Télétravail : 30 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01102

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Télétravail : 30 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01102
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30 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/01102

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MARS 2023

N° RG 20/01102 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T4B4

AFFAIRE :

[F] [J]

C/

S.A.S. BT FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Février 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 18/00689

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Claire-Eva CASIRO COSICH

Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, initialement fixé au 12 janvier 2023, puis prorogé au 16 février 2023, puis prorogé au 30 mars 2023, les parties ayants été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur [F] [J]

né le 1er novembre 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Claire-Eva CASIRO COSICH, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E955

APPELANT

****************

S.A.S. BT FRANCE

N° SIRET : 702 032 145

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 substitué par Me Maelle LAFON, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,

Greffier lors du prononcé : Madame Sophie RIVIERE

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [J] a été engagé par la société BT France, appartenant au groupe British Telecom, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 9 décembre 2011 à effet au plus tard le 1er avril 2012, en qualité de directeur de comptes, statut cadre, groupe F, moyennant une rémunération forfaitaire brute annuelle pour 214 jours de travail par an. Sa rémunération était composée d’une partie fixe d’un montant annuel brut de 120 000 euros, versée en 12 mensualités égales, et d’une partie variable correspondant à 50% de sa rémunération fixe annuelle brute à réalisation de 100% des objectifs fixés, soit d’un montant annuel brut de 60 000 euros. Il bénéficiait en outre d’un avantage en nature véhicule évalué à 374,26 euros brut par mois et d’une indemnité de télétravail de 90 euros brut par mois. Ses bulletins de paie mentionnent comme date d’ancienneté le 6 février 2012.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des télécommunications.

Par courrier de son avocat en date du 6 février 2018, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société BT France, lui reprochant de ne pas lui avoir réglé les commissions qui lui étaient dues au titre de la part variable de sa rémunération et de lui avoir, depuis la mise en demeure de les lui régler qu’il lui a adressée le 24 novembre 2017, fait subir une ‘mise au placard’, adressé un mail de remontrance injustifié et retiré, par simple mail, ses fonctions de Global Account Manager du compte Société Générale pour lui confier un poste d’account management sur des comptes mineurs.

Estimant ne pas être rempli de ses droits et soutenant que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre, par requête reçue au greffe le 12 mars 2018, afin d’obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 25 février 2020, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Nanterre a :

– dit que les demandes formulées par M. [J] était injustifiées et infondées,

– requalifié la prise d’acte de M. [J] en démission,

– débouté M. [J] de l’ensemble de ses autres demandes,

– condamné M. [J] à verser à la société BT France la somme de 44 725 euros à titre d’indemnité de préavis non effectué,

– condamné M. [J] à verser à la société BT France la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

M. [J] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 11 juin 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 7 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [J] demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, en conséquence de :

– constater le bien fondé de la demande de prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par la société BT France,

– juger que cette rupture emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer son salaire moyen à la somme de 17 201,27 euros,

– condamner la société BT France à lui verser les sommes suivantes :

*120 408,90 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*37 154,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

*51 603,82 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

*5 160,38 euros au titre des congés payés sur préavis ;

*103 207,63 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance à l’exécution du contrat de travail s’agissant des commissions et attitude brutale et vexatoire dans la marginalisation dont il a été l’objet ;

*17 641,62 euros au titre des congés payés non pris ;

*3 969,52 euros au titre des RTT non pris ;

*129 451,26 euros au titre des commissions non versées ;

*12 945,13 euros au titre des congés payés sur commissions non versées ;

– condamner la société BT France à lui verser des intérêts de retard sur commissions non versées et sur congés payés sur commissions non versées à compter du 27 novembre 2017 ;

– condamner la société BT France à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonner, sous astreinte journalière de 50 euros par document, la remise des documents sociaux, soit l’attestation Pôle emploi, le certificat de travail, les bulletins de paie actualisés et le solde de tous comptes ;

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

– condamner la société BT France aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société BT France demande à la cour de :

– juger qu’elle a parfaitement respecté l’ensemble de ses obligations ;

– juger que M. [J] n’apporte pas la preuve de fautes justifiant la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur ;

– juger que le manque d’implication de M. [J] résultait de son souhait de départ de la société pour une autre société ;

– juger que M. [J] a été rempli de ses droits au regard des objectifs fixés pour l’exercice 14/15 ;

– juger que les objectifs fixés à M. [J] lors des exercices fiscaux 15/16, 16/17 et 17/18 n’étaient pas irréalisables et que ce dernier a été rempli de ses droits ;

En conséquence :

– confirmer le jugement entrepris ;

– requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [J] en démission ;

– débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [J] à lui verser la somme de 44 725 euros au titre du préavis non exécuté ;

– condamner M. [J] au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [J] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à infirmer le jugement entrepris et à la condamner au versement de commissions, il lui est demandé de :

– réduire à la somme de 30 295,29 euros bruts le montant de la condamnation au titre de l’exercice 2015-2016 ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à infirmer le jugement entrepris et à considérer que M. [J] a pris acte de la rupture aux torts de l’employeur, il lui est demandé de :

– ramener la condamnation au titre de la prise d’acte de la rupture à la somme de 44 725,65 euros bruts, soit trois mois de salaires ;

– ramener l’indemnité conventionnelle de licenciement réclamée à la somme de 32 202,47 euros bruts ;

– ramener l’indemnité compensatrice de préavis réclamée à la somme de 44 725 euros bruts, outre la somme de 4 473 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

– la condamner à remettre au salarié une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte, un certificat de travail et un seul bulletin de salaire rectifiés en même temps que le règlement des sommes dues ;

– débouter le salarié de sa demande de remise de ces documents sous astreinte.

Par ordonnance du 10 mai 2021, le conseiller de la mise en état a débouté la société BT France de sa demande de radiation de l’affaire du rôle fondée sur l’article 526 ancien du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 26 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle, à titre liminaire qu’elle est fondée à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d’une traduction en langue française, sans qu’il soit nécessaire d’ouvrir à nouveau les débats.

Sur la rémunération variable

Aux termes de son contrat de travail, la rémunération de M. [J] comporte une partie variable correspondant à 50% de sa rémunération fixe annuelle brute à réalisation de 100% des objectifs fixés, soit d’un montant annuel brut de 60 000 euros.

Le contrat stipule que les territoires, secteurs, comptes sur lesquels seront fixés les objectifs du salarié lui seront communiqués à chaque nouvel exercice fiscal et qu’il est convenu entre les parties que les listes décrites dans la lettre qui lui est alors remise sont susceptibles d’évoluer et d’être modifiées dans le temps, en fonction des besoins de l’organisation de la société, sans que ces modifications puissent être interprétées comme constitutives du présent contrat.

L’exercice fiscal se rapporte à la période du 1er avril de l’année n au 31 mars de l’année n+1.

M. [J], qui a perçu les sommes suivantes à titre de rémunération variable :

– 52 860,00 euros à titre de rémunération variable pour l’exercice 2014/2015 ;

– 14 704,79 euros à titre de rémunération variable pour l’exercice 2015/2016 ;

– 34 887,22 euros à titre de rémunération variable pour l’exercice 2016/2017 ;

– 0 euro à titre de solde de rémunération variable pour l’exercice 2017/2018 ;

revendique le paiement de la somme de 129 451,26 euros au titre de la rémunération variable lui restant due selon le décompte suivant :

– 7 755,60 euros à titre de solde de rémunération variable pour l’exercice 2014/2015 ;

– 45 295,21 euros à titre de solde de rémunération variable pour l’exercice 2015/2016 ;

– 25 112,78 euros à titre de solde de rémunération variable pour l’exercice 2016/2017 ;

– 51 287,67 euros à titre de rémunération variable pour l’exercice 2017/2018, calculée prorata temporis pour la période du 1er avril 2017 au 6 février 2018 ;

L’éventuelle absence de réclamation du salarié pendant l’exécution du contrat de travail ne saurait valoir renonciation à se prévaloir de ses droits à rémunération variable.

Aux termes de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

1) sur la rémunération variable de l’exercice 2014/2015

M. [J] produit la lettre d’objectifs que la société BT France lui a transmis le 22 décembre 2014 pour l’exercice fiscal du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, portant sur un territoire constitué des clients Vivendi/SFR et Key GBFM (Global Banking and Financial Market).

Dans son courriel du 6 juillet 2015 en réponse à la contestation par M. [J] du calcul de sa rémunération variable, son manager indique que la rémunération variable de 52 860 euros attribuée à l’intéressé pour l’exercice fiscal 2014/2015, a été calculée sur la base d’un taux de réalisation de l’objectif de 88,1 %, calculé comme suit :

– Revenu (poids 30%) : résultat atteint à 102%, soit un coefficient de 0,3056 ;

– ICV (poids 40%) : résultat atteint à 82,56%, soit un coefficient de 0,3302 ;

– Marge (poids 20%) : résultat atteint à 112,59%, soit un coefficient de 0,2252.

– CSAT (poids 10 %) : résultat atteint à 20%, soit un coefficient de 0,0200 ;

Il résulte des pièces produites par le salarié que le pourcentage d’atteinte de l’objectif retenu par l’employeur a été calculé au vu des résultats suivants :

– Revenu : 31 889,15 Keuros pour un objectif fixé de 31 405 Keuros ;

– ICV : 13 886,70 Keuros pour un objectif fixé de 15 283 Keuros ;

– Marge : 7 458 Keuros pour un objectif fixé de 6 750 Keuros ;

– CSAT : 20%

M. [J] fait valoir qu’au vu des résultats qu’il a obtenus, soit :

– Revenu : 32 893 Keuros pour un objectif fixé de 31 405 Keuros ;

– ICV : 15 893 Keuros pour un objectif fixé de 15 283 Keuros ;

– Marge : 8 284 Keuros pour un objectif fixé de 6 750 Keuros ;

– CSAT : 20%

la rémunération variable qui aurait dû lui être attribuée pour l’exercice fiscal 2014/2015 aurait dû être de 60 615,60 euros comme devant être calculée comme suit :

– Revenu (poids 30%) : résultat atteint à 104,75%, soit un coefficient de 0,3171 ;

– ICV (poids 40%) : résultat atteint à 103,99%, soit un coefficient de 0,4192 ;

– Marge (poids 20%) : résultat atteint à 122,73%, soit un coefficient de 0,2540 ;

– CSAT (poids 10 %) : résultat atteint à 20%, soit un coefficient de 0,0200 ;

Il fait valoir que dans le calcul présenté le 9 juillet 2015 par son manager, les résultats obtenus sur le territoire Key GBFM n’ont été pris en compte qu’à concurrence de l’objectif fixé sans prendre en compte les dépassements d’objectifs réalisés, alors que le calcul de sa rémunération variable devait intégrer le résultat total réalisé, comme le démontre le fait que le plan de rémunération variable prévoit un coefficient accélérateur en cas de dépassement de l’objectif.

Le salarié produit à l’appui de ses allégations l’article 4 du pay-plan, dont il fait, dans ses conclusions, une traduction libre, dont il ressort qu’un accélérateur est effectivement prévu en cas de dépassement de l’objectif de prise de commande (ICV) et en cas de dépassement de l’objectif de bénéfice (profit).

Il appartient à l’employeur de justifier des faits générateurs et du calcul de la part variable de la rémunération convenue. La société BT France ne le fait pas et ne justifie pas notamment du bien fondé du plafonnement des résultats obtenus par le salarié sur le territoire Key GBFM au montant de l’objectif. M. [J] est en conséquence bien fondé à revendiquer le paiement d’un solde de rémunération variable de 7 761,60 euros pour l’exercice fiscal 2014/2015.

2) sur la rémunération variable des exercices 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018

M. [J] revendique pour ces exercices un rappel de rémunération variable calculé sur la base de la rémunération variable convenue à objectif atteint à 100 % et calculé prorata temporis pour l’exercice 2017/2018. A l’appui de sa demande, il fait valoir que les objectifs qui lui ont été fixés et qu’il n’a pas acceptés, à l’exception de ceux de l’exercice 2016/2017, dont il souligne qu’il ne les a toutefois acceptés que sous la menace de la société BT France de ne pas lui verser de rémunération variable s’il ne le faisait pas, lui sont inopposables comme ayant été fixés unilatéralement par l’employeur et que ces objectifs étaient irréalisables, de sorte que sa rémunération variable doit lui être payée en totalité.

Les objectifs d’un salarié, conditionnant la partie variable de sa rémunération, peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, sauf si le contrat de travail prévoit qu’ils seront fixés en accord avec le salarié. Le contrat de travail de M. [J] ne prévoyant pas que ses objectifs seront fixés par la société BT France en accord avec lui, le salarié est mal fondé à prétendre que ses objectifs lui sont inopposables au motif qu’il ne les a pas acceptés.

Lorsque les objectifs sont fixés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier, sous réserve qu’ils soient réalisables.

– sur la rémunération variable de l’exercice 2015/2016

M. [J], qui produit la lettre d’objectifs qui lui a été transmises par la société BT France le 13 juillet 2015 pour l’exercice fiscal du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, établit que les objectifs qui lui ont été ainsi fixés étaient en moyenne de plus de 50 % supérieurs à ceux qui lui avaient été fixé au cours de l’exercice fiscal 2014/2015.

La société BT France ne produisant aucun élément de nature à établir, qu’ainsi qu’elle le prétend, les objectifs qu’elle a fixés à M. [J] à titre de condition de versement de sa rémunération variable pour l’exercice 2015/2016 étaient réalisables, cette rémunération est due.

La société BT France fait valoir qu’il convient de déduire de la somme réclamée par le salarié la somme de 15 000 euros qu’elle lui a versé au mois de février 2017 au titre de ses commissions de l’année 2015/2016.

La société BT France, qui a mentionné sur le bulletin de paie de M. [J] du mois de février 2017, versé aux débats, une ‘prime exceptionnelle (hors CP )’ de 15 000 euros, dont le salarié n’allègue pas qu’elle ne lui a pas été payée, produit un courriel de Mme [N] en date du 2 février 2017, dont elle fait, dans ses conclusions, une traduction libre, dont il ressort que le montant de cette prime a été défini par le management du salarié comme une part de ses commissions de l’année 2015/2016 (non incluse dans son plan de commissionnement).

Il n’est pas démontré toutefois que cette gratification consentie par l’employeur au titre de commissions non inclues dans le plan de commissionnement du salarié, avait le même objet que les commissions prévues par le plan de commissionnement ou pay plan prévoyant les modalités de calcul de la part variable de la rémunération de l’intéressé. M. [J] est en conséquence bien fondé à revendiquer le paiement d’un solde de rémunération variable de 45 295,21 euros pour l’exercice fiscal 2015/2016.

– sur la rémunération variable de l’exercice 2016/2017

A l’appui de sa demande concernant cet l’exercice, M. [J] produit :

– la première lettre d’objectifs qui lui a été adressée par son employeur le 6 juin 2016, qu’il a retournée signée le 29 novembre 2016 après y avoir apposé la mention suivante :

‘Ma signature vaut accuser-réception de cette lettre.

Je n’approuve pas ces objectifs :

1-ils représentent une croissance de 30% et 50% par rapport au réalisé 2015/2016 (respectivement sur le revenu global et les commandes globales)

2-ce compte a traversé en 15/16, avant ma nomination, une grave crise ayant un impact de plus de 9 M€ sur 16/17.’

– la seconde nouvelle lettre d’objectifs qui lui a été adressée par son employeur le 24 février 2017, qu’il a acceptée le 22 mars 2017.

La société BT France ne produisant aucun élément de nature à établir, qu’ainsi qu’elle le prétend, les objectifs qu’elle a finalement fixés au salarié à titre de condition de versement de sa rémunération variable pour l’exercice 2016/2017 étaient réalisables, cette rémunération est due. M. [J] est en conséquence bien fondé à revendiquer le paiement d’un solde de rémunération variable de 25 112,78 euros pour l’exercice fiscal 2016/2017.

5) sur la rémunération variable de l’exercice 2017/2018

La société BT France a transmis à M. [J] le 6 juin 2017 une première lettre d’objectif pour l’exercice fiscal du 1er avril 2017 au 31 mars 2018.

Par courriel du 23 juin 2017, le salarié a fait part de ses réserves à son employeur, lui faisant observer que compte-tenu du seuil de marge fixé, sa part variable sera de 0 s’il ne réalise pas 25% de croissance sur la marge, ce qui n’est pas le principe d’une part variable. En l’absence du retour qu’il sollicitait, il a, par courriel du 21 octobre 2017, énuméré les éléments qui rendaient ces objectifs inacceptables comme suit :

‘1-entre la complexité du pay plan, la formulation approximative de la target letter et les traductions automatisées des différents documents, il devient impossible de comprendre ce qui est inclus ou pas dans les objectifs : qu’en est-il de Radianz, Unified Trading et IP Trade ‘

2-les objectifs de croissance sur ce compte ne sont pas réalistes

3-le seuil sur la marge, qui bloque toute part variable, est fixé à 25% de croissance sur la marge.’

Par courriel du 31 octobre 2017, M. [S], son supérieur hiérarchique, lui a répondu qu’un processus de target review a été lancé par le groupe, que des propositions ont été faites par la management sales et la finance (MET), qu’ils attendent le retour prochain du groupe, et ajoute ‘Dans tous les cas, le prérequis sera la signature de la target letter.’

La société BT France a transmis ensuite à M. [J] le 20 décembre 2017 une nouvelle lettre d’objectif pour l’exercice fiscal du 1er avril 2017 au 31 mars 2018. Celui-ci a répondu que la seule modification portait sur l’objectif de marge 1 (périmètre Europe) qui passe de 7 161 K € à 6 181 K €, que le pay plan prévoit qu’en dessous de 90% de l’objectif de marge, la part variable est à 0, ce qui signifie qu’il faut atteindre une marge de 5 562 900 euros pour toucher une part variable, soit une croissance de 3,6% par rapport à l’année fiscale précédente pour activer le seuil, que la lettre d’objectifs qui lui est soumise à trois mois de la clôture de l’exercice ne lui permettent pas, malgré ses bons résultats, d’envisager de toucher des commissions et que les objectifs fixés démontrent une volonté réitérée de ne pas le rétribuer à la hauteur de ce qui lui est dû.

La société BT France ne produit aucun élément de nature à établir, qu’ainsi qu’elle le prétend, les objectifs qu’elle a fixés au salarié à titre de condition de versement de sa rémunération variable pour l’exercice 2017/2018 étaient réalisables.

M. [J] produit quant à lui le courriel qui lui a été adressé le 16 juin 2020 par M. [S] dans lequel celui-ci, qui a été son supérieur hiérarchique de fin avril 2017 au 6 février 2018, expose que les objectifs 2017/2018 étaient particulièrement ‘ambitieux’ et que le seuil sur le revenu et la marge combinés avec, d’une part, le changement de stratégie du groupe visant à abandonner le métier d’intégrateur et de services de maintenance et de conseil, particulièrement pénalisante pour le compte Société Générale, dont 2/3 du revenu et surtout la marge étaient basés sur des ressources intégrateurs et conseils, et, d’autre part l’absence d’offres nouvelles compétitives disponibles à temps, sur le Sdwan par exemple,également pénalisante pour le compte Société Générale, rendaient le paiement de commissions très aléatoire malgré l’implication des équipes.

Si, comme le fait valoir la société BT France, cette pièce ne constitue pas une attestation au sens de l’article 202 du code de procédure civile, la preuve est libre en matière prud’homale et le contenu de ce courriel, qui fait état d’éléments précis et circonstanciés n’est pas sérieusement contredit par les pièces produites par la société BT France, de sorte qu’il doit être retenu comme suffisamment probant.

La partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité s’acquérant au prorata du temps de présence de celui-ci dans l’entreprise au cours de l’exercice, M. [J] peut prétendre à son paiement prorata temporis pour l’exercice 2017/2018. L’intéressé est en conséquence bien fondé à revendiquer le paiement de la somme de 51 287,67 euros à titre de rémunération variable calculée prorata temporis pour l’exercice fiscal 2017/2018.

3) sur les sommes dues par l’employeur au titre de la rémunération variable

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BT France à payer à M. [J] la somme totale de 129 451,26 euros à titre de rappel de rémunération variable.

La société BT France soutient que la partie variable de la rémunération étant allouée globalement pour l’ensemble de l’année, période de travail et période de congés payés confondues, doit être exclue du calcul de l’indemnité de congés payés.

La part variable de la rémunération de M. [J], peu important son paiement à l’année, étant assise sur les résultats obtenus sur le portefeuille de clients dont il avait la charge et donc, sur son travail personnel, était nécessairement affectée pendant la période de congés. Cet élément de rémunération doit dès lors être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BT France à payer à M. [J] la somme de 12 945,13 euros au titre des congés payés afférents au rappel de rémunération variable alloué.

Sur les effets de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission.

Le juge doit rechercher si les faits invoqués par le salarié justifiaient sa prise d’acte à la date de celle-ci. Il n’est pas tenu de rechercher si, comme l’invoque l’employeur, le véritable motif de la rupture n’aurait pas été la promesse d’embauche reçue par le salarié d’un autre employeur.

En matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail, le doute ne profite pas au salarié, sur qui pèse la charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

M. [J] démontre qu’à la date de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, la société BT France était débitrice envers lui d’une somme de plus de 60 000 euros au titre de la part variable de sa rémunération, et lui avait fixé, en dépit de ses alertes, des objectifs irréalisables pour l’exercice fiscal 20017/2018. Ces faits constituent à eux seuls un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles en matière de rémunération suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il convient dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner le manquement tenant à la modification unilatérale du contrat de travail du fait du retrait du compte Société Générale, également invoqué par le salarié, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la prise d’acte de celui-ci produit les effets d’une démission et de dire que celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a condamné M. [J] à payer à la société BT France la somme de 44 725 euros à titre d’indemnité pour préavis non effectué et la société BT France sera déboutée de sa demande de ce chef.

La rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] est bien fondé à prétendre au paiement d’une indemnité de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au vu des bulletins de paie produits et de ce qu’il convient d’y ajouter le rappel de rémunération variable qu’il aurait dû percevoir au cours de la période considérée et d’en soustraire la prime exceptionnelle de 15 000 euros qui, quoique versée en février 2017, se rapporte à une rémunération qui aurait dû être perçue en 2016, M. [J] est bien fondé à prétendre pour la période de février 2017 à janvier 2018 à un salaire annuel brut de 191 415,24 euros, soit un salaire mensuel brut moyen de 15 951,27 euros.

Il résulte de l’article 4.4.1.2 de la convention collective, que l’indemnité de licenciement est fixée à 18 % du salaire annuel brut pour un salarié comptant, comme M. [J], 6 années complètes d’ancienneté. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BT France à payer à M. [J] la somme de 34 454,74 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

En application de l’article L. 1234-5 du code du travail, l’indemnité de préavis correspond aux salaires et avantages que M. [J] aurait perçus s’il avait travaillé pendant cette période, fixée à trois mois pour les salariés du groupe F par l’article 4.4.1.1 de la convention collective. Si la rémunération du salarié est composée d’une partie fixe et d’une partie variable, il convient de se référer à la moyenne annuelle de la rémunération pour calculer le montant de cette indemnité. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BT France à payer à M. [J] la somme de 47 853,81 euros à titre d’indemnité de préavis ainsi que la somme de 4 785,38 euros au titre des congés payés afférents.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, M. [J] peut prétendre à une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 7 mois de salaire brut. Si le salarié a retrouvé immédiatement un emploi assorti d’une rémunération supérieure à celle qui était la sienne au sein de la société BT France, il a n’anmoins subi, du fait de la perte injustifiée de son emploi, un préjudice moral que la cour fixe à la somme de 60 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BT France à payer ladite somme à M. [J] à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité pour congés payés non pris

M. [J] revendique le paiement de la somme de 17 641,22 euros à titre d’indemnité compensatrice de 25,64 jours de congés payés acquis à la date de son départ de l’entreprise et non pris, ce qui représente une indemnité journalière de 688,035 euros.

Si la société BT France produit un bulletin de paie du mois de février 2018 mentionnant une somme totale de 14 929,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés pour 29 jours de congés payés, soit 9 233,62 pour 20 jours ouvrés acquis du 1er juin 2016 au 31 mai 2017 et non pris et 9 jours ouvrés en cours d’acquisition au titre de la période du 1er juin 2017 au 6 février 2018, sur la base d’un taux de 461,681 euros par jour, ce bulletin de paie ne fait état d’aucun paiement contrairement aux bulletins de paie précédents, qui mentionnaient le virement effectué sur le compte bancaire du salarié, et la société BT France n’allègue, ni ne justifie avoir effectivement payé les sommes correspondantes, mais fait valoir que la rupture du contrat de travail devant s’analyser en une démission, le salarié doit être débouté de cette demande.

Aux termes de l’article L. 3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction du congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. L’indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur.

Un salarié doit être reçu en sa demande en paiement d’un solde d’indemnité compensatrice de congés payés même si le solde de congés payés litigieux a été acquis au titre de la période antérieure à la période de référence en cours à la date de la rupture, dès lors qu’il a été reporté sur cette dernière période avec l’accord de l’employeur ainsi qu’en atteste la mention de ce solde sur les bulletins de paie.

M. [J], qui avait acquis 25 jours ouvrés de congés payés au titre de la période de référence de juin 2016 à mai 2017, ayant pris 1 jour ouvré de congé le 9 juin 2017, 13 jours ouvrés de congé du 27 juillet au 14 août 2017, 2 jours ouvrés de congé du 3 au 6 novembre 2017, n’a pas bénéficié de 9 des 25 jours ouvrés de congés acquis au titre de cette période, solde qui a été reporté par l’employeur sur ses bulletins de paie et notamment sur celui du mois de janvier 2018. Ayant acquis en outre 16,64 jours ouvrés de congés payés au cours de la période postérieure, à raison de 2,08 jours ouvrés par mois, il est bien fondé à prétendre à une indemnité compensatrice des 25,64 jours de congés payés qu’il revendique.

La société BT France calcule l’indemnité journalière de congés payés versée au salarié sur la base de 461,681 euros, tandis que M. [J] revendique une indemnité compensatrice de congés payés calculée sur la base d’une indemnité journalière de 688,035 euros.

La part variable de la rémunération du salarié étant assise sur des résultats produits par le travail personnel du salarié, nécessairement affectés pendant la période de congés, cet élément de rémunération doit être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés peu important son paiement à l’année.

Il convient en conséquence de condamner la société BT France à payer à M. [J], dans la limite de l’indemnité journalière de 688,035 euros que celui-ci retient, la somme de 17 641,22 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

Sur l’indemnité pour jours de RTT non pris

M. [J], qui bénéficiait de jours de RTT fixés forfaitairement à 13 jours par an, revendique le paiement de la somme de 3 969,52 euros à titre d’indemnité compensatrice de jours de RTT acquis à la date de son départ de l’entreprise et non pris.

Si la société BT France produit un bulletin de paie du mois de février 2018 mentionnant une somme de 674,05 euros à titre d’indemnité compensatrice d’un droit à 1,46 jours de RTT, sur la base d’un taux de 461,681 euros par jour, ce bulletin de paie ne fait état d’aucun paiement contrairement aux bulletins de paie précédents, qui mentionnent le virement effectué sur le compte bancaire du salarié, et la société BT France n’allègue, ni ne justifie avoir payé les sommes correspondantes mais fait valoir que la rupture du contrat de travail devant s’analyser en une démission, le salarié doit être débouté de cette demande.

Le droit à indemnité compensatrice de jours de RTT non pris est indépendant de la cause de la rupture du contrat de travail.

A défaut d’un accord collectif prévoyant une indemnisation, l’absence de prise de jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail au jour de la rupture du contrat de travail n’ouvre droit toutefois à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur. M. [J] n’alléguant pas n’avoir pu prendre, du fait de la société BT France, l’ensemble des jours de RTT qu’il a acquis au titre de l’année civile 2017, est mal fondé à prétendre à une indemnité compensatrice des 3 jours de repos acquis au titre de cette année et non pris. Il est en revanche bien fondé à prétendre à une indemnité compensatrice pour les 1,46 jours de RTT acquis du 1er janvier au 6 février 2018. Il convient en conséquence, dans la limite de l’indemnité journalière de 688,035 euros retenue par le salarié, de condamner la société BT France à payer à M. [J] la somme de 1 004,53 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de jours de RTT.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance à l’exécution du contrat de travail s’agissant des commissions et attitude brutale et vexatoire dans la marginalisation dont il a été l’objet

Aux termes de l’article 1231-6, alinéa 3 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

Cependant que M. [J] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement de sa rémunération variable par la société BT France et causé par la mauvaise foi de celle-ci.

M. [J] établit :

– que par courrier du 24 novembre 2017, l’avocat de M. [J] a mis la société BT France en demeure de payer sans délai à son client la somme de 63 163,59 euros brut à titre de solde de sa rémunération variable pour les exercices 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017, l’informant qu’à défaut et sans réponse sous huit jours, il a reçu mandat de son client de mettre en oeuvre toute voie de droit nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts ;

– que le 27 novembre 2017, la société VMware France a adressé à M. [J] une promesse d’embauche à une date à déterminer entre les parties, en qualité de Global Account Manager, position 3.2, coefficient 210 de la convention collective Syntec, pour 218 jours de travail par an, moyennant un salaire annuel brut fixe de 129 000 euros versé en 12 mensualités et une rémunération variable sous la forme d’un plan de commissions dont le montant à objectifs atteints était de 86 000 euros,

– que par courriel du jeudi 25 janvier 2018, M. [S], supérieur hiérarchique de M. [J], a vivement reproché à celui-ci sa gestion du client Société Générale, estimant qu’il ne lui donne pas de visibilité sur les actions entreprises et ne travaille pas proactivement sur ce compte ;

– qu’il a accordé à M. [J] les congés payés que celui-ci a demandé à prendre durant la semaine du 29 janvier 2018 ;

– que par courriel du mercredi 31 janvier 2018 à 9h41, il l’a informé de la décision prise de lui retirer le compte Société Générale, compte-tenu de son désengagement dans la gestion de ce compte, qui est le compte le plus important de BT en France, et de manière générale de la très nette baisse d’implication dont il fait preuve depuis la fin de l’année 2017, lui reprochant notamment la prise des congés qu’il l’avait pourtant autorisé à prendre, et lui a demandé de transmettre dans les meilleurs délais ce compte au commercial qui en était désormais chargé; il concluait son mail en ces termes : ‘Je sais que tu as porté un litige auprès de l’entreprise. Il ne m’appartient pas d’en juger le bien-fondé évidemment, mais cela ne doit pas entacher ton action au quotidien. J’attends de ta part un changement radical d’attitude et un investissement plein et entier de ta part sur les comptes qui vont t’être attribués.’ ;

– que M. [J] s’étant vu prescrire un congé maladie du lundi 29 janvier au vendredi 9 février 2018, a adressé son avis d’arrêt de travail à son supérieur hiérarchique par courriel du mercredi 31 janvier 2018 à 15h33 ;

– que par courriel du 1er février 2018, M. [J] a contesté cette décision et la mise en cause de ses qualités professionnelles ainsi que de son implication et de son investissement, avant d’avoir eu la possibilité d’échanger avec lui ;

– que par courrier de son avocat du 6 février 2018, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société BT France ;

– que le 12 février 2018, il a accepté la promesse d’embauche de la société VMware France ;

– que par courriel du 16 juin 2020, M. [S] a écrit à M. [J] que le conflit sur les commissions l’a amené à envisager de le mettre sur un autre poste car le compte Société Générale était son plus gros compte, qu’en ce qui le concerne, il n’avait pas à l’époque l’antériorité sur le problème des commissions chez BT et qu’il devait finir l’année fiscale et trouver une solution pour 2018/2019 sans repartir dans un cycle de contentieux sur les commissions.

Le salarié démontre ainsi qu’après qu’il ait fait intervenir un avocat pour obtenir paiement du solde de rémunération variable qui lui était dû, la société BT France lui a brutalement retiré, sans motif légitime, la gestion du principal compte de l’entreprise, après lui avoir fait quelques jours plus tôt seulement, des reproches injustifiés sur la gestion de ce compte, sans lui permettre entre-temps de s’expliquer. Ce manquement de l’employeur a causé à l’intéressé un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi, que la cour fixe à la somme de 5 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société BT France à payer ladite somme à M. [J] à titre de dommages-intérêts pour attitude brutale et vexatoire.

Sur les intérêts

Il convient de fixer à la date de la présentation à la société BT France de la lettre recommandée avec accusé de réception de l’avocat de M. [J] du 24 novembre 2017 la mettant en demeure de payer sans délai à celui-ci la somme de 63 163,59 euros brut à titre de solde de sa rémunération variable pour les exercices 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017 le point de départ des intérêts légaux sur cette somme.

Les autres créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de jugement directement saisi.

Les autres créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d’ordonner à la société BT France de remettre à M. [J] un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt. Il n’est pas nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur la fixation du salaire moyen de M. [J] et sur l’exécution provisoire

Le pourvoi en cassation n’ayant pas d’effet suspensif, l’article R. 1454-28 du code du travail imposant au juge de fixer la moyenne des salaires n’est pas applicable. Les demandes de M. [J] tendant à ce que l’exécution provisoire de la présente décision soit ordonnée et à ce que la cour fixe son salaire moyen sont donc sans objet.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société BT France, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné M. [J] à payer à la société BT France la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de condamner la société BT France à payer à M. [J], en application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 4 000 euros pour les frais irrépétibles que celui-ci a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 25 février 2020 et, statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par M. [F] [J] aux torts de la société BT France produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute la société BT France de sa demande d’indemnité pour préavis non effectué ;

Condamne la société BT France à payer à M. [F] [J] les sommes suivantes :

*129 451,26 euros brut au titre de la part variable de sa rémunération qui ne lui a pas été versée ;

*12 945,13 euros brut au titre des congés payés afférents ;

*60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*34 454,74 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

*47 853,81 euros brut à titre d’indemnité de préavis ;

*4 785,38 euros brut au titre des congés payés afférents.

*5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude brutale et vexatoire ;

*17 641,62 euros brut à titre d’indemnité compensatrice des congés payés non pris ;

*1 004,53 euros brut à titre d’indemnité compensatrice des jours de RTT non pris ;

Fixe à la date de la présentation à la société BT France de la lettre recommandée avec accusé de réception de l’avocat de M. [J] du 24 novembre 2017 la mettant en demeure de payer sans délai à celui-ci la somme de 63 163,59 euros brut à titre de solde de sa rémunération variable pour les exercices 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017 le point de départ des intérêts légaux sur cette somme ;

Dit que les autres créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à la société BT France de la lettre la convoquant devant le bureau de jugement directement saisi ;

Dit que les autres créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société BT France de remettre à M. [F] [J] un bulletin de paie récapitulatif et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Déboute la société BT France de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BT France à payer à M. [F] [J] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BT France aux dépens de première instance et d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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