Télétravail : 8 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01545

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Télétravail : 8 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01545
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8 juin 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/01545

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 08 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/01545 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FAEG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 21/01469, en date du 27 juin 2022,

APPELANTE :

Madame [O] [C]

née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 5], infirmière, domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Olivier BAUER de la SELEURL CABINET DE MAITRE OLIVIER BAUER, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

l’ ETAT FRANCAIS prise en la personne de M. l’agent judiciaire de l’ Etat, dont le siège social est sis Ministère de l’économie et des finances – Direction des affaires juridiques – [Adresse 3]

Représentée par Me Yann BENOIT de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE-ET- MOSELLE, dont le siège est [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

défaillante et n’ayant pas constitué avocat bien que la déclaration d’appel lui ait été régulièrement signifiée à personne morale par acte de Maître [X] [H], huissier de justice à [Localité 6], en date du 5 septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président chargé du rapport, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère

Madame Marie HIRIBARREN, conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d’appel de NANCY en date du 02 février 2023, en remplacement de Madame Nathalie ABEL, conseillère, régulièrement empêchée.

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Juin 2023, par Monsieur Ali ADJAL, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Le 17 janvier 2012, Mme [O] [C] a été victime, dans l’exercice de son travail d’infirmière ‘préleveuse’, d’un accident de la circulation mettant en cause un véhicule de la police nationale. Cet accident lui a causé une entorse cervicale avec déplacement des vertèbres C2, C3 et C4.

Le 21 mars 2014, Mme [C] a été licenciée pour inaptitude par son employeur, le laboratoire ‘Atoutbio’.

Le 30 juin 2015, une expertise a été ordonnée en référé, confiée au Dr [L] [R], et une provision de 10 000 euros a été allouée à Mme [C]. L’expert a déposé un rapport en date du 19 janvier 2017. Les conclusions de l’expertise réalisée sont les suivantes :

– date de consolidation fixée au 8 mars 2014,

– arrêt de travail du 17 janvier 2012 au 8 mars 2014,

– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II du 17 janvier 2012 au 31 mai 2012,

– déficit fonctionnel temporaire partiel de classe I du 1er juin 2012 au 8 mars 2014,

– taux d’AIPP : 8%,

– déclaration d’inaptitude de Mme [C] à son poste de travail d’infirmière préleveuse à domicile et licenciement de Mme [C] pour inaptitude le 21 mars 2014 en raison de l’impossibilité de la reclasser au sein du laboratoire dans lequel elle travaillait,

– souffrances endurées : 2/7,

– préjudice d’agrément : la victime, qui ne pratiquait pas d’activité sportive régulière avant l’accident, déclare avoir des difficultés pour jouer avec ses enfants,

– les soins médicaux après consolidation consistent en la prise d’antalgiques, d’anti- inflammatoires non stéroïdiens et de séances de kinésithérapie,

– il n’existe pas de soins odontologiques à prendre en charge au titre de l’accident du 17 janvier 2012.

Par acte d’huissier délivré le 9 mai 2017, Mme [C] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy l’État français pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’État pour obtenir réparation des préjudices qu’elle a subis.

Par jugement en date du 24 juin 2019, le tribunal de grande instance de Nancy a :

– constaté que l’État français pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’État est responsable des préjudices subis par Mme [C] du fait de l’accident de la circulation survenu le 17 janvier 2012,

Avant-dire droit,

– rejeté la demande de contre-expertise s’agissant de l’articulé dentaire,

Au fond,

– sursis à statuer dans l’attente de la mise en cause de la ou les caisses de sécurité sociale dont dépendait et/ou dépend Mme [C] depuis le jour de l’accident de la circulation dont elle a été victime le 17 janvier 2012,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservé les dépens.

Par acte d’huissier délivré le 15 juillet 2019, Mme [C] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy la caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe-et- Moselle (CPAM) de Meurthe-et-Moselle aux mêmes fins que celles mentionnées dans l’assignation du 9 mai 2017.

Les deux procédures ont été jointes.

La caisse primaire d’assurance maladie de Meurthe-et-Moselle n’a pas constitué avocat devant le tribunal.

Par jugement en date du 21 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– donné acte à Mme [C] de ce qu’elle a renoncé à sa demande de contre-expertise,

– condamné l’État français pris en la personne de l’agent judiciaire de l’État à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

– dépenses de santé actuelles : 307 euros,

– souffrances endurées : 2 500 euros,

– déficit fonctionnel temporaire partiel : 2 366,40 euros,

– frais divers : 13 289,48 euros,

desquelles il convient de déduire les indemnités provisionnelles déjà versées d’un montant total de 10 500 euros,

– rejeté les prétentions présentées par Mme [C] au titre du poste ‘dépenses de santé futures’ et au titre du poste ‘préjudice d’agrément’,

– sursis à statuer sur la liquidation du préjudice subi par Mme [C] au titre des postes ‘perte de gains professionnels futurs’, ‘incidence professionnelle’ et ‘déficit fonctionnel permanent’ jusqu’à production par Mme [C] de l’ensemble de ses avis d’imposition à compter de l’année 2011 jusqu’au jour où le tribunal statuera, d’un décompte actualisé au jour du jugement à venir des sommes versées par la CPAM de Meurthe-et-Moselle au titre de la rente accident du travail et jusqu’à ce qu’elle indique également au tribunal à quoi correspondent les sommes qu’elle a perçues référencées dans ses avis d’imposition sous la rubrique : BNC non prof., régime spécial, déclarés,

– réservé l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

– déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Meurthe-et-Moselle,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– ordonné la radiation de l’affaire du rang des affaires en cours,

– dit qu’elle pourra être rétablie par Mme [C] sur justification de la production des pièces et renseignements mentionnés ci-dessus.

Le 10 juin 2021, Mme [C] a sollicité le rétablissement au rôle de l’affaire. Puis, elle a demandé au tribunal de :

– condamner l’État français pris en la personne de l’Agent judiciaire de l’État à lui payer en réparation des préjudices subis du fait de l’accident de circulation du 17 janvier 2012 les sommes suivantes :

– 62 427 euros au titre de l’incidence professionnelle,

– 306 777 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs à parfaire au jour de la décision,

– 54 922,96 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

– condamner l’État français à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et les frais d’expertise judiciaire,

– déclarer le jugement commun à la CPAM de Meurthe et Moselle,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 27 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

– condamné l’État français pris en la personne de l’agent judiciaire de l’État à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

– pertes de gains professionnels futurs : 99 480,72 euros,

– incidence professionnelle : 15 000 euros,

– déficit fonctionnel permanent : 31 280 euros,

desquelles il conviendra de déduire les arrérages de la rente accident du travail qui lui a été attribuée, soit la somme de 75 636,84 euros,

– dit que ces sommes produiront intérêts à taux légal à compter du 27 juin 2022,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné l’État français pris en la personne de l’agent judiciaire de l’État à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’État français pris en la personne de l’agent judiciaire de l’État aux entiers dépens,

– déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Meurthe-et-Moselle,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration enregistrée le 7 juillet 2022, Mme [C] a interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions.

Par conclusions déposées le 6 février 2023, Mme [C] demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 27 Juin 2022,

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

– condamner l’Etat français pris en la personne de l’Agent Judiciaire du Trésor à verser au titre de l’indemnisation de ses préjudices les sommes suivantes :

– au titre de l’incidence professionnelle : 60 809,30 euros (à parfaire au jour de la liquidation),

– au titre des pertes de gains professionnelles futures : 323 072,23 euros (à parfaire au jour de la liquidation),

– au titre du déficit fonctionnel permanent : 54 148 euros (à parfaire au jour de la liquidation),

– juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle l’arrêt sera rendu,

– déclarer l’arrêt à venir commun à la CPAM de Meurthe-et-Moselle,

– condamner l’Etat français pris en la personne de l’Agent Judiciaire du Trésor à payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’Etat français, pris en la personne de l’Agent Judiciaire de l’Etat, n’a pas déposé de conclusions, bien qu’ayant régulièrement constitué avocat.

Mme [C] a fait signifier sa déclaration d’appel à la CPAM de Meurthe-et-Moselle par acte d’huissier de justice du 5 septembre 2022 (signification faite à personne morale), mais la CPAM n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la liquidation des préjudices

L’article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile dispose que la partie qui ne conclut pas ou qui se borne à demander la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

En l’espèce, l’agent judiciaire de l’Etat n’a pas conclu, bien qu’ayant constitué avocat. Il est donc réputé s’approprier le motifs du jugement frappé d’appel par Mme [C].

Le litige porte sur la liquidation des trois postes de préjudice suivants : pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent. Chacun de ces trois postes sera analysé successivement.

1°/ Les pertes de gains professionnels futurs :

Le poste des pertes de gains professionnels futurs vise à indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus postérieurement à la date de la consolidation et consécutivement à l’incapacité permanente (partielle ou totale) à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour celle-ci d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé.

L’expert judiciaire, le docteur [R], conclut son expertise en relevant que ‘suite à l’accident du 17 janvier 2012, Mme [C] a été jugée inapte à son activité professionnelle antérieure d’infirmière préleveuse à domicile. Elle a été licenciée le 21 mars 2014 sans possibilité de reclassement professionnel au sein de son laboratoire. Elle a dû changer d’activité professionnelle’.

Cette conclusion du docteur [R] a été développée dans sa réponse au dire du docteur [E] : ‘Je maintiens que les manifestations séquellaires présentées par Mme [C] sont incompatibles avec l’exercice de l’activité professionnelle antérieure d’infirmière préleveuse’.

Depuis la date de la consolidation, soit le 8 mars 2014, et suite à son licenciement du 21 mars 2014, Mme [C] justifie avoir exercé des emplois occasionnels : vente de produits Nutrimetics, contrats saisonniers d’infirmière au thermes de [Localité 8], CDD d’infirmière au centre hospitalier de l’Ouest Vosgien, préparatrice en pharmacie à l’hôpital du [7].

Elle sollicite l’indemnisation du différentiel entre les revenus qu’elle aurait perçus depuis mars 2014 jusqu’à ce jour si elle avait pu continuer son emploi d’infirmière préleveuse et les revenus qu’elle a effectivement perçus jusqu’à ce jour grâce à ces emplois occasionnels. Elle sollicite également, pour la période à venir, le paiement du différentiel entre les revenus que lui aurait procurés son emploi d’infirmière préleveuse jusqu’à l’âge de la retraite et les seuls revenus qu’au mieux elle pourra percevoir grâce à son emploi saisonnier d’infirmière aux thermes de [Localité 8].

Le tribunal a considéré que ‘à compter de novembre 2020, Mme [C] a montré qu’elle était à nouveau en capacité d’exercer un métier d’infirmière, certes pas d’infirmière préleveuse à domicile, mais la même profession qu’exercée antérieurement à l’accident de 2012 dans un poste différent. L’exercice de cette profession lui permettant d’obtenir des revenus annuels supérieurs à son revenu annuel de référence de 2011, il n’y a donc plus lieu d’indemniser la perte de gains futurs à compter de 2021″.

Toutefois, il convient de rappeler que la victime qui n’est plus en mesure, du fait de l’accident et depuis la date de consolidation de son état de santé, d’exercer une activité professionnelle dans les conditions antérieures ou de reprendre une activité similaire au même niveau salarial, subit une perte de gains professionnels futurs.

Or, en l’occurrence, si Mme [C] a, depuis la consolidation et son licenciement de mars 2014, exercé à plusieurs reprises un emploi d’infirmière, elle précise qu’elle n’a pu exercer cette profession que dans des conditions aménagées, compatibles avec son handicap, et donc différentes des conditions antérieures à son accident. Ainsi, pour son emploi d’infirmière au centre hospitalier de l’ouest vosgien, elle explique que ses missions étaient de faire du tracing Covid en télétravail ou de faire du dépistage ou de la surveillance après vaccination, ‘ce qui n’a rien à voir avec une activité habituelle d’infirmière en centre hospitalier’ ajoute-t-elle. En ce qui concerne son emploi saisonnier d’infirmière, qu’elle exerce chaque année de mars à novembre aux thermes de [Localité 8], elle produit une attestation de l’hydrothérapeute avec laquelle elle travaille, Mme [F] [T], qui témoigne en ces termes de l’aménagement de son poste :

‘Lors de mes saisons comme salariée des thermes de [Localité 8] en tant qu’hydrothérapeute, j’ai travaillé quotidiennement aux côtés de Mme [C], salariée comme infirmière. Je peux attester que son poste était aménagé de façon à ne pas intervenir à certains postes du fait de son incapacité à porter des charges et/ou faire des mouvements rapides et répétitifs comme :

– l’application d’argile et la désapplication d’argile, environ 5kg/personne,

– douche au jet, poids et force du jet avec mouvements répétitifs,

– les bains, surtout le nettoyage des baignoires qui nécessite de très amples mouvements.

En cas de manutention de patients, nous devions, moi et d’autres collaboratrices, remplacer Mme [C]’.

Au surplus, il y a lieu de relever que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées a, le 30 avril 2020, reconnu à Mme [C] le qualité de travailleur handicapé, pour la période du 30 avril 2020 au 29 avril 2030, ce qui démontre la persistance des troubles subis par elle dans l’exercice de son activité professionnelle.

Il en résulte que Mme [C] est bien fondée à se prévaloir de l’incapacité dans laquelle elle se trouve désormais d’exercer sa profession d’infirmière dans les conditions antérieures à son accident pour réclamer l’indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs jusqu’à l’âge supposé de sa retraite.

A cette fin, elle chiffre à 96 899,22 euros ses pertes de revenus enregistrées sur la période du 9 mars 2014 au 9 mars 2023, soit le revenu de référence (constitué de la projection de son salaire d’infirmière préleveuse sur cette période, soit 211 734 euros) diminué des salaires effectivement perçus pendant cette période (soit 114 834,78 euros). Ce calcul ne pourra qu’être adopté par la cour, sans qu’il y ait lieu à revalorisation (l’inflation a été faible sur la période considérée et les salaires, à poste constant, ont peu évolué).

Pour la période ultérieure, Mme [C] calcule sa perte de gains annuelle (son salaire d’infirmière préleveuse revalorisé diminué du salaire de son emploi saisonnier d’infirmière aux thermes de Vittel), soit 12 455,34 euros, et la capitalise jusqu’à l’âge de 67 ans suivant le barème Gazette du Palais à 0%.

S’il convient de reconnaître l’exactitude du calcul conduisant à retenir une perte annuelle de 12 455,34 euros, il apparaît nécessaire d’effectuer le calcul de capitalisation en retenant le barème ‘femmes taux -1″ de la Gazette du Palais 2022, soit un taux de 22,948 pour une personne de 43 ans (Mme [C] étant née le [Date naissance 2] 1980, elle a actuellement 43 ans) et pour un dernier arrérage à l’âge de 64 ans (date actuellement prévisible de l’âge de la retraite pour Mme [C]), soit : 12 455,34 euros x 22,948 = 285 825,14 euros.

Il y a lieu de déduire la rente accident du travail (arrérages et capital) perçue par Mme [C], soit au vu du décompte des débours définitifs de la CPAM, la somme de 75 636,84 euros.

Par conséquent, l’agent judiciaire de l’Etat sera condamné à payer à Mme [C] au titre des pertes de gains professionnels futurs la somme de : 96 899,22 + 285 825,14 – 75 636,84 = 307 087,52 euros.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

2°/ L’incidence professionnelle :

L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Mme [C] a dû abandonner la profession d’infirmière préleveuse qu’elle avait choisi d’embrasser et pour laquelle elle a été déclarée inapte suite à son accident, survenu quand elle avait 31 ans.

En outre, le taux d’AIPP de 8% retenu par l’expert interfère avec les conditions d’exercice de sa profession d’infirmière aux thermes de [Localité 8] en rendant cet exercice plus pénible, malgré les aménagements réalisés. Ainsi, Mme [F] [T], témoin déjà cité, atteste que malgré les aménagements du poste de Mme [C], elle a ‘souvent remarqué chez elle de nombreux problèmes de cervicales et de dorsales suivis de migraines’.

Cette perturbation de son projet professionnel et la pénibilité accrue des actes professionnels qu’elle peut encore effectuer constituent une incidence professionnelle indemnisable. Le tribunal a estimé le préjudice découlant de la seule perturbation du projet professionnel à la somme de 15 000 euros. Mais il convient de retenir également la pénibilité accrue.

Par conséquent, compte-tenu de l’ensemble de ces éléments et en considérant l’âge de Mme [C] (qui, au jour de la consolidation, avait encore une longue vie professionnelle devant elle), ce chef de préjudice sera liquidé à hauteur de 30 000 euros. Le jugement déféré sera également infirmé sur ce point.

3°/ Le déficit fonctionnel permanent :

Le déficit fonctionnel permanent correspond à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite, ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L’expert, le docteur [R], a retenu un taux d’AIPP de 8% qu’il motive en ces termes : ‘Les séquelles directement liées à l’accident du 17 janvier 2012 sont représentées par des douleurs cervicales invalidantes entraînant un retentissement psychologique certain dans le cadre d’un syndrome post-comotionnel des traumatisés cervicaux’.

Les termes ainsi employés par l’expert démontrent qu’il a bien pris en compte, outre l’atteinte à l’intégrité physique, le retentissement psychologique de ces souffrances et leurs conséquences dans la vie de Mme [C]. Dans la réponse au dire du docteur [E], il précise même qu’il a pris en compte un ‘retentissement psychologique important induit par le problème cervical’ de Mme [C]. Il n’y a donc pas lieu de majorer le taux de 8% au titre du déficit fonctionnel permanent.

Eu égard à ce taux de 8% et à l’âge de Mme [C] au jour de la consolidation, soit 33 ans, il convient de fixer la valeur du point à 2 035 euros et l’indemnisation de ce chef de préjudice à : 2 035 euros x 8 = 16 280 euros.

Toutefois, le tribunal a retenu à ce titre une indemnisation de 31 280 euros dont personne ne demande la diminution (seule Mme [C] a fait appel et elle demande la majoration de cette indemnité).

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu une somme de 31 280 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’appel interjeté par Mme [C] se révèle fondé sur plusieurs points. Par conséquent, l’agent judiciaire de l’Etat supportera les dépens de première instance mais aussi ceux d’appel et il est équitable qu’il soit condamné à payer à Mme [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (en sus de celle 3 000 de euros déjà allouée par le tribunal).

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré sur l’évaluation des postes ‘pertes de gains professionnels futurs’ et ‘incidence professionnelle’ et, statuant à nouveau sur ces deux points,

CONDAMNE l’Etat français représenté par l’agent judiciaire de l’Etat à payer à Mme [C] les sommes de :

– 307 087,52 € (trois cent sept mille quatre vingt sept euros et cinquante deux centimes) au titre des pertes de gains professionnels futurs, déduction faite des arrérages de la rente accident du travail et de son montant capitalisé versés par la CPAM,

– 30 000 € (trente mille euros) au titre de l’incidence professionnelle,

DIT que ces deux sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus et, y ajoutant,

CONDAMNE l’Etat français représenté par l’agent judiciaire de l’Etat à payer à Mme [C] la somme de 2 000 € (deux mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l’Etat français représenté par l’agent judiciaire de l’Etat aux dépens d’appel,

DECLARE cet arrêt commun à la CPAM de Meurthe-et-Moselle.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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