Télétravail : 31 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/04501

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Télétravail : 31 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/04501
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31 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/04501

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 31 MARS 2023

N°2023/ 97

Rôle N° RG 19/04501 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD7A3

[X] [G]

C/

SAS TUNAP FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :31/03/2023

à :

Me Rozenn BARCELO, avocat au barreau de TOULON

Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 26 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00132.

APPELANTE

Madame [X] [G], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Rozenn BARCELO, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

SAS TUNAP FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et par Me Christine TSCHEILLER-WEISS, avocat au barreau de STRASBOURG

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport.

Madame Estelle de REVEL, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [G] a été engagée par la société Tunap France en qualité de VRP exclusif selon contrat à durée indéterminée du 25 mai 2010.

Sa rémunération était composée d’un salaire brut fixe mensuel (fonction du chiffre d’affaires réalisé sur sa région), outre des commissions sur les ventes réalisées sur le chiffre d’affaire de sa région, ainsi que d’une prime sur la réalisation du quota mensuel.

Le 29 septembre 2014, la salariée a été placée en arrêt de travail pour un syndrome de burn out et son contrat s’est trouvé suspendu.

Le 16 octobre 2014, lors de la première visite médicale de reprise, le médecin du travail l’a déclarée: ‘ inapte: définitif à son poste de travail antérieur dans l’entreprise. L’origine de l’inaptitude et l’organisation du travail ne permettent pas de proposer de mesures individuelle de transformation de poste dans l’entreprise’.

Lors de la seconde visite médicale de reprise, le 3 novembre 2014 : ‘Mme [G] est définitivement inapte à son poste de travail ainsi qu’à tous les postes existant actuellement dans l’entreprise. L’origine de l’inaptitude et l’organisation du travail ne permettent pas de proposer de mesures individuelles de mutation ou de transformation de poste dans ce cadre. Elle reste apte à une activité en télétravail.’

Le 26 novembre 2014, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 décembre 2014 auquel elle ne s’est pas rendue.

Elle s’est vue licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 10 décembre 2014.

Contestant son licenciement, Mme [G] a saisi le conseil des prud’hommes de Draguignan.

Par jugement du 26 février 2019, le conseil de prud’hommes de Draguignan a :

– dit que le licenciement de Mme [G] par la société Tunap France pour impossibilité de reclassement était justifié.

– dit que les demandes de Mme [G] n’étaient pas justifiées.

– débouté Mme [G] de la totalité de ses demandes.

– condamné Mme [G] à payer la somme de 1000.00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Mis les dépens à la charge de Mme [G] .’

Me [G] a relevé appel de la décision le 19 mars 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [G] demande à la cour de :

‘- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes sauf en ce qu’il avait débouté la société TUNAP du surplus de ses demandes.

– Accueillir Mme [X] [G] en ses demandes et les déclarées

fondées,

– Juger que la société TUNAP n’a pas effectué une recherche sérieuse et loyale de reclassement pour sa salariée Mme [X] [G]

– En conséquence, juger que le licenciement de Mme [X] [G] est sans cause réelle et sérieuse

– Débouter la société TUNAP de toutes ses demandes

– Condamner la société TUNAP à payer à Mme [G] les sommes de :

– 60.264 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 12.224 euros au titre de l’indemnité de clientèle, outre 10% au titre des CP, soit 1 222,4 euros.

– 1.528 euros au titre des commissions de retour sur échantillonnage, outre 10% au titre des congés payés, soit 152,80 euros,

– 2 770 euros de dommages et intérêt en réparation du préjudice du au retard du paiement des indemnités de fin de contrat,

– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct du fait du comportement déloyal de l’employeur.

Condamner la société TUNAP à la remise de l’attestation Pôle Emploi modifiée et d’un reçu pour solde ; remise des documents assortis d’une astreinte de 100 euros par jour de retard et ce, à compter de la mise en demeure du 16/02/2015 en ce qui concerne le reçu pour solde.

– Condamner enfin la société TUNAP à payer à Mme [X] [G] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.’

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, la société Tunap France demande à la cour de :

DÉCLARER l’appel de Mme [G] irrecevable, en tous les cas mal fondé,

En conséquence :

CONFIRMER le jugement N° RG F 18/00132 rendu par le Conseil de Prud’hommes de DRAGUIGNAN le 26 février 2019 en toutes ses dispositions,

DÉBOUTER Mme [G] de l’intégralité de ses demandes,

LA CONDAMNER à payer en outre à la société TUNAP France un montant de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d’appel,

LA CONDAMNER aux éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.’

A l’audience, sur interrogation de la cour, le conseil de Mme [G] a précisé que sa contestation de la cause réelle et sérieuse du licenciement était uniquement fondée sur la violation par la société Tunap de son obligation de reclassement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Moyens des parties :

Mme [G] considère que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement.

Elle soutient que la société Tunap pouvait parfaitement aménager ou adapter son poste et lui proposer une formation.

Elle estime que la société ne démontre pas l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de procéder à son reclassement et notamment ne prouve pas les recherches effectives qu’elle a effectué.

Elle fait valoir qu’alors que la société appartient au groupe Würth de dimension internationale, celle-ci a limité ses recherches de reclassement au seul territoire français, peu important qu’elle même ait pu adopter une position restrictive quant à ses souhaits de reclassement et qu’elle ne parle pas de langue étrangère.

Elle soutient par ailleurs que l’intimée ne démontre pas s’être entretenue avec le médecin du travail dans le cadre de cette recherche de reclassement.

La salariée critique enfin le fait qu’une seule proposition de reclassement lui ait été faite concernant un poste se situant à 900 km de son domicile et d’une durée déterminée de six mois.

En réplique, la société fait valoir l’impossibilité d’aménager d’une manière quelconque le poste de travail de Mme [G] s’agissant d’une VRP itinérante et précisant que le travail exigeait des démonstrations auprès des clients.

Elle affirme n’embaucher que des salariés itinérants à l’exception de quatre postes d’assistants commerciaux et magasiniers déjà pourvus.

Elle conteste toute possibilité de reclassement à l’étranger, l’appelante ne parlant pas de langue étrangère et ayant fait savoir qu’elle n’envisageait pas de poste ailleurs que dans le sud de la France en raison de sa situation familiale.

Elle soutient avoir procédé à des recherches de reclassement dans les sociétés du groupe et avoir proposé un poste auquel la salariée n’a jamais répondu.

Réponse de la cour :

Dès lors que l’inaptitude n’a pas été constatée en application de l’article L. 4624-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur postérieurement à l’avis d’inaptitude (entrée en vigueur le 1 er janvier 2017), les dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de cette loi s’appliquent.

En vertu de l’article L.1226-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, le salarié déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment bénéficie d’un droit au reclassement.

L’obligation de reclassement s’impose à l’employeur dès lors que le salarié est régulièrement déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. C’est à l’employeur de justifier du sérieux de ses démarches et, le cas échéant, qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié, et seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises après la visite de reprise sont prises en considération.

Toutefois, l’obligation de reclassement n’est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée ; l’employeur n’est ainsi pas tenu de proposer un poste qui n’est pas disponible, ni de créer un poste nouveau, sans réelle utilité ou encore incompatible avec le bon fonctionnement de l’entreprise.

L’appréciation du caractère sérieux de la recherche relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié.

En présence d’un groupe, la possibilité de reclassement doit s’apprécier à l’intérieur du dit groupe. Le groupe s’entend, en dehors de toute notion de droit commercial, des entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent à l’employeur d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. La définition du groupe issue des ordonnances n°2017-1387 et n°2017-1718 n’est pas applicable en l’espèce, le licenciement étant antérieur à leur entrée en vigueur.

En l’espèce, il n’est pas discuté que Mme [G] a été engagée en vertu d’un contrat de représentant en qualité de VRP exclusif. A ce titre, le contrat stipule qu’elle se voit confier la représentation et la vente en clientèle des produits et articles commercialisés par la société. Un véhicule automobile est mis à sa disposition ainsi qu’une carte de carburant.

Il résulte de ces éléments que les fonctions de la salariée étaient itinérantes.

Or, le médecin du travail l’a déclarée inapte définitivement à ses fonctions dans les termes suivants :’inapte à son poste de travail ainsi qu’à tous les postes existant actuellement dans l’entreprise. Elle reste apte à une activité en télétravail.’

Le médecin du travail a également considéré que ‘ l’origine de l’inaptitude et l’organisation du travail ne permettent pas de proposer de mesures individuelles de mutation ou de transformation de poste dans ce cadre’. Il ne peut en conséquence être reproché à l’employeur de ne pas avoir recherché de mesure de transformation ou de mutation.

Pour justifier des recherches de reclassement qu’elle a effectué, la société Tunap verse aux débats:

– une lettre adressée au service des ressources humaines de sept sociétés du groupe Würth par courrier recommandé du 7 novembre 2014 comprenant les préconisations du médecin du travail, les informations personnelles relatives à la salariée (âge, domicile, situation de famille, et fonctions exercées) ainsi que ses cinq principales compétences;

– trois réponses négatives;

– la proposition de reclassement faite à Mme [G] le 17 novembre 2014 pour un poste de ‘commercial sédentaire Würth Direct Service , contrat de travail à durée déterminée de 6 mois rémunéré 1 500 euros + primes’, accompagné de la fiche de poste ;

– la convocation à entretien préalable en l’absence de réponse de sa part;

– un courrier de réponse adressé à la Chambre Syndicale Nationale des Forces de Ventes, le 27 mai 2015, après avoir été interpellée sur l’absence de reclassement : la société indique qu ‘au moment du reclassement de Mme [G], l’effectif s’articulait comme suit: 1 directeur général + 2 assistantes commerciales + 2 magasiniers basés au siège en Alsace; 4 encadrants itinérants + 28 VRP itinérants sur tout le territoire français’.

Ces éléments permettent de vérifier l’existence des postes disponibles au temps du reclassement dans une société qui employait quarante-deux salariés comme il résulte de l’attestation Pôle Emploi, dont quasi-exclusivement des VRP itinérants.

La cour relève que la preuve de la composition du groupe Würth est suffisamment rapportée par les éléments susvisés et qu’il est établi que l’employeur a procédé aux recherches de reclassement dans toutes les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettaient d’effectuer la permutation de Mme [G]. Des recherches personnalisées et sérieuses tenant compte des compétences et des fonctions de la salariée ont été faites auprès de l’ensemble de ces sociétés.

Est sans incidence le fait que le seul poste proposé soit un contrat à durée déterminée se situant dans un autre département, l’employeur étant tenu de proposer tous les postes de reclassement.

La cour estime en conséquence que la société justifie avoir procédé à des recherches sérieuses et loyales de reclassement.

En conséquence et en confirmant le jugement déféré, la cour dit que le licenciement est pourvu d’une cause réelle et sérieuse.

L’ensemble des demandes subséquentes doivent être rejetées et le jugement confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct

Moyens des parties :

Mme [G] sollicite la condamnation de la société au paiement d’une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral lié à l’exécution déloyale du contrat par l’employeur et au non respect de son obligation de sécurité.

Elle invoque ses conditions de travail dégradées depuis 2013 en raison de la déloyauté de l’employeur qui ont eu des répercussions graves sur son état de santé et ont entraîné son burn out en septembre 2014 qui est à l’origine de son inaptitude.

Mme [G] reproche une absence de réaction de son employeur pourtant alerté par le médecin du travail sur son ressenti à l’égard de l’organisation du travail au sein de l’entreprise.

Répliquant sur le fondement du harcèlement moral et de l’obligation de sécurité et de loyauté, l’employeur conteste tout manquement de sa part dans l’exécution du contrat de travail.

Il soutient que l’inaptitude de la salariée n’est pas d’origine professionnelle.

Réponse de la cour

Selon l’article L4121-1 du code du travail l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que les actions que l’employeur doit mettre en oeuvre pour protéger la santé physique et mentale des salariés concernent la prévention des risques professionnels et l’évaluation de ceux qui ne peuvent être évités.

Il incombe à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité du salarié.

En vertu de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Sur les manquements à l’exécution loyale du contrat de travail :

– Sur le secteur et la clientèle :

Mme [G] reproche à l’employeur de lui avoir retiré ses cinq clients dits ‘poids lourds’ ce qui a eu un impact sur sa rémunération, de lui avoir demandé de développer le secteur des Alpes Maritimes alors que son contrat de travail ne prévoyait que le département du Var, et enfin de lui avoir ordonné de prendre en charge quatre concessions dans ce secteur.

L’employeur explique avoir organisé différemment l’équipe commerciale en charge des clients poids lourds (concession IVECO) et justifie par l’attestation de M. [H] que la salariée n’a pas obtenu ses clients seule. Il n’est par ailleurs pas démontré que le salaire de l’intéressée aurait diminué en raison de cette nouvelle organisation.

En vertu d’un avenant du 30 janvier 2011, Mme [G] a été affectée sur le département du Var avec possibilité de travailler dans les Bouches du Rhône, précision faite que les autres termes du contrat restaient inchangés.

La cour relève, à l’instar de l’employeur, que le contrat de travail stipule que ‘compte tenu de l’organisation commerciale de la société et de l’indispensable souplesse des forces de vente, il a été expressément convenu que ni le secteur, ni la clientèle confiée au représentant, ne font l’objet d’une attribution définitive (…). La société se réserve la faculté de modifier le secteur géographique et la clientèle en fonction des nécessités de l’organisation commerciale. (…) Le représentant déclare expressément que ni le secteur géographique ni la clientèle n’ont déterminé son engagement et accepte par avance leur modification en fonction des intérêts de l’entreprise’.

En l’état de ces éléments, il n’y a aucun manquement au devoir de loyauté dans l’exécution du contrat.

– Sur la pression managériale

L’appelante se plaint d’une pression de son supérieur hiérarchique qui la sollicitait à n’importe quelle heure, le soir et le dimanche.

Elle ne produit cependant qu’un mail du mercredi 27 mars 2013 à 20h40 où il lui est demandé de remplir un tableau pour le lendemain, et deux mails d’information envoyés le dimanche 6 janvier 2013 et le dimanche 17 février 2013 qui ne supposaient pas de réponse.

Ces éléments, tant par leur contenu, que leur nombre, ne permettent pas de caractériser le manquement allégué.

– Sur la modification de sa rémunération

La salariée soutient que sa rémunération a été modifiée à trois reprises sans avenant, au début de l’année 2013, en avril et août 2013.

Elle produit son bulletin de salaire du mois d’août 2013 dont il ne ressort pas le système de prorata temporis de présence sur le terrain dont elle se plaint; ainsi qu’un mail du 1er avril 2014 intitulé Nouveau mode de calcul des primes sans pour autant justifier des répercussions de celui-ci sur sa rémunération.

L’employeur produit pour sa part les objectifs 2013 et 2014 signés par l’intéressée.

Le manquement n’est pas établi.

– Sur des convocations dans des conditions inadaptées à la sécurité des salariés

La salariée soutient avoir été convoquée à sept réunions durant une période de 15 mois à [Localité 5], [Localité 4] et [Localité 3], soit dans des lieux éloignés de son domicile, avec interdiction de prendre une chambre d’hôtel.

La cour, après analyse des pièces produites par les parties, retient qu’il n’a pas été interdit aux salariés de prendre des chambre d’hôtel étant précisé que l’annexe 4 de son contrat de travail prévoit les indemnités pour les nuitées et petits déjeuners en cas de déplacement.

Les éléments ne permettent pas non plus d’établir la réalité des allégations et aucun manquement à la sécurité des salariés n’est démontré.

– Sur la visite médicale

Mme [G] reproche à l’employeur d’avoir organisé la visite médicale périodique le 4 août 2014 alors qu’elle était en congés payés.

Elle ne démontre cependant pas la mauvaise foi de la société dans le choix de la date, celle-ci étant fixée plusieurs semaines à l’avance par la médecine du travail, avec possibilité, le cas échéant, pour le salarié de la modifier ou de la reporter.

Le manquement n’est pas établi.

– Sur le décalage de paie

La salariée reproche un décalage de paie au 13 du mois.

L’employeur explique cette date de paiement par le décompte des commissions et soutient qu’il est prévu par le contrat.

La cour relève que l’obligation de payer le salaire mensuellement demeure respectée et qu’aucun manquement n’est démontré par le seul reproche d’un décalage de paie.

L’ensemble de ces éléments ne démontre pas que l’employeur ait commis des manquements qui seraient à l’origine de la dégradation des conditions de travail de l’intéressée.

Sur l’état de santé de la salariée et l’obligation de sécurité

Mme [G] invoque des manquements de l’employeur en ce qu’il n’aurait pas tenu compte des alertes médicales.

Elle produit l’avis rendu à l’occasion d’une visite médicale le 18 juillet 2014 comme suit: ‘apte à son poste, visite occasionnelle à la demande si besoin compte tenu de l’état de santé actuellement constaté en lien avec le ressenti de Mme [G] quant à l’organisation du travail’.

Puis celui ayant suivi le 22 septembre 2014, après qu’elle ait à nouveau vu le médecin du travail qui a confirmé son précédent avis : ‘apte – visite médicale occasionnelle à la demande si nécessaire. A revoir dans 3 mois’.

Cependant, la cour n’a pas retenu que l’organisation du travail dans la société était défaillante et que des manquements de ce chef soient imputables à l’employeur. Il ne peut dès lors être reproché à l’employeur de ne pas avoir pris en compte cet avis, qui, au demeurant, constatait l’aptitude de la salariée.

La cour relève par ailleurs que l’inaptitude déclarée plusieurs semaines après n’a pas été considérée comme étant d’origine professionnelle.

Dans ces conditions, aucun manquement à l’obligation de sécurité n’est établi et la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.

Sur l’indemnité de clientèle

Moyens des parties

Mme [G] fait valoir à l’appui de sa demande en paiement d’une indemnité de clientèle qu’elle a créé et développé la clientèle tant en nombre de clients qu’en valeur dans le secteur du Var ; que les nombreuses commissions perçues attestent de l’importance de cette clientèle , qu’elle a droit à une indemnité de clientèle d’un montant de 12 224 euros équivalente à deux années de commission précédent la rupture du contrat de travail.

La société soutient à titre principal que la salariée ne justifie pas de son droit à percevoir une indemnité de clientèle et à titre subsidiaire que l’indemnité de clientèle pouvant revenir à la salariée doit être calculée déduction faite de l’indemnité de licenciement de 3 698,64 euros avec laquelle elle ne peut se cumuler.

Elle rappelle en outre que l’indemnité de clientèle ne génère pas de droit à congés payés.

Réponse de la cour

L’article L.7313-13 du code du travail dispose qu’en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.

Ces dispositions s’appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié.

Le versement de l’indemnité de clientèle est subordonné à la conclusion de contrats renouvelables.

Il est de jurisprudence constante que c’est au VRP de rapporter la preuve de la création, du développement ou de l’apport de clientèle, s’il souhaite bénéficier d’une indemnité.

En l’espèce, au terme de son contrat de travail du 25 mai 2010 et de ses avenants, Mme [G] s’est vue confier la représentation et la vente en clientèle des produits et articles commercialisés par la société Tunap France d’abord sur le département du Val d’Oise, puis du département du Var qui pouvait être étendu aux Bouches du Rhône, et également dans le département des Alpes Maritimes comme susvisé.

La société produit aux débats une attestation de M. [H], responsable hiérarchique de l’appelante, qui dresse la liste, non autrement contredite, des clients qui ont été obtenus par Mme [G] avec son intervention sans cependant préciser l’impact sur la commission de la salariée. La société ne produit en revanche aucun élément de preuve de nature à caractériser l’existence d’une clientèle déjà existante lors de la prise de fonctions de Mme [G].

De son côté, cette dernière produit le cumul des chiffres d’affaires par client de janvier 2012 à décembre 2014 ainsi que les listings de ses clients sur son secteur rapportant ainsi la preuve suffisante de la création et du développement par ses soins d’une clientèle au bénéfice de la société Tunap.

En l’état des éléments soumis à l’appréciation de la cour, le préjudice subi par Mme [G] est fixé à deux années de commissions, soit, sur la base des commissions perçues au cours de l’année 2014, déduction faite de l’indemnité de licenciement d’un montant de 3 698,64 eruros qui n’est pas cumulable avec l’indemnité de clientèle selon les dispositions de la convention collective nationale des voyageurs représentants placiers VRP non contestées par la salariée, une somme de 8 525,36 euros.

En conséquence, et infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à payer à la salariée la somme de 8 525,36 euros bruts au titre de l’indemnité de clientèle,

En raison de sa nature indemnitaire, cette somme n’ouvre pas droit à une indemnité au titre de congés payés afférents, cette demande doit par conséquent être rejetée.

Sur le retour sur échantillonnage

Moyens des parties

Mme [G] sollicite une somme de 1528 euros, outre 152,8 euros de congés payés afférents, à titre de retour sur échantillonnage équivalent à trois fois la moyenne mensuelle sur les douze derniers mois de travail.

La société réplique que la salariée ne démontre absolument pas que des clients auraient passé des commandes après sa prospection suite à son départ de la société et rappelle que Mme [G] était en arrêt de travail depuis le 29 septembre 2014 lors de la rupture du contrat.

Réponse de la cour :

Il résulte de l’article L.7313-11 du code du travail que quelle que soit la cause et la date de la rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d’échantillon et des prix faits antérieurs à l’expiration du contrat.

L’article L.7313-12 précise que sauf clause contractuelle plus favorable au voyageur, représentant ou placier, le droit à commission est apprécié en fonction de la durée normale consacrée par les usages. Une durée plus longue est retenue pour tenir compte des sujétions administratives, techniques, commerciales ou financières propres à la clientèle. Cette durée ne peut excéder trois ans à compter de la date à laquelle le contrat de travail a pris fin.

S’il appartient au représentant de faire la preuve de sa créance, il incombe à l’employeur qui détient les documents permettant de calculer les droits du représentant de fournir les justificatifs des ordres passés et le chiffre d’affaires en résultant.

Mme [G] a été licenciée le 10 décembre 2014 mais la cessation de son travail effectif date du 29 septembre 2019, soit plus de deux mois plus tôt, puisqu’elle avait été placée en arrêt de travail.

Alors que l’ensemble des bulletins de salaire antérieurs au mois de septembre 2014 mentionnait le paiement de commission sur chiffre d’affaires et que Mme [G] a travaillé jusqu’à la fin de ce mois, la cour observe, de façon surprenante et brutale, plus aucune commission ne figure sur les bulletins de paie à partir du mois de septembre 2014. L’employeur qui affirme qu’elle n’avait droit à aucune commission puisqu’elle était en arrêt de travail à partir du 29 septembre e t que plus aucune commande n’a été passée suite à celui-ci, ne produit cependant pas les éléments permettant de le vérifier.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande en paiement, non autrement contestée dans son quantum.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la délivrance des documents de fin de contrat

En vertu de l’article L.1234-19 du code du travail, à l’expiration du contrat de travail l’employeur délivre un certificat de travail.

Aux termes de l’article R.1234-9 alinéa 1 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

L’obligation de remettre un certificat de travail et une attestation Pôle emploi pesant sur l’employeur est quérable.

Il appartient au salarié de démontrer qu’il s’est heurté à une inertie ou un refus de son employeur et de justifier de l’existence d’un préjudice.

Pour justifier du retard de l’employeur dans la remise des documents de fin de contrat et réclamer une indemnité de 2 770 euros, la salariée produit le courrier qu’elle a envoyé à Pôle Emploi le 5 février 2015 demandant une révision de la date de début de ses droits expliquant qu’au 31 décembre 2015, elle n’avait toujours pas reçu les documents nécessaires à son inscription; le rejet de sa demande d’allocation en raison de l’absence de pièce produite au 16 février 2015, ainsi que son bulletin de salaire du mois de décembre 2014 et un bulletin rectificatif du mois de février 2015.

Il est ainsi établi que l’employeur n’a pas produit les documents de fin de contrat à la fin du contrat de travail. Cependant, ces manquements de la part de l’employeur n’établissent pas nécessairement l’existence d’un préjudice pour lequel la salariée ne produit aucune pièce et pour lequel elle se contente d’alléguer n’avoir pu exercer ses droits aux prestations d’allocation chômage.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande.

Sur les autres demandes

Il est équitable de condamner la société Tunap à verser à Mme [G] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris SAUF s’agissant des demandes au titre de l’indemnité de clientèle et de retour sur échantillonnage,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant

Condamne la société Tunap France à payer à Mme [X] [G] les sommes suivantes:

– 8 525,36 euros à titre d’indemnité de clientèle,

– 1528 euros à titre de retour sur échantillonnage,

– 152,80 euros à titre de congés payés afférents,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette l’ensemble des autres demandes,

Condamne la société Tunap France aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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