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8 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/01224
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 08 MARS 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01224 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBN2C
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 14/15855
APPELANTE
Société VERTONE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe BOUDIAS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [P] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Déborah PUSZET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2522
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Anne MENARD, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [X] a été engagée par la société Vertone le 18 septembre 2000 en qualité de consultante senior. Elle a été promue en qualité de manager le 1er juillet 2010.
Elle a été en arrêt maladie du 17 janvier 2014 au 15 mars 2014, et le 4 avril 2014 elle a été déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise par le médecin du travail.
Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 20 juin 2014.
Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 10 décembre 2014.
Par jugement du 22 janvier 2020 rendue en formation de départage, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
– dit que la demande au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite
– condamné la société Vertone à payer à madame [X] les sommes suivantes :
50.670 euro à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
68.792,26 euros au titre des heures supplémentaires
6.879,22 euros au titre des congés payés afférents
10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des durées légales de repos quotidien
1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La société Vertone a interjeté appel de cette décision le 11 février 2020.
Par conclusions récapitulatives du 7 septembre 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté madame [X] de ses demandes au titre de la discrimination, de l’indemnité spécifique en cas d’accident du travail, et de l’irrégularité de la procédure. Elle sollicite l’infirmation pour le surplus, le débouté de toutes les demandes, et la condamnation de madame [X] au paiement d’une somme de 20.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’une somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 23 août 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [X] demande à la cour de confirmer le jugement sur le rappel d’heures supplémentaires, les dommages et intérêts pour non respect du repos quotidien, et l’indemnité de procédure, de l’infirmer pour le surplus, et de condamner la société Vertone à lui payer les sommes suivantes :
67.560 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
subsidiairement 5.630 euros pour procédure de licenciement irrégulière
16.890 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
1.689 euros au titre des congés payés afférents
7.195 euros à titre d’indemnité spécifique de licenciement
33.780 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination
33.780 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
– Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Convention de forfait jour
La mise en place d’une convention de forfait jour, même en présence de dispositions conventionnelles le permettant, suppose la signature d’une convention individuelle.
En l’espèce, les avenants prévoyant la mise en place d’un forfait jour ne sont pas signées par la salariée.
L’employeur expose que cette aménagement était prévu pour tous les manager, et qu’il était donc applicable depuis 2010 à madame [X], à laquelle un avenant a été adressé qu’elle n’a jamais retourné ; qu’elle n’a jamais contesté que ce régime lui était applicable.
Toutefois, la cour constate comme le premier jour que le forfait jour n’a fait l’objet d’aucun contrat écrit, qu’aucune des pièces produites par l’employeur ne permet de retenir qu’il aurait fait l’objet d’une acceptation expresse, de sorte qu’il ne peut recevoir application, et que les heures supplémentaires doivent être rémunérées.
Heures supplémentaires
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, madame [X] verse aux débats le tableau d’enregistrement de son temps de travail pour l’ensemble de la période non prescrite, soit du 20 juin 2011 à son arrêt de travail le 17 janvier 2014. Elle produit également un récapitulatif incluant le montant de son salaire de base et les majorations légales.
Il s’agit d’éléments précis, qui permettent à l’employeur de présenter des éléments de réponse.
En réponse la société Vertone fait valoir que madame [X] bénéficiait d’une grande autonomie dans son travail comme tous les consultants et managers ; qu’en particulier il n’y avait aucune obligation de présence dans l’entreprise, le lien avec l’équipe et la hiérarchie se faisant le plus souvent par mail, téléphone ou visio-conférence ; que dans ces conditions, l’envoi du premier et du dernier mail de la journée ne peut définir la durée de la journée de travail, quand dans l’intervalle la salariée était libre de vaquer à ses obligations personnelles.
La cour constate qu’au vu du tableau produit, madame [X] avait une amplitude de travail assez importante. Pour autant, elle ne décompte chaque jour que trente minutes de pause, alors qu’elle ne conteste pas qu’elle était très souvent à son domicile et que l’amplitude de travail est en général de 10 heures. La cour considère que sur les 10 heures supplémentaires dont il est fait état en moyenne chaque semaine, trois, soit environ une demi heure par jour (en plus de celles mentionnées par la salariée), étaient en réalité consacrées à des temps de pause. Au regard des éléments dont elle dispose, la cour évalue donc à 48.000 euros le montant de sa créance salariale au titre des heures supplémentaires, outre 4.800 euros au titre des congés payés afférents.
Non respect des durées maximum de travail
Dans certains cas où elle a dû travailler en soirée sur un dossier, il a pu arriver que madame [X] travailler tard le soir, et reprenne le matin à 9 heures, dont moins de 11 heures plus tard. La cour relève que si ces horaires sont attestés par l’envoi de mails, pour autant il ne s’agit pas de sollicitations de l’employeur.
Même en prenant en compte les pauses que la cour a retenu, il arrivait également périodiquement que l’horaire hebdomadaire de 48 heures soit dépassé.
L’employeur n’a pas apporté une vigilance suffisante aux horaires réalisés par la salariée, et au respect des dispositions du code du travail à cet égard, ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts.
Toutefois, la somme allouée par le premier juge à hauteur de 10.000 euros apparaît excessive, et sera ramenée à 5.000 euros.
Demande d’indemnité pour travail dissimulé
Selon les dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé le fait, pour l’employeur, de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche prescrite par l’article L. 1221-10, à la délivrance de bulletins de paie prescrite par l’article L. 3243-2, et aux déclarations relatives aux salaires ou cotisations sociales.
L’article L 8223-1 stipule qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur en commettants les faits prévus à l’article 8221-5 précités a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, cette indemnité n’est due que sous réserve que soit établi le caractère intentionnel de cette dissimulation.
En l’espèce, cet élément intentionnel n’est nullement établi, dans un contexte où l’employeur considérait, à tort en l’absence de régularisation de l’avenant, que madame [X], comme tous les managers de la société, travaillait au forfait jour, où les horaires de travail étaient en partie réalisés à domicile, et où il n’y a eu aucune revendication à cet égard durant l’exécution du contrat de travail.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à ce chef de demande.
– Sur la demande au titre de la discrimination
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, madame [X] expose qu’elle a eu quatre congés de maternité entre 2005 et 2011, et que le fait d’être mère de famille a dégradé la relation de travail, et l’a empêchée d’accéder au poste de manager senior, malgré les avis favorables à cette évolution qui figuraient dans ses entretiens d’évaluation. Elle soutient également que son supérieur hiérarchique, qui s’est opposé à son avancement, a tenu sur Facebook des propos politiques exacerbés, utilisant notamment le terme de ‘working girl dépressive’.
Comme l’a justement retenu le premier juge, outre le fait que cette formulation est sortie de son contexte, et qu’il s’agit d’un texte reproduit dont le directeur concerné n’est pas l’auteur, il convient surtout de relever que l’employeur ne peut être comptable des propos politiques exacerbés tenus ou rapportés par l’un de ses salariés dans un contexte totalement extérieur à l’entreprise.
Madame [X] verse aux débats ses évaluations de 2012 et 2013, qui à chaque fois permettent d’envisager l’accession à un poste de senior manager, cette promotion n’ayant toutefois jamais été effective, quand dans le même temps six autres salariés qui avaient une moindre ancienneté ont bénéficié de cette promotion.
Elle présente ainsi des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de sa situation de famille, et du fait qu’elle était mère de quatre enfants.
En réponse, la société Vertone fait état de différentes statistiques générales sur la place des femmes dans l’entreprise.
Concernant madame [X], elle expose que nonobstant quatre congés de maternité en 2005, 2007, 2008 et 2011, elle a bénéficié d’augmentations régulières de sa rémunération (6,9% en janvier 2011, 7,6% en janvier 2012 et 3% en janvier 2013), et qu’elle a perçu chaque année des primes situées entre 7.000 et 12.000 euros. Elle produit les progressions de carrière et de salaire de plusieurs salariées ayant eu des congés de maternité pour démontrer l’absence de frein dans la carière et la rémunération au cours de ces périodes.
Elle produit également un courrier des délégués du personnel, en réponse à une demande de sa part, dans lesquelles ils indiquent n’avoir jamais constaté de discrimination vis à vis des femmes, que ce soit en termes de rémunération ou d’évolution dans les grades supérieurs, et n’avoir jamais remarqué de discriminations dans la rémunération ou l’évolution professionnelle vis à vis des mères. Ils ajoutent n’avoir jamais eu aucune demande ou alerte relative à un sentiment de discrimination quel qu’il soit.
Elle souligne que si madame [X] exprimait à chaque entretien d’évaluation sa volonté d’être promue au rang de senior manager, aucun engagement n’a jamais été pris en ce sens, et il ne ressort en effet d’aucun document émanant de l’employeur un quelconque engagement, notamment pas d’un engagement qui aurait été pris avant son congé de maternité et non tenu à son retour.
L’employeur justifie également par la fiche de carrière de nombreux salariés d’une grande variation dans les délais d’avancement. Ainsi monsieur [J] promu manager en 2012 n’a pas évolué en 2017 soit cinq ans plus tard, madame [G] (celibataire sans enfant) promue manager en 2011 a été promue sénior manager cinq ans plus tard en 2016, madame [M] (3 enfants), nommée manager en 2012 a été promue senior manager quatre années plus tard alors qu’elle était en congé de maternité.
Madame [X] de son côté avait été nommée manager en juillet 2010, de sorte qu’elle n’avait que trois ans et demi d’ancienneté lorsque son avancement lui a été refusé.
Enfin, l’employeur verse aux débats le compte rendu du Codir de janvier 2014, au cours duquel la situation des salariés a été examinée, et une note leur a été attribuée, de 1 à 3 (3 étant la moins bonne note) avec parfois un commentaire. En ce qui concerne [P] [X], il est noté : ‘Notée 3. Passage à senior manager ‘ 2ème semestre pas à la hauteur. Doit développer beaucoup plus de proactivité. Doit arriver à se staffer, même toute seule’. Les trois salariés qui ont bénéficié de l’avancement au grade de senior manager au cours de la même année étaient tous notés 1 ou 2.
Ces appréciations sont objectivement corroborées par les tableaux récapitulatifs de la production personnelle et de la production encadrée par manager, qui fait apparaître que madame avait des résultats très inférieurs à ceux de ces collègues, seuls ayant de moins bons résultats qu’elle des salariés qui n’avaient pas été présents durant toute la période. Le seul mail produit par la salariée aux termes duquel il lui était demandé de s’occuper du dossier du cousin d’un directeur ne peut expliquer la faiblesse de ces résultats
Ces résultats justifiaient objectivement que madame [X] n’ait pas obtenu la promotion à laquelle elle aspirait, à fortiori dans un contexte où elle n’avait que quatre ans et demi d’ancienneté comme manager quand d’autres attendent beaucoup plus longtemps leur avancement.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté madame [X] de ses demandes au titre de la discrimination.
– Sur le licenciement
– Sur le comportement fautif de l’employeur invoqué
Madame [X] fait valoir en premier lieu que son inaptitude serait la conséquence des fautes de son employeur, de sorte que le licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle soutient avoir fait l’objet de propos pernicieux sur le fait qu’elle était mère de famille, d’avoir vu sa carrière bloquée et d’avoir ainsi été déstabilisée, et d’avoir dû effectuer de nombreuses heures supplémentaires.
Elle ne produit aucune pièce relative aux propos dénigrants ou pernicieux qui lui auraient été tenus en raison de sa situation de mère de famille.
La cour n’a pas retenu de faute de l’employeur ou de discrimination en ce qui concerne l’évolution de carrière de madame [X].
En ce qui concerne les heures supplémentaires, dont la réalité a été retenue par la cour, il convient de relever que madame [X] n’établit pas le lien entre sa charge de travail et son inaptitude. La CPAM a par ailleurs de son côté écarté le caractère professionnel de la maladie.
Les sommes allouées correspondent à environ sept heures supplémentaires par semaine, soit en moyenne 42 heures de travail par semaine, ce qui ne peut être retenu comme un horaire de travail ayant entraîné une inaptitude professionnelle.
La cour ne retient donc pas que l’inaptitude de madame [X] ait une origine professionnelle.
– Sur le respect par l’employeur de son obligation de reclassement
Aux termes de l’article L 1226 – 2 du code du travail, lorsque le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur est tenu de lui proposer un emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’unes des tâches existantes dans l’entreprise et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation ou transformation de postes de travail. Il appartient à l’employeur d’établir qu’il a exécuté de bonne foi cette recherche de reclassement.
L’absence d’exécution de l’obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Madame [X] fait valoir que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, notamment en ce que le seul poste qui lui a été proposé ne correspondait pas aux préconisations du médecin du travail.
Il est constant que madame [X] a été déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise, ce qui ne dispense pas l’employeur de rechercher un reclassement.
La société Vertone a interrogé le médecin du travail sur un poste de reclassement de responsable Staffing et chantiers internes. Une partie des missions prévues devait se faire en présentiel, et le médecin du travail a répondu : ‘Le reclassement de madame [S] pourrait s’envisager en télétravail à temps complet. Après examen du poste en création, les points 3,5 et 6 me semblent incompatibles avec l’état de santé de la salariée’. Le poste 3 concernait le reporting.
La société Vertone a alors proposé un poste dont les missions 5 et 6 étaient retirées, qui s’exécutait en totalité en télétravail mais à mi-temps. Le reporting était maintenu, mais il n’était pas prévu de présence dans l’entreprise.
Madame [X] a refusé ce poste, ce qui était légitime de sa part compte tenu notamment de ce qu’il s’agissait d’un poste à mi temps, entraînant une diminution de moitié de sa rémunération.
Pour autant, il apparaît que cette proposition a été faite de bonne foi, au plus proche de ce que le médecin du travail préconisait, la dispense de reporting pouvant difficilement s’envisager dans le cadre de fonctions en télétravail. Il convient de relever qu’il s’agit d’une création de poste, ce qui atteste de recherches réelles de solutions.
Le premier juge a considéré que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement, dans la mesure où il ne produisait pas le livre d’entrée et de sortie du personnel.
Cette pièce est produite en cause d’appel et permet de constater que dans la période entourant le licenciement, aucun poste n’a été créé ou pourvu dans l’entreprise qui aurait permis le reclassement de madame [X].
– Sur le licenciement verbal de madame [X] invoqué
Madame [X] soutient qu’elle aurait fait l’objet d’un licenciement verbal car la veille de l’envoi de la lettre de licenciement, le directeur de la société, monsieur [Y], a laissé sur le répondeur téléphonique de son mari un message indiquant que compte tenu du licenciement, il était nécessaire qu’elle revende ses parts de la société.
La retranscription libre de ce message est produite, sans aucune forme de validation. Toutefois, il n’existe pas de contestations sur la véracité du message.
La cour relève que ce message, dont les termes sont particulièrement courtois et prévenants, mentionne seulement ‘Donc on est obligé de lancer une procédure de licenciement, comme tu le sais et tu l’as bien compris’. Il ne s’agit donc pas de l’annonce du licenciement mais de la procédure de licenciement, laquelle était déjà en cours depuis plusieurs semaines.
Madame [X] est donc mal fondée à se prévaloir d’un licenciement verbal.
– Sur la régularité de la procédure de licenciement
Aux termes de l’article L1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception (…). Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Le délai court à compter de la date prévue pour l’entretien préalable, peu important que la salariée y ait assisté ou non.
En l’espèce, l’entretien préalable devait se dérouler le 18 juin 2014, et la lettre de licenciement est datée du 20 juin 2014, l’employeur ne justifiant pas de ce que l’envoi aurait été plus tardif. Elle est donc intervenue deux jours plus tard, en contradiction avec les dispositions précitées.
Par application des dispositions de l’article 1235-2 du code du travail, madame [X] est donc fondée à obtenir une indemnité pour irrégularité de la procédure dont le montant sera fixé à 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté madame [X] de ses demandes au titre de la discrimination et de l’indemnité pour travail dissimulé, ainsi que sur la somme allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Vertone à payer à madame [X] les sommes suivantes :
48.000 euros au titre des heures supplémentaires
4.800 euros au titre des congés payés afférents
5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales relatives à la durée du travail
5.000 euros à titre d’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE madame [X] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE