Télétravail : 7 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02306

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Télétravail : 7 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02306
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7 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02306

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUIN 2023

N° RG 21/02306 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-UUPP

AFFAIRE :

[O] [Y]

C/

Société SKIPLY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : E

N° RG : F 20/00085

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Claire SIRQUEL-BERNEZ

Me Marie GIRARD-MADOUX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [O] [Y]

née le 10 juillet 1986 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Claire SIRQUEL-BERNEZ, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 117

APPELANTE

****************

Société SKIPLY

N° SIRET : 810 794 966

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentant : Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CHAMBERY, vestiaire : 38

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [Y] a été engagée en qualité de commerciale grands comptes, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 21 octobre 2019, par la société Skiply.

La salariée effectuait sa mission en télétravail à partir de son domicile situé en région parisienne.

Cette société est spécialisée dans la programmation informatique. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale dite Syntec.

La salariée percevait une rémunération brute mensuelle de 5 833,34 euros, ainsi qu’une prime sur objectif pouvant aller jusqu’à 20 000 euros.

Le 20 février 2020, la période d’essai de la salariée a pris fin.

A partir du mois de mars 2020 et en raison de la crise sanitaire, la salariée a été placée en chômage partiel, d’abord à 100 % du 16 au 31 mars 2020, puis à 90 % du mois d’avril à la mi-juin 2020.

Par lettre du 15 juin 2020, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 25 juin 2020, avec une mise à pied à titre conservatoire.

Elle a été licenciée par lettre du 1er juillet 2020 pour faute grave dans les termes suivants :

« Vous êtes employée dans notre société depuis le 21 octobre 2019, en qualité de Commercial Grands Comptes, ce poste à responsabilité bénéficie du statut cadre.

Les relations contractuelles nous liant n’ont cessé de se dégrader, de votre fait, jusqu’à son apogée lors de la réunion du 11 juin 2020.

Avant cela, par courrier du 14 février 2020, soit 6 jours avant la fin de votre période d’essai initiale nous vous avons fait part de notre souhait de renouveler cette période d’essai, afin de mieux juger de votre adéquation à votre poste de travail.

Malgré nos différentes relances, vous avez sciemment attendu le 9 mars 2020, soit postérieurement à la fin de la période d’essai, pour nous retourner le courrier de renouvellement, portant sur la mention de votre accord.

Ainsi, vos man’uvres nous ont conduits à vous considérer comme étant en contrat à durée indéterminée, à compter du 21 février 2020.

Outre cela, nous avons dû à déplorer un comportement de défiance vis-à-vis de ma Société.

Vous avez, à de nombreuses reprises, utilisé votre téléphone personnel pour contacter les clients de l’entreprise, alors même que nous avons mis à votre disposition un téléphone professionnel, et pris en charge le forfait afférent.

Dernièrement, vous avez même indiqué votre numéro de téléphone personnel dans une offre faite à un client de l’entreprise. Cela a donc donné lieu à un rappel à la règle par mail du 21 avril 2020.

A l’inverse, vous utilisez l’ordinateur professionnel à des fins personnelles, et cela, en violation des dispositions de votre contrat de travail qui rappellent bien l’usage strictement professionnel des équipements mis à votre disposition.

Pire encore, notre système de sécurité informatique a détecté deux courriels de nature suspecte dont vous étiez l’expéditrice. En effet, les 5 et 11 juin 2020, vous avez transféré des fichiers professionnels issus de notre base de données ZOHO sur votre adresse mail personnelle.

Nous ne pouvons que constater les manquements répétés à vos obligations contractuelles les plus élémentaires et principalement votre obligation de loyauté et de secret professionnel dû à votre employeur.

Enfin, vous n’avez pas hésité à faire mention de votre statut « en recherche d’emploi » sur un réseau professionnel où vous représentez la Société SKIPLY auprès des clients alors même que vous étiez salariée de l’entreprise.

Cette attitude démontre expressément votre volonté de quitter la Société.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous avez sollicité la rupture conventionnelle de votre contrat de travail, lors d’un échange du 9 juin 2020, demande que j’ai acceptée.

Votre conseil a confirmé ces allégations dans son courriel du 18 juin 2020.

Or, je ne peux que contester la version des faits que vous tentez de présenter.

Je maintiens que vous avez sollicité la rupture conventionnelle de votre contrat de travail. Pour preuve cette demande a de nouveau été formulée par Monsieur [S] qui vous accompagnait lors de l’entretien préalable s’étant tenu le 25 juin 2020.

Vous comprendrez au vu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et compte tenu des man’uvres employées que nous ne pouvons répondre favorablement à cette demande.

Votre défiance lors d’une réunion commerciale du 11 juin 2020 pour laquelle vous participiez en visioconférence, du fait de votre situation de télétravail depuis votre domicile situé en région parisienne vous avez encore une fois fait preuve d’une attitude particulièrement désinvolte vis-à-vis de vos supérieurs hiérarchiques.

Vous passiez votre temps à échanger des SMS avec votre collègue de travail Madame [Z] et vous riiez à chaque message dans l’objectif, non dissimulé, de me déstabiliser.

Ne vous arrêtant pas à de telles man’uvres vous avez tenus des propos dénigrants à mon encontre. En ces termes sur votre téléphone portable :

« J’en peux plus de [M] car il raconte de la merde »

« Mais quel gros con ! »

Ces messages se reflétaient sur l’écran d’ordinateur et étaient parfaitement visibles.

Votre comportement a causé un préjudice important à l’entreprise.

En effet, elle a souffert par votre attitude d’un déficit d’image et de crédibilité auprès de ses clients.

Surtout vous avez insulté et dénigré ouvertement votre supérieur hiérarchique ce qui est parfaitement inacceptable.

Ainsi ces faits sont constitutifs d’une faute grave d’une gravité telle qu’elle rend impossible la poursuite de votre contrat de travail ainsi que votre maintien dans l’entreprise, même pendant le temps du préavis. »

Le 28 juillet 2020, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 14 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Rambouillet (section encadrement) a :

– condamné la société Skiply à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :

. 17 500,02 euros au titre de l’indemnité de préavis,

. 1 750 euros au titre des congés payés afférents,

. 2 961,09 euros au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

. 296,10 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 012,72 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

– condamné la société Skiply à verser à Mme [Y] :

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise des documents sociaux conformes au jugement,

– débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Skiply de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Skiply aux entiers dépens y compris les frais d’exécution éventuels.

Par déclaration adressée au greffe le 15 juillet 2021, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [Y] demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée dans l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à déclarer le licenciement dont elle a fait l’objet comme étant sans cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 5 833,34 euros,

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire pour un montant de 16 870,11 euros ainsi que les congés payés y afférents soit 1 697,01 euros,

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité pour travail dissimulé soit la somme de 35 000,04 euros,

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommage et intérêt au titre de l’irrégularité de la procédure soit la somme de 5 833,34 euros,

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile soit la somme de 2 500 euros,

et statuant à nouveau,

– dire que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la Société Skiply à lui verser les sommes suivantes :

. 5 833,34 euros (1 mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 16 870,11 euros à titre de rappel des salaires pendant chômage partiel et 1 687,01 euros au titre des congés payés y afférents,

. 35 000,04 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

. 5 833,34 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure, l’entretien préalable n’ayant pas évoqué tous les griefs énoncés dans la lettre de licenciement,

. 2 500 euros pour les frais exposés en première instance et 2 500 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société Skiply de son appel incident tendant à obtenir l’infirmation du jugement rendu le 14 juin 2021, ce qu’il l’a condamnée au versement des sommes suivantes :

. 17 500,02 euros à titre d’indemnité de préavis

. 1 750 euros à titre de congés payés sur préavis

. 2 961,09 euros au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents

. 1 012,72 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société Skiply de son appel incident tendant à obtenir l’infirmation du jugement rendu le 14 juin 2021, en ce qu’il l’a condamnée à lui remettre les documents sociaux conformes au jugement et en ce qu’il l’a condamnée aux entiers dépens,

– confirmer, le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il a condamné la société Skiply aux sommes suivantes :

. 17 500,02 euros à titre d’indemnité de préavis,

. 1 750 euros à titre de congés payés sur préavis,

. 2 961,09 euros au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents,

– 1 012,72 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– confirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 en ce qu’il a dit que ces sommes porteront intérêt à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– confirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 en ce qu’il a ordonné la délivrance des documents de fin de contrat conformes à la décision rendue,

– ordonner l’exécution provisoire sur l’ensemble des demandes chiffrées,

– ordonner la condamnation de l’employeur aux entier dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Skiply demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il :

. l’a condamnée à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :

* 17 500,02 euros au titre de l’indemnité de préavis,

* 1 750 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 961,09 euros au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

* 296,10 euros au titre des congés payé afférents,

* 1 012,72 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

. a dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

. l’a condamnée à verser à Mme [Y] :

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure ordonne la remise des documents sociaux conformes au jugement

. l’a déboutée de sa demande reconventionnelle et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. l’a condamnée aux entiers dépens y compris les frais d’exécution,

– confirmer le jugement rendu le 14 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Rambouillet en ce qu’il a :

. débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes,

en conséquence et statuant à nouveau sur le tout,

– dire et juger Mme [Y] mal-fondée pour l’ensemble de ses demandes,

à titre principal,

– dire et juger que le licenciement de Mme [Y] est fondé sur une faute grave,

à titre subsidiaire,

– dire et juger que le licenciement de Mme [Y] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

– constater que Mme [Y] ne produit aucun élément probant de nature à prouver qu’elle aurait travaillé durant les périodes de chômage partiel,

– débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes,

reconventionnellement,

– ordonner à Mme [Y] de communiquer les deux courriels et les pièces jointes adressés par Mme [Y] à la DIRECCTE dont il est fait état dans le courriel de la DIRECCTE du 17 juillet 2020 et ce sous astreinte de 100 euros par jours de retard dans les 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir,

– condamner Mme [Y] aux entiers dépens, ainsi qu’au versement d’une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la rupture

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d’une importance telle qu’ils rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l’employeur et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

En l’espèce, la société a fondé le licenciement pour faute grave de la salariée sur six griefs :

. le fait d’avoir tardé à retourner son acceptation de renouvellement de la période d’essai,

. le fait d’avoir utilisé son téléphone personnel au lieu de son téléphone professionnel,

. le fait d’avoir utilisé l’ordinateur professionnel à des fins personnelles et d’avoir transféré des fichiers professionnels issus d’une base de données de la société vers son adresse mail personnelle,

. le fait d’avoir fait mention de son statut de chercheur d’emploi, alors qu’elle était toujours salariée de la société, sur un réseau professionnel où elle représentait la société auprès des clients,

. son attitude de défiance vis à vis de la société,

. son attitude vis à vis de sa hiérarchie tantôt désinvolte, tantôt déstabilisante voire dénigrante et insultante lors d’une réunion du 11 juin 2020.

S’agissant du premier grief, le contrat de travail de la salariée, conclu le 21 octobre 2019 prévoyait en son article 2 une période d’essai de quatre mois expirant le 20 février 2020, laquelle pouvait être prolongée d’une période de même durée.

Le renouvellement de la période d’essai requiert l’accord exprès du salarié qui devait être sollicité et obtenu avant le terme de la période initiale, soit le 20 février 2020 au plus tard. Ce n’est que le 9 mars 2020 que la salariée a retourné, signé, le document qui portait prolongation de la période d’essai alors que ce document lui avait été communiqué le 14 février 2020.

La salariée soulève la prescription de ce grief.

En application de l’article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois et courant à compter du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés, à moins que ces faits aient donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Au cas d’espèce, le fait fautif reproché à la salariée consiste, pour elle, à avoir transmis son accord pour le renouvellement de la période d’essai postérieurement au 20 février 2020 ce qui a eu pour conséquence la fin de la période d’essai et donc, la poursuite de la relation de travail sans période d’essai. A cette date du 20 février 2020, l’employeur ne pouvait pas ignorer que la salariée ne lui avait pas retourné son accord pour le renouvellement. C’est donc au 20 février 2020 que l’employeur a eu connaissance du fait fautif. N’ayant engagé la procédure disciplinaire que le 15 juin 2020 soit plus de deux mois plus tard, ce fait fautif est prescrit.

S’agissant du deuxième grief, par des motifs pertinents que la cour adopte, l’utilisation du téléphone personnel de la salariée ne constitue pas en soi une faute, la société n’y ayant émis aucune opposition ni aucun rappel.

S’agissant du quatrième grief (que la cour étudie avant le troisième pour une meilleure compréhension), la société établit (pièce 21 ‘ procès-verbal de constat d’huissier du 10 juin 2020) que sur son profil Linkedin, la salariée s’est présentée, le 10 juin 2020 comme étant « à l’écoute des opportunités d’emploi » pour des fonctions de « key account manager » alors qu’elle était encore salariée de la société Skiply, laquelle n’a engagé la procédure de licenciement que cinq jours plus tard. Toutefois, il ressort des explications des parties ‘ et des pièces produites (cf. courriels échangés entre la salariée et M. [K] (directeur général de la société) les 9 et 10 juin 2020 en pièce 18 S ‘ que celles-ci étaient déjà à cette époque en pourparlers pour une rupture conventionnelle. En outre, ainsi que le relève la salariée, le fait qu’elle ait mentionné son statut de chercheur d’emploi n’est pas fautif car il n’outrepasse pas sa liberté d’expression, étant rappelé que sauf abus caractérisé par la tenue de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit de la liberté d’expression dans l’entreprise.

S’agissant du troisième grief, l’employeur établit par sa pièce 9 (copie d’écran de deux alertes sécurité du système informatique de la société) que les 5 et 11 juin 2020, la salariée a transféré, à partir de son adresse professionnelle ([Courriel 4]) des fichiers professionnels vers son adresse personnelle ([Courriel 6]).

De cette pièce il découle que la salariée s’est auto-adressée le 11 juin 2020 un courriel ayant pour objet « Mail a envoyer a nos contacts FM pour le webinar de la semaine prochaine » qui contenait une pièce jointe. Il résulte du procès-verbal de constat d’huissier du 30 mars 2021 (pièce 44 E pages 10 à 15) que la pièce jointe en question était un fichier excel nommé AdresseFM.xlsx contenant tous les clients de la société Skiply (au nombre de 121) et tous ses « prospects » (au nombre de 1899).

Ce transfert, réalisé alors que les parties étaient en pourparlers sur un départ négocié de la salariée, ne s’explique pas par des raisons objectives.

La salariée conteste dans ses écritures la réalité de ce transfert en indiquant que l’affirmation de la société « est une construction intellectuelle imaginée par le dirigeant de la société avec une certaine propension à l’exagération, voire à la paranoïa ». Toutefois, la cour, au vu des pièces 9 et 44 de l’employeur, a tenu pour établi le transfert litigieux.

Dans un deuxième temps, la salariée explique dans ses écritures qu’à supposer que ce transfert ait bien eu lieu, il ne s’agit en définitive que d’un courriel professionnel transféré sur sa messagerie personnelle qui ne peut, selon elle, constituer à lui seul un motif valable de rupture.

Toutefois, et de première part, il ne s’agit pas de n’importe quel « courriel professionnel » mais de tout le fichier client de la société et de ses « prospects ». Ainsi, les informations contenues dans ce fichier étaient particulièrement sensibles.

De deuxième part, compte tenu du caractère éminemment sensible de ce fichier, le fait pour la salariée de le transférer sur son adresse personnelle est non seulement inexplicable mais en outre fautif ainsi que l’ont retenu avec pertinence les premiers juges. Peu importe que la plainte déposée par la société ait été classée sans suite.

Ce grief, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les suivants, emporte à lui seul l’impossibilité de maintenir le contrat de travail. En effet, il importe de rappeler que le fichier transféré contenait des informations particulièrement sensibles puisqu’il s’agissait du fichier clients et « prospects » de la société. Il importe en outre de relever que ce transfert a eu lieu alors que les parties étaient en discussion sur une rupture conventionnelle. Cette circonstance suggère que ledit transfert était sinon malveillant du moins d’une importance telle qu’il rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.

Par voie d’infirmation, il conviendra de dire le licenciement justifié par une faute grave et de débouter la salariée de ses demandes subséquentes.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il déboute la salariée de sa demande relative à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de salaire pendant la crise sanitaire et la demande au titre du travail dissimulé

La salariée se fonde sur un communiqué du 30 mars 2020 du ministère du travail et sur les articles L. 5121-1 alinéa 6 et L. 8221-5 du code du travail. Elle expose avoir été placée en chômage partiel en raison de la crise sanitaire et qu’en dépit de cela, elle a continué à travailler, à la demande de son employeur, ce qui caractérise l’élément intentionnel du travail dissimulé.

En réplique, l’employeur conteste avoir demandé à la salariée de travailler plus qu’il ne devait pendant sa période de chômage partiel.

***

Sur le rappel de salaire

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

En l’espèce, il n’est pas contesté que la salariée a été placée en chômage partiel, d’abord à 100 % du 16 au 31 mars 2020 puis à 90 % du mois d’avril au 16 juin 2020 en raison de la crise sanitaire. Cette mesure a été prise dans le contexte du confinement lié à la pandémie du Covid19 décidé par les autorités publiques à compter du 17 mars 2020.

Or, l’article L. 5122-1 prescrit en son alinéa 6 que le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.

Dès lors, entre le 16 mars et le 31 mars 2020, la salariée n’était pas tenue de travailler. Du 1er avril au 16 juin 2020, elle n’était tenue de travailler qu’à 10 % de son temps de travail contractuel, étant rappelé que la salariée était soumise à une convention de forfait en jours (218 jours par an).

Il convient en conséquence de déterminer, préalablement à l’examen des éléments produits par les parties, ce que représentent 10 % de travail pour la salariée.

Sans expliquer son calcul, celle-ci évalue le temps de travail qu’elle devait réaliser entre le 1er

avril et le 16 juin 2020 à une demie journée par semaine.

Si elle avait été soumise aux 35 heures hebdomadaires, son temps de travail aurait été ramené à 3,5 heures par semaine ce qui revient pratiquement à une demie journée par semaine ainsi qu’elle l’évalue. Mais la salariée était soumise à un forfait annuel en jours (218 jours par an) en application de l’article 4 de son contrat de travail.

Or, elle ne remet pas en question son forfait annuel en jours.

Dès lors, il convient d’évaluer par un calcul prorata temporis le temps de travail que la salariée, travaillant à 10 %, aurait dû réaliser entre le 1er avril 2020 et le 16 juin 2020.

La période comprise entre le 1er avril et le 16 juin 2020 compte :

. 21 jours ouvrés en avril 2020,

. 18 jours ouvrés en mai 2020,

. 11 jours ouvrés entre le 1er et le 16 juin 2020,

. soit au total 50 jours ouvrés.

L’année 2020 comptait 253 jours ouvrés.

Il en résulte qu’entre le 1er avril et le 16 juin 2020, la salariée devait travailler 4,31 jours déterminés selon la formule suivante : ([218/253]x50)x10 %. Dès lors que la salariée était soumise à un forfait annuel en jours qu’elle ne conteste pas, ces 4,31 jours pouvaient être répartis comme la salariée l’entendait entre le 1er avril 2020 et le 16 juin 2020, cette période représentant environ 11 semaines.

Compte tenu de ces éléments, pour prétendre au paiement des sommes qu’elle réclame, la salariée doit :

. présenter des éléments suffisamment précis pour établir qu’elle a travaillé entre le 16 et le 31 mars 2020,

. présenter des éléments suffisamment précis pour établir qu’elle a travaillé au-delà de 4,31 jours entre le 1er avril 2020 et le 16 juin 2020.

La salariée présente, pour la période comprise entre le 16 et le 31 mars 2020, une vingtaine de courriels montrant qu’elle a travaillé durant cette période. La cour observe qu’aucun des courriels en question n’est adressé à M. [K] en copie.

Elle présente, pour la période comprise entre le 1er avril 2020 et le 16 juin 2020 environ quatre-vingts courriels montrant qu’elle a travaillé.

Pour les deux périodes, la salariée soumet à la cour :

. un rapport d’activité précisant le volume d’heures de réunions planifiées avec des clients 13 heures sur la période comprise entre le 16 et le 31 mars 2020, 22 heures au mois d’avril 2020, 11 heures au mois de mai 2020, 5 heures au mois de juin 2020) et un tableau récapitulatif des réunions (pièce 49 S) qui recense 12 heures sur la période comprise entre le 16 et le 31 mars 2020, 22 heures au mois d’avril 2020, 11 heures au mois de mai 2020, 5 heures au mois de juin 2020),

. son agenda professionnel rendant compte de ses activités professionnelles entre novembre 2019 et la fin de la période contractuelle, étant précisé que la semaine du 8 au 14 juin n’y apparaît pas,

. l’attestation de M. [U] qui n’a travaillé pour la société Skiply que du mois de janvier 2019 au mois de juillet 2019 et qui, à ce titre, est dépourvue de valeur probante,

. l’attestation de Mme [I] qui indique avoir été « abusée sur la déclaration des heures travaillées pendant la durée du chômage partiel, fait l’objet de menaces par avocats interposés lorsque j’ai souhaité faire valoir mes droits » ce qui est imprécis sur les heures de travail que la salariée aurait réalisées,

. un courriel de M. [K] adressé le 5 mai 2020 à trois salariés dont Mme [Y], demandant:

. ce qu’elle entendait entreprendre en mai en actions commerciales et d’évaluer le temps dont elle avait besoin pour le faire,

. d’analyser la situation actuelle et les débouchés futurs,

. d’évaluer les évolutions à venir pour les produits et services de la société.

. un courriel de M. [K] adressé le 22 avril 2020 à la salariée pour lui demander de lui transmettre ses contacts concernant plusieurs sociétés et la réponse de la salariée envoyée une heure plus tard,

. un courriel de M. [K] adressé le 21 avril 2020 à plusieurs salariés, dont Mme [Y], pour lui demander ce qu’elle pensait du recrutement d’un « ADV » et de proposer quel pourrait être son rôle, son rattachement dans l’équipe, ses outils et les connaissances requises (pièce 44 S),

. un plan d’action commercial pour mai 2020,

. un courriel de M. [K] adressé le 21 avril 2020 à plusieurs salariés, dont Mme [Y], pour lui définir le rôle de chacun, la salariée étant « commercial grand compte », « responsable de son secteur et de ses clients », devant « animer et informer l’équipe sur ses actions et sur son portefeuille » et devant « proposer et mettre en place un plan d’action sur son portefeuille » (pièce 46 S),

. un courriel de M. [K] adressé le lundi 18 mai 2020 à plusieurs salariés, dont Mme [Y], pour lui transmettre le « premier compte-rendu » « suite à notre première réunion » (pièce 47) et lui adresser une liste de questions à « préparer pour mercredi prochain »,

. plusieurs courriels de M. [K] adressés les 2, 3, 5, 9, 10 juin (pièces 55, 57, 58, 59 et 60 de la salariée) par lesquels il demande à la salariée de réaliser certaines tâches ou de répondre à certaines questions,

. plusieurs courriels internes ou externes datés du mois de mars 2020 (dont la majorité postérieurs au 16 mars ‘ pièce 63 de la salariée),

. une soixantaine de courriels internes ou externes datés du mois d’avril 2020 (pièce 68),

. l’attestation de M. [H], de la société Airbus, qui certifie avoir travaillé, notamment avec Mme [Y] entre le 27 mars 2020 et le 20 avril 2020 et avoir eu avec elle de « nombreux échanges d’emails ainsi que de fréquents appels téléphoniques (‘) tout au long de cette période (‘) » (pièce 73 de la salariée).

Les éléments présentés par la salariée, appréciés dans leur globalité, sont suffisamment précis quant au temps de travail qu’elle prétend avoir accompli afin de permettre l’instauration d’un débat contradictoire et à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

D’abord, l’employeur produit en pièce 27 un « récapitulatif mensuel des heures de travail effectif » entre les mois d’octobre, novembre et décembre 2019 puis janvier, février, avril et mai 2020.

Les « récapitulatifs mensuels » d’avril et mai 2020 sont signés par la salariée. Celui d’avril fait état de 3,5 heures de travail le mercredi de la semaine 10, et les lundis des semaines 11 à 14, ce qui, selon le récapitulatif afférent, représente 2,5 jours. Celui de mai fait état de 1,7 jours.

Il en résulte un total de 4,2 jours étant rappelé qu’entre le 1er avril et le 16 juin 2020, la salariée ne devait pas travailler plus 10 % soit pas plus de 4,31 jours.

Le récapitulatif des mois de mars et juin 2020 n’est pas produit par l’employeur. Pour ces mois là, les éléments considérés comme suffisamment précis par la cour accréditent l’idée selon laquelle la salariée a effectivement travaillé.

S’agissant du mois de mars 2020, même si, comme le fait observer à juste titre l’employeur, les courriels postérieurs au 16 mars 2020, mais antérieurs au 31 mars, n’ont demandé à la salariée que peu de travail, il demeure que celle-ci apporte aux débats des éléments suffisamment précis quant aux réunions auxquelles elle allègue avoir participé avec des clients.

Certes, l’employeur objecte que la salariée ne rapporte pas la preuve que ces réunions se sont bien tenues. Toutefois, d’une part, il n’incombe pas à la salariée de le prouver mais seulement d’apporter aux débats des éléments suffisamment précis pour permettre un débat contradictoire, ce qu’elle fait. D’autre part, il a été admis que la salariée apportait aux débats, sur la question des réunions, des éléments suffisamment précis dès lors qu’un tiers à l’entreprise ‘ en l’occurrence M. [H] salarié d’Airbus ‘ a confirmé qu’entre le 27 mars 2020 et le 20 avril 2020 il avait eu avec la salariée « de fréquents appels téléphoniques (‘) », ce qui, en période de confinement s’apparente à des réunions.

S’agissant du mois de juin 2020 l’employeur objecte à raison que les courriels de la salariée et le travail qui lui était demandé ne réclamaient de sa part qu’une faible activité, ce d’autant que, comme le montrent les éléments du dossier, l’activité économique de la société avait été considérablement affectée, à cette époque, par la crise sanitaire. Ceci est illustré, par exemple, par le courriel interne du 11 juin 2020 que l’employeur a adressé à ses salariés à propos de « rumeurs au sein de la société ». M. [K] y indique notamment que « aujourd’hui, l’absence de commande continue de nous préoccuper, l’équation économique étant à ce jour insoluble ». S’agissant des réunions de juin 2020 ‘ la salariée se prévaut de 5 heures de réunion ‘ mais elles n’apparaissent pas sur son agenda en pièce 15. Seules apparaissent :

. une formation le 2 juin de 9h00 à 10h00, étant précisé que sans être contesté sur ce point précis, l’employeur objecte que la salariée ne s’est pas connectée à la réunion de formation en question,

. un point commercial avec M. [K] le 3 juin de 9h00 à 10h00,

. « appeler [J] de WesternUnion » de 10h00 à 10h30.

Les débats ‘ en particulier sur la cause du licenciement ‘ font apparaître qu’une réunion s’est tenue le 11 juin 2020 en visioconférence sans pouvoir en déterminer la durée.

Les quelques courriels rédigés par la salariée entre le 1er juin 2020 et les réunions auxquelles la salariée a participé, par visioconférence avec sa hiérarchie ont représenté 0,5 jours de travail.

En synthèse de ce qui précède, il est établi que la salariée a accompli des heures de travail qui ne lui ont pas été rémunérées entre le 16 mars et le 31 mars 2020. Il est aussi établi que la salariée a travaillé plus de 4,31 jours entre le 1er avril et le 16 juin 2020.

Après appréciation des éléments de preuve produits, il convient d’évaluer l’importance de la rémunération non versée à la salariée pour cette période de crise sanitaire durant laquelle elle était placée en chômage partiel, à la somme de 1 184,86 euros.

Par conséquent, le jugement sera de ce chef infirmé et, statuant à nouveau, il conviendra de condamner l’employeur à payer à la salariée la somme de 1 184,86 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 118,49 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, compte tenu du faible rappel dû à la salariée sur une brève période, de ce que l’employeur n’a pas été avisé par la salariée des réunions qu’elle avait tenues pendant le début de cette période et qui ont déterminé la cour à lui accorder un rappel à ce titre, il n’est pas établi que l’employeur a intentionnellement voulu se soustraire à ses obligations déclaratives.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

La salariée reproche à l’employeur de ne pas avoir évoqué, lors de l’entretien préalable tous les griefs qu’il a retenus contre elle dans la lettre de licenciement.

En réplique, l’employeur objecte que le compte-rendu d’entretien préalable au licenciement est dépourvu de force probante dès lors qu’il n’a pas été signé par les deux parties.

***

L’article L. 1232-3 du code du travail dispose qu’au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

Si la lettre de licenciement fait état de faits qui n’ont pas été indiqués lors de l’entretien, ce grief peut néanmoins justifier un licenciement mais il révèle une irrégularité de forme (soc. 16 novembre 2005, n°03-46.655).

Par ailleurs, l’article L. 1235-2 dernier alinéa du code du travail, tel que modifié par ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017, dispose que lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles (‘) L. 1232-3 (‘) ait été observée (‘), mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l’espèce, il ressort du compte-rendu de l’entretien préalable établi par M. [S], conseiller de la salariée et présent lors de l’entretien, que seuls ont été abordés en entretien les problèmes liés au comportement de la salariée durant la réunion du 11 juin 2020.

L’employeur objecte que ce compte-rendu est dépourvu de valeur probante. Toutefois, c’est l’employeur qui est débiteur de l’obligation d’indiquer le motif de la sanction envisagée. Il lui revient donc de prouver qu’il a satisfait à son obligation. Son moyen tiré du défaut de valeur probante de cette pièce est donc inopérant.

L’employeur n’établit pas avoir indiqué à la salariée lors de l’entretien préalable le grief ensuite énoncé dans la lettre de licenciement et retenu par la cour comme justifiant la faute grave reprochée à la salariée.

Le vice de forme invoqué est donc caractérisé.

Il en est résulté, pour la salariée, un préjudice résultant du fait qu’elle n’a pu faire valoir ses arguments préalablement à la notification de son licenciement, qui sera réparé par une indemnité de 1 000 euros.

Le jugement sera de ce chef infirmé et, statuant à nouveau, l’employeur sera condamné au paiement de la somme ainsi arrêtée.

Sur la demande reconventionnelle

L’employeur demande à la cour d’ordonner à la salariée de communiquer les deux courriels et les pièces jointes qu’elle a adressées à la Direccte dont il est fait état dans le courriel de cette dernière du 17 juillet 2020 sous astreinte.

La salariée ne réplique pas.

***

Il ressort de l’article 954 alinéa 1er du code de procédure civile que les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée.

En l’espèce, l’employeur ne présente aucun moyen de droit au soutien de sa demande.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le jugement du conseil de prud’hommes qui a relevé qu’il ne lui appartenait pas de contraindre la salariée à communiquer les pièces litigieuses sous astreinte, sera confirmé.

Sur la remise des documents

Il conviendra de donner injonction à l’employeur de remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision.

Par voie d’infirmation, il convient de dire que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation pour les créances salariales.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l’employeur sera condamné aux dépens d’appel.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée une indemnité de 1 000 euros.

Il conviendra de condamner l’employeur à payer à la salariée une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il déboute Mme [Y] de sa demande au titre du travail dissimulé et de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il condamne la société Skiply à payer à Mme [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, et en ce qu’il déboute la société Skiply de ses demandes reconventionnelles ,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT le licenciement de Mme [Y] fondé sur une faute grave,

DÉBOUTE Mme [Y] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, et de l’indemnité de licenciement,

CONDAMNE la société Skiply à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :

– 1 184,86 euros à titre de rappel de salaire des mois de mars à juin 2020, outre celle de 118,49 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation pour les créances salariales,

DONNE injonction à la société Skiply de remettre à Mme [Y] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Skiply à payer à Mme [Y] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société Skiply aux dépens d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine MOURET, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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