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5 juillet 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/02206
AFFAIRE PRUD’HOMALE
DOUBLE RAPPORTEUR
N° RG 20/02206 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M52A
[S]
C/
G.I.E. ACTI V LIQUIDATEUR AMIABLE
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 27 Février 2020
RG : F18/00778
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRET DU 05 Juillet 2023
APPELANTE :
[R] [S]
née le 16 Mai 1972 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Gilberte DEPLANTES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
G.I.E. ACTI V
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Fabienne MIOLANE de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON
DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, conseiller et Anne BRUNNER, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRET : CONTRADICTOIRE
rendu publiquement le 05 Juillet 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Morgane GARCES, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [R] [S] a été embauchée par la société GROUPE ACTICONSEIL, cabinet d’expertise comptable par contrat de travail à durée indéterminée du 22 août 2005, en qualité de secrétaire, coefficient 220, niveau 4.
A compter du 1er janvier 2015, le contrat de travail a été transféré au GIE ACTI V, créé fin 2014, par les sociétés ACTIEXPERT, ACTIGESTION, ACTIPUBLIC, ACTI-CE et GROUPE ACTICONSEIL et administré par M. [U] [K], associé de la société ACTIEXPERT et M. [H] [Y], associé de la société GROUPE ACTICONSEIL.
Le GIE employait trois salariées.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [S] percevait une rémunération brute mensuelle de 3 060 euros.
La salariée a été placée en arrêt de travail, du 23 juin au 14 juillet 2017, pour « syndrome anxio dépressif en lien avec l’activité professionnelle ».
Le 18 juillet 2017, le médecin du travail a délivré une attestation de suivi indiquant « éviter les situations génératrices de stress, assurer à cette salariés un milieu de travail plus tranquille pour pouvoir assurer son travail ».
Le 28 août 2017, le médecin du travail a délivré une attestation de suivi « étude de poste et des conditions de travail à faire eu sein de l’entreprise. A revoir après l’étude de poste. Jusqu’à la nouvelle visite, est autorisée à faire que du télétravail ».
Le 20 septembre 2017, le médecin du travail, après étude du poste et des conditions de travail le 18 septembre, échange avec l’employeur, a déclaré la salariée inapte au poste en un seul examen « l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise ».
Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 octobre 2017, le GIE ACTI-V a convoqué Mme [S] à un entretien préalable en vue de son licenciement, fixé au 17 octobre 2017.
Par courrier du 20 octobre 2017, le GIE ACTI-V a notifié à Mme [S] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Par assemblée générale du 21 décembre 2017, les associés du GIE-ACTI-V ont décidé de dissoudre par anticipation, au 31 décembre 2017, le GIE et de désigner M. [N] [P] en qualité de liquidateur amiable.
Le 20 mars 2018, Mme [R] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON de contestation de son licenciement et de demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de rappel sur prime d’objectif.
Par jugement du 27 février 2020, le conseil de prud’hommes de LYON a débouté Mme [S] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
Le 20 mars 2020, Mme [S] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 mars 2023, Mme [R] [S] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et de
– condamner le GIE ACTI-V à lui verser :
– la somme de 30 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice physique et moral pour harcèlement moral et violation de l’obligation de sécurité ;
– la somme de 33 660 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
– la somme de 3 060 euros au titre de la prime d’objectif non versée en juillet 2017 ;
– la somme de 20 023,38 euros bruts au titre d’heures supplémentaires, outre 2 002 euros bruts à titre de congés payés afférents ;
– la somme de 3 000 en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner le GIE ACTI-V aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 9 mars 2023, le GIE ACTI-V, représenté par M. [N] [P] demande à la cour de :
A titre principal :
Déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée en cause d’appel par Mme [S] relative aux heures supplémentaires et congés payés afférents ;
A titre subsidiaire :
Débouter Mme [S] de ses demandes à ce titre ;
En tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] [S] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens;
Condamner Madame [S] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
SUR CE,
Sur le harcèlement moral et la violation de l’obligation de sécurité :
Mme [R] [S] relate que de fortes dissensions entre les associés du GIE sont apparues dès le mois de septembre 2015 et que M. [K] s’est montré exigeant et malveillant à son égard.
Elle affirme avoir fait l’objet de reproches injustifiés, avoir manqué de soutien alors qu’elle était mise en cause par une salariée qu’elle supervisait, n’avoir pas été invitée à un repas où tout le personnel des cabinets était invité, avoir été privée d’un entretien d’évaluation de mi- année qui aurait dû avoir lieu en juin ou juillet 2017. Elle ajoute que son contrat de travail a fait l’objet d’une modification substantielle en ce que les accès aux comptes bancaires lui ont été retirés ; que son salaire du mois de mai 2017 ne lui pas été payé par le GIE, ce qui a amené la société ACTI CONSEIL a lui en faire l’avance.
Elle soutient que l’employeur est resté sourd à ses alertes, exprimées lors des évaluations de mars 2016 et février 2017 et que son état de santé s’est dégradé courant 2017.
Le GIE ACTI-V répond que la salariée devait intervenir principalement pour lui et accessoirement pour son ancien employeur, la société GROUPE ACTICONSEIL et que le temps consacré à cette dernière devait lui être facturé sur la base des décomptes d’heures établis par la salariée.
Il ajoute que les relations en son sein se sont tendues et que Mme [S] a alors adopté un comportement de soutien à M. [Y] et d’opposition à M. [K], en le remettant en cause, en refusant d’accomplir certaines de ses missions, notamment les virements des salaires alors qu’elle avait accès aux comptes bancaires, en refusant de signer les documents de renouvellement de son habilitation bancaire, au mois de juin 2017.
Il explique que le salaire du mois de mai 2017 a été payé à Mme [S], à bonne date, par virement depuis le compte de la société ACTICONSEIL car la salariée a refusé de réaliser le virement depuis le compte du GIE.
Il ajoute que la salariée lui en a réclamé paiement le 6 juin 2017, puis par l’intermédiaire de son conseil, le 13 juin 2017, et que ce salaire lui a été payé, à nouveau, le 11 juillet 2017.
Il conteste avoir retiré les accès de Mme [S] à son compte bancaire et explique que ce sont les accès aux comptes des société ACTI EXPERT, ACTI-CE et ACTIPUBLIC qui lui ont été retirés car la salariée refusait d’exécuter les consignes de ces sociétés.
Il expose qu’en 2017, en raison des tensions entre associés, les entretiens de mi-année n’ont pas eu lieu et qu’aucun salarié n’a perçu de prime d’objectif cette année-là et que deux sorties estivales ont été organisées, l’une par la société ACTICONSEIL et l’autre par les autres structures du GIE.
***
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [S] invoque les faits suivants :
1/ des reproches injustifiés sur le temps passé pour le compte d’ACTICONSEIL
Mme [S] s’appuie sur sa pièce n°73, soit un échange de mail, des 2 et 5 mars 2017, entre M. [K] et elle-même, à propos du retour de son évaluation. M. [K] indique « [‘] Comme tu le sais parfaitement, le décompte des heures de travail que tu établis et nous donne, nous sert à connaître le temps passé pour chacune de ces deux structures et bien plus, permet de répartir le coût de tes interventions entre le GIE et la société GROUPE ACTI CONSEIL. L’interrogation de [J] était tout à fait légitime car, dans les mois qui précédaient le mois d’octobre dernier, tu passais plus d’heures sur la société Groupe ACTICONSEIL que sur le GIE et que brusquement, cette répartition s’est inversée. Or, parallèlement nous échangions avec [H] et [X] sur le fait que tu intervenais plus pour cette société que pour le GIE. Ceci ne constitue nullement un « flicage incessant », pour reprendre les propos que tu as utilisés dans le compte rendu d’entretien annuel, si c’est à cela que tu fais référence puisque nous n’avons pas échangé sur ce thème, contrairement à ce que tu as indiqué. »
Mme [S] répond « [‘] s’agissant de mes heures de travail, je te rappelle à nouveau que je saisis en priorité mes temps sur mon client facturable SFM pour des questions d’exhaustivité de facturation client et que de fait, les heures imputées au GIE sont mécaniquement minorées dans la mesure où, comme vous le savez sans doute, je dépasse régulièrement les 35 heures par semaine’.dis-moi dans ces conditions, comment je dois réagir et renseigner mon temps de travail entre le GIE et le client du GR AC. Concernant mes activités entre celles consacrées au GIE et celles liées au seul client GR AC (sfm), elles ont toujours coexisté sans que personne ne trouve à y redire jusque-là et je ne vois pas de quels intérêts divergents tu fais allusion, voire pire, en quoi je pourrais prendre parti à ce titre ‘
Je te remercie de m’éclairer sur ce point, non évoqué le 6 février dernier alors que je t’ai indiqué que le dossier SFM m’avait demandé un temps plus important dû à son contrôle fiscal. »
Le mail de M. [K] ne contient aucun reproche quant au temps passé par la salariée pour le compte de la société ACTICONSEIL mais un rappel de l’objectif du décompte, par la salariée, de son temps de de travail et de la répartition entre les sociétés du GIE.
Le fait n’est pas établi.
2/ un manque de soutien alors qu’elle était mise en cause par une collègue
Mme [S] verse aux débats (pièce n°26) le compte rendu d’évaluation faisant suite à l’entretien du 6 février 2017. Mme [S] a écrit « points négatifs évoqués lors de l’entretien : absence de relation avec [I], qui ne semble pas accepter mon rôle de supervision (ce qui n’était pas le cas les années précédentes). D’après moi provient de la remise en cause de mon autorité par certains associés. Par contre, j’attends les résultats de l’intervention de [U] vis-à-vis de [I] qui permettrait de rétablir un fonctionnement serein. ».
Ces simples déclarations de la salariée sont insuffisantes à établir la mise en cause de la part de « [I] » et le manque de soutien.
Le fait n’est pas établi.
3/ la mise en cause infondée sur une absence
Mme [S] s’appuie (pièce n°50) sur des échanges de mail du 27 mars 2017 après midi : Mme [I] [D] demande aux associés si Mme [S] est absente aujourd’hui, M. [Y] répond « on dirait qu’on fait des plannings pour rien ! », Mme [D] « Bonjour [H], le planning n’indique rien. » ; M [Y] « Vous êtes sûre ‘ j’ai le calendrier Outlook sous les yeux ! de toute façon quand [R] est absente, elle prévient toujours et pas la veille pour le lendemain. ». Ensuite des mails sont échangés entre les associés, le conflit étant manifeste mais initié puis attisé par M. [Y], étant observé que Mme [S] n’est pas destinataire de ces mails. A la fin de journée, M. [Y] envoie un dernier mail en indiquant qu’il ne savait pas « que [I] pistait [R] » ; qu’il n’avait pas de compte à rendre sur la présence de tel ou tel à tel endroit, parle de flicage et précise qu’il se « fout de savoir où elle est, compte tenu de la confiance sans bornes que mes associés et moi lui témoignons ».
Le mail initial de Mme [D] n’est pas une mise en cause injustifiée de l’absence de Mme [S] mais une question anodine, à l’origine d’un conflit entre associés, à l’issue duquel, aucune réponse à la question n’est apportée.
Le fait n’est pas établi.
4/ l’absence d’invitation à un repas où tout le personnel était invité
Mme [S] ne précise pas sur quelle pièce, parmi les 90 figurant au bordereau, elle s’appuie.
Le fait n’est pas contesté par le GIE AXTI V.
5/ reproche injustifié d’avoir fait partir une collègue
Le fait est imprécis et n’est étayé par aucune des pièces versées aux débats par la salariée.
6/ l’ordre de faire des virements ou d’annuler des virements de compte à compte alors qu’elle n’avait pas l’accord des détenteurs des comptes
Mme [S] verse aux débats (pièce n°52bis) un mail, du 9 mai 2017, qu’elle a envoyé à M. [K], avec copie avec M. [Y] «’ je fais suite à ton mail et à notre entretien du mercredi 3 mai 2017 …effectivement, j’ai refusé sans écrit d’un associé de faire des virements d’une structure à une autre. Tu comprendras qu’il est de ma responsabilité en tant que Secrétaire générale de ne pas accepter de faire des mouvements sur les comptes bancaires sans un accord écrit de la part de l’associé gérant de la structure’Tu m’as reproché lors de cet entretien de ne pas t’avoir informé du non virement du Groupe Acti Conseil. J’en ai informé les associés du groupe Acti Conseil et comme indiqué ci-dessus, si je n’ai pas l’accord d’un associé du Groupe Acti Conseil, je ne peux procéder au virement’ ».
Le 4 mai 2017, M. [K] lui avait demandé des éclaircissements par mail, car Mme [S] lui avait affirmé, la veille « avoir un ordre écrit de [X] [M] lui demandant d’annuler les virements du Groupe Acti Conseil vers le GIE. Tu as refusé de faire de même avec les autres sociétés sur ma demande orale exigeant un écrit. Tu refuses de me donner plus d’explications en te retranchant hier vers [X] [M], qui m’a affirmé hier soir n’être pas au courant’ » ; Mme [S] a répondu « Si [X] n’est pas au courant, il y a d’autres associés du Groupe Action Conseil auquel tu peux t’adresser. Je ne suis pas habilitée à faire des virements si j’en ai pas l’ordre pour chaque structure. Tu m’as demandé oralement d’annuler des virements de que j’ai refusé car tu engageais ma responsabilité envers ACTI-CE et ACTIPUBLIC alors que tu n’es pas gérant de ces structures. Ce n’est donc pas une question d’orale ou d’écrit’ ».
L’ordre de M. [K] d’annuler un virement est établi et le refus de Mme [S] est établi.
7/ la privation de l’entretien de mi-année de juillet 2017 et de la prime :
Mme [S] verse aux débats un mail de M. [B], associé du groupe ACTICONSEIL, aux associés du GIE, en date du 18 juillet 2017 « je vous rappelle les évaluations de fin de saison à faire à fin juillet comme effectué ces 8 dernières années. Je souhaite assister à celle de SVI. A vous de me dire qui souhaite m’accompagner.».
Il est constant que cet entretien n’a pas eu lieu et que Mme [S] n’a pas reçu de prime en 2017, or, cet entretien permettait de fixer les objectifs de l’année suivante et de déclencher le versement d’une prime.
Les années précédentes, Mme [S] avait perçu, au mois de juillet 2014, 2015 et 2016, une prime « exceptionnelle », comme indiqué aux bulletins de paie.
Il n’est pas contesté que cette prime n’a pas été versée puisque l’entretien n’a pas eu lieu.
8/ la modification substantielle de son contrat de travail
La salariée verse aux débats un mail, adressé par M. [K] à la caisse d’épargne, le 3 mai 2017 : celui-ci demande que soit retiré « tout accès aux comptes des sociétés ACTI-CE, ACTIPUBLIC et ACTIEXPERT aux personnes suivantes : [R] [S], [X] [M], [H] [Y] et [V] [B].
Je vous remercie de bien vouloir scinder les accès internet en 3 accès distincts :
ACTI-CE, ATIPUBLIC et ACTIEXPERT auront un nouveau code d’accès que vous me donnerez (après accord de [F] [T] et [N] [P] à qui je communiquerai ce code).
ACTI-V aura un accès spécifique dont le code sera transmis à [H] [Y] et moi en tant que co administrateur.
Groupe ACTICONSEIL et EURL ACTICONSEIL auront un troisième code d’accès à communiquer à ses dirigeants.
Les signataires autorisés seront les suivants sur les sociétés qui me concernent ou dont j’ai accord ;
ACTIEXPERT : [U] [K] [Z] [E] et [J] [W]
ACTIPUBLIC [N] [P] et [J] [W]
ACTI-CE : [A] [G], [U] [K], [F] [T] et [J] [W]’ »
Le 3 mai 2017, M. [K] a envoyé un mail à Mme [S], ayant pour objet « caisse d’épargne » et lui indiquant « comme indiqué lors de notre entretien, je t’interdis désormais d’effectuer toute opération sur les comptes Actiexpert, ACti CE, Acti Public et SARL [U] [K] ».
Le 9 mai 2017, Mme [S] a écrit à M. [K] « je fais suite à ton mail’du 3 mai 2017, j’ai pris note que tu m’interdisais d’effectuer des virements et je n’aurai plus accès aux comptes bancaires d’ACTI-CE, ACTIEXPERT, ACTIPUBLIC, SARL [K] + ACTI-V. En conséquence, je ne serais donc plus en position de faire les virements (salaires, virements internes et autres demandes de certains associés. Dans ce cas, je détruirais donc la carte Acti-V qui est actuellement à mon nom et pour lequel vous faites des paiements avec les fournisseurs. En effet, je ne peux valider des paiements si je n’en connais pas la teneur. Je te demande donc t’envoyer un écrit à la banque pour :
– me décharger de toutes responsabilités vis-à-vis de cette carte bancaire
– que mon numéro de téléphone ne serve plus, ni à l’autorisation de validation des paiements ni à l’enregistrement des comptes de tiers (fournisseurs ou autres)
Au vu de ce changement qui modifie considérablement mes responsabilités et ma position au sein du GIE, je demande un entretien afin d’envisager une rupture éventuelle pour faire valoir les droits. ».
Le même jour Mme [S] a écrit un mail à Mme [D] lui demandant de détruire la copie de l’empreinte de la carte bleue d’ACTI-V et de ne plus faire aucun paiement avec cette carte.
Il ne ressortait pourtant pas du mail de M. [K] qu’elle n’avait plus le droit de faire des opérations sur les comptes bancaires du GIE ACTI-V.
Le 1er juin 2017, M. [K] a répondu au message de Mme [S], en s’excusant de n’avoir pas répondu plus tôt, le message qu’il avait rédigé de sa tablette le 9 mai alors qu’il n’était pas connecté n’étant jamais parti, « Bonjour [R], pour ta demande d’entretien, je vais voir avec les autres membres du GIE, comment l’organiser.
Concernant ACTI-V rien n’a changé à mon niveau. Les changements demandés ne concernaient que AC AP et ACE. »
Le 29 mai 2017, Mme [S] a envoyé un mail à M. [K] « ci-joint, les paies de mai. Je te joins également le bilan de données de paie pour les virements de frais de dep. »
M. [K] a répondu « GIE RAS, je te laisse faire les virements comme d’habitude’ ».
Mme [S] a attendu le lendemain pour répondre en soutenant qu’il lui avait demandé de ne plus s’occuper d’aucun virement et lui laissant « le soin de faire les virements de salaire », ce que à quoi, M. [K] a répondu immédiatement « je ne t’ai jamais enlevé quoique ce soit sur le GIE, relis bien mes messages. J’ai juste demandé à la banque d’envoyer les codes à [H] et moi en tant qu’administrateur mais je n’ai jamais demandé à ce qu’on t’enlève la moindre délégation. ».
La modification substantielle du contrat de travail n’est pas établie.
9/ le non-paiement du salaire du mois de mai 2017
Le 2 juin 2017, Mme [S] s’est étonnée auprès de M. [K] de ce que son salaire n’était pas viré et lui a demandé de « faire le nécessaire au plus vite », ce à quoi M. [K] a répondu qu’il était en déplacement et qu’il ne comprenait pas pourquoi elle ne le faisait pas puisqu’elle l’avait toujours fait. Mme [S] a répondu « je te rappelle que tu m’as enlevé tout moyen de paiement. M. [K] a répondu « je t’ai donné la carte E remise lundi, arrête d’être de mauvaise foi. Tu refuses d’exécuter les consignes que je te donne. J’ai validé les bulletins, tu devais donc émettre les virements’ »
La salariée a répondu « désolée mais c’est un peu facile tu crois pas ‘ Tu m’enlèves la délégation auprès de la banque pour ACTI-V et les autres comptes et tu voudrais que je prenne le risque de faire des virements ‘ je t’ai dit et écrit que je ne ferais pas les virements et j’ai remis la carte e-remise dans ta bannette (carte qui se trouve être à ton nom). On va ou’ ‘ ». M. [K] a répondu « je ne t’ai jamais enlevé cette délégation su ACTI-V »
Il ressort d’un échange de mail entre Mme [D] et Mme [S] en date du 1er juin 2017 que cette dernière, à qui il était demandé si les virements de salaire avaient été faits, a répondu qu’elle ne les faisait plus, puis qu’elle n’avait pas perçu son salaire, or, Mme [S] verse également aux débats son relevé de compte bancaire, sur lequel apparaît le paiement de son salaire, par « Groupe ACTI CONSEIL », le 1er juin 2017.
Il s’en déduit que si le salaire de Mme [S] n’a pas été payé par le GIE ACTI-V, cela résulte d’un choix de la salariée de ne pas faire les virements, ce choix ayant eu des conséquences pour sa collègue Mme [D] mais pas pour elle puisqu’elle a reçu, dans le même temps, la somme correspondant à son salaire de la société ACTI CONSEIL.
Le fait est établi mais il ressort exclusivement du comportement de Mme [S].
10/ la dégradation de l’état de santé
La salariée verse aux débats un arrêt de travail, en date du 23 juin 2017, pour syndrome anxio-dépressif en lien avec l’activité professionnelle ; elle justifie avoir consulté son médecin le 5 juillet 2017 pour un lumbago ; le médecin du travail a établi deux attestations de suivi, l’une le 18 juillet 2017, préconisant d’éviter les situations génératrices de stress et l’autre, le 28 août 2017, préconisant le télétravail.
La dégradation de l’état de santé est établie.
L’absence d’entretien et l’absence consécutive de versement de la prime, l’absence d’invitation à un repas, la dégradation de l’état de santé, faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer un harcèlement.
L’employeur verse aux débats :
l’attestation de Mme [D] (pièce n°32 de Me MIOLANE) en date du 16 octobre 2018, laquelle déclare qu’avant le départ en congés d’été, « il est de coutume d’organiser une journée cabinet comprenant notamment un repas commun et une activité offerte par la société. A l’été 2017, je n’ai pas été conviée par le groupe Acti conseil à leur journée cabinet. Par contre, les autres membres du GIE m’ont invitée à la leur. Deux journées séparées ont été organisées, en raison de la séparation des intérêts des différents associés » ;
Mme [D] précise également qu’elle n’a pas eu d’entretien individuel avec ses responsables en vue de fixer sa prime d’objectif, en raison des difficultés relationnelles au sein des dirigeants et qu’elle n’a pas eu de prime cette année-là ;
le procès-verbal d’assemblée générale du 13 septembre 2017 : par la troisième résolution (entretien des salariés du GIE), l’assemblée décide d’attendre de statuer sur cette question en présence d’un représentant de la SARL GROUPE ACTICONSEIL et après avoir reçu l’avis de la médecine du travail concernant [R] [S].
Les relations conflictuelles entre les associés sont établies par les nombreux mails que ces derniers ont échangés, le projet de protocole d’accord transmis par M. [K] dès le 14 avril 2017, notamment à M. [Y], envisageant la dissolution du GIE à compter du 30 septembre 2017, dissolution qui s’est concrétisée au mois de novembre 2017.
Par ailleurs, la prime n’était pas prévue au contrat de travail de Mme [S] et le GIE ACTI-V n’avait pas l’obligation de la verser en 2017, dans un contexte de conflit et de comportement déloyal de Mme [S].
Ainsi, l’employeur apporte des éléments justifiant que ses agissements sont étrangers à tout harcèlement.
Et les éléments médicaux attestant de la dégradation de l’état de santé de la salariée ne suffisent pas à eux seuls à caractériser le harcèlement moral.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [S] de sa demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral et violation de l’obligation de sécurité.
Sur la nullité du licenciement
La salariée affirme que la dégradation de ses conditions de travail, la violation de l’obligation de sécurité et les actes de harcèlement ont conduit à son inaptitude et à son licenciement qui doit être déclaré nul. Elle précise qu’elle est devenue auto entrepreneur mais s’est trouvée dans une situation financière précaire.
Elle précise que la société ACTICONSEIL n’est qu’une cliente parmi d’autres.
Le GIE objecte avoir respecté les dispositions légales et souligne avoir recherché un poste pour reclasser Mme [S] alors qu’il n’en n’avait pas l’obligation.
Il ajoute que la salariée ne justifie pas du préjudice qu’elle a subi et affirme qu’elle a commencé à travailler, dès le 12 octobre 2017, pour la société ACTICONSEIL.
***
L’inaptitude de Mme [S] ne résultant pas des conditions de travail ni d’une faute de l’employeur, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour nullité du licenciement.
Sur la prime d’objectif
La salariée expose que l’employeur n’a pas organisé l’entretien annuel sur l’atteinte des objectifs et ne lui a pas versé cette prime en 2017 alors qu’elle lui était versée les années précédentes ; qu’il s’agit d’une prime habituelle, statistiquement perçue par l’ensemble des salariés.
L’employeur réplique que l’entretien mi annuel est destiné à vérifier la réalisation des objectifs de l’année écoulée et à fixer ceux de l’année suivante ; que cet entretien n’a pas eu lieu en raison de l’état de santé de Mme [S] ; que le versement de la prime est conditionné aux résultats du GIE qui n’ont pas été bons et au comportement de la salariée, qui n’a pas été loyal ; que la prime n’était donc pas due.
***
Il est constant que Mme [S] a perçu, au mois de juillet 2014, 2015 et 2016, une prime « exceptionnelle », comme indiqué aux bulletins de paie.
Le versement de cette prime n’est pas prévu par le contrat de travail.
Dès lors, rien n’imposait au GIE ACTI V de maintenir cette prime en 2017.
Le jugement sera confirmé.
Sur les heures supplémentaires
La salariée soutient avoir formulé cette demande, dans le corps de ses conclusions, devant le conseil de prud’hommes qui n’a pas statué dessus. Elle conteste la nécessité de faire figurer la demande dans le dispositif, la procédure étant orale devant le conseil de prud’hommes.
Elle fait valoir qu’elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires en 2015, 2016 et 2017 et affirme que les tableaux remplis, à la demande de l’employeur, par les salariés, ne reflétaient pas la réalité.
Elle conteste que les heures supplémentaires aient été récupérées.
Le GIE soulève l’irrecevabilité de la demande, nouvelle en cause d’appel, la salariée n’ayant pas formulé de telles demandes dans le dispositif de ses écritures en première instance et ne démontrant pas les avoir formulées oralement.
Le GIE conteste la réalisation d’heures supplémentaires, souligne que les comptes rendus d’activité produit par la salariée, qui ne sont pas signés de l’employeur, différent des décomptes d’heures supplémentaires que la salariée prétend avoir fait. Il ajoute que Mme [S] a omis de tenir compte des jours fériés, période de congés, arrêt maladie et RTT. Il fait remarquer que la salariée ne justifie pas d’un accord, même implicite, quant à la réalisation d’heures supplémentaires.
***
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Aux termes de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Le dispositif des conclusions en première instance de Mme [S] ne contient pas de demande de condamnation de l’employeur au titre des heures supplémentaires.
Dans le corps des conclusions, elle soutient avoir réalisé des heures supplémentaires sans toutefois formuler de demande chiffrée.
La demande formulée en cause d’appel est nouvelle et n’est pas l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises aux premiers juges.
Il y a lieu de dire irrecevable la demande de condamnation au paiement d’heures supplémentaire et congés payés afférents.
Sur les autres demandes,
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
Mme [S], qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d’appel.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge du GIE ACTI-V la charge des sommes non comprises dans les dépens qu’il a dû exposer en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
DIT irrecevable la demande de Mme [S] en paiement de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés afférents ;
CONDAMNE Mme [S] aux dépens d’appel ;
DÉBOUTE le GIE ACTI-V de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE