Télétravail : 5 juin 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00361

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Télétravail : 5 juin 2023 Cour d’appel de Basse-Terre RG n° 22/00361
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5 juin 2023
Cour d’appel de Basse-Terre
RG n°
22/00361

GB/LP

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 116 DU CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

AFFAIRE N° RG 22/00361 – N° Portalis DBV7-V-B7G-DNUP

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Pointe-à-Pitre – section industrie – du 3 Mars 2022

APPELANTE

S.A.R.L. LA SATECLIM

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître Simon RELUT (Toque 27), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH

INTIMÉE

Madame [R] [G]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par M. [M] [Y] (éfenseur Syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,

Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Mme Annabelle CLÉDAT, conseillère

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 Juin 2023.

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente, et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [G] a été embauchée par la SARL La Sateclim par contrat à durée déterminée à compter du 7 novembre 2019 jusqu’au 30 avril 2020, en qualité d’assistante de direction.

Par courriel du 17 mars 2020, Mme [G] informait l’employeur qu’elle n’assurerait plus ses fonctions au sein de l’entreprise en raison des dispositions liées à l’épidémie de Covid et qu’elle reprendrait son poste dès lors que le confinement ‘n’aurait plus lieu d’être’ et que sa santé ne serait plus en danger.

Par courriel du 14 avril 2020 adressé à son employeur, Mme [G] sollicitait la mise en place du télétravail, lui permettant de limiter ses déplacements et précisait, qu’à défaut, elle resterait à son domicile.

Par courriel du 15 avril 2020, l’employeur informait la salariée des moyens déployés au sein de l’entreprise pour faire face à l’épidémie de Covid et de l’impossibilité de mettre à disposition des salariés des ordinateurs portables durant plusieurs semaines.

Par courriel du 16 avril 2020, l’employeur précisait que le principe du travail, convenu à la date du 1er avril n’était pas appliqué et précisait qu’aucun motif ne justifiait l’absence à leur poste de plusieurs salariés, dont Mme [G].

Mme [G] saisissait le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre le 30 septembre 2020 aux fins de voir :

– condamner la SARL La Sateclim à lui payer la somme de 1309 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 10 au 30 avril 2020,

– condamner la SARL La Sateclim à lui payer la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu contradictoirement le 3 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

– condamné la SARL La Sateclim en son représentant légal, M. [O] [C], à verser à Mme [G] [R] la somme de 1309 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 10 au 30 avril 2020,

– débouté Mme [G] [R] de sa demande de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SARL La Sateclim de l’ensemble de ses demandes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 9 avril 2022, la SARL La Sateclim formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 15 mars 2022, en ces termes : ‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : L’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre du 03 mars 2022 n° RG20/00349 en ce qu’il a :

– condamné la SARL La Sateclim en son représentant légal M. [O] [C] à verser à Mme [G] [R] la somme de 1309 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 10 au 30 avril 2020,

– débouté Mme [G] [R] de sa demande de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SARL La Sateclim de l’ensemble de ses demandes’.

Par ordonnance en date du 9 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et renvoyé la cause à l’audience du lundi 17 avril 2023 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées le 4 juillet 2022 à Mme [G], la SARL La Sateclim demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :

* l’a condamnée à verser à Mme [G] [R] la somme de 1309 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 10 au 30 avril 2020,

* l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,

Et statuant à nouveau :

– débouter Mme [G] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [G] [R] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La SARL La Sateclim soutient que :

– elle n’était pas visée, eu égard à son activité dans le domaine du bâtiment, par les mesures de fermetures administratives prescrites pour faire face à l’épidémie de Covid 19,

– le société continuait, au cours de la période litigieuse, à assurer son activité,

– des moyens étaient mis à la disposition de la salariée pour faire face au contexte sanitaire,

– compte tenu de l’activité de l’entreprise, la salariée ne pouvait pas être placée en télétravail,

– aucun texte n’imposait à la société de mettre en place le télétravail prévu par les textes applicables et les conditions de fonctionnement ne permettaient pas sa mise en oeuvre,

– l’aménagement du poste de travail de la salariée était conforme aux mesures sanitaires préconisées par les autorités gouvernementales en mars 2020,

– la salariée a décidé de cesser unilatéralement son travail à compter du 10 avril 2020 et ne peut invoquer l’exercice du droit de retrait, les conditions n’étant pas réunies,

– la retenue sur salaire correspond à son absence à son poste de travail et non à une période de congés payés dont la mention est portée par erreur sur le bulletin de paie.

Selon ses dernières conclusions datées du 2 septembre 2022, dont il n’est pas justifié de la notification à la SARL La Sateclim malgré une demande en ce sens du greffe de la cour par courriel du 4 mai 2023, Mme [G] demande à la cour de :

– constater que ses griefs formulés à l’encontre de son employeur sont fondés,

– juger que le salaire du 10 avril au 30 avril 2020 est dû,

– condamner la SARL La Sateclim à lui verser les sommes suivantes :

* 1309 euros au titre du salaire d’avril,

* 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que :

– elle a alerté son employeur dès le 17 mars 2020, des dangers liés à l’épidémie de Covid,

– ses tâches pouvaient être gérées à distance,

– le télétravail qu’elle sollicitait s’inscrivait dans des circonstances exceptionnelles, avait pour but de réduire les contacts avec les personnes et de lutter contre l’épidémie,

– les mesures gouvernementales incitaient à recourir au télétravail,

– elle n’a pas cessé unilatéralement son travail, mais a fait valoir son droit de retrait, ne se sentant pas en sécurité lors de ses différents déplacements entre son domicile et son lieu de travail,

– il appartient à l’employeur de démontrer que les conditions de refus du télétravail sont réunies,

– l’employeur avait laissé le choix aux salariés de reprendre ou non leur poste, lors de la réunion du 1er avril 2020.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la retenue sur salaire :

Pour lutter contre la propagation du virus Covid 19, à la suite des mesures prises par le gouvernement, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national, pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, par l’article 4 de la loi d’urgence 2020-290 du 23 mars 2020.

En application de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de cette loi d’urgence, le Premier ministre, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique, peut, dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, notamment : 5° ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ; 6° limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ; (…) 10° en tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l’article L.3131-12 du présent code’.

Cet article précise que les mesures qu’il prescrit sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il s’agit d’une loi d’exception d’interprétation stricte en ce qu’elle porte atteinte aux libertés individuelles.

Le décret du 23 mars 2020, pris sur le fondement de ce texte et modifié plusieurs fois depuis, après avoir rappelé en son article 2 qu’afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance, interdit, en son article 7, qui réitère les mesures prévues à l’article 2 de l’arrêté du 14 mars 2020, tout rassemblement ou réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert, cette interdiction prévue initialement jusqu’au 15 avril étant prolongée jusqu’au 11 mai 2020.

Il a interdit, en son article 3, d’abord jusqu’au 31 mars puis jusqu’au 11 mai 2020, les déplacements de personnes hors de leur domicile en énonçant cependant certaines exceptions au titre desquelles les trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle.

En outre, ce décret, comme précédemment l’article 1 de l’arrêté du 14 mars 2020, énumère en son article 8 les établissements et entreprises qui ne sont plus habilités à accueillir du public.

Si dans les recommandations qu’il a élaborées et diffusées, le ministère du travail a demandé aux entreprises de privilégier le télétravail, il a également prévu l’absence de possibilité d’y recourir en leur demandant en ce cas de mettre en oeuvre les mesures de sécurité nécessaires pour éviter les risques de contagion des salariés, mesures prises en application des dispositions de l’article L.4121-1 du code du travail.

En premier lieu, il convient de souligner que la SARL La Sateclim, dont l’activité est celle ‘d’électricité climatisation’, n’entre pas dans le cadre des établissements visés par l’article 8 deu décret du 23 mars 2020.

En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des échanges de courriels entre la salariée et l’employeur, que, d’une part, la mise en place du télétravail posait des difficultés en raison de l’impossibilité pour l’entreprise de mettre à disposition des ordinateurs portables, point non contesté par la salariée qui exerçait des fonctions d’assistante de direction dans le domaine de l’entreprise afférent à l’électricité et la climatisation. D’autre part, il ressort de ces mêmes courriels que le travail au sein de la société n’impliquait pas de contact avec le public et que l’employeur avait mis à disposition des salariés du gel, du savon et qu’il s’engageait à aménager le temps de travail de sorte que la salariée ne se trouve pas en même temps dans le même bureau qu’une autre collaboratrice.

En troisième lieu, si Mme [G] soutient que l’employeur avait laissé le choix aux salariés, lors d’une réunion du 1er avril 2020, de travailler sur site ou à domicile, elle ne justifie pas de la persistance de cette faculté, à la supposer établie, à compter du 10 avril 2020, alors que l’employeur lui a explicitement indiqué, par courriels des 15 et 16 avril 2020, l’impossibilité de recourir au télétravail.

En dernier lieu, la salariée ne démontre pas davantage les risques immédiats auxquels elle aurait été exposée et justifiant l’exercice du droit de retrait, observation étant faite qu’elle n’allègue ni n’établit aucune situation de vulnérabilité la concernant et qu’elle se borne à invoquer le fait qu’elle ne se sentait pas en sécurité lors de ses différents déplacements entre son domicile et son lieu de travail.

Dans ces conditions, l’absence de la salariée durant la période du 10 avril 2020 au 30 avril 2020 n’étant pas justifiée, c’est à juste titre que l’employeur a procédé à une retenue sur son salaire correspondant au nombre de jours qui n’ont pas été travaillés.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la SARL La Sateclim à verser à Mme [G] la somme de 1309 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 10 avril au 30 avril 2020 et il convient de débouter la salariée de sa demande présentée à ce titre

Sur les autres demandes :

Comme il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL La Sateclim les frais irrépétibles qu’elle a exposés, il convient d’infirmer le jugement déféré et de condamner Mme [G] à lui verser la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

En conséquence, Mme [G] sera déboutée de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront mis à la charge de Mme [G].

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 mars 2022 par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [G] [R] et la SARL La Sateclim,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [G] [R] de sa demande au titre du rappel de salaire pour la période du 10 avril 2020 au 30 avril 2020,

Condamne Mme [G] [R] à verser à la SARL La Sateclim la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne Mme [G] [R] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente,

 


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