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7 avril 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/16531
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 07 AVRIL 2023
N° 2023/135
Rôle N° RG 19/16531 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCJG
SARL EVOLIX
C/
[V] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
07 AVRIL 2023
à :
Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Isabelle LAVIGNAC, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00720.
APPELANTE
SARL EVOLIX prise en la personne de son représentant légal en exercice et domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Dikmen YOZGAT, avocat au barreau de LYON
INTIME
Monsieur [V] [N], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Isabelle LAVIGNAC, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [V] [N], co-fondateur avec Monsieur [C] le 2 février 2004, et associé minoritaire de la SARL EVOLIX, a été engagé par cette même société suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 novembre 2004, en qualité d’agent de programmation, coefficient 250.
Le 2 novembre 2016, Monsieur [N] a été sanctionné par un avertissement.
Par avenant au contrat de travail du 2 janvier 2017, Monsieur [N] a bénéficié du statut de cadre, coefficient 270 de la convention collective SYNTEC.
Par lettre du 2 janvier 2018, Monsieur [N] a été convoqué à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire.
Monsieur [N] a été placé en arrêt maladie le 15 janvier 2018.
Par lettre du 17 janvier 2018, Monsieur [N] a été licencié pour faute grave pour le motif suivant:
« Je vous rappelle que le 2 novembre 2016 vous avez reçu un avertissement pour insubordination après avoir quitté brusquement et sans motif recevable une réunion d’équipe à laquelle vous aviez été convoqué dans des délais raisonnables.
Nous avions alors attiré votre attention sur vos obligations de cadre salarié de l’entreprise à laquelle vous êtes lié par un lien de subordination qui vous impose de respecter les instructions qui vous sont données ainsi que sur la distinction que vous deviez faire entre vos statuts de salarié et d’associé.
Malheureusement vous n’avez rien retenu de cette sanction puisque nous avons découvert le 7 décembre dernier que vous aviez adressé à Mme [P], employée administrative, des messages dénigrants et diffamatoires à l’encontre du signataire de la présente, par la voie d’IRC notre outil de communication collaborative qui n’a pas bien évidemment cette vocation.
Pour couper court à toute vaine polémique, nous vous précisions avoir fait cette découverte à l’occasion d’une intervention de maintenance sur le poste de travail de Madame [P] qui nous avait, à cette occasion, communiqué son mot de passe.
Vous avez d’autant plus outrepassé votre liberté d’expression en multipliant les critiques à notre encontre en direction d’une employée sur laquelle vous avez autorité en votre qualité de cadre supérieur, que vos propos ont un caractère systématique (nous avons dénombré au moins 35 messages de ce type sur la période du 23 octobre au 7 décembre 2017), mensonger (vous faites passer Avencall pour un client, par exemple) et injurieux (« le repas evolix lol encore un truc très dictatorial » ).
Enfin votre temps de travail n’a pas à être utilisé pour ce genre d’activité.
Fussent-elles justifiées, vous auriez dû réserver vos critiques à nos réunions d’associés, voire à nos rencontres personnelles et elles n’auraient jamais dû être adressées à des membres du personnel, surtout dans la forme excessive utilisée.
Vous ne vous en êtes d’ailleurs pas privé dans le message que vous m’avez adressé le 8 décembre dernier ni dans celui consécutif à la remise de votre lettre de convocation à notre entretien vous notifiant votre mise à pied dont nous devions, bien sûr, aviser l’ensemble du personnel.
Après avoir découvert ces messages, compte tenu de votre ancienneté dans l’entreprise et de l’historique qui nous lie nous avons pris le temps d’enquêter en vérifiant leur portée sur sa destinataire et de comprendre pourquoi elle ne nous en avait pas avisé.
Elle nous a expliqué que, craignant votre réaction si elle nous informait de vos messages, elle a préféré garder le silence malgré le malaise qu’elle ressentait.
Nous ne prendrons pas de sanction à son encontre.
En revanche vous admettrez que notre relation de travail ne peut se poursuivre, même pendant la durée d’un préavis car vous avez gravement manqué non seulement à votre devoir de loyauté mais également à celui de confidentialité en révélant à Mme [P] des faits ou des situations qu’elle n’avait pas à connaître.
En conséquence nous vous licencions pour faute grave, ce qui vous prive de votre droit à l’exécution de votre contrat de travail et au paiement de votre salaire pendant la durée du préavis ainsi qu’au paiement de votre indemnité de licenciement.
Ce licenciement prendra effet à la date de première présentation de cette lettre recommandée ».
Le 5 avril 2018, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins de demander l’annulation de l’avertissement du 2 novembre 2016, de dire nul son licenciement et de condamner la SARL EVOLIX à lui payer des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour harcèlement moral, notamment.
Par jugement du 10 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– prononcé l’annulation de l’avertissement du 2 novembre 2016.
– dit et jugé que le licenciement est nul.
– condamné la société EVOLIX à payer les sommes suivantes :
* préavis : 22.777,02 € et congés afférents : 2.277 €.
* indemnité de licenciement : 26.573,19 €.
* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 68.331,06 €.
* dommages-intérêts pour harcèlement moral : 15.000 €.
* article 700 du code de procédure civile : 1.500 €.
– dit que le présent jugement bénéficiera de l’exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par l’article R.1454-28 du code du travail.
– condamné le défendeur aux entiers dépens.
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 7.592,34 €.
– débouté le demandeur de l’ensemble de ses autres demandes.
– débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle.
La SARL EVOLIX a interjeté appel par déclaration d’appel du 24 octobre 2019.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, elle demande à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive de documents de fin de contrat et pour préjudice distinct.
– infirmer le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a :
* prononcé l’annulation de l’avertissement du 2 novembre 2016.
* dit et jugé que le licenciement est nul.
* condamné la société EVOLIX à payer les sommes suivantes :
Préavis : 22.777,02 € et congés afférents : 2.277 €.
Indemnité de licenciement : 26.573,19 €.
Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 68.331,06 €.
Dommages-intérêts pour harcèlement moral : 15.000 €.
Article 700 du code de procédure civile : 1.500 €.
* condamné le défendeur aux entiers dépens.
* dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 7.592,34 €.
* débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– déclarer irrecevable la demande nouvelle de Monsieur [N] au titre du doublement de l’indemnité légale de licenciement par application des dispositions de l’article L.1226-14 du code du travail.
– débouter purement et simplement Monsieur [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre subsidiaire,
– fixer le salaire mensuel brut de référence de Monsieur [N] à la somme de 7.530,04 €.
– diminuer notablement la somme sollicitée au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et dire qu’elle ne pourra excéder six mois de salaire ainsi que le montant des autres chefs de préjudices sollicités.
– débouter Monsieur [N] pour le surplus de ses demandes.
En tout état de cause,
– condamner Monsieur [N] à payer la somme de 5.000 € à la société EVOLIX au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2020, Monsieur [N] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé le licenciement nul.
– à titre subsidiaire, dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la société EVOLIX à payer à Monsieur [N] les sommes suivantes :
* dommages-intérêts pour remise tardive de documents de fin de contrat : 1.000 €.
* préavis : 22.777,02 € brut.
* congés payés sur préavis : 2.277 € brut.
* indemnité spéciale de licenciement (article L.1226-14 du code du travail doublement de l’indemnité légale) : 2 X [(¿ * 7. 592,34 * 10) + ( 3*1/3 7.592,34)] = 53.146,38 € brut.
* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois de salaire) soit 136.662,12 € brut.
* dommages-intérêts pour préjudice distinct : 15.000 €.
* dommages-intérêts en réparation du préjudice subi des faits de harcèlement moral : 30.000€.
* article 700 du code de procédure civile : 10.000 €.
– condamner la société EVOLIX aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat
Monsieur [N] conclut que la SARL EVOLIX s’est abstenue délibérément de lui fournir les documents à destination de Pôle emploi, retardant ainsi son inscription auprès de cet organisme, et a fait de même s’agissant de la mutuelle et de la portabilité. Ainsi, la prise en charge des dépenses de santé de ses enfants a été retardée, alors qu’il était sans revenu du fait de sa mise à pied.
La SARL EVOLIX fait valoir qu’elle a bien respecté ses obligations et que Monsieur [N] ne justifie d’aucun préjudice.
*
Il ressort des mails des 13 et 14 mars 2018 de Monsieur [N] que celui-ci a sollicité auprès de la SARL EVOLIX plusieurs documents demandés par pôle emploi dans le traitement de sa demande d’inscription. Il ressort des mails de rappel des 19 et 26 mars 2018 de Monsieur [N] que celui-ci n’avait toujours pas reçu les documents sollicités.
Par ailleurs, il ressort du courrier de la compagnie ALLIANZ du 21 mars 2018 que celle-ci a refusé à Monsieur [N] le remboursement de soins au motif que le contrat a pris fin le 18 janvier 2018, ce dont s’est plaint Monsieur [N] auprès de son employeur, par mail du 26 mars 2018 en indiquant : ‘il semble qu’à ce jour la portabilité de la mutuelle d’entreprise Allianz n’ait pas été faite correctement’.
Les manquements de la SARL EVOLIX sont donc établis ainsi que les préjudices subis par Monsieur [N] qui seront indemnisés par la somme de 500 € de dommages-intérêts.
Sur la demande d’annulation de l’avertissement
En cas de contestation du bien-fondé d’une sanction disciplinaire, l’annulation est encourue si la sanction apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Il appartient à l’employeur de fournir les éléments qu’il a retenus pour prendre la sanction et au salarié de produire également les éléments qui viennent à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Par lettre du 2 novembre 2016, Monsieur [N] a été sanctionné par un avertissement ainsi rédigé :
‘Nous vous rappelons que votre contrat de travail crée entre vous et votre employeur un lien de subordination qui met à votre charge une obligation d’obéir aux instructions qui vous sont données et de respecter vos horaires de travail. Ni votre ancienneté ni votre qualité d’associé minoritaire ne vous en dispensent.
Or, depuis un certain temps nous constatons que vous vous affranchissez de vos obligations à l’égard de notre société en ne respectant pas les directives qui vous sont données. Nous avons considéré jusque-là qu’il s’agissait d’un épisode passager et nous supposions qu’avec le temps tout rentrerait dans l’ordre.
Nous sommes obligés de constater qu’il n’en est rien puisque le vendredi 28 octobre dernier, vous avez quitté inopinément à 17h15 la réunion de travail hebdomadaire se déroulant de 16h45 à 18h et rassemblant l’ensemble des salariés, puis vous avez quitté nos locaux à 17h30 sans prévenir au préalable et sans demander la moindre autorisation.
Il va de soi qu’un tel comportement, qui s’assimile à une insubordination, serait de nature, s’il se perpétuait, à remettre en cause votre permanence dans l’entreprise. Nous espérons qu’il n’en sera rien et que vous poursuivrez désormais la relation de travail dans des conditions normales. Cependant nous ne pouvons laisser passer votre manquement du 28 octobre sans réagir et nous vous notifions donc un avertissement’.
L’employeur, qui prétend que les réunions étaient programmées de façon hebdomadaire et, qu’entre septembre et novembre 2016, elles se sont tenues en fin d’après-midi en présence obligatoire de tous les salariés, produit les éléments :
– un ‘détail de messages internes’.
– le livret interne de la société mentionnant au § 2.5 : « Dans la mesure du possible, une réunion hebdomadaire avec l’ensemble des salariés et stagiaires est organisée. Cette réunion est l’occasion d’échanger d’un point de vue technique et surtout organisationnel sur les travaux en cours, mais également de donner des informations ou émettre des idées pour l’ensemble de l’équipe. La présence attentive de tout le monde est obligatoire ».
– le message de Monsieur [N] du 12 mars 2017 adressé à Monsieur [C] dans lequel il revient sur l’avertissement en indiquant : « J’ai en effet omis de te prévenir explicitement plus tôt pensant que tu regardais cet agenda en préparant la réunion et ne t’ai prévenu sur IRC qu’à 17h18 ».
– une ‘attestation’ dactylographiée (non-conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile) de Monsieur [S], salarié de la SARL EVOLIX, qui indique : ‘Notre organisation interne ne nécessite que très peu de moments de réunion. L’équipe « projet» fixe en début de semaine les grandes lignes du planning de l’équipe technique et une réunion de fin de semaine permet à tout le monde de revenir sur le travail accompli, les moments importants, les éventuels incidents techniques, les nouveaux projets … Cette réunion – appelée « EvoBilan» – est très importante pour la cohésion d’équipe et la circulation d’information. Au fil des années elle a pris des formes variées et nous améliorons la formule régulièrement. Sauf situation exceptionnelle elle est toujours organisée le vendredi après-midi et se termine avant l8h. Selon les périodes nous avons essayé différentes heures de début, jusqu’à essayer de la démarrer en tout début d’après-midi, mais l’activité de l’équipe technique et les demandes ou incidents de nos clients nous imposent d’avoir une heure de début variable, sans pouvoir le prévoir. Il est arrivé plusieurs fois que des personnes aient un empêchement personnel qui nécessite de quitter le bureau avant l8h. Dans les cas où cela a été discuté avec M [C] à l’avance ou au moins dans la journée avant la réunion, il n’y a pas eu de problème. Dans les cas où la réunion s’est prolongée après l8h, je ne me souviens d’aucun cas où un départ a été refusé ou sanctionné’.
– une ‘attestation’ dactylographiée (non-conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile) de Madame [J], salariée de la SARL EVOLIX, qui indique : ‘On y retrouve également le détail d’un des temps forts de la semaine qui est la réunion hebdomadaire (Evobilan). Elle se déroule dans la mesure du possible chaque vendredi après-midi en fin de journée (à partir de 16h30) et se poursuit jusqu’à 18h00. II n’est arrivé que très rarement que la réunion se poursuivre au-delà de 18h00, et dans ce cas de figure, chaque personne est libre de la quitter’.
Monsieur [N] conteste cette version des faits et soutient que le 28 octobre 2016, la réunion avait été programmée sur l’agenda à 14h30 et qu’il avait lui-même programmé un rendez-vous personnel à 17h30, inscrit sur l’agenda commun. Monsieur [N] soutient que Monsieur [C] a décalé la réunion en fin de journée sans prévenir alors que son indisponibilité et celle d’un autre salarié étaient mentionnées. Il conteste le fait que cette réunion est programmée de façon récurrente en fin de journée et soutient qu’il a prévenu de son indisponibilité à compter de 17h30 par la mention dans l’agenda inscrite le 26 octobre 2016 à 8h21. Il souligne que les extraits du ‘logs’ démontrent que les départs anticipés étaient fréquents et ne donnaient jamais lieu à des demandes écrites. Il prétend n’avoir transgressé aucune règle et, au contraire, avoir subi une sanction vexatoire et disproportionnée eu égard à sa position de direction effective dans la société et de fonction de cadre qu’il occupait réellement et qui lui a été reconnue a posteriori.
Monsieur [N] produit l’agenda commun pour la journée du 28 octobre 2016, l’attestation de Monsieur [I] qui indique que ‘la réunion du 28/10/2016 était comme à son habitude prévue en début d’après-midi mais comme souvent décalée en fin de journée pour finir après 18 H, les départs anticipés et Mr [N] et Mr [O] [R] n’ont pas perturbé la réunion’ et divers extraits de logs IRC sur channel global.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, si le détail des messages internes permet de déterminer que la réunion ‘Evobilan’ à commencé le 28 octobre 2016, à 16h41, Monsieur [N] produit l’agenda commun de la SARL EVOLIX du 28 octobre 2016 sur lequel l’heure de la réunion ‘Evobilan’ est fixée à 14h30.
Alors que ni Monsieur [S], ni Madame [J] n’évoque précisément la réunion du 28 octobre 2016, Monsieur [I] confirme que celle-ci était bien prévue en début d’après-midi et a été décalée en fin de journée.
Par ailleurs, l’agenda commun indique bien que Monsieur [N] avait inscrit, le 26 octobre 2016 à 8h21, la mention ‘Perso’ à l’heure 17h30 de sorte que son indisponibilité à compter de cette heure était connue dès le 26 octobre.
Enfin, les extraits de logs IRC sur channel global démontrent que les salariés prévenaient de leur absence à la réunion par simple message.
Alors que Monsieur [N] justifie avoir informé préalablement, dès le 26 octobre 2016 à 8h21, de son indisponibilité le 28 octobre suivant à compter de 17h30 et que la SARL EVOLIX ne justifie pas qu’une autorisation d’absence spécifique était nécessaire, le grief d’insubordination n’est pas caractérisé.
Compte tenu du fait que la SARL EVOLIX a bien modifié l’heure de la réunion tout en connaissant l’indisponibilité de Monsieur [N] mais également en considération du positionnement de Monsieur [N] au sein de la société – qu’il a créée, dont il est associé et dont il a été un temps le co-gérant – cet avertissement manifeste de la part de l’employeur une volonté particulièrement vexatoire à l’égard de son salarié.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a annulé l’avertissement du 2 novembre 2016.
Par contre, la cour n’est saisie que des prétentions formulées dans le dispositif des conclusions des parties. Monsieur [N] ne présente pas de demande de dommages-intérêts au titre de la nullité de l’avertissement dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n’est pas saisie d’une telle demande, formulée dans le corps des conclusions, qui par ailleurs n’a pas été accordée dans le jugement du conseil de prud’hommes dont Monsieur [N] demande la confirmation.
Sur la demande de nullité du licenciement
Monsieur [N] soutient que son licenciement est consécutif à un harcèlement moral et demande donc de dire que celui-ci est nul.
Il sera rappelé que le harcèlement moral par référence à l’article L 1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, l’article L 1154-1, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié présente des éléments de fait, appréciés dans leur ensemble, laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
A ce titre, Monsieur [N] présente les éléments de fait suivants : il a commencé à dénoncer les comportements de Monsieur [C] par un mail du 10 décembre 2015 qui relate les difficultés rencontrées, relève un changement d’attitude de Monsieur [C] à son égard et fait clairement référence à la volonté de ce dernier de le licencier, volonté confirmée par un autre mail du 11 janvier 2016.
Monsieur [N] invoque des humiliations publiques, brimades, mépris, dénigrement vis-à-vis des autres salariés et suppressions de tâches. Il ajoute avoir fait l’objet d’un avertissement abusif et vexatoire puis avoir été ‘mis au placard’ et avoir subi, au début de l’année 2017, une modification unilatérale de sa rémunération entraînant une diminution de plus de 10%. La régularisation de sa situation au sein de la société par la signature, le 2 janvier 2017, d’un avenant consacrant la réalité sa position de cadre n’a pas permis de mettre un terme au comportement et aux agissements répétés vexatoires de Monsieur [C] qui a continué à chercher à se ‘débarrasser’ de lui. Monsieur [C] avait un management brutal auprès d’autres salariés et se décrivait lui-même, sur les réseaux sociaux, comme étant un dictateur.
Les agissements de harcèlement moral répétés de la part de Monsieur [C] ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé, ce qui a justifié un arrêt de travail. Suite à son mail du 8 décembre 2017 dans lequel il dénonçait son isolement, la réponse de l’employeur a été sa convocation à un entretien préalable.
Le point d’orgue du harcèlement moral est la captation de ses conversations privées avec Madame [P] et qui a fondé le licenciement. Ces conversations ont été échangées via des messages privés sur un serveur IRC publique (Freenode) qui ne constitue pas le mode de communication mis à la disposition des salariés par l’employeur. Les salariés communiquent via le serveur appartenant à la SARL EVOLIX nommé PELE. Madame [P] a bien exprimé sa volonté d’échanger de façon privée et Monsieur [C] a trompé la confiance de la salariée en lui extorquant ses codes de connexion prétextant un problème de maintenance.
Monsieur [N] produit les éléments suivants :
– son mail du 10 décembre 2015 : (sic) ‘Si je résume notre déjeuner de Lundi, j’ai voulu te parler pour te dire que je n’appréciais pas ta façon de faire/communiquer depuis de nombreux mois (remarque: avec une modification forte de ton comportement disons depuis 1 an) et que je cherchais à comprendre la raison éventuellement cachée. (…) tu ignores mes demandes/relances (exemple récent: ton silence radio pendant 2 semaines en étant au Canada car me parler était en priorité 8/10 (je te cite) (…) Je te repose donc sérieusement la question: si ton objectif avoué ou caché est que je sorte d’Evolix car tu veux tout gérer seul propose moi concrètement des scénarios (car je ne serai jamais un simple salarié non cadre à Evolix [et tu le sais depuis le début [*lJ même si c’est le statut que j’ai accepté pour qu’Evolix prospère)’.
– son mail du 11 janvier 2016 : (sic) ‘on a néanmoins atteint en 2015 une limite pour que j’arrive à te demander sérieusement si ton objectif était que je quitte EVOLIX’Ma demande à la réponse claire à la question ton objectif est-il que je quitte EVOLIX ‘ le sous entendu étant que sans évolution de ta com/comportement la réponse comprise sera OUI’.
– son mail du 12 janvier 2016 : (sic) ‘Par exemple, il m’aurait semblé nécessaire (dans un but de cohésion) de me tenir au courant de l’évolution concernant le sujet oon suite à nos échanges le 16 au soir, même en vacances. D’autant que j’ai bien précisé notamment à toi les moyens de me joindre. Globalement il serait bien que même si je suis en congés tu tentes au moins de m’appeler pour des sujets importants car comme j’espère tu l’as vu, je suis resté comme à chaque fois connecté / en veille de tout bug’.
– son mail du 10 mars 2016 : (sic) ‘Pour le ticket lui-même, ce que je voulais signifier par “je veux bien assumer toutes les erreurs si ça fait plaisir à qqn.” est que je pense maladroit de m’avoir accusé “publiquement” d’une erreur expliquant le dysfonctionnement sur ce serveur … surtout sans prendre 3 secondes pour se remettre dans le contexte (âge de floortime, serveur pas dans nagios, etc).
Dans le même style, dire à haute voix “tu t’es ennuyé sébastien d’avoir rangé la salle de réunion et t’être préoccupé des stores’” me parait non constructif .
J’ai pris du temps HNO en majorité pour améliorer l’état intérieur du bureau (j ‘ai aussi mis à la benne des cartons divers qui restaient dans l’entrée, etc). Je compte d’ailleurs emmener cette fin de semaine ce qui doit être porté au verre’.
– l’avertissement du 2 novembre 2016.
– son mail du 2 janvier 2017 dans lequel il fait valoir que son ‘contrat de travail actuel n’est pas en phase avec la réalité’ et demande la reconnaissance de son statut de cadre ‘devenue nécessaire avec la tendance de ‘mise au placard des derniers mois’.
– son courrier du 17 février 2017 : ‘Je reçois mon relevé de compte bancaire qui fait apparaître un virement d’un montant de 5793,80 € correspondant au paiement de mon salaire du mois de janvier 2017.
Je n’ai toujours pas reçu à ce jour le bulletin de salaire correspondant.
Ce montant correspond à une rémunération brute de 7500 € et donc – comme vous me l’avez confirmé par (une modification unilatérale du mode de calcul de ma rémunération dont nous avons discuté ensemble, et que j’ai catégoriquement refusée) En effet, lors de nos discussions, nous avons évoqué les points suivants:
Nécessité, au regard de ma qualification et des fonctions occupées par mes soins au sein de la société, de passer à la catégorie « cadre ».
Evolution de ma rémunération
Je rappelle à cet égard, qu’en nos qualités respectives d’associés fondateurs de la société EVOLIX, nous avions d’un commun accord en 2009 opté pour une rémunération variable dans le seul intérêt de la société, se décomposant comme suit:
[F] [C] : 14% du bénéfice (lissé sur les 3 derniers mois)
[V] [N] : 11.5% du bénéfice (lissé sur les 3 derniers mois avec un minimum de 2000€)
Vous m’avez indiqué en janvier, que vous envisagiez de supprimer la partie variable de ma rémunération pour passer à une rémunération mensuelle fixe de 7500 € brut.
Je suis stupéfait – alors que je vous ai fait part de mon refus oralement et par mail, et qu’aucun avenant n’a été signé – que vous ayez malgré tout décidé de supprimer cette part variable qui correspond à mon investissement personnel, et fruit du travail accompli.
Je refuse cette modification qui à terme entraînera une nette diminution de ma rémunération sur l’année, et vous mets en demeure de régulariser la situation sans délai tant s’agissant du mode de calcul de ma rémunération, que de la régularisation de mon statut et qualification ‘.
– son mail du 7 mars 2017 : (sic) ‘Depuis plusieurs mois, il y a une très nette dégradation de mes conditions de travail et de nos relations au sein de la société, à mon détriment.
Depuis plusieurs mois, je constate que tu me supprimes des tâches importantes qui m’étaient confiées et me coupent toute autonomie.
Tu m’as notifié au mois de novembre un avertissement, au motif que j’aurais quitté une réunion 15 mn plus tôt que prévu, me rabaissant ainsi au plus bas des subalternes.
Cet avertissement, totalement injustifié, et particulièrement humiliant, doit être annulé sans délai. Tu souhaites me confiner à un strict rôle d’exécutant en ma qualité de salarié de la société. Dont acte. Pour autant, mes droits en qualité de salarié ne sauraient être bafoués.
Je veux pour preuve les exemples récents :
– exclusion de la partie communication voir marketing
– suppression unilatérale des accès administrateurs de la page Facebook EVOLIX
– véto sur des envois de newsletters vers client ayant pour conséquence l’absence de newsletters pendant plus d’un an et de gestion des réseaux sociaux sans concertation/uniformité avec mes actions
– exclusions de la partie commerciale/marketing sur EVOLIX CANADA
– refus de présence sur un événement commercial au CANADA
– suppression de présence unilatérale contre mon avis à une réunion physique annuelle avec client important.
De la même façon comme déjà évoqué à l’oral tu te permets à mon égard des actes de brimade et de mépris qui vont à l’encontre des intérêts d’EVOLIX’.
– la réponse de Monsieur [C] du 10 mars 2017 au courrier du 7 mars 2017 (abordant uniquement les points concernant l’avertissement, le statut de cadre et la rémunération) et son mail en réponse du 12 mars 2017 : ‘Ta réponse pour le moins laconique me consterne, et traduit le mépris total que tu as désormais tant de ma fonction, que de moi-même, et que tu affiches désormais délibérément au sein de la société.
J’ai bien compris que ta seule ambition, depuis de nombreuses années, était de diriger seul la société, et j’ai eu la faiblesse de penser qu’en abandonnant ma fonction de co-gérant puis en te permettant de devenir associé majoritaire, ton ego serait enfin satisfait, et que tu aurais pour seul dessein de te consacrer uniquement et pleinement au développement de la société dans laquelle je continue à oeuvrer pleinement, et suis totalement investi. II est hors de question que tu me réduises au rôle de subalterne sans personnes subordonnées, comme tu entends y procéder, et que tu m’enlèves tout un pan de mon activité. Le fait – dans le cadre de la remise à plat de mon contrat de travail – de ne faire aucun effort pour aboutir à un accord va à l’encontre de l’intérêt de la société (…)’.
– son mail du 8 décembre 2017 : (sic) ‘tu m’isoles en freinant/bloquant les interactions. Le 27 novembre, tu m’as annoncé de façon brute en introduction ta volonté désormais explicite de me faire partir de la société en me proposant même je cite « par la grande porte » via une rupture conventionnelle.
Je continue presque malgré les brimades presque quotidiennes, à développer le portefeuille client. En l’état je te somme de stopper tout dénigrement à mon égard que tu as commencé à réaliser auprès des salariés ou de tiers qui confère une image déplorable de notre société et risque d’avoir un effet dévastateur’.
– des pages de profils de Monsieur [C] sur des réseaux sociaux portant les indications suivantes : ‘A sein d’Evolix, j’ai le rôle de ‘gentil dictateur’ pour m’assurer que toute l’équipe exprime ses compétences et ses qualités’ ou ‘dictateur bienveillant chez Evolix’.
– des échanges entre Monsieur [N] et Madame [P] sur le serveur Freenode desquels il ressort que les termes de ‘message privé’ apparaissent quatre fois (‘si tu dis en message privé’, ‘il oblige à ce que tu sois identifiée pour parler en message privé’, ‘c’est privé” etc..).
– des avis d’arrêts de travail à compter du 15 février 2018 et une prescription médicale du 15 janvier 2018.
Monsieur [N] présente des éléments de fait qui, appréciés dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.
Il incombe donc à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La SARL EVOLIX fait valoir que :
– les accusations graves Monsieur [N] ne sont pas fondées, reposent uniquement sur ses propres ressentis et il se limite à citer ses propres mails ; Monsieur [N] est bien en peine à citer un quelconque mail de Monsieur [C] qui pourrait démontrer l’existence d’un comportement de type harcèlement moral ; nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;
– la série des mails produite par Monsieur [N] ne fait aucunement état d’une situation de harcèlement moral et les mails sont des échanges professionnels qui dénotent plutôt une certaine agressivité de la part de Monsieur [N] à l’encontre de Monsieur [C]; Monsieur [N] se fonde uniquement sur des décisions de Monsieur [C], non conformes à sa propre opinion, pour illustrer des faits de harcèlement alors que les mails font ressortir des débats et désaccords purement professionnels ; le seul argument de Monsieur [N] est de ne pas avoir reçu de réponses à ses mails alors que des réunions hebdomadaires étaient tenues entre Monsieur [C] et Monsieur [N] lors desquelles ces mails étaient systématiquement discutés ;
– il n’y a eu aucune « vexation de tous les instants » et Monsieur [N] fait une présentation très personnelle du ‘litige’ sur son salaire intervenu début 2017 puisqu’en réalité, dès la réunion du 4 janvier 2017, il a été prévu le changement de statut de Monsieur [N] en passant cadre avec un salaire fixe annuel de 90.000 euros, comme cela est confirmé dans le compte-rendu de réunion remis à Monsieur [N] qui était donc au courant de cette rémunération fixe ; Monsieur [N] se contente de faire croire qu’il aurait été lésé alors que c’est tout l’inverse puisqu’il a perçu un salaire multiplié par plus de six fois depuis son embauche ; Monsieur [N] est malvenu de se plaindre de sa situation salariale car, en 2017, son salaire est supérieur à ce qu’il aurait bénéficié si l’application des bénéfice de 11,5% avait été conservée ;
– l’ambiance de la société EVOLIX décrite par Monsieur [N] ne correspond pas à la réalité puisque des voyages facultatifs pour des salons professionnels ont été proposés aux salariés dont 80 % d’entre eux ont participé, une semaine de team-building est organisée tous les ans et emporte une adhésion massive de l’équipe et plus généralement la société EVOLIX propose de nombreux avantages innovants (séances de massage plusieurs fois par an durant le temps de travail, confort sur le lieu de travail : billard, machine à café gratuite et à volonté, livraison hebdomadaire de paniers de fruits, indemnités kilométriques vélo (IKV) pour six salariés qui viennent régulièrement à vélo, vélos d’entreprise à disposition, demi-journée offerte aux salariés le jour de leur anniversaire, télétravail pour les salariés qui le demandent etc…) ; Monsieur [N] omet volontairement de préciser qu’il a eu l’occasion de se rendre à [Localité 1] à l’occasion d’une conférence technique alors qu’il était investi d’une mission à vocation commerciale ; il a également participé à des activités festives organisées par la société (soirée billard, barbecue) ; la société EVOLIX n’a pas hésité à financer plusieurs heures de formation à Monsieur [N] ; la description faite par Monsieur [N] selon laquelle il existerait une tension considérable au sein de l’entreprise liée à des problèmes de communication entre Monsieur [C] et les salariés est erronée;
– Monsieur [C] conteste avoir tenu les propos « Tu t’es ennuyé [V] d’avoir rangé la salle de réunion et de t’être préoccupé des stores ‘ » ;
– il ressort du compte-rendu de la réunion du 10 avril 2016, qui s’est tenue lorsque Monsieur [C] était au CANADA, que des points généraux étaient abordés entre Monsieur [C] et Monsieur [N], permettant ainsi d’échanger sur les éventuelles difficultés ;
– l’accusation selon laquelle Monsieur [C] aurait souhaité l’évincer de la société est des plus étranges dans la mesure où Monsieur [C] est déjà associé majoritaire et n’a donc aucun intérêt à voir partir Monsieur [N] ; en réalité, Monsieur [N] confond son poste de salarié et ses fonctions d’associé et le moindre désaccord de la part de Monsieur [C] est perçu comme un affront et sert de fondement à une théorie purement complotiste.
– le débat sur les conversations entre Monsieur [N] et Madame [P] ne relève pas d’un harcèlement moral et est hors sujet quant au harcèlement moral invoqué par Monsieur [N] pour motiver sa demande de nullité du licenciement. La messagerie Freenode utilisée a été installée sur un ordinateur professionnel appartenant à la société et elle sert également de correspondance avec les clients et les salariés en permettant des conversations de groupe ou entre deux personnes. Le secret des correspondances invoqué par Monsieur [N] ne peut s’appliquer s’agissant d’échanges professionnels sur une messagerie professionnelle. Les fichiers n’ont pas été identifiés par Madame [P] comme étant personnels. Monsieur [C], voulant assurer la maintenance du système informatique, a demandé à Madame [P], employée administrative, le code d’accès à son poste de travail, sans résistance de sa part et sans manoeuvre déloyale.
– le seul certificat médical produit par Monsieur [N] est postérieur à l’entretien préalable au licenciement.
La SARL EVOLIX produit :
– un extrait du ‘CR EvoRéunion’ du 28 février 2017 qui indique ‘discussion à propos de ‘subject: suite repas de lundi’.
– un extrait du ‘CR EvoRéunion’ du 10 avril 2016 qui indique ‘point sur semaine au Québec- point sur semaine passée et suivante’.
– un document non daté et non signé, désigné dans le bordereau pièces comme étant le ‘compte rendu de la réunion du 4 janvier 2017″, dans lequel il est indiqué ‘passage de [V] avec un nouveau contrat en mode cadre + salaire fixe 90K’ ainsi qu’un graphique formalisant la progression du salaire de Monsieur [N] entre 2008 et 2015.
– diverses pièces (extraits de blogs, photographies, factures) attestant d’activités proposées par la société à ses salariés et une facture payée par la société au titre d’une formation suivie par Monsieur [N].
– diverses pièces concernant la situation de Monsieur [I] au sein de la société.
– une attestation de Monsieur [S] : « En somme, j’estime que le personnel d’EVOLIX bénéficie d’un cadre de travail qui encourage la confiance et la responsabilité, pour un travail serein et épanouissant. Le conflit qui oppose Monsieur [C] et Monsieur [N] ‘ pas plus que les conditions de départ de Monsieur [I] ou d’autres salariés ‘ ne reflète l’ambiance générale au sein d’EVOLIX ».
– une attestation de Madame [J] : « Mise à part cette période qui couvre le départ de M. [I] et de la situation délicate entre M [C] et M [N], il y a une ambiance bienveillante au sein d’EVOLIX, le métier pratiqué par les salariés est pour la plupart un métier lié à une passion commune autour de l’informatique et des logiciels libres ».
– une capture d’écran d’ordinateur sur laquelle apparaît le serveur Freenode sur la page d’accueil de la SARL EVOLIX, des échanges d’ordre professionnel entre des salariés via ce serveur, un listing informatique (pièce 33), le livret interne de la société qui mentionne ‘Messagerie privée. En cas d’absolue nécessité, un accès pourra être réalisé à la messagerie d’un employé EVOLIX, notamment lors de congés. Si des messages doivent rester privés, il est demandé de les déplacer dans une sous-boîte avec un nom explicite comme ‘privé’ ou ‘personnel’ ‘ , une attestation de Madame [P] qui indique ‘ne pas avoir donné mon accord pour que mes conversations par SMS avec Monsieur [N] soient utilisées dans le dossier en cours’.
*
Les nombreux mails produits par Monsieur [N] constituent assurément des éléments de faits qui, appréciés dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement à son encontre.
A l’exclusion du mail du 10 mars 2017, la SARL EVOLIX n’a répondu à formellement à aucun des mails adressés par Monsieur [N] pour en contester le contenu. Le mail de l’employeur du 10 mars 2017 ne répond pas sur les griefs précis énoncés par le salarié dans son mail du 7 mars 2017 relatifs à la dégradation de ses conditions de travail, à la suppression de tâches importantes et de son autonomie, à son exclusion de la ‘partie commerciale/marketing sur EVOLIX CANADA’, à sa mise à l’écart et ‘aux actes de brimade et de mépris’ dont il a été la victime, ces derniers étant caractérisés par l’avertissement infondé, dont la nullité a été prononcée, et par les paroles vexatoires prononcées devant les autres salariés et retranscrits dans le mail du 10 mars 2016.
Les éléments produits par la SARL EVOLIX ne permettent pas davantage d’établir que les sujets abordés dans les mails de Monsieur [N] étaient effectivement examinés lors des réunions entre les deux associés ou que ceux-ci échangeaient sur les ‘points généraux’ concernant la société.
De même, alors que Monsieur [N] percevait une rémunération variable de 11.5% du bénéfice, la SARL EVOLIX ne produit pas d’élément permettant d’établir que le salarié a consenti à la suppression de sa rémunération variable, la seule pièce versée, à savoir un extrait du ‘CR EvoRéunion’ du 28 février 2017 qui indique ‘discussion à propos de ‘subject : suite repas de lundi – passage de [V] avec un nouveau contrat en mode cadre + salaire fixe 90K’ ne rapporte pas cette preuve et au contraire la réponse de Monsieur [C] dans son mail du 10 mars 2017 (‘il n’y aura pas d’accord supplémentaire sur une partie variable’) démontre que la suppression d’une partie de la rémunération de Monsieur [N], dès janvier 2017, a bien été faite sans son accord.
Dès lors que Monsieur [N] conclut que ‘le licenciement est constitutif à des faits de harcèlement moral dénoncés depuis plusieurs mois à l’employeur puis réitérés par la captation de conversations privées entre Monsieur [N] et une autre salariée qui ont abouti au licenciement contesté’ et que ‘le licenciement prononcé sur la base de correspondances qui s’inscrit dans le droit fil de la politique de harcèlement menée à l’égard de Monsieur [N] est donc nul’, Monsieur [N] invoque également les faits de captation de conversations privées à l’appui de sa démonstration au titre du harcèlement moral.
Il ressort clairement des messages entre Monsieur [N] et Madame [P] (pièce 31) la volonté des protagonistes d’échanger des messages privés. Ainsi, les termes employés dans ces messages et à plusieurs reprises sont sans équivoque ( ‘messages privé’ répétés à plusieurs reprises) et le contenu même des messages établissent leur souci de vérifier que leurs échanges se déroulent bien dans un cadre personnel et privé. La simple lecture des messages suffit à les identifier comme étant des messages d’ordre personnel.
Par ailleurs, les éléments produits ne permettent pas d’établir l’assertion de la SARL EVOLIX d’une absence de manoeuvre déloyale de sa part pour d’obtenir de Madame [P] ses codes personnels d’accès à son ordinateur et à ses messageries.
Il en résulte que la SARL EVOLIX ne rapporte pas la preuve que les agissements dénoncés par Monsieur [N] ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ces agissements répétés ont pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, ont altéré sa santé physique et mentale, comme l’atteste l’arrêt de travail à compter du 15 février 2018, et ont compromis son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est établi.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu’il a eues pour Monsieur [N], le préjudice en résultant pour Monsieur [N] doit être réparé par l’allocation de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.
En application de l’article L.1152-3 du code du travail, le licenciement intervenu dans ce contexte, en lien direct avec le harcèlement moral, est nul.
Sur la base de l’attestation destinée à pôle emploi et les bulletins de salaire, le salaire le plus favorable pour le salarié est celui issu de la moyenne des 12 derniers mois, soit la somme de 7.530,04 €.
Il convient d’accorder à Monsieur [N] la somme de 22.590,12 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et celle de 2.259,01 € au titre des congés payés afférents.
Alors Monsieur [N] sollicite la somme de 53.146,38 € au titre de l’indemnité spéciale de licenciement de l’article L.1226-14 du code du travail, la SARL EVOLIX conclut d’une part à l’irrecevabilité de cette demande qui est nouvelle en cause d’appel et qui n’a été sollicitée que dans les conclusions n°2 signifiées le 18 novembre 2020 et de plus hors du délai de trois mois de l’appel incident et d’autre part à son rejet au fond puis l’article L.1226-14 du code du travail concerne uniquement le licenciement pour inaptitude professionnelle, ce qui n’est pas le cas de Monsieur [N].
En l’espèce, la demande nouvelle au titre de l’indemnité de licenciement tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges même si son fondement juridique est différent.
Par contre, aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent présenter, à peine d’irrecevabilité, leurs prétentions dans leurs premières conclusions. Néanmoins demeurent recevables les prétentions destinées à faire juger des questions nées postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. En l’espèce, Monsieur [N] présente sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement sur le fondement de l’article L.1226-14 du code du travail dans ses conclusions n°2 signifiées le 18 novembre 2020 alors qu’aucune question née postérieurement aux premières conclusions ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ne sont justifiées. La demande est donc irrecevable.
Il convient donc d’accorder à Monsieur [N] la somme de 26.355,14 € au titre de l’indemnité de licenciement.
En application des dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail, issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017 excluant le barème de l’article L.1235-3 en cas de licenciement nul pour des faits de harcèlement moral, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (36 ans), de son ancienneté (13 ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération (7.530,04 €), des circonstances de la rupture, de l’absence de justification de la perception d’allocations chômage, d’un nouvel emploi de Président de la société LIXOF à compter du 1er juillet 2018 moyennant un salaire brut moindre de 4.500 €, il sera accordé à Monsieur [N] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 65.000 €.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice distinct
Monsieur [N] invoque un préjudice moral résultant du caractère extrêmement brutal de la mise à pied prononcée, de l’humiliation qui lui a été infligée alors qu’il était associé co-fondateur de l’entreprise, de la privation de tout revenu durant une période de trois mois et des difficultés qui en sont découlées. Il précise qu’il a dû être arrêté dans le cadre d’un arrêt maladie et suivi par un médecin psychiatre.
Cependant, les préjudices invoqués par Monsieur [N] ont déjà été indemnisés dans le cadre des dommages-intérêts allouées au titre de la nullité de l’avertissement et de la nullité du licenciement qui ont pris en compte les circonstances dans lesquelles lesdites sanctions ont été rendues. Par ailleurs, Monsieur [N] ne justifie pas d’un suivi médical spécifique lié au difficultés professionnelles rencontrées avec son employeur, la SARL EVOLIX.
La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SARL EVOLIX à payer à Monsieur [N] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés en cause d’appel.
Les dépens d’appel seront à la charge de la SARL EVOLIX, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Déclare irrecevable la demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement de l’article L.1226-14 du code du travail,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et sauf quant aux montants des sommes allouées au titre du préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement nul et des dommages-intérêts pour harcèlement moral,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la SARL EVOLIX à payer à Monsieur [V] [N] les sommes de :
– 500 € au titre des dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat,
– 10.000 € au titre des dommages-intérêts pour harcèlement moral,
– 22.590,12 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.259,01 € au titre des congés payés afférents,
– 26.355,14 € au titre de l’indemnité de licenciement,
– 65.000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul,
Condamne la SARL EVOLIX aux dépens d’appel et à payer à Monsieur [V] [N] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction