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8 juin 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/15404
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2023
N° 2023/
CM/FP-D
Rôle N° RG 19/15404 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7B2
[V] [X]
C/
Association L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE MARSEILLE
SCP BTSG2
Association L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE
Copie exécutoire délivrée
le :
08 JUIN 2023
à :
Me Loïc GIAUFFRET, avocat au barreau de NICE
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 05 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/01015.
APPELANT
Monsieur [V] [X]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/013600 du 22/11/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Loïc GIAUFFRET, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
La SCP BTSG2 ès qualités de Mandataire ad’hoc de la Société OXYLABO
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Association L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE MARSEILLE, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Association L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [X] (le salarié) a été embauché le 3 octobre 2016 par la société Oxylabo selon contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de directeur commercial. Il était par ailleurs actionnaire de la société à hauteur de 18,5% des parts sociales.
La société Oxylabo a pour activité, le commerce de gros de produits pharmaceutiques.
Par avenant du 1er décembre 2017, il est devenu directeur technique de la société.
Le 27 juillet 2018, la société Oxylabo a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Mâcon.
Le salarié a été licencié pour motif économique par le président de la société Oxylabo le 16 août 2018. Les documents de fin de contrat lui ont été remis dont un reçu pour solde de tout compte d’un montant de 7.270,09 euros.
Le 28 septembre 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigné la SCP BTSG² en qualité de mandataire liquidateur.
Le mandataire liquidateur a refusé d’inscrire la créance de M. [X] au passif de la société en lui déniant la qualité de salarié.
Le 20 novembre 2018, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir faire reconnaître qu’il était salarié de la société Oxylabo et de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Oxylabo les arriérés de salaire des mois de mars 2018 à août 2018 inclus, le solde de tout compte et les frais professionnels non versés pour un total de 35.612,69 euros, des dommages et intérêts pour résistance abusive (16.055,31 euros), les frais qu’il a engagés personnellement pour la défense de ses intérêts, une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (3000 euros).
La SCP BTSG² ès qualité de mandataire liquidateur de la société Oxylabo a sollicité le rejet de l’intégralité des demandes de M. [X].
L’Unedic délégation Ags-cgea de Chalon-sur-Saône a également réfuté la qualité de salarié de M. [X] et a sollicité le rejet des demandes de ce dernier. Elle a, subsidiairement, conclu au rejet des demandes de remboursement de frais professionnel, de dommages et intérêts pour résistance abusive, s’en remettant à justice sur les demandes de rappel de salaire et d’indemnité de licenciement et a rappelé les limites de sa garantie.
Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nice a :
débouté M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
condamné M. [X] à payer à la SCP BTSG² la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [X] aux entiers dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 4 octobre 2019, M. [X] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 20 septembre 2019, aux fins d’infirmation des chefs de jugement en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes, en ce qu’il l’a condamné à payer à la SCP BTSG² la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. Il a dirigé son appel contre la SCP BTSG² ès qualités de mandataire liquidateur de la société Oxylabo et contre l’AGS CGEA de Chalon-sur-Saône.
Par jugement du 2 septembre 2022, la procédure collective a été clôturée pour insuffisance d’actif.
La SCP BTSG² prise en la personne de Me [Z] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du président du tribunal de commerce de Mâcon le 4 octobre 2022.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 16 mars 2023, M. [X] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sur les chefs ci-dessus indiqués, et statuant à nouveau de :
dire et juger qu’il était salarié de la société Oxylabo durant la période d’octobre 2016 au mois d’août 2018 ;
fixer au passif de la société Oxylabo les sommes suivantes :
rappel de salaire du mois de mars 2018 à août 2018 30.148,37 euros,
indemnité de congés payés afférente au rappel de salaire 3.014,84 euros,
indemnité de licenciement non versée 2.146 euros,
frais professionnels non remboursés 303,48 euros ;
condamner la SCP BTSG² au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive à hauteur de 16.055,31 euros ;
fixer au passif de la société Oxylabo la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
déclarer le jugement opposable à l’Unédic délégation Ags-Cgea de Marseille dans les limites de ses garanties,
condamner la SCP BTSG² à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 14 mars 2023, la SCP BTSG² ès qualités de mandataire ad hoc de la société Oxylabo demande à la cour de :
rejetant toutes conclusions contraires,
à titre principal,
confirmant le jugement entrepris,
dire que Maître [Z] ès qualités de la société Oxylabo a, à bon droit, refusé de reconnaître la qualité de salarié de M. [X] au sein de la société Oxylabo ;
débouter M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
condamner M. [X] à lui régler la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la somme supplémentaire de 2500 euros en cause d’appel ;
à titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement frappé d’appel,
donner acte à Me [Z], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Oxylabo, de ce qu’il s’en rapporte à justice sur les demandes au titre du rappel de salaire du mois de mars à août 2018 et des congés payés afférents,
dire et juger que M. [X] devra justifier du bien fondé et du calcul de cette indemnité de licenciement sollicité à hauteur de 2146 euros ;
dire et juger que M. [X] devra justifier que les frais professionnels dont il sollicite le remboursement, sont en lien avec son exercice professionnel et étaient indispensables à l’exercice de sa profession ;
débouter M. [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
statuer ce que de droit sur les dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 7 octobre 2022, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône demande à la cour de :
à titre principal,
lui donner acte qu’elle s’en rapporte aux écritures du mandataire judiciaire contestant la qualité de salarié de M. [X] ;
subsidiairement, si la cour infirmait la décision entreprise et reconnaissait la qualité de salarié de M. [X],
lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice concernant la demande au titre des rappels de salaire de mars à août 2018, comprenant l’indemnité compensatrice de congés payés;
lui donner acte qu’elle s’en rapporte à justice concernant la demande au titre de l’indemnité de licenciement ;
débouter M. [X] de sa demande au titre du remboursement des frais professionnels;
dire et juger que la demande au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ne peut être dirigée à l’encontre de l’AGS ;
en tout état de cause,
dire et juger que la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’entre pas dans le cas de la garantie du CGEA ;
dire et juger qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances ;
dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évaluée le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
dire et juger que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de la garantie et que le CGEA ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253 ‘ 6 et L. 3253 ‘ 8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253 ‘ 15, L. 3253 ‘ 18, L. 3253 ‘ 19, L. 3253 ‘ 20, L. 3253 ‘ 21 et L. 3253 ‘ 17 et D. 3253 ‘ 5 du code du travail;
statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
L’Unedic délégation Ags-cgea de Marseille a constitué avocat mais n’a pas conclu.
La clôture des débats a été ordonnée le 20 mars 2023 et l’affaire a été évoquée à l’audience du
27 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’existence d’une relation de travail salarié
Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il lui a dénié la qualité de travailleur salarié, M. [X] fait valoir que sa qualité de salarié découle du contrat de travail à durée indéterminée qu’il a signé le 3 octobre 2016 pour exercer les fonctions de directeur commercial, de l’avenant du 1er mars 2017 pour prendre des fonctions de directeur technique, de sa rémunération conformément à des bulletins de paye établis chaque mois d’octobre 2016 à août 2018, de l’attestation du président de la société Oxylabo qui atteste qu’il était un simple salarié sous ses ordres hiérarchiques sans lien de parenté et qu’il ne disposait d’aucun pouvoir de signature sur les comptes bancaires, attestation corroborée par les banques, qui confirment qu’il ne bénéficiait d’aucun mandat sur les comptes bancaires, outre de la procédure de licenciement pour motif économique dont il a fait l’objet. Il estime que la position du conseil de prud’hommes comme la position adverse selon laquelle il aurait agi de concert avec Monsieur [B] afin de percevoir des salaires indus sans effectuer de travail, n’est pas démontrée par les éléments du dossier qui révèlent au contraire qu’il a effectué un travail effectif sous la subordination du président, le télétravail ne pouvant induire la fictivité de la relation de travail salariée et que le conseil de prud’hommes a inversé la charge de la preuve.
Il conteste toute collusion avec le président, précisant que le plan de redressement de la société Preceptel dont il était le président et l’intervention de l’AGS au bénéfice de Monsieur [B] alors salarié de sa société, n’a pas eu lieu en 2017 mais en 2007, soit 9 ans avant qu’il ne soit embauché et que l’AGS, encline à proférer des accusations de fraude, ne fait pas état de ce qu’il a remboursé la quasi-totalité des fonds qu’elle avait alors versés.
Le mandataire ad hoc conteste la qualité de salarié de M. [X], en faisant valoir que la production du contrat de travail et des bulletins de salaire n’est pas suffisante pour caractériser la qualité de salarié de M. [X] et que pour les personnes détenant des parts sociales, l’existence d’un contrat de travail est subordonnée à l’absence d’interdiction légale et à l’absence de disparition de la réalité de l’emploi salarié et du lien de subordination. Il estime ainsi que le caractère fictif du contrat de travail est établi par :
– l’existence d’une forte communauté d’intérêts entre M. [X] et le président de la société, M. [B], depuis des années puisque celui-là était gérant de la société Preceptel de laquelle M. [B] était le salarié et que mise en redressement judiciaire en 2009, elle a été placée en liquidation judiciaire sur résolution du plan le 6 juillet 2016, à la suite de quoi M. [B] a bénéficié de la garantie de l’Ags pour une somme de 53 640 euros ;
– il n’a pas été possible de caractériser la réalisation d’une prestation de travail effective et les attestations de M. [B] sont remises en cause comme étant de complaisance et ne respectant pas les formes légales ;
– l’exercice du lien de subordination est contesté dès lors que M. [X] travaillait à son domicile situé à plusieurs centaines de kilomètres du siège social ;
– M. [X] n’a perçu aucun salaire depuis février 2018 et a sollicité des crédits à la consommation au lieu de saisir le conseil de prud’hommes en référé pour en obtenir le paiement;
– son silence et son inertie ont retardé le dépôt de bilan de la société, dont la date de cessation des paiements a été fixée au 1er avril 2018, permettant à la société de se ménager un surcroît de trésorerie ;
– il savait que le dépôt de bilan était inéluctable puisque le chiffre d’affaires de l’année 2016 était limité à 21.017 euros pour un résultat négatif de 93 euros ;
– le fait que la société Karisma représentée par M. [B], et présidente de la société Oxylabo au 20 décembre 2017 a cédé une action de la société Oxylabo à une selarl [T] [C] sis à [Localité 7] a été cédée et qu’elle a ensuite déclaré au passif de la procédure collective de la société Oxylabo une somme de 40.220,04 euros.
L’Ags conteste également la qualité de salarié de M. [X] au motif que :
– il est ami depuis longtemps du président de la société Oxylabo, qu’il avait comme salarié au sein de sa société Preceptel mise en liquidation judiciaire le 6 juillet 2016 et au bénéfice duquel l’Ags a été tenue à garantie des salaires et indemnités de rupture,
– ces deux personnes connaissaient bien le système d’indemnisation de l’Ags ;
– l’exercice d’un lien de subordination n’est pas certain au regard du passage de sa qualité de président à celle de salarié de son ancien salarié devenu président d’une nouvelle société,
– l’exercice d’un lien de subordination est mis à mal par le travail à domicile.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination, pour les fonctions supposant une large autonomie, voire une indépendance dan l’exercice de son art, le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.
En cas de litige, le juge ne s’attache pas à la dénomination du contrat mais à la situation de fait. En effet, l’existence de la relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
C’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence, mais en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.
Le contrat apparent résulte en principe d’un écrit mais peut aussi être constitué par la reconnaissance par l’employeur de ce que l’intéressé est son salarié (soc 18 décembre 2000 n°98-41178 B n°425- attestation que l’intéressé est son employé).
En l’occurrence, M. [X] qui était associé et détenteur de 18,53 % des parts sociales de la société Oxylabo, bénéficiait d’un contrat de travail écrit en qualité de directeur commercial à compter du 3 octobre 2016, modifié par avenant du 1er décembre 2017, lui conférant la qualité de directeur technique ayant pour mission principale : la gestion des aspects de recherche et de développement, la gestion des autres aspects techniques (gestion de la propriété industrielle, gestion du contrôle qualité des produits, participation à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise, le suivi des temps passés sur chaque projet R&D).
Il justifie de bulletins de salaire pour chacun des mois de la période d’emploi d’octobre 2016 à août 2018 et de ce qu’il ne disposait d’aucun mandat global sur les comptes de la société ouverts auprès de la Banque populaire Franche-Comté et de la Caisse d’épargne de Bourgogne Franche Comté. Il n’était titulaire d’aucun mandat social.
Ces éléments démontrent l’existence d’un contrat de travail apparent qu’il appartient alors au mandataire ad hoc et à l’Ags de combattre en démontrant le caractère fictif.
Il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreux courriels versés aux débats que :
– M. [X] avait accompli un travail régulier dans la traduction des notices et manuels d’utilisation des divers produits et matériaux dentaires distribués par la société, dans la supervision de la confection et de l’actualisation du catalogue tarifaire des produits distribués, dans la révision des budgets de l’entreprise ; il se déplaçait à [Localité 6] au siège social et s’était rendu aux salons professionnels de [Localité 8] et de [Localité 4] ;
– il recevait des directives régulières du président pour rendre compte de son activité, à savoir des dossiers en cours et des prévisions de vente, qu’il lui était demandé de réviser certains projets de contrat par le président, avant validation de ce dernier, caractérisant l’exercice d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution, inhérent au lien de subordination.
Effectivement M. [X] et son président M. [B] avaient entretenu des liens professionnels auparavant puisque M. [B] avait été salarié de la société Preceptel dirigée par M. [X]. Toutefois, cette société avait été placée en redressement judiciaire le 16 juillet 2007 et un plan de redressement avait été adopté le 5 janvier 2009. Si le plan de redressement judiciaire a été résolu et que la société a été placée en liquidation judiciaire le 19 juillet 2016, M. [B] avait été licencié pour motif économique le 8 octobre 2007 et la garantie de l’Ags avait alors été actionnée par le mandataire judiciaire pendant la période d’observation, de l’ordre de dix ans avant les faits litigieux, étant précisé que M. [B] avait été par la suite salarié de la société l’Arche, en qualité de directeur technique, du 1er janvier 2012 au 14 novembre 2013. La société Preceptel avait en outre remboursé des sommes à l’Ags dans le cadre du plan de redressement.
Ces liens professionnels, antérieurs de l’ordre de huit années à la constitution de la société Oxylabo, immatriculée le 20 février 2015 alors que M. [X] avait été engagé le 3 octobre 2016, soit plus d’un an et demi après cette immatriculation, et trois mois après la liquidation judiciaire de la société Preceptel outre la connaissance par ces personnes du mécanisme de garantie salariale de l’Ags, sont insuffisants pour établir l’existence d’un contrat de travail fictif, conclu dans le but de faire bénéficier à M. [X] du mécanisme de garantie de l’Ags, ce d’autant que ce dernier avait réclamé à plusieurs reprises le paiement de ses salaires à son employeur depuis le premier salaire impayé de mars 2018, même s’il n’en avait pas saisi le juge des référés et que les nombreux courriels versés aux débats démontrent la preuve d’un lien de subordination.
M. [X] avait donc la qualité de salarié et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il lui a dénié cette qualité.
Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail
1- Sur la demande de rappel de salaire et les congés payés afférents
Le salarié sollicite une somme de 30.148,37 euros au titre des salaires de mars à août 2018.
Le mandataire ad hoc et l’Ags s’en rapportent à justice sur le montant des salaires réclamés pour la période de mars à août 2018.
La société n’a plus payé les salaires à compter du mois de mars 2018, en sorte que les salaires lui sont dus de mars 2018 jusqu’à la rupture du contrat de travail le 16 août 2018. Toutefois, les décomptes du salarié y intègrent l’indemnité compensatrice de congés payés distincte des salaires impayés de mars à août 2018, sur laquelle il sollicite également une indemnité de congés payés. Le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés liée à la rupture du contrat de travail sera exclu des sommes dues au titre des salaires impayés;
La créance de M. [X] au passif de la procédure collective de la société Oxylabo sera donc fixée à la somme de 26.008,66 euros au titre des salaires de mars 2018 au 16 août 2018 outre la somme de 2.600,86 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de toute demande au titre du rappel de salaire et des congés payés afférents.
2- Sur les frais professionnels
Le salarié sollicite le paiement des frais professionnels dus pour une somme de 303,48 euros qu’il a exposés et desquels il n’a pas été remboursé.
Le mandataire ad hoc et l’Ags contestent la créance de frais professionnels en faisant valoir que le salarié ne démontre pas que les frais sollicités étaient indispensables à l’exercice de ses fonctions.
Il est de principe que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.
Ces frais professionnels qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle doivent lui être remboursés sans qu’il puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés et, d’autre part que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au mois égale au Smic.
Le contrat de travail stipule que seuls les frais professionnels indispensables à l’exercice des fonctions seront remboursés sur justificatifs, selon les modalités en vigueur dans l’entreprise.
A l’exception des frais de déplacement pour se rendre à [Localité 4] au salon dentaire le 26 2013 pour un montant de 108,99 euros, le salarié ne justifie pas que les frais dont il sollicite le remboursement étaient indispensables à l’exercice de ses fonctions. Il sera en conséquence fait droit à sa demande de remboursement de frais dans la limite de 108,99 euros qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Oxylabo. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce chef.
Sur la demande au titre de l’indemnité de licenciement
Le salarié soutient qu’il n’a pas été réglé de l’indemnité de licenciement d’un montant de 2.146 euros, précisée au solde de tout compte du 16 août 2018.
Le mandataire ad hoc conclut au rejet de cette demande en indiquant que M. [X] devra en justifier le bien fondé et son calcul.
L’Ags s’en rapporte à justice sur l’indemnité de licenciement figurant sur le dernier bulletin de salaire.
Selon les dispositions de l’article L.1234-9 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave à une indemnité de licenciement.
Le salarié qui a une ancienneté d’une année et 10 mois et dont la meilleure moyenne salariale est de 4691,36 euros a droit à une indemnité légale de licenciement dont le montant est de 2.150,2 euros calculée comme suit : (4.691,36 euros x 1/1) + ( 4.691,36 x 1/ x 1/10). Il sera donc fait droit à sa demande limitée à la somme de 2.146 euros, laquelle sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Oxylabo.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, en faisant valoir que le mandataire judiciaire de la société Oxylabo a sciemment fait obstacle à ses droits les plus élémentaires en refusant de lui reconnaître la qualité de salarié de l’entreprise alors même qu’il avait sollicité l’inscription de sa créance en qualité de salarié, que le président de la société Oxylabo avait attesté qu’il était bien salarié et que son avocat l’avait alerté de la situation, que ce comportement est habituel pour ce mandataire. Il ajoute qu’en refusant systématiquement toutes les demandes d’entretien avec lui, le mandataire liquidateur l’a volontairement empêché d’apporter tout justificatif prouvant sa bonne foi et sa qualité de salarié.
Il indique avoir subi un préjudice dès lors qu’il a été privé de ses salaires, des congés payés afférents, du remboursement de frais professionnels engagés, de l’indemnité légale de licenciement, du bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle et des indemnités de Pôle emploi, qu’il se retrouve dans une situation d’extrême précarité et qu’il a dû multiplier les crédits à la consommation pour pouvoir faire face à ses dépenses courantes.
Le mandataire ad hoc qui conclut au rejet de cette demande, soutient que M. [X] qui a accepté délibérément de ne percevoir aucun revenu pendant plusieurs mois, ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
L’Ags dénie toute garantie au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive et argue de ce qu’elle n’a reçu aucune demande d’avance de la part du mandataire judiciaire.
Il appartient à celui qui se prévaut de la résistance abusive de démontrer que le défaut de reconnaissance de la qualité de salarié a été effectué avec mauvaise foi ou dans l’intention de nuire.
En l’occurrence, la résistance du mandataire judiciaire à reconnaître la qualité de salarié de M. [X] ne présente pas de caractère abusif, dès lors que le comportement du salarié qui d’une part, n’avait pas saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de ses salaires avant son licenciement et la procédure collective et qui d’autre part, a contracté son premier crédit à la consommation 15 jours après le jugement de redressement judiciaire de la société, pouvait être de nature à induire l’existence d’une collusion avec le président, dont l’attestation, dactylographiée, ne présentait pas de valeur probante évidente au regard des liens professionnels anciens et que ce n’est que par la production en appel des nombreux courriels que le caractère les éléments avancés par le mandataire est apparu insuffisant pour établir la preuve d’un contrat fictif. Par ailleurs, le mandataire n’avait été destinataire de ces éléments.
Ce faisant, la mauvaise foi du mandataire judiciaire n’est pas établie et M. [X] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SCP BTSG² en qualité de mandataire ad hoc de la société Oxylabo succombant sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [X] aux dépens de première instance et il y sera ajouté concernant ceux de l’appel.
L’équité commande de faire bénéficier M. [X] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SCP BTSG² en qualité de mandataire ad hoc de la société Oxylabo à lui payer une indemnité de 2.500 euros à ce titre pour l’ensemble des deux instances.
Sur la garantie de l’AGS
Il convient de rappeler que l’AGS n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, qu’au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu’autant qu’il n’existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective et qu’elle ne garantit pas les montants alloués au titre l’article 700 du code de procédure civile.
Il y a également lieu de rappeler qu’en application de l’article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [X] de ses demandes en rappel de salaires, frais professionnels et solde de tout compte outre l’indemnité de congés payés afférente, de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné M. [X] aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Fixe la créance de M. [X] au passif de la procédure collective de la société Oxylabo aux sommes suivantes:
26.008,66 euros au titre des salaires de mars 2018 au 16 août 2018 outre la somme de 2.600,86 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,
108,99 euros à titre de remboursement de frais professionnels,
2.146 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
Rappelle que l’AGS n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, qu’au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu’autant qu’il n’existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective et qu’elle ne garantit pas les montants alloués au titre l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCP BTSG² en qualité de mandataire ad hoc de la société Oxylabo aux entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne la SCP BTSG² en qualité de mandataire ad hoc de la société Oxylabo à verser à M. [X] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la première instance et de l’appel ;
Condamne la SCP BTSG² en qualité de mandataire ad hoc de la société Oxylabo aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT