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6 juin 2023
Cour d’appel de Besançon
RG n°
21/02265
ARRÊT N°
BUL/SMG
COUR D’APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 6 JUIN 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 25 avril 2023
N° de rôle : N° RG 21/02265 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EOVW
S/appel d’une décision
du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BESANCON
en date du 08 décembre 2021
Code affaire : 80J
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
APPELANTE
S.A.S. VERISURE, sise [Adresse 1]
représentée par Me Sandrine ARNAUD, Postulante, avocat au barreau de BESANCON absente et par Me Louis GAYON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, présent
INTIME
Monsieur [X] [J], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Thierry CHARDONNENS, avocat au barreau de BESANCON, absent et substitué par Me Charline CHOLLET, avocat au barreau de BESANCON, présente
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 25 Avril 2023 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats
en présence de Mme Wassila MOKHTATIF, Greffière stagiaire
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 6 Juin 2023 par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PROCEDURE
M. [X] [J] a été engagé par la société SECURITAS DIRECT, devenue VERISURE, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2019, en qualité de représentant commercial expert sécurité niveau 1, sous le statut VRP (Voyageurs, représentants ou placiers exclusifs), et y occupait en dernier lieu cette fonction, en qualité de chef d`équipe, en vertu d’un avenant du 1er janvier 2020.
Suite à une contravention pour excès de vitesse de 40 km/h au dessus de la vitesse autorisée, constatée le 17 octobre 2020, induisant une rétention administrative et une suspension de son permis de conduire d’une durée de 5 mois, M. [X] [J] a été invité par son employeur à cesser toute activité, sans évocation d’une mise à pied.
Par lettre du 29 octobre 2020, M. [X] [J] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 16 novembre 2020 et son licenciement lui a été notifié par lettre du 19 novembre 2020, le grief invoqué étant la privation de son permis de conduire, rendant impossible l’exercice au quotidien de son activité professionnelle.
Contestant son congédiement et estimant que la procédure de licenciement n’avait pas été respectée, M. [X] [J] a, par requête du 17 décembre 2020, saisi le conseil de prud’hommes de Besançon aux fins de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir l’indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 8 décembre 2021, ce conseil a :
– dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse
– fixé le salaire mensuel moyen à prendre en compte à 4 743,80 euros brut
– condamné la SAS VERISURE à régler à M. [X] [J] les sommes suivantes:
* 9 487,60 euros brut au titre de l’indemnité de préavis
* 948,76 euros brut au titre des congés payés afférents
* 105,70 euros brut à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement
* 9 487,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 4 743,80 euros à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
* 1 169,82 euros brut à titre de rappel de salaire
* 116,98 euros brut au titre des congés payés afférents
* 9 487,60 euros à titre de dommages-intérêts pour privation illégale d’un avantage en nature
* 2 000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– dit que la SAS VERISURE devra remettre à M. [X] [J] l’attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement
– débouté les parties du surplus de leurs demandes
– rappelé que l’exécution provisoire de droit s’appliquera sur les sommes de nature salariale et que, compte tenu des éléments produits, la moyenne des trois derniers mois de salaire à prendre en compte s’élève à 4 743,80 euros brut par mois
– condamné la SAS VERISURE à rembourser aux organismes concernés, en tant que de
besoin, les indemnités de chômage versées à M. [X] [J] du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de 6 mois
– condamné la SAS VERISURE aux entiers dépens
Par déclaration du 23 décembre 2021, la SAS VERISURE a relevé appel de cette décision et par derniers écrits du 14 février 2023, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
– débouter M. [X] [J] de l’intégralité de ses demandes
Subsidiairement, si la cour estimait le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– dire que ce dernier pourra prétendre tout au plus à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 3 646,13 euros
– le débouter de tout autre demande
Plus subsidiairement, si la cour estimait que le salarié a droit à une indemnisation au titre de son préavis non exécuté,
– dire qu’il a droit tout au plus à une indemnité compensatrice de préavis de 7 292,26 euros bruts outre les congés payés afférents
– le débouter de tout autre demande
En tout état de cause :
– condamner M. [X] [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens
Suivants ultimes écrits du 14 septembre 2022, M. [X] [J] demande à la cour de :
– débouter la SAS VERISURE de l’ensemble de ses demandes
– confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a limité le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner la SAS VERISURE à lui payer la somme de 28 462,80 € (6 mois de salaire) à ce titre
– la condamner en outre à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens d’appel
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
I – Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Selon les dispositions combinées des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il doit justifier d’une cause réelle et sérieuse et lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur, lesquels peuvent, après la notification, être précisés par l’employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié.
Le courrier de licenciement adressé à M. [X] [J] le 19 novembre 2020 est ainsi libellé :
‘Vous êtes engagé depuis le 1er février 2019 au sein de notre société et exercez actuellement les fonctions de Chef d’Equipe.
A ce titre, votre principale mission est le conseil, la vente et l ‘installation de nos produits et services de télésurveillance dans le respect des procédures applicables au sein de l’entreprise, ainsi que le suivi et l’accompagnement de votre équipe.
Ainsi, vous êtes au quotidien en contact avec les prospects et les clients de notre entreprise, et vous avez besoin de vous déplacer en permanence au domicile de ces personnes afin d ‘effectuer les ventes et d’assurer les installations.
L ‘utilisation d’un véhicule est donc indispensable pour exercer votre activité.
Le 28 octobre dernier, vous avez informé votre hiérarchie de la suspension de votre permis de conduire pour une durée de 5 mois suite a un excès de vitesse, en fournissant pour preuve le courrier de la préfecture de la Haute-Saône vous en informant.
Dans ces circonstances, nous constatons aujourd’hui que vous êtes dans l’impossibilité d’exercer au quotidien votre activité et donc de remplir vos obligations professionnelles, la détention d’un permis de conduire en cours de validité ne faisant l’objet d’aucune mesure de suspension étant une condition essentielle de votre contrat de travail.
La rupture de votre contrat de travail prend effet dès l ‘envoi de cette lettre, sans indemnité de préavis dès lors que vous êtes dans l ‘impossibilité de l’ exécuter.’
En l’espèce, la société VERISURE fait grief aux premiers juges d’avoir retenu que le fait reproché à son salarié avait fait l’objet d’une première sanction consistant en l’injonction de cesser toute activité et le retrait de son véhicule de fonction, laquelle devrait s’analyser en une mise à pied non conservatoire ayant valeur de sanction disciplinaire, de sorte que le licenciement prononcé pour le même fait serait dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Elle soutient au contraire que le licenciement prononcé repose sur un fait objectif consistant en l’impossibilité pour son commercial d’exercer ses fonctions de VRP chef d’équipe, par nature itinérantes, à défaut de permis de conduire et soutient qu’en lui interdisant de travailler et en lui reprenant son véhicule elle ne l’a pas sanctionné une première ni une seconde fois mais a simplement tiré les conséquences pratiques de ce fait objectif.
A l’effet de voir priver son licenciement de toute cause réelle et sérieuse en invoquant la règle ‘non bis in idem’, M. [X] [J] argue au contraire de ce que le fait qui lui est imputé (suspension temporaire de son permis de conduire) aurait fait l’objet de deux précédentes sanctions, savoir l’interdiction de travailler, qu’il analyse comme étant une mise à pied, et la reprise de son véhicule de fonction, qu’il estime être une sanction pécuniaire déguisée, dès lors qu’il s’agit d’un avantage en nature considéré comme un élément de rémunération.
Il ressort des pièces versées aux débats qu’aux termes de son contrat de M. [X] [J] disposait d’un véhicule de fonction. L’avenant du 1er janvier 2020, stipulait en outre :
‘Le salarié atteste être titulaire du permis de conduire de catégorie B et ne pas faire l’objet d’une mesure de suspension, de rétention ou d’annulation de son permis. Il s’engage à prévenir sans délai sa hiérarchie et la Direction des ressources humaines si une telle mesure devait le concerner. La société effectuera des contrôles de la détention du permis de conduire, de manière inopinée ou lors de campagnes nationales. Le droit de conduire un véhicule est considéré comme une condition déterminante du présent avenant, indispensable à l’accomplissement par le salarié de ses fonctions. La perte ou la suspension, définitive ou temporaire, du droit de conduire, pourra entraîner la rupture du présent avenant. En utilisant un véhicule pour l’exercice de son activité, le salarié s’engage au respect des règles légales en vigueur concernant la conduite, le stationnement et de façon générale les dispositions du code de la route’.
M. [X] [J], qui ne conteste pas la matérialité du fait imputé, ne pouvait donc ignorer que le fait d’être titulaire de son permis de conduire était une condition indispensable de l’exercice de ses fonctions, dont la perte était susceptible d’entraîner la rupture du contrat.
Il est avéré que par courriel du 28 octobre 2020, jour de l’information par le salarié à sa hiérarchie de la suspension de son permis de conduire, Mme [V] [Y], responsable des ressources humaines, indiquait à l’intéressé :
‘Tu nous as informés ce jour avoir fait l’objet d’une suspension de permis pour une durée de cinq mois.
La détention d’un permis de conduire original en cours de validité est une condition essentielle de ton contrat de travail. Tu ne peux donc plus travailler jusqu’à nouvel ordre. Par conséquent, je te rappelle que nous avons d’ores et déjà repris ton véhicule de fonction et que tu dois cesser toute activité et ce, à effet immédiat’.
Or, une telle information transmise au salarié a fortiori par la responsable des ressources humaines, ne saurait s’analyser en une mesure disciplinaire.
C’est pertinemment que l’appelante soutient à ce titre que la perte, même temporaire, du droit de conduire son véhicule de fonction pour un VRP conduit ipso facto celui-ci à ne plus pouvoir utiliser ledit véhicule et à ne plus être en mesure d’exercer les fonctions qui lui étaient assignées aux termes de son contrat de travail, lesquelles sont par essence même itinérantes.
Ainsi, en signifiant au salarié qu’il ne peut plus travailler jusqu’à nouvel ordre, du fait de la suspension de son permis de conduire, et qu’il doit donc cesser toute activité, l’employeur ne fait en réalité que rappeler les conséquences du fait objectif que constitue la perte du droit de conduire le véhicule de fonction.
En effet, face au constat que son VRP chef d’équipe se trouvait dans l’incapacité d’exécuter la prestation de travail inhérente à son contrat de travail, la société VERISURE pouvait sans qu’il lui soit fait le grief d’avoir sanctionné une première fois son salarié au moyen d’une mise à pied, suspendre le versement de son salaire, en l’absence de toute contrepartie de travail effectuée par celui-ci, de son propre fait et ce, y compris pendant la durée du préavis (Soc. 28 novembre 2018 n°17-15379, Soc.28 février 2018 n°17-11334).
Il en est de même de la suspension de l’avantage en nature, qui ne peut dans ce cas s’analyser en une sanction pécuniaire déguisée, de sorte que la société VERISURE n’a pas épuisé son pouvoir disciplinaire.
Il résulte de ces développements que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le salarié avait d’ores et déjà été sanctionné du chef de la suspension de son permis de conduire et que le licenciement se trouvait donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En ce qui concerne le bien fondé de la mesure du licenciement, M. [X] [J] prétend en second lieu qu’en tant que chef d’équipe il pouvait parfaitement exercer ses fonctions d’encadrement et de recrutement sans véhicule durant 4 mois, a fortiori dans une période de crise sanitaire, avec des déplacements réduits, et que son employeur aurait pu chercher des solutions pour éviter cette issue définitive.
Il n’est pas inutile de relever à cet égard qu’en vertu de son contrat de travail, l’intéressé exerçait son activité sur la zone géographique 3, zone ‘Est’, comprenant les départements 21, 25, 39, 52, 54, 57, 58, 67, 68, 70, 71, 88, 89, 90, ce qui conforte la nécessité ci-avant rappelée d’être en mesure de se déplacer à l’aide de son véhicule de fonctions, compte tenu de l’étendue de son périmètre d’intervention.
L’argument consistant à prétendre que son employeur aurait une vision passéiste du métier de VRP qui ne consisterait plus selon lui à procéder à du porte à porte n’apparaît pas sérieux dès lors que son activité consistait, outre sa fonction d’encadrement en tant que chef d’équipe, à réaliser sur la zone ‘Est’ un travail de prospection, effectuer des déplacements et visites clients et commercialiser les produits et services de télésurveillance de la société, lesquels exigent que le salarié se déplace au domicile des clients pour apprécier la faisabilité et conseiller le client sur le dispositif le plus adapté à la configuration des lieux et procéder à son installation.
A cet égard, s’il rappelle que son avenant du 1er janvier 2020 lui a assigné un objectif de 8 ventes mensuelles au lieu de 10 dans son contrat initial, il ne peut valablement en déduire que les objectifs de ventes seraient devenus accessoires dans sa fiche de poste de VRP chef d’équipe et il va de soi que la réalisation de cet objectif exigeait un démarchage soutenu nécessitant par conséquent des déplacements.
Par ailleurs, si M. [X] [J] évoque la crise sanitaire pour minorer les effets de la suspension litigieuse et soutenir que les visites clients étaient réduites, il doit être relevé que la période de confinement de l’automne 2020 n’a duré que 28 jours alors que son permis de conduire, retenu le 17 octobre 2020, a fait l’objet, suivant arrêté préfectoral du 19 octobre 2020, d’une suspension de 5 mois, de sorte qu’il n’a pu le récupérer que le 18 mars 2021, et qu’il ne pouvait imposer à son employeur d’effectuer sa mission en télétravail ou par visioconférence durant toute la période.
L’intimé ne peut davantage prétendre qu’il aurait pu pendant la durée de la suspension poursuivre sa prospection de clients en étant véhiculé par l’un de ses VRP, ce qui lui aurait permis, en tant que chef d’équipe, d’être dans l’accompagnement, au plus proche de ses équipiers.
Si la pratique du binôme peut en effet se concevoir ponctuellement, en particulier à l’attention d’une nouvelle recrue ou en cas d’indisponibilité d’un véhicule, une telle suggestion n’apparaît pas décemment envisageable pour un employeur sur une longue période, dans la mesure où elle conduit à un manque à gagner évident en terme d’efficacité dans le démarchage et dans la commercialisation des produits et prestations.
Il suit de là que le licenciement prononcé à l’égard de M. [X] [J] repose bien sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le jugement déféré sera infirmé de ce chef et en ce qu’il a fait droit aux prétentions pécuniaires subséquentes formées par l’intéressé.
II – Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement
Sans même avoir égard au bien fondé de l’irrégularité retenue, c’est à tort que les premiers juges ont alloué à M. [X] [J] une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière à hauteur de la somme de 4 743,80 euros alors qu’ils retenaient dans le même temps que le licenciement prononcé à l’égard du salarié pour un motif personnel était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’article L.1235-2 du code du travail excluant le cumul dans une telle hypothèse, avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En revanche, il appartient à la cour d’examiner ce chef de demande, dès lors qu’elle retient, à la différence des premiers juges, que le licenciement litigieux est bien fondé.
A cet égard M. [X] [J] prétend qu’il n’a pas été en mesure de s’exprimer librement et de se défendre lors de l’entretien préalable au licenciement et que l’employeur a détourné l’entretien en une véritable enquête.
L’employeur lui objecte que dès lors qu’il a été informé du droit d’être assisté dans la convocation audit entretien, le salarié qui a fait le choix de ne pas être assisté lors de l’entretien préalable, ne saurait soutenir qu’il n’a pu se défendre face aux deux représentants de son employeur.
Aux termes de la lettre de convocation adressée sous pli recommandé à l’appelant le 29 octobre 2020, il lui était effectivement précisé que l’entretien se tiendrait en présence de Mme [V] [Y], responsable des ressources humaines, et M. [F] [K], chef d’agence et qu’il avait la faculté de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.
Fort de ces informations, M. [X] [J] n’a pas souhaité être assisté et allègue sans en apporter la démonstration qu’il aurait été privé de la possibilité de s’exprimer et de se défendre lors de cet entretien.
S’il fait encore valoir que l’entretien aurait été détourné de son objet par les représentants de l’employeur qui auraient procédé à une véritable enquête sur les faits reprochés, et qu’il est exact que dans pareille hypothèse l’irrégularité de la procédure de licenciement est retenue (Soc 30 ou 20 janvier 2016 n°14-21346), force est de constater que l’appelant procède ici par voie d’affirmation et que l’on ne voit pas quelle enquête aurait pu être menée sur un fait objectif (la rétention puis la suspension du permis de conduire) reconnu par le salarié. Le compte-rendu d’entretien préalable, non signé mais communiqué par l’intéressé, n’est pas de nature à corroborer ses dires puisqu’il y est indiqué, après un rappel de la situation par l’employeur et l’exigence de la détention d’un permis de conduire pour effectuer ses missions, que la parole est donnée au salarié pour qu’il s’exprime sur les faits exposés.
Dans ces conditions, l’irrégularité de la procédure de licenciement n’étant pas démontrée, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande d’indemnité du salarié, lequel en sera débouté.
III – Sur l’indemnité compensatrice de préavis et le rappel de salaire
Il a été précédemment retenu que dès lors que le salarié se trouvait de son propre fait dans l’incapacité d’effectuer la prestation de travail qui lui était dévolue, il ne pouvait prétendre au salaire correspondant à cette contrepartie, de même qu’à une indemnité de préavis, qu’il n’était pas davantage en mesure d’exécuter de son propre fait (Soc 28 février 2018 n°17-11.334) ce qui était le cas en l’espèce.
Le jugement déféré, qui a alloué à M. [X] [J] la somme de 9 487,60 euros, outre les congés payés afférents, au titre de l’indemnité de préavis, et celle de 1 169,82 euros, outre indemnité de congés payés afférente, au titre du rappel de salaire, sera infirmé sur ces points et l’intéressé débouté de ses demandes.
IV – Sur le reliquat de l’indemnité de licenciement
La société VERISURE reproche aux premiers juges d’avoir, pour allouer au salarié la somme de 105,70 euros à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement, retenu un salaire moyen correspondant aux trois derniers mois, plus favorables au salarié, en y incluant sans les proratiser deux indemnités exceptionnelles servies en septembre et octobre 2020 d’un montant respectif de 850 et 250 euros.
S’il est exact qu’en vertu de l’article R.1234-4 du code du travail, le salaire correspondant au tiers des trois derniers mois à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement, doit intégrer toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, dans la limite d’un montant calculé à due proportion, il apparaît à l’examen des bulletins de salaire communiqués pour d’autres mois que d’une part le salarié a perçu à plusieurs reprises au cours des mois précédents cette même prime exceptionnelle, qui n’a donc aucun caractère annuel, et qu’il a perçu d’autres primes ponctuelles autrement identifiées.
Il doit par conséquent être tenu pour acquis que les primes précitées ne doivent pas être proratisées et que c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu un salaire moyen des trois derniers mois s’élevant à 4 743,80 euros et ainsi alloué à M. [X] [J] le reliquat d’indemnité légale de licenciement correspondant.
Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point ainsi que sur la remise sous astreinte de l’attestation Pôle Emploi rectifiée.
V – Sur les dommages-intérêts pour reprise du véhicule de fonction
M. [X] [J] sollicite la confirmation de la décision entreprise qui lui a alloué la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi du fait de la reprise de son véhicule de fonction dès l’annonce faite à l’employeur de la suspension de son permis de conduire.
A cet égard, si l’intimé communique au soutien de son argumentaire une décision de la haute Cour du 24 mars 2010 (n°08-43996), celle-ci n’est pas exactement transposable au présent litige, dès lors que, dans ce cas d’espèce, la Cour avait considéré que la reprise du véhicule de fonction d’un salarié pendant une suspension de son contrat de travail, en l’occurrence un arrêt de travail, était constitutif d’un fait fautif de l’employeur. En effet, le salarié placé en arrêt de travail demeure, dans la limite des indications du médecin prescripteur, dans la capacité de conduire le véhicule de fonction qui lui est attribué à la différence de M. [X] [J].
Par ailleurs, l’intéressé, qui n’allègue pas que le véhicule aurait pu être conduit par un conjoint ou un enfant majeur et a fortiori n’en justifie, ne peut pas alléguer d’un préjudice financier dès lors que si une somme de 130 euros était mensuellement prélevée sur son salaire au titre de cet avantage en nature, son salaire ne lui a plus été versé dès l’annonce de la perte de son droit de conduire.
La décision querellée sera donc infirmée en ce qu’elle a alloué la somme de 9 000 euros à M. [X] [J], et celui-ci sera débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
VI – Sur les demandes accessoires
Le jugement sera infirmé en ce qu’il condamne la société VERISURE aux dépens et alloue à M. [X] [J] une indemnité de procédure de 2 000 euros.
L’issue du litige et l’équité commandent de laisser à la charge de chaque partie ses propres frais irrépétibles et de mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge de M. [X] [J].
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il fixe le salaire moyen des trois derniers mois à 4 743,80 euros brut, alloue à M. [X] [J] la somme de 105,70 euros à titre de reliquat d’indemnité légale de licenciement et prévoit la remise sous astreinte par l’employeur de l’attestation Pôle Emploi rectifiée.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT le licenciement prononcé le 19 novembre 2020 à l’égard de M. [X] [J] fondé sur une cause réelle et sérieuse.
DEBOUTE M. [X] [J] de ses entières demandes salariales et indemnitaires.
DEBOUTE la SA VERISURE et M. [X] [J] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [X] [J] aux dépens de première instance et d’appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le six juin deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,