974 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Judith BOUHANA de la SELEURL BOUHANA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0656
APPELANT
****************
S.A.S. MANN+HUMMEL FRANCE
N° SIRET : 428 610 547
ZONE ARTISANALE AUTOROUTIÈRE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Olivier RUPP de la SELARL BRS & PARTNERS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0152
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [C] a été embauché, à compter du 26 juillet 2010, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de ‘chef de marché export’ (statut de cadre) par la société Mann+Hummel France.
Le contrat de travail de M. [C] a prévu le paiement d’une rémunération composée d’une partie fixe et d’une partie variable selon objectifs définis entre le salarié et son employeur (dénommée ‘bonus variable lié à la performance’) ainsi qu’une convention de forfait annuel en jours.
Dans le courant de l’année 2017, M. [M] est devenu le supérieur hiérarchique de M. [C].
Par lettre du 4 avril 2018, la société Mann+Hummel France a convoqué M. [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.
À compter du 12 avril 2018 et jusqu’au 6 mai suivant, M. [C] a été placé en arrêt de travail pour maladie.
Par lettre du 19 avril 2018, la société Mann+Hummel France a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave.
Le 20 juin 2018, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre pour contester la validité et, à titre subsidiaire, le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société Mann+Hummel France à lui payer notamment des indemnités de rupture, un rappel de rémunération variable et des dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité.
Par jugement du 7 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– débouté M. [C] de ses demandes pour harcèlement moral et licenciement nul ;
– dit que le licenciement est fondé sur une faute grave ;
– condamné la société Mann+Hummel France à payer à M. [C] une somme de 14 225,50 euros au titre des ‘bonus 2017 et 2018″, avec intérêts au taux légal et capitalisation ;
– ordonné la remise des bulletins de salaire et des éléments de fin de contrat ;
– débouté M. [C] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Mann+Hummel France de sa demande reconventionnelle ;
– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Le 11 janvier 2021, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions du 28 juillet 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [C] demande à la cour de :
1°) confirmer le jugement sur le rappel au titre du bonus de 2017 et 2018 avec intérêts au taux légal et capitalisation ;
2°) infirmer le jugement sur les déboutés de ses demandes et statuant à nouveau :
– dire son licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société Mann+Hummel France à lui payer les sommes suivantes :
* à titre principal, 157 896,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement, en cas de non intégration du rappel de rémunération variable dans le salaire moyen, la somme de 141 501,42 euros ;
* à titre subsidiaire, 70 176,24 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à titre subsidiaire 62 889,52 euros ;
* 26 316,09 euros ou à titre subsidiaire 25 583,57 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ;
* 18 272,48 euros ou subsidiairement 16 197,66 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 1 842,70 euros à titre de rappel de salaire proratisé sur treizième mois du 1er janvier au 19 juillet 2018 et 184,27 euros au titre des congés payés afférents ;
* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ‘pour absence de prévention du harcèlement moral / non-respect de l’obligation de sécurité de résultat’ ;
* 9 120 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal avec capitalisation ;
– ordonner à la société Mann+Hummel France de lui remettre un bulletin de salaire de fin de contrat, un solde de tout compte, un certificat de travail, une attestation d’employeur conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification, en se réservant le droit de liquider l’astreinte ;
– condamner la société Mann+Hummel France aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL JBOUHANA Avocat.
Aux termes de ses conclusions du 15 juin 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société Mann+Hummel France demande à la cour de :
1°) à titre principal :
– infirmer le jugement attaqué sur le rappel de rémunération variable pour les années 2017 et 2018 et statuant à nouveau, débouter M. [C] de ses demandes ;
– confirmer le jugement attaqué sur les déboutés des demandes de M. [C] ;
– débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes ;
2°) à titre subsidiaire, limiter le montant du rappel de rémunération variable pour l’année 2017 à la somme de 1 500 euros brut et le rappel de rémunération variable pour l’année 2018 à la somme de 3 068,22 euros brut et dire que le licenciement de M. [C] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, limiter le montant de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 23 483,88 euros brut, outre les congés payés afférents, et limiter le montant des dommages-intérêts à la somme de 23 483,88 euros ;
4°) en tout état de cause, condamner M. [C] à lui payer une somme de 6 000 euros TTC sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 3 janvier 2023.
SUR CE :
Sur le rappel de rémunération variable (dit bonus) pour les années 2017 et 2018 :
Considérant que, s’agissant du rappel de bonus au titre de l’année 2017, M. [C] soutient qu’il a refusé les objectifs qui lui étaient proposés en mars 2017, car ils étaient irréalisables et soumis tardivement en cours d’exercice ; qu’eu égard à la moyenne des bonus perçus pour les années 2014 à 2016, s’élevant à 17 931 euros brut, et eu égard à la somme de 9 334,45 euros qu’il a perçue à titre de bonus pour l’année 2017, il réclame un rappel à ce titre d’un montant de 8 596,55 euros bruts ;
Que la société Mann+Hummel France pour sa part soutient que les objectifs fixés le 7 mars 2017 n’étaient pas tardifs ni irréalisables et n’ont pas été atteints ; que dès lors M. [C] a été largement rempli de ses droits par le versement d’une somme de 9 334,45 euros brut pour l’année 2017, correspondant à une atteinte à 100 % des objectifs ; qu’il ajoute qu’à raison de la non-acceptation des objectifs pour l’année 2017 par le salarié, le bonus doit être évalué sur ‘la base des taux d’atteinte antérieure’ et que seule la somme de 1 500 euros est due comme le demandait M. [C] dans un courriel du 1er mars 2018 ;
Que par ailleurs, s’agissant du rappel de bonus au titre de l’année 2018 au prorata du temps de présence, M. [C] soutient que la société Mann+Hummel France ne lui a soumis aucun objectif et ne lui a payé aucune somme à ce titre ; qu’il réclame en conséquence, eu égard à la même moyenne des bonus perçus pour les années 2014 à 2016, une somme de 4 482,75 + 1 145,90 euros brut pour la période du 1er janvier au 23 avril 2018 ;
Que la société Mann+Hummel France, pour sa part, conclut à titre principal au débouté de cette demande en faisant valoir qu’il convient d’apprécier la réalisation des objectifs pour l’année 2018 par rapport aux objectifs fixés les années précédentes en l’absence d’accord entre les parties pour 2018, lesquels n’ont pas été atteints, que M. [C] ne pourrait au mieux prétendre qu’à 100 % de sa rémunération variable soit la somme de 3 068,22 euros brut, et qu’il n’est pas en droit de réclamer une rémunération au prorata du temps de présence dans la mesure où il ne faisait pas partie de l’effectif au 31 décembre 2018 alors que le contrat de travail prévoit expressément que la rémunération variable est calculée suivant des objectifs annuels ;
Considérant que, lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d’un accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, de sorte que, si l’objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n’a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures ;
Qu’en l’espèce, le contrat de travail de M. [C] est, s’agissant de la rémunération variable, ainsi rédigé : ‘Monsieur [B] [C] bénéficiera d’un bonus variable représentant un pourcentage de sa rémunération brute annuelle en fonction de la réalisation d’objectifs définis chaque année avec son responsable hiérarchique.
Monsieur [B] [C] bénéficiera du versement d’un bonus variable potentiel équivalent à un mois de sa rémunération annuelle brute, sous réserve de l’atteinte à 100 % des objectifs définis avec son supérieur hiérarchique.
Les parties conviennent en outre que la part de ce bonus variable pourra être revalorisée. Il sera porté à :
– 2,25 mois de la rémunération annuelle brute du salarié sous réserve de l’atteinte de 150 % des objectifs définis avec son supérieur hiérarchique ;
– 3 mois de la rémunération annuelle brute du salarié sous réserve de l’atteinte de 200 % des objectifs définis avec son supérieur hiérarchique (…)’ ;
Que s’agissant du rappel de bonus pour l’année 2017, il ressort des débats qu’aucun accord n’a été trouvé entre les parties pour la définition des objectifs ; qu’il y a donc lieu pour la cour de fixer l’objectif afférent à l’année 2017 par rapport à ceux déterminés d’un commun accord entre les parties pour l’année 2016 ; que la société Mann+Hummel France ne fournit aucun calcul du montant du bonus de M. [C] pour l’année 2017 sur la base des résultats obtenus cette année-là par rapport aux objectifs déterminés pour 2016 ; que dans ces conditions, il y a lieu d’allouer à M. [C] la somme qu’il réclame calculée sur le montant moyen du bonus sur les années 2014 à 2016 ; qu’il lui sera ainsi alloué un rappel de 8 596,55 euros brut ;
Que s’agissant du rappel de bonus pour l’année 2018, il ressort des stipulations du contrat de travail rappelées ci-dessus que la prime litigieuse constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité de sorte qu’elle s’acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise au cours de l’exercice et que, par ailleurs, aucune stipulation expresse n’en conditionne le paiement à une présence du salarié à la fin de l’exercice ; que M. [C] est donc fondé à réclamer le paiement de la rémunération variable pour l’année 2018 au prorata de son temps de présence dans l’entreprise ;
Que par ailleurs, il est constant que les objectifs afférents au paiement du bonus pour l’année 2018 n’ont fait l’objet d’aucun accord entre les parties ; qu’il y a donc lieu pour la cour de fixer l’objectif afférent par rapport à ceux déterminés d’un commun accord pour l’année 2016 ; que la société Mann+Hummel France ne fournit aucun calcul du montant du bonus de M. [C] pour l’année 2018 sur la base des résultats obtenus cette année-là par rapport aux objectifs déterminés pour 2016 ; que dans ces conditions, il y a lieu d’allouer, à nouveau, à M. [C] la somme qu’il réclame calculée sur le montant moyen du bonus sur les années 2014 à 2016 et au prorata du temps de présence ; qu’il lui sera ainsi alloué la somme de 5 628,65 euros ( = 4 482,75 + 1 145,90) qu’il réclame à ce titre ;
Qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il condamne la société Mann+Hummel France à payer à M. [C] une somme de 14 225,50 euros à titre de rappel de bonus pour les années 2017 et 2018 ;
Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :
Considérant que M. [C] soutient qu’il a été victime d’un harcèlement moral de la part de son nouveau supérieur hiérarchique (M. [M]) à son arrivée à la mi-2017, ayant dégradé ses conditions de travail et son état de santé, et constitué par :
1°) une pression à la démission par courriel du 26 avril 2017 ;
2°) un management infantilisant par courriel du 11 juillet 2017 ;
3°) une suppression brutale du télétravail ‘en usage depuis huit ans’alors qu’il était cadre autonome ;
4°) des pressions inutiles dans un échange de courriels du 7 février 2018 ;
5°) le fait d’exiger un changement d’hôtel lors d’un déplacement professionnel en Algérie en février 2018 ;
6°) des pressions sur des demandes nouvelles ‘de rapports et de points de réunions’ ;
7°) des pressions pour l’envoi du rapport ‘sales Forces’ par courriel ;
8°) une réduction soudaine du montant du bonus en mars 2018 ;
9°) des directives contradictoires sur le montant du remboursement des frais professionnels d’hôtel ;
Qu’il réclame en conséquence une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Que la société Mann+Hummel France conclut au débouté de la demande ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu’en application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1, présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour qu’une pratique d’entreprise acquière la valeur contraignante d’un usage, dont les salariés pourront se prévaloir, elle doit être constante, générale et fixe, ces conditions étant cumulatives ;
Qu’en l’espèce, s’agissant du grief mentionné au 1°) ci-dessus, une lecture exhaustive et non tronquée de l’échange de courriels en litige du 26 avril 2017 entre M. [C] et son supérieur hiérarchique ne fait en rien ressortir une pression à la démission mais de simples discussions sur la volonté de rupture alors exprimée par le salarié et ses conséquences ;
Que s’agissant du grief mentionné au 2°), l’échange de courriels du 11 juillet 2017 entre M. [C] et M. [M] fait ressortir que ce dernier a simplement relancé M. [C] dans des termes courtois et dans le cadre de son pouvoir de direction en vue de l’obtention d’un document, à la suite d’un retard de l’appelant ;
Que s’agissant du grief mentionné au 3°), il est constant que le contrat de travail de M. [C] ne contient aucune disposition relative à l’accomplissement de télétravail et indique même à l’inverse que le lieu d’exécution est à [Localité 6] (78) ; qu’en outre, la qualité de cadre autonome mentionnée dans le contrat de travail n’a pas trait au lieu d’exécution du contrat de travail mais à la durée du travail ; que M. [C] ne démontre en rien l’existence d’une pratique d’entreprise constante, générale et fixe relative à l’existence d’un tel télétravail ;
Que s’agissant du grief mentionné au 4°), M. [C] verse aux débats un courriel adressé par M. [M] le 7 février 2018 à l’ensemble de ses subordonnés, parmi lesquels figure M. [C], dans lequel il rappelle que la consolidation des données demandées doit être effectué par ces salariés et non par ‘[D]’ ; que M. [C] ne démontre en rien que les données en cause ont été consolidées par lui-même et non par ‘[D]’ et que le courriel de son supérieur hiérarchique est injustifié ; qu’en outre, cet unique échange est impropre à caractériser ‘des pressions inutiles’;
Que s’agissant du grief mentionné aux 5°) et 6°), l’échange de courriels entre M. [C] et M. [M] versé aux débats, fait seulement ressortir que M. [M] rappelle à M. [C], alors qu’il se trouve en déplacement en Algérie pendant plus de 15 jours, dans des termes courtois, la règle selon laquelle toute réservation d’un hôtel en Algérie d’un montant supérieur à 150 euros doit être validée préalablement et lui demande en outre de lui fournir ses différents rapports d’activités afférents à ce déplacement qu’il n’a pas encore reçus ; que la qualité de cadre autonome mentionnée dans le contrat de travail dont se prévaut M. [C] ne vise, ainsi qu’il est rappelé ci-dessus, que le temps de travail et n’a pas pour objet de l’exempter, contrairement à ce qu’il prétend, de ses obligations de rendre compte à sa hiérarchie de son activité dans le cadre du pouvoir de direction qu’elle exerce et qui est inhérent au contrat de travail, lequel est d’ailleurs expressément rappelé en page 2 de ce document ;
Que s’agissant du grief mentionné au 7°), l’échange de courriels versés aux débats ne fait ressortir aucune pression de la part de M. [M] sur M. [C], mais seulement un rappel des instructions générales qui ont été données aux salariés sur ce point ;
Que s’agissant du grief mentionné au 8°), l’échange de courriers versés aux débats fait seulement ressortir que M. [M] rappelle à juste titre au vu des stipulations contractuelles rappelées plus haut que le montant maximal de la rémunération variable de M. [C] s’élève à trois mois de la rémunération annuelle brute ; qu’aucune modification unilatérale du contrat de travail n’est établie ;
Que s’agissant du grief mentionné au 9°), une lecture exhaustive et non tronquée de l’échange de courriels en cause ne fait ressortir aucune directive contradictoire donnée par M. [M], mais seulement que le prix maximal des chambres d’hôtels pour les déplacements professionnels est fixé à 200 euros, à l’exception des déplacements en Algérie pour lesquels le prix maximal est fixé en principe à 150 euros, tout dépassement de ce prix en Algérie devant être validé par la hiérarchie ; qu’en outre, le courriel de M. [M] du 20 mars 2018 validant un déplacement de M. [C] en Algérie fait pas ressortir que cette validation inclut le prix de la chambre d’hôtel;
Que s’agissant de la dégradation de l’état de santé invoquée par M. [C], les pièces médicales versées aux débats ne font pas ressortir l’existence d’un lien de causalité entre la dégradation de l’état de santé qui est mentionnée et les conditions de travail dans l’entreprise ; que l’attestation de l’épouse de M. [C] relative à une origine professionnelle de la dégradation de l’état de santé de l’appelant est dénuée de valeur probante à raison des liens personnels de l’attestant et du fait qu’elle se borne à reprendre les dires de l’intéressé ;
Qu’il résulte de ce qui précède que M. [C] ne présente pas d’éléments de fait qui pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral ;
Qu’en outre et en tout état de cause, M. [C] ne fournit aucune explication sur la nature et l’étendue du préjudice allégué ;
Qu’en conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté de la demande de dommages-intérêts formés par M. [C] à ce titre ;
Sur la validité du licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement nul :
Considérant que M. [C] soutient que son licenciement pour faute grave est nul aux motifs que les faits qui lui ont été reprochés sont la conséquence du harcèlement moral qu’il a subi ;
Mais considérant que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, aucun harcèlement moral ne ressort des débats ;
Qu’en conséquence, il y a lieu de débouter M. [C] de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :
Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [C], longue de quatre pages, lui reproche en substance les faits suivants :
– le non-respect des règles et procédures en matière de frais professionnels, de validation préalable des déplacements à l’étranger, en matière de gestion des ‘activités marketing’ et en matière de dépenses téléphoniques à l’étranger ;
– des écarts de comportement professionnel durant des séminaires ;
– le non-respect des obligations en matière de comptes-rendus à sa hiérarchie (dit ‘reporting’) malgré les relances ;
– un comportement inacceptable vis-à-vis de son employeur lors d’une réunion avec un client le 3 avril 2018, en dénigrant son employeur et son responsable hiérarchique ;
– le non-respect de ses obligations de non-retour dans l’entreprise et de restitution d’objets pendant sa mise à pied conservatoire ;
Que M. [C] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que les faits reprochés ne sont pas établis ou pour certains prescrits et que son licenciement est en réalité fondé sur la volonté de supprimer son poste devenu trop coûteux ; qu’il réclame en conséquence des indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’un rappel de treizième mois et les congés payés afférents ;
Que la société Mann+Hummel France soutient à titre principal que les faits reprochés sont établis et constitutifs d’une faute grave ; qu’elle conclut donc au débouté des demandes ;
Considérant que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l’employeur qui l’invoque ;
Qu’en l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées et notamment d’échanges de courriels entre M. [C] et M. [M] que l’appelant est passé outre les instructions données par sa hiérarchie en matière de ‘marketing’ en faisant diffuser des publicités d’un montant supérieur au budget autorisé ;
Que par ailleurs, ces mêmes echanges de courriers font ressortir que M. [C] n’a pas respecté, à plusieurs reprises, ses obligations en matière de transmission des comptes-rendus à son supérieur, malgré les demandes et relances de ce dernier ;
Qu’en outre, il ressort des pièces versées et notamment d’un courriel précis et circonstancié envoyé par une société cliente (la société AD Maroc) à la société Mann+Hummel France le 4 avril 2018, que M. [C] a dénigré devant ce client son supérieur hiérarchique en lui imputant faussement des retards d’envoi d’une liste de prix et en critiquant la stratégie commerciale de son employeur ; qu’il a également dénigré devant ce client le fonctionnement du groupe Mann +Hummel et des délais de traitement, selon lui trop longs, des commandes ;
Que ces fautes commises par M. [C] rendaient impossible la poursuite du contrat de travail, sans qu’il soit besoin d’examiner l’ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ;
Que par ailleurs, M. [C] ne démontre en rien que son licenciement est en réalité fondé sur un motif économique ;
Qu’il s’ensuit que le licenciement de M. [C] est fondé sur une faute grave et qu’il convient de le débouter de ses demandes subséquentes d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel de treizième mois et de congés payés afférents ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces chefs ;
Sur les dommages-intérêts pour absence de prévention du harcèlement moral et non-respect de l’obligation de sécurité :
Considérant que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ;
Qu’en l’espèce, M. [C] invoque à ce titre ‘l’absence de protection de la santé morale’ alors qu’il était ‘sous pression d’un management agressif et [qu’il] a été arrêté par son médecin traitant durant près de 15 jours pour dépression’ ;
Que toutefois, aucun harcèlement moral ou ‘management agressif’ ne ressort des débats ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; que M. [C] n’allègue pas avoir dénoncé l’existence d’un harcèlement moral auprès de la société Mann+Hummel France ; qu’aucun lien de causalité n’est de plus établi entre l’arrêt de travail pour maladie du 12 avril 2018 et les conditions de travail de M. [C] sein de la société Mann+Hummel France ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le débouté de cette demande de dommages-intérêts ;
Sur les intérêts légaux et la capitalisation :
Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces points ;
Sur la remise des documents sociaux et l’astreinte :
Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il statue sur ces deux points ; qu’en outre, chacune des parties conservera la charge des dépens et frais irrépétibles exposés par elle en appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés par elle en cause d’appel,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,