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5 mai 2023
Cour d’appel de Bourges
RG n°
22/00926
SD/CV
N° RG 22/00926
N° Portalis DBVD-V-B7G-DPPO
Décision attaquée :
du 05 septembre 2022
Origine : conseil de prud’hommes – formation paritaire de NEVERS
——————–
Mme [G] [J] représentée par Monsieur [J] [W] es-qualités de curateur de sa fille [J] [G]
C/
Groupement GIP INSERR INSTITUT NATIONAL DE SÉCURITÉ
ROUTIÈRE ET DE RECHERCHES
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Expéd. – Grosse
Me PEPIN 5.5.23
Me MAGNI-G. 5.5.23
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 MAI 2023
N° 63 – 8 Pages
APPELANTE :
Madame [G] [J] représentée par Monsieur [J] [W] es-qualités de curateur de sa fille [J] [G]
[Adresse 2]
Monsieur [J] [W] présent, assisté de Me Frédéric PEPIN de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES
INTIMÉE :
GIP INSERR INSTITUT NATIONAL DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE ET
DE RECHERCHES
[Adresse 1]
Représentée par Me Marika MAGNI-GOULARD de la SELARL LEXCONSEIL, avocat au barreau de NEVERS
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre
ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
Mme CLÉMENT, présidente de chambre
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE
DÉBATS : A l’audience publique du 10 mars 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 05 mai 2023 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 05 mai 2023 par mise à disposition au greffe.
Arrêt n° 63 – page 2
05 mai 2023
FAITS ET PROCÉDURE :
Le Groupement d’Intérêt Public Institut National de Sécurité Routière et de Recherche, ci-après dénommé le GIP l’Inserr, dont le siège social est à [Localité 4] (Nièvre) est spécialisé dans la formation et la recherche en sécurité routière et employait plus de 11 salariés au moment de la rupture.
Suivant contrat à durée indéterminée en date du 5 juillet 2010, Mme [G] [J] a été engagée par ce GIP en qualité de chargée d’études, statut cadre, coefficient 310, niveau F, moyennant un salaire brut mensuel de 2 806€, contre un forfait de 210 jours de travail effectif par an.
Mme [J] travaillant en dernier lieu à temps partiel percevait un salaire brut mensuel de 1 850,88 €.
La convention collective nationale des organismes de formation s’est appliquée à la relation de travail.
Le 1er juin 2021, Mme [J] a été mise à pied à titre conservatoire. Elle a ensuite été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 15 juin 2021, et a été licenciée pour faute grave le 18 juin suivant, l’employeur lui reprochant de faire preuve de défiance à son égard et de s’être moquée de lui.
Le 29 novembre 2021, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes de [Localité 4] d’une contestation de son licenciement et de demandes en paiement de diverses sommes.
Par décision du 23 février 2022, le juge des contentieux de la protection a placé Mme [J] sous le régime de la curatelle renforcée aux biens et à la personne pour une durée de 60 mois et a désigné M. [W] [J], son père, en qualité de curateur.
Par jugement du 5 septembre 2022, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud’hommes, jugeant le licenciement fondé, a débouté Mme [J] de l’ensemble de ses prétentions et l’employeur de sa demande d’indemnité de procédure et a condamné la salariée aux entiers dépens.
Le 14 septembre 2022, Mme [J], assistée de M. [J] en sa qualité de curateur, a régulièrement relevé appel de cette décision par voie électronique.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.
1 ) Ceux de Mme [J], assistée de M. [J], ès-qualités :
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 22 novembre 2022, poursuivant l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, elle sollicite la condamnation du GIP Inserr au paiement des sommes suivantes :
– 28 858,75 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 571,75 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 557,18 euros au titre des congés payés afférents,
– 5 441,74 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 2 000 euros à titre d’indemnité de procédure, ainsi qu’aux dépens.
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2 ) Ceux du GIP l’Inserr :
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 janvier 2023, il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [J] de toutes ses prétentions et de la condamner aux dépens.
* * * * * *
La clôture de la procédure est intervenue le 22 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1) Sur la contestation du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes :
a) Sur le pouvoir de licencier
Le licenciement doit être notifié au salarié par l’employeur.
Celui-ci est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération.
Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse s’il est notifié par une personne incompétente pour le faire.
Au cas d’espèce, il est constant que la lettre de licenciement a été signée par M. [Z] [B], directeur général du GIP l’Inserr.
Mme [J], assistée par M. [J] en sa qualité de curateur, fait d’abord valoir que M. [B] n’avait pas pouvoir pour la licencier, seul le contrôleur financier pouvant signer la lettre de licenciement après approbation du conseil d’administration.
Elle ajoute que si son contrat de travail avait été signé par le directeur général, il comportait le visa du contrôleur financier et qu’en vertu du parallélisme des formes et de l’arrêté du 12 mai 1993, la lettre de licenciement aurait dû être visée par celui-ci après l’approbation du Conseil d’Administration.
Le GIP l’Inserr réplique qu’aucune disposition ne prévoit de parallélisme des formes et qu’en vertu de l’article 19 des statuts, M. [B] avait bien le pouvoir d’engager la procédure de licenciement à l’encontre de Mme [J] puis de signer la lettre de licenciement. Il ajoute qu’un arrêté du 1er août 2018, qu’il produit en pièce 31, a supprimé le contrôle économique et financier de l’Etat de sorte que la salariée ne peut invoquer l’arrêté du 12 mai 1993.
L’article 19 précité prévoit que ‘le directeur général (…) dispose de tous les pouvoirs nécessaires à la gestion du groupement et exerce son autorité sur l’ensemble des personnels. (…) Il procède au recrutement et à la gestion du personnel et passe les marchés et contrats nécessaires au fonctionnement courant du groupement. (…) Il représente le groupement dans tous les actes de la vie civile et notamment en justice’.
Si l’article 9. 3 de la convention de constitution du GIP dispose que ‘ tout recrutement de personnel propre est soumis à l’approbation du conseil d’administration et du commissaire du gouvernement et au visa du contrôleur financier’ aucun texte ne prévoit qu’il en soit de même en cas de licenciement d’un salarié.
Par ailleurs, la jurisprudence sur laquelle se fonde Mme [J] concerne les pouvoirs d’un
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directeur d’association et ne peut être appliquée au directeur général d’un GIP, dès lors que celui-ci présente une structure juridique mixte et donc différente.
En revanche, il est acquis qu’aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit. Elle peut ainsi être tacite et découler des fonctions de la personne qui conduit la procédure de licenciement. M. [B] ayant de par les statuts du GIP le pouvoir de gérer le personnel et de représenter le groupement dans les actes de la vie civile, cela emporte tacitement celui de licencier.
Il s’ensuit que M. [B] pouvait valablement engager la procédure de licenciement puis signer la lettre de licenciement de sorte que ce moyen ne peut prospérer.
Il convient en conséquence d’examiner le bien fondé du licenciement.
b) Sur la cause du licenciement
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement fixe les termes du litige.
En l’espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :
‘Madame,
Envisageant votre éventuel licenciement pour fautes graves, je vous avais convoquée à un entretien préalable fixé le 15 juin 2021 au cours duquel je devais vous présenter les griefs et recueillir vos explications. Puisque vous m’aviez répondu que vous n’étiez pas en condition de voyager, je vous avais proposé d’échanger par courriels au moment de l’entretien, proposition à laquelle vous n’avez pas donné suite.
Je vous notifie par la présente votre licenciement pour fautes graves en raison des faits suivants.
Je vous reproche votre défiance à mon égard rendant insupportable notre collaboration en ayant poussé la provocation à l’extrême le 1er juin 2021 où vous vous êtes ouvertement moquée de moi au point où exaspéré je vous ai téléphoné à 16h pour vous mettre à pied à titre conservatoire et vous informer de votre prochaine convocation à un entretien préalable dans le cadre d’une éventuelle procédure de licenciement pour fautes graves.
Le 06 mai 2021 je vous avais confirmé que la DSR voulait récupérer dès le 1er juin 2021 son bureau mis à la disposition de l’INSERR et vous avais demandé si vous préfériez travailler en télétravail ou dans nos locaux à [Localité 4] le temps de trouver de nouveaux bureaux sur [Localité 5]. Votre réponse tardive le vendredi 28 mai (après relance) m’a contraint le lundi 31 mai à vous dire de venir travailler à [Localité 4] dès le mardi 1er juin dans l’attente d’organiser le télétravail en vous proposant un hébergement dans une chambre de l’INSERR. Or, le lendemain, je découvrais avec stupéfaction que malgré ma directive vous étiez retournée travailler dans les locaux de la DSR qui n’étaient plus à notre disposition ! En effet, comme si de rien n’était, vous m’avez adressé un courriel vers 12h05 depuis votre poste à la DSR m’informant de votre avis sur un travail que je vous avais commandé ! Le découvrant à 14h44, je vous ai demandé de me fournir des explications sur votre présence dans nos anciens bureaux à la DSR.
Vous moquant de moi, vous m’avez demandé à 15h08 de vous préciser votre durée de présence à [Localité 4], puis 23 mn plus tard, à 15h31, vous avez osé soutenir ne pas connaître les raisons pour lesquelles je vous demandais de venir à [Localité 4], ajoutant ne pas avoir de vêtements propres, ni billet de train pour vous rendre ici, ni d’explication à me fournir sur votre présence dans notre ancien bureau à la DSR : ‘ je dois aller à [Localité 4], mais je ne sais pas pourquoi… Aujourd’hui j’ai oublié mon agenda et j’ai un RV de médecin, mais je ne le saurais que ce soir. Est-ce que je dois quitter le ministère maintenant ou à 16h30, heure habituelle. Je n’ai pas de vêtements propres… ni de billet de train…Vous me demandez des explications, mais je n’en ai pas…!’. Votre défiance m’ayant exaspéré, je vous ai alors téléphoné à 16h pour vous mettre immédiatement à pied à titre conservatoire et vous informer de votre prochaine convocation à un entretien
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préalable dans le cadre d’une éventuelle procédure de licenciement pour faute grave. Alors que j’avais été explicite dans mes propos, vous m’avez demandé à 16h11 ce que vous deviez faire, m’obligeant alors à vous les confirmer par mail !
Il va sans dire que votre désobéissance et la teneur ironique de vos mails sont particulièrement insoutenables.
Aussi, j’apprenais vers 21h qu’en plus d’avoir délibérément ignoré ma directive sur votre lieu de travail provisoire, vous aviez aussi enfreint l’interdiction que je vous avais déjà rappelée, de travailler pour l’INSERR pendant un arrêt maladie. En effet, à 19h52 (…) vous avez adressé par mail un arrêt de travail à Mme [P] allant du 31 mai jusqu’au 15 juin 2021. Vous avez ainsi travaillé le mardi 1er juin malgré votre arrêt de travail qui débutait la veille alors que vous savez que je m’y oppose fermement pour vous l’avoir rappelé par LRAR le 18 février, à la suite d’un premier incident similaire. A l’époque, j’avais appris que vous étiez en train de travailler depuis plusieurs jours dans les locaux de l’INSERR à la DSR alors que vous étiez en arrêt de travail jusqu’au 1er mai !
Il va sans dire que la réitération de tels faits susceptibles d’engager la responsabilité de l’INSERR et la mienne constituent également une faute grave.
Enfin dans la droite ligne de votre désinvolture, vous avez attendu le 31 mai, soit plus de 2,5 mois après vous avoir confié l’étude de stratégie de positionnement de l’INSERR sur les réseaux sociaux et internet, pour m’annoncer que vous n’aviez pas les compétences pour réaliser ce travail urgent, ce qui de surcroît n’est pas vrai ! Là encore, votre réaction rend particulièrement pénible notre collaboration.
Je vous rappelle que je viens tout juste d’intégrer l’INSERR, que nous n’avions pas pu nous rencontrer le 1er mars 2021 à votre reprise parce que vous vous étiez trompée de train pour venir à [Localité 4], que nous avons fait connaissance à votre retour de congés le 15 mars 2021 et que le lendemain j’apprenais que le médecin du travail vous avait déclarée inapte le matin-même, ce que vous vous étiez abstenue de me dire lors de notre rencontre !
Ces derniers incidents du 1er juin démontrent que vous n’avez que faire de mes directives. Votre défiance qui rend impossible toute collaboration fructueuse m’oblige alors à vous notifier par la présente votre licenciement pour fautes graves. (…)’
Mme [J] conteste avoir commis des fautes graves, indiquant d’abord qu’elle n’a jamais reçu le moindre avertissement durant la relation de travail. Elle dément s’être jamais moquée de M. [B] ni lui avoir manqué de respect, et prétend qu’elle n’a pas refusé de se rendre sur le site de [Localité 4] puisqu’elle a seulement demandé des explications à son employeur à ce sujet.
Elle fait valoir encore qu’elle rencontre de graves problèmes de santé depuis plusieurs années, ce que l’employeur a feint d’ignorer malgré son mi-temps thérapeutique, et que sa pathologie l’amène à une totale désorientation, qu’elle a ainsi été reconnue en invalidité 2ème catégorie à compter du 30 juin 2021, puis travailleur handicapé le 14 avril 2022 avec effet rétroactif au 1er juillet 2021, et qu’enfin, elle a dû être placée sous curatelle par jugement du 23 février 2023. Elle argue ainsi de ce que les errements qu’elle a pu commettre dans les derniers temps de la relation de travail sont involontaires et uniquement dus à son état de santé. Elle ajoute que M. [B] ne pouvait de toute façon pas lui imposer de venir travailler à [Localité 4] alors que son lieu de travail habituel était contractuellement fixé à [Adresse 3], à [Localité 5] ou en Région Parisienne, et qu’elle n’avait pas les compétences pour réaliser la stratégie marketing que M. [B] lui a commandée, ce grief, à le supposer établi, ne pouvant que relever d’une insuffisance profes-sionnelle dénuée de caractère fautif.
Le GIP Inserr réplique qu’il n’avait pas connaissance de sa pathologie et ce d’autant que lors de la relation de travail qui a duré dix ans, Mme [J] a bénéficié de quatorze examens médicaux à l’issue desquels elle a treize fois été déclarée apte sans restrictions, et encore le 3 mai 2021, soit un mois juste avant l’engagement de la procédure de licenciement. Il en déduit que les manquements reprochés à Mme [J] ne peuvent être la conséquence de son état de santé. Il ajoute que la notification de la pension d’invalidité est postérieure au licenciement de sorte qu’elle est sans effet, que la preuve de sa défiance est rapportée par la série d’événements qui se sont succédés entre les mois de février et juin 2021 et ce alors que M. [B] avait pris ses fonctions quelques mois plus tôt, qu’elle lui a envoyé à plusieurs reprises des mails provocateurs, a refusé à plusieurs reprises de lui obéir, a persisté à travailler pendant son arrêt maladie alors
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qu’il lui avait été interdit de le faire et qu’elle a refusé de s’investir correctement dans la réalisation d’une étude commandée par M. [B] sur le positionnement de l’Inserr sur les réseaux sociaux et internet.
La cour relève d’abord à la lecture des mails que Mme [J] a envoyés à M. [B] que le ton de ceux-ci est invariablement cordial et respectueux, qu’il ne comporte aucune phrase pouvant s’analyser en une volonté de se moquer de son employeur ou de le provoquer et que l’appréciation qui a été portée par M. [B] sur leur connotation ironique relève d’une interprétation à tout le moins subjective.
Surtout, ces mails font ressortir chez Mme [J] une certaine incompréhension des consignes qui lui sont données ainsi qu’une certaine confusion, voire sa désorientation, puisque si ses propos sont parfaitement polis, structurés et cohérents, elle s’est présentée sur le site de la DSR à [Localité 5] alors qu’il lui était demandé de venir travailler à [Localité 4] le temps qu’une organisation de télétravail puisse être mise en place, et ce alors que précédemment, elle s’était trompée de train pour venir à [Localité 4] le 1er mars 2021 pour venir rencontrer M. [B] ainsi que l’indique la lettre de licenciement. Le fait qu’elle se soit rendue dans les locaux de l’Inserr pour y travailler alors qu’elle se trouvait en arrêt de travail ne peut pas se comprendre non plus autrement que comme la conséquence de cette confusion.
Mme [J] établit par la production de plusieurs avis médicaux qu’elle souffre d’une pathologie lui occasionnant des troubles cognitifs, des oublis, des difficultés de mémorisation ainsi qu’une perte de ses repères temporels et spatiaux, et si l’employeur ne pouvait avoir une exacte connaissance de sa maladie, il ne pouvait non plus ignorer que son état de santé était très dégradé, puisqu’il a comptabilisé lui-même que la salariée avait été au total arrêtée pendant 1 229 jours, soit pendant 3,37 ans, qu’en 2019, le médecin du travail avait préconisé un passage à temps partiel ce qui avait donné lieu à la signature d’un avenant, versé au dossier, le 12 mars 2019, après avoir recommandé le 20 juin 2018 un mi-temps thérapeutique.
Il se trouve ainsi démontré que les griefs qui sont formulés par l’employeur et qui sont relatifs à la désobéissance de la salariée sont bien liés à son état de santé, ce dont M. [B] aurait pu se convaincre facilement s’il l’avait préalablement convoquée pour une mise au point. Ils ne peuvent donc pas s’analyser en une attitude de défiance.
Or, seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs profes-sionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié pouvant être considérés comme fautifs, les incidents que l’employeur a interprétés comme des actes de défiance ou de provocation ne peuvent être constitutifs d’une faute grave.
Enfin, il résulte des pièces du dossier que le 10 mai 2021, M. [B] a demandé à Mme [J] de lui transmettre pour le 20 mai suivant une proposition de stratégie de positionnement de l’Inserr dans l’univers numérique et que celle-ci lui a transmis le 19 mai suivant ce qu’elle a qualifié de ‘premier jet’ un rapport comportant sept pages. Par mail du 26 mai 221, M. [B] lui a répondu que sa proposition ne répondait que ‘ très partiellement’ à sa demande et a exigé qu’elle reprenne ce travail ‘plus en profondeur et de manière urgente’. Le grief relève donc bien d’une insuffisance professionnelle ainsi que l’avance la salariée de sorte qu’il ne peut non plus fonder un licenciement pour faute grave.
Il résulte ainsi de ces éléments que la preuve de manquements fautifs ne se trouve pas rapportée et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
c) Sur les demandes indemnitaires :
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Le licenciement étant injustifié, Mme [J] a droit à une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, à une indemnité légale de licenciement et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle réclame ainsi en premier lieu la somme de 5 571,75 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, en précisant que cette somme est égale à 5 mois de salaire, sans discuter que la convention collective applicable, en son article 9, fixe le délai de préavis à 3 mois ainsi que le souligne l’intimé. L’indemnité compensatrice de préavis devant être égale au salaire intégral que Mme [J] aurait perçu si elle avait travaillé pendant le préavis, et son salaire s’élevant en dernier lieu à 1 850,88 euros, c’est la somme de 5 552,64 euros (1 850,88 x 3) qui doit lui être allouée à ce titre, outre celle de 555,26 euros au titre des congés payés afférents.
En second lieu, Mme [J] sollicite à titre d’indemnité de licenciement la somme de 5 441,74 euros. Le montant de l’indemnité réclamée ne faisant pas débat, le GIP l’Inserr doit être condamné à lui payer cette somme.
Enfin, elle demande la somme de 27 858,75 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 15 mois de salaire, mais c’est à juste titre que le GIP l’Inserr soutient que la durée de ses arrêts de travail ne peut être prise en compte dans le calcul de son ancienneté, aucune disposition conventionnelle plus favorable n’étant invoquée. L’ancienneté de la salariée qui doit être retenue est donc de 7 ans.
Aussi, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, le juge octroie au salarié, à défaut de réintégration, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 3 et 8 mois de salaire pour un salarié ayant 7 ans d’ancienneté.
Au regard des éléments portés à la connaissance de la cour, et notamment de l’âge de la salariée au moment de la rupture (56 ans), du niveau de sa rémunération, des conditions de son éviction et du fait qu’elle perçoit désormais une pension d’invalidité et que ses problèmes de santé, qui s’étaient aggravés au moment du licenciement puisqu’une maladie d’Alzheimer précoce a été diagnostiquée avec un début de troubles remontant à 2020, ne lui permettront pas de retrouver du travail, l’allocation de la somme de 14 000 euros apparaît de nature à réparer le préjudice moral et matériel que lui a causé la privation injustifiée de son emploi. L’employeur doit donc être condamné à lui payer cette somme.
2) Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le GIP l’Inserr, qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d’appel et débouté en conséquence de sa demande d’indemnité de procédure. En équité, il est enfin condamné à payer à Mme [J] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe :
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande pour frais irrépétibles ;
Arrêt n° 63 – page 8
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STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT:
DIT le licenciement de Mme [G] [J] sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence, CONDAMNE le GIP l’Inserr à payer à Mme [J], assistée de M. [W] [J] en sa qualité de curateur, les sommes suivantes :
– 5 552,64 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 555, 26€ au titre des congés payés afférents,
-5 441,74€ à titre d’indemnité légale de licenciement,
-14 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE le GIP l’Inserr à payer à Mme [J] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le GIP l’Inserr aux dépens et le déboute de sa propre demande d’indemnité de procédure.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE