Télétravail : 30 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00458

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Télétravail : 30 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00458
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30 mars 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00458

RUL/CH

Association DIOCÈSE D'[Localité 4]

C/

[S] [V] épouse [N]

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 30 MARS 2023

MINUTE N°

N° RG 21/00458 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXFV

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MACON, décision attaquée en date du 27 Mai 2021, enregistrée sous le n° 19/00115

APPELANTE :

Association DIOCÈSE D'[Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Charles MEUNIER de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉE :

[S] [V] épouse [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Harmonie TROESTER, avocat au barreau de DIJON, et Me Géraldine MOUGENOT, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Février 2023 en audience publique devant la Cour composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre, Président,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [S] [N] a été embauchée par l’association Diocèse d'[Localité 4] (ci-après le diocèse) le 1er mars 2009 par un contrat de travail à durée indéterminée avec une lettre de mission triennale renouvelable selon l’usage pour le travail pastoral et un horaire de 15,17 heures mensuelles en qualité de laïque en mission ecclésiale (LME) au service d’accompagnement des prêtres et à la coordination et l’animation de la catéchèse.

A compter du 23 novembre 2009, la salariée a exercé à mi-temps, soit 17,50 heures hebdomadaires.

Le 1er février 2017, les parties ont régularisé un avenant au contrat de travail à effet rétroactif au 1er janvier précédent fixant la durée hebdomadaire de travail à 24 heures.

Le 25 mars 2019, elle a fait un signalement auprès du procureur de la République de Mâcon relatif à des faits de pédo-criminalité.

Le 7 août 2019, elle a démissionné.

Par requêtes des 16 août 2019 et 19 février 2020, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Mâcon afin que sa démission soit requalifiée en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et faire condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes, outre plusieurs rappels de salaire et congés payés afférents, un rappel de frais professionnels et diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes de travail et réalisation d’heures complémentaires en dépassement de la durée légale, pour travail dissimulé, pour exécution déloyale du contrat de travail, violation de l’obligation de sécurité et harcèlement moral.

Par jugement du 27 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Mâcon a requalifié la démission de la salariée en un “licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse” et condamné l’employeur à lui payer diverses sommes à ce titre, et a en outre accueilli l’essentiel de ses autres demandes pécuniaires.

Par déclaration du 15 juin 2021, le diocèse a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures du 26 janvier 2023, l’appelante demande de :

– réformer le jugement déféré,

– juger, pour les causes sus-énoncées qui font expressément corps avec le présent dispositif, autant irrecevables que mal fondées l’intégralité les prétentions formées par Mme [N],

– l’en débouter,

– la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

Aux termes de ses dernières écritures du 13 mai 2022, Mme [N] demande de :

– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes au titre de la compensation des jours fériés travaillés, au titre d’une partie de ses frais professionnels, et pour licenciement nul, et, en ce qu’il a minoré certaines condamnations au titre des dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, pour dépassement des durées maximales de travail,

– condamner le diocèse au paiement des sommes suivantes :

* 1 573 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du droit au repos au cours des journées de congés posées mais en réalité travaillées en 2017 et 2018,

* 6 817,80 euros nets à titre de rappels de frais professionnels,

* 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de prévention des risques,

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes de travail et réalisation d’heures complémentaires en dépassement de la durée légale,

* 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ou subsidiairement confirmer le jugement en ce qu’il alloué 15 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter le diocèse de toutes fins ou prétentions,

– le condamner au paiement de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, et juger qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu’en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par le diocèse en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la qualification du contrat de travail pour la période du 19 septembre au 31 décembre 2016 et les heures supplémentaires/complémentaires :

Mme [N] soutient qu’elle a initialement été embauchée par un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel modulé sur l’année à effet du 1er mars 2009 au 21 novembre 2009 à raison de 15,17 heures par mois, puis 17,5 heures par semaine à compter du 23 novembre 2009 (pièce n° 1).

Elle ajoute que :

– son contrat de travail ne prévoyait aucune clause sur la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois,

– l’employeur ne justifie pas d’un accord collectif permettant l’organisation du temps de travail selon une modulation annuelle et à temps partiel,

– l’employeur ne lui transmettait qu’un planning prévisionnel annuel prévoyant 798 heures à réaliser sur l’année civile (pièces n° 5, 12, 20, 23), son temps de travail étant contrôlé sous forme d’auto-déclaration par des fiches horaires qu’elle adressait tous les mois par lettre, puis par courrier électronique à son employeur (pièces n° 1.1 à 1.4, 2.1 et 2.2, 4.1 et 4.2, 11, 19, 22),

– elle accompagnait 5 prêtres en 2009, plus de 40 en 2012 (pièces n° 76 et 77),

– elle s’est plainte de sa charge de travail excédant son temps partiel par lettre du 12 août 2013 (pièces n° 1.1 à 1.4 et 2) mais son employeur s’est contenté d’ôter une mission annexe de catéchèse, ce qui était insuffisant pour respecter son mi-temps contractuel du fait de l’accroissement du nombre de prêtres accompagnés et des distances parcourues sur l’ensemble du département,

– le lancement, le 4 octobre 2015, d’un audit interne appelé « synode diocésain » a augmenté sa charge de travail car elle faisait partie de son secrétariat (pièces n° 112 à 115),

– à compter de janvier 2016, le diocèse lui a demandé d’animer les assemblées plénières avec plusieurs centaines de personnes présentes, accroissant ainsi sa charge de travail (pièces n° 80 à 92),

– sa hiérarchie lui a ensuite confié le pilotage et la rédaction de projets équivalents à deux thèses nécessitant recherches, recueil de paroles et témoignages, synthèse et rédaction (“La place de la femme dans l’Eglise” et “L’articulation du pouvoir entre prêtres et laïcs” – pièces n° 55 et 56),

– en 2016, elle a intégré ses heures synodales de chef de mission dans ses auto-déclarations mensuelles de travail sans aucune remarque de la part de son employeur (pièces n° 4.1 et 4.2),

– lors d’un entretien du 10 janvier 2017, elle a réitéré le fait que sa charge de travail n’était pas en adéquation avec son temps partiel et rappelé qu’elle avait réalisé de nombreuses heures complémentaires dont elle demandait le paiement, demande confirmée par une lettre du 21 janvier 2017 (pièces n° 4, 5 et 7),

– à compter de cette date, il lui a été imposé de ne plus noter ses heures de travail synodales sur ses relevés mensuels et de remplir des fiches de frais “pour les bénévoles”, contrairement à une autre salariée portant dans la même situation qu’elle (pièces n° 8, 14),

– par un avenant du 1er février 2017 à effet au 1er janvier précédent, les parties ont porté la durée hebdomadaire de travail à 24 heures semaine (pièce n° 9), impliquant la reconnaissance ipso facto par l’employeur que sa charge de travail n’était pas compatible avec sa durée de travail précédente,

– de janvier à septembre 2017, elle a accompli seule un énorme travail de synthèse, de récupération des données, d’animation de commissions des deux projets synodaux qui lui avaient été confiés, animé des commissions selon les consignes dictées par l’évêque, a pris des notes des discours de celui-ci, s’est rendue aux réunions aux lieux et heures imposés par son employeur (pièces n° 55, 56, 80 à 92),

– elle a mis un terme à sa mission du synode le 21 septembre 2017 (pièces n° 15 et 16).

a – Sur les heures supplémentaires/complémentaires pour la période 2017-2019 :

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Mme [N] sollicite un rappel de salaire à ce titre sur la base des éléments ci-dessus exposés et qu’elle détermine comme suit :

– 220 heures complémentaires pour l’année 2017,

– 80,75 heures complémentaires en 2018,

– 147,25 heures complémentaires du 1er janvier au 8 août 2019,

en distinguant selon que ces heures complémentaires ont été réalisées :

– soit dans le cadre de la mission de LME,

– soit dans le cadre de la préparation du synode, ces dernières relevant selon elle des fonctions de « chargée de communication », niveau 6 de la convention collective applicable, et donc d’un taux horaire de 20,21 euros bruts.

Au titre des éléments qu’il lui incombe d’apporter, Mme [N] produit les éléments suivants :

– ses bulletins de paye (pièces n° 3, 10, 18, 21),

– ses relevés d`heures de travail pour la période à compter du 21 septembre 2016 jusqu’au mois d’août 2019 (pièces n° 4.2, 11, 19, 22),

– ses plannings prévisionnels annuels de 2017, 2018 et 2019 (pièces n° 12, 20, 23),

– ses décomptes récapitulatifs (pièces n° 17, 24 et 25),

– son agenda de 2017 (pièce n° 13),

– un état de remboursement de frais de 2017 (pièce n° 14),

– une lettre du 12 août 2013 dans laquelle elle se plaint de sa charge de travail (pièce n° 2),

– une lettre du 21 janvier 2017 dénonçant les heures supplémentaires effectuées et en demandant le paiement (pièce n° 7) et la réponse de l’employeur évoquant le fait que sa prestation au titre du synode diocésain s’inscrit dans le cadre de son engagement chrétien (pièce n° 8),

– l’avenant au contrat de travail du 1er février 2017 (pièce n° 9),

– un courrier électronique du 19 septembre 2017 notifiant à l’employeur sa décision de quitter le secrétariat du synode diocésain (pièce n° 15),

– un courrier électronique du 12 septembre 2017 notifiant à l’employeur qu’elle se désolidarise des conclusions du synode diocésain qu’elle ne partage pas (pièce n° 16).

La cour considère que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Sur ce point, le diocèse oppose que :

– Mme [N] ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe,

– ses “fiches horaires” sont dépourvues de toute valeur probante car remplies unilatéralement par ses soins, non contrôlables par l’employeur, non contresignées par lui et qu’il les conteste,

– il lui a été expressément écrit que ses prétendues « heures synodales » n’avaient pas à être mentionnées sur les fiches en question puisque ce temps ne correspond pas à une activité salariée (pièce n° 4),

– les agendas produits ne permettent pas de vérifier une durée effective de travail puisqu’elle n’accomplissait pas sa mission contractuelle d’accompagnement des prêtres sous le contrôle et dans les locaux du diocèse,

– elle ne démontre pas le ratio 2/3 de temps en LME, 1/3 en «chargée de communication»,

– le diocèse a toujours veillé à adapter son temps de travail à son volume d’activité et à l’évolution de ses missions, ainsi que le démontre la régularisation d’un avenant en février 2017 portant à 24 heures hebdomadaires la durée du travail, ce qui de l’avis même de Mme [N] était suffisant et adapté pour accomplir ses fonctions contractuelles de LME (pièce n° 5),

– Mme [N] revendique en réalité deux « contrats de travail » puisqu’elle prétend avoir travaillé également en qualité de salariée comme “chargée de communication”, niveau 6 de la convention collective du personnel laïc salarié de l’Eglise Catholique, au titre de la “préparation du synode”, qualification qu’elle s’attribue arbitrairement et ce alors même que le 29 janvier 2017 il lui a été rappelé que sa participation à l’équipe du secrétariat du synode diocésain s’inscrivait, hors de toute relation salariale, dans le cadre de son “libre engagement chrétien”, donc bénévolement, ce que confirment le vicaire général et l’économe diocésain dans leurs attestations respectives (pièces n° 4, 31 et 36),

– elle n’a jamais été soumise à un lien de subordination dans le cadre de sa participation à la préparation du synode, et n’assumait aucune responsabilité particulière à ce titre,

– elle a elle-même admis dans un courrier électronique du 6 février 2017 avoir “bien compris que toutes les heures de travail synodale étaient des heures de bénévolat […]” (pièce n° 6),

– elle ne produit aucun document établissant une embauche en qualité de chargée de communication,

– lors d’une réunion tenue le 11 janvier 2017 en présence des délégués du personnel du diocèse et de toutes les LME, il a été rappelé qu’elles disposaient d’une grande liberté d’organisation de leur emploi du temps, dans la limite des dispositions légales et réglementaires sur les temps de travail et de repos, et que les heures supplémentaires ou complémentaires étaient effectuées à la demande de l’employeur (pièce n° 27),

– le 12 septembre 2017, Mme [N] a écrit qu’elle ne souhaitait pas participer à la préparation de la clôture du synode du 26 novembre aux motifs que l’évêque n’était pas à l’écoute des fidèles, que le texte final n’avait pas été modifiable malgré ses tentatives de correction et qu’elle ne supportait pas que le travail des femmes soit à ce point méprisé et exploité dans l’église mais sans évoquer la moindre raison financière ou que cette participation aurait dû être décomptée au titre d’un temps de travail salarié,

– son courrier électronique du 22 août 2019 annonçant à ses interlocuteurs sa démission évoque “un profond désaccord avec Mgr [J] sur la manière de gérer la pédo-criminalité dans l’Église” et non la question des heures supplémentaires non réglées (pièce n° 33),

– la demande en paiement d’une somme de 24 078,58 euros à ce titre est exorbitante et injustifié, le volume d’heures réclamées étant erroné.

Néanmoins, la cour relève, avec les premiers juges, qu’en dépit de ses longs développements consacrés à la critique des demandes de la salariée au titre des heures supplémentaires/complémentaires prétendument effectuées, tant dans leur fondement que dans leur quantum, le diocèse ne produit aucun élément de nature à établir un quelconque contrôle de la durée effective de travail de la salariée, et donc contredire le bien fondé de sa demande.

Par ailleurs, sa contestation des “fiches horaires” établies par la salariée n’est pas sérieuse s’agissant d’un document établi à sa demande et qui lui était communiqué, et qu’il ne justifie d’aucun élément de nature à établir qu’il en a tiré la moindre conséquence, les bulletins de paye de la salariée ne faisant étant, en tout état de cause, d’aucun paiement d’heures supplémentaires/complémentaires, ce alors même que la salariée justifie de plusieurs alertes adressées à son employeur quant à sa charge de travail jugée excessive.

Dès lors, l’employeur échouant à contredire le bien-fondé de la demande de la salariée, il y a lieu de lui allouer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées effectuées.

Sur ce point, la cour observe néanmoins une certaine confusion dans les écritures de la salariée, laquelle fixe dans un premier temps à 216,75 le nombre d’heures complémentaires effectuées entre le 8 septembre et le 31 décembre 2016 puis à 133,25 heures supplémentaires majorées à 25% lorsqu’elle détaille son calcul.

Par ailleurs, nonobstant le fait que la salariée procède par voie d’affirmation s’agissant du fait que sa participation au synode diocésain en 2016 relèverait de la fonction de “chargée de communication”, niveau 6 de la convention collective applicable, et d’un taux horaire de 20,21 euros bruts, alors même que l’employeur justifie que ce poste était occupé par une autre personne (Mme [R] – pièce n° 37 à 39), la cour relève qu’il ressort des pièces produites que la salariée a admis que son activité au titre du synode diocésain relevait d’une activité bénévole. Elle ne justifie par ailleurs d’aucun élément de nature à établir un quelconque lien de subordination.

A cet égard, le fait que cette activité s’inscrive dans le cadre d’une action collective hiérarchisée avec répartition de tâches, suivi de leur accomplissement et formalisation de demandes particulières en amont ou en aval des actes accomplis ne caractérise pas un tel lien dès lors qu’il n’est pas démontré que ces éléments s’accompagnaient d’un quelconque pouvoir disciplinaire.

Elle ne saurait donc se prévaloir, au titre du synode diocésain, de l’accomplissement d’heures supplémentaires, a fortiori au taux horaire majoré de 20,21 euros bruts.

b – Sur la requalification du contrat de travail à compter du 19 septembre 2016 jusqu’au 31 décembre 2016 et les heures supplémentaires/complémentaires afférentes :

L’article L 3123-14 du code du travail prévoit que le contrat de travail à temps partiel est un contrat de travail écrit devant notamment mentionner :

– la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue,

– la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois sauf pour les salariés des associations ou des entreprises d’aide à domicile […],

Il est également de règle qu’en cas de dépassement de la durée légale le contrat à temps partiel est requalifié en temps complet à compter dudit dépassement et non du début des relations contractuelles.

Mme [N] sollicite dans ses écritures la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet sur la seule période du 19 septembre au 31 décembre 2016 au motif qu’à trois reprises la durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires a été dépassée (semaines 38, 41 et 46) et formule à ce titre une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées à hauteur de 8 819,60 euros bruts, outre 881,96 euros au titre des congés payés afférents.

Le diocèse ne formule aucune observation à cet égard si ce n’est conclure au rejet de l’ensemble des prétentions de la salariée.

Sur ce point, il ressort des pièces produites qu’à partir de la semaine 38 de 2016 (19 au 25 septembre), Mme [N] a travaillé au-delà de la durée légale de travail et ce à plusieurs reprises. (pièces n° 4.2 et 5)

En conséquence, la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet à compter du 19 septembre 2016 sera accueillie, dans la limite du 31 décembre suivant tel qu’expressément demandé.

Au titre des éléments qu’il lui incombe d’apporter concernant les heures supplémentaires prétendument effectuées sur la période considérée, Mme [N] produit :

– ses relevés d’heures de travail pour la période à compter du 21 septembre au 20 décembre 2016 (pièce n° 4.2),

– un planning prévisionnel annuel de 2016 (pièce n° 5),

– un décompte récapitulatif (pièce n° 6).

La cour considère que ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Pour sa part, à l’instar des développements qui précèdent sur la période 2017-2019, le diocèse ne produit aucun élément de nature à établir un quelconque contrôle de la durée effective de travail de la salariée.

Dès lors, l’employeur échouant à contredire le bien-fondé de la demande de la salariée, il y a lieu de lui allouer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées effectuées sur la période considérée.

Dans ces conditions, compte tenu de l’ensemble de ces éléments et après examen des pièces produites, il sera alloué à Mme [N] la somme de 8 000 euros à titre de rappel de salaire, outre 800 euros au titre des congés payés afférents, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

II – Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes de travail et la réalisation d’heures complémentaires en dépassement de la durée légale :

Mme [N] sollicite la somme de 3 000 euros, correspondant à deux mois de salaire, aux motifs que :

– elle a effectué des heures complémentaires au-delà de la limite légale en 2016 (semaines 38, 41 et 46),

– au cours de ces mêmes semaines, les durées maximales quotidienne et hebdomadaire ont été dépassées (pièce n° 4).

Au titre de son préjudice, elle allègue d’un “burn-out” le 1er juillet 2019 consécutif à deux années de tensions psychologiques avec son employeur (pièce n° 45) et au dépassement régulier de son temps de travail.

Le diocèse conteste ces affirmations et oppose que :

– pour établir le prétendu dépassement des durées maximales de travail, Mme [N] ajoute à son temps de travail de LME, contesté pour toutes les heures excédent 24 heures hebdomadaires contractuelles, des “heures synode” qui ne correspondent pas à un temps de travail salarié effectif, s’agissant d’une activité bénévole qu’elle a librement choisie de développer au titre de son engagement chrétien,

– lors de la réunion du 11 janvier 2017 précitée, il a été rappelé aux salariées qu’elles disposaient d’une grande liberté d’organisation de leur emploi du temps, dans la limite des dispositions légales et réglementaires sur les temps de travail et de repos, et que les heures supplémentaires ou complémentaires étaient effectuées à la demande de l’employeur,

– il appartient au salarié qui l’invoque de rapporter la preuve du préjudice qu’il allègue.

Néanmoins, il ressort des développements qui précèdent :

– d’une part que Mme [N] a effectué des heures supplémentaires sur la période considérée,

– d’autre part que même si la salariée a indûment comptabilisé comme temps de travail effectif, selon un ratio de 2/3 pour ses fonctions contractuelles de LME et de 1/3 pour le synode diocésain, des heures qu’elle a elle-même admis être du bénévolat, l’employeur ne justifie d’aucun élément relatif au contrôle du temps de travail de la salariée en tant que LME alors que cette charge lui incombe.

Or il ressort des pièces produites (pièces n° 4.2 et 5) que le temps de travail allégué par la salariée dépasse les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail à plusieurs reprises durant la période considérée.

Dans ces conditions, il lui sera allouée la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

III – Sur le rappel de salaire lié à la requalification des fonctions de Mme [N] entre le 8 septembre 2016 et le 21 septembre 2017 :

Mme [N] soutient qu’en 2016, plusieurs heures entrant dans son temps de travail hebdomadaire et déclarées en LME étaient en réalité des heures consacrées à la préparation du synode et qu’à compter de février 2017, les heures de travail synodales était du “bénévolat forcé”.

Elle sollicite en conséquence, dans la limite de la prescription, que ces heures payées au taux horaire de 10,78 euros bruts soient revalorisées au taux horaire applicable à l’échelon 6 de la convention collective applicable, soit 20,21 euros bruts, pour un total de 465,82 euros bruts, outre 46,58 euros bruts au titre des congés payés afférents (pièce n° 25).

Le diocèse oppose que Mme [N] ne peut pas se prévaloir d’un emploi salarié au titre de ses activités pour le synode et qu’elle n’a pas été employée sous le statut de “chargée de communication”.

Il ressort des développements qui précèdent que les heures accomplies par Mme [N] au titre du synode diocésain relèvent du bénévolat, de sorte qu’elle ne saurait réclamer une rémunération à ce titre, majorée ou non. Par ailleurs, la salariée procède par voie d’affirmation s’agissant de ses heures déclarées en tant que LME alors qu’il se serait agit de fonctions de “chargée de communication”.

La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

IV – Sur les dommages-intérêts au titre du droit au repos :

Mme [N] soutient que certaines journées de congés posées et décomptées comme telles sur ses bulletins de paye en 2017 et 2018 ont en réalité été travaillées, soit au titre de son activité de LME (14 jours), soit au titre de sa mission synodale (12 jours).

Admettant en réponse aux éléments opposés par l’employeur que ces journées lui ont en réalité été payées au moyen d’une indemnité compensatrice de congés payés non cumulable avec un salaire, elle maintient avoir été privée de repos et modifie sa demande en cause d’appel pour ne plus solliciter que des dommages-intérêts à hauteur de 1 573 euros au titre des repos non pris.

Néanmoins, si Mme [N] détaille à hauteur de cour les jours décomptés en congés alors qu’ils ont été prétendument travaillés, la cour relève que sa demande porte non sur le paiement de ces jours effectivement travaillés, ce qui a déjà été fait par l’employeur, mais sur l’indemnisation du fait d’avoir été privée de repos.

Or il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, Mme [N] n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice à cet égard. La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

V – Sur les dommages-intérêts au titre du travail dissimulé :

Au terme de l’article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article L. 8221-5 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, considérant que son employeur ne pouvait ignorer le dépassement de son temps de travail et que la sous-évaluation des heures mentionnées sur ses bulletins de paye caractérise une intention de dissimulation, Mme [N] sollicite la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Néanmoins, étant rappelé qu’une partie des heures alléguées participent en réalité d’une activité bénévole et non de son activité salariée, il ne ressort pas des éléments du dossier la démonstration, s’agissant des heures supplémentaires dont la salariée justifie, d’une volonté avérée de dissimulation d’emploi salarié de la part de l’employeur.

Le rejet de la demande d’indemnité pour travail dissimulé s’impose, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

VI – Sur la prise en charge des frais professionnels issus du travail à domicile :

Au visa de l’article 7 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail prévoyant que l’employeur prend en charge dans tous les cas, les coûts directement engendrés par le télétravail, en particulier ceux liés aux communications, Mme [N] soutient que pour l’accomplissement de son activité de LME, elle ne disposait d’aucun bureau, ni matériel informatique, ni box internet, qu’elle s’est elle-même aménagé un bureau à son domicile (pièce n° 100) et utilisait sa ligne téléphonique personnelle, laquelle figurait dans l’annuaire du diocèse (pièce n° 78), seuls ses frais de déplacements étant indemnisés.

Elle ajoute qu’une clause nouvelle a été insérée dans le contrat de travail de son successeur précisant que le lieu de travail de la salariée est la maison diocésaine de [Localité 6] (pièce n° 30), ce qui n’était pas son cas.

Le diocèse oppose que :

– Mme [N] n’était pas employée en « télétravail »,

– elle ne justifie pas des frais qui lui seraient dûs,

– l’employeur a pris en charge de nombreux frais et factures (807,84 euros en février 2017 pour la réparation d’un ordinateur et l’achat d’un relais Wi-Fi, remboursement d’un téléphone fixe et d’un fauteuil de bureau, achat d’un téléphone le 29 octobre 2013 avec création de la ligne à ses frais, paiement de factures Coriolis d’octobre 2013 à décembre 2016, achat d’un deuxième téléphone en novembre 2016, paiement des factures SFR de janvier 2016 à août 2019 – pièce n° 29) alors même que les équipements financés ne lui ont pas uniquement servi à titre professionnel,

– son activité ne nécessitait pas qu’elle y consacre à titre exclusif ou même partiel un bureau à son domicile, sa mission étant d’accompagner les prêtres du diocèse à leur domicile.

Néanmoins, peu important que le contrat de son successeur prévoit une clause excluant le télétravail qui ne figure pas dans le sien, la cour relève que le contrat de travail de la salariée prévoit en son article 10 le remboursement de ses frais professionnels (déplacements, documentation, secrétariat) sur production des justificatifs afférents.

A cet égard, nonobstant le fait qu’il n’est pas discuté que ses frais de déplacements ont bien été pris en charge et que l’employeur justifie de la prise en charge de fournitures et prestations techniques induites par l’activité de Mme [N], celle-ci produit plusieurs factures correspondant à des frais téléphonique (Bbox), l’achat de deux relais WIFIi, d’une imprimante, d’un ordinateur et d’un scanner, et évalue forfaitairement à 150 euros ses frais d’utilisation d’un bureau à son domicile, de chauffage et d’électricité.

Toutefois, il n’est pas démontré que les dépenses alléguées répondent à des frais engagés dans le strict cadre de son activité professionnelle, ce d’autant que la salariée admet ne pas vivre seule à son domicile et que les factures produites relève de la vie courante.

Par ailleurs, ses affirmations quant à l’ampleur du travail de secrétariat effectué à son domicile en plus de l’accompagnement des prêtres ne sont corroborés par aucun élément utile, la salariée ne produisant à cet égard qu’un courrier électronique et une lettre l’informant de l’admission d’une personne non identifiée en EHPAD (pièce n° 101).

Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire de statuer sa qualité de télé-travailleur, la demande à ce titre sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

S’agissant de sa dernière note de frais kilométriques non réglées par l’employeur (pièce n° 32), il résulte des éléments produits que les sommes réclamées sont accompagnées des justificatifs afférents. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 132,80 euros à titre de remboursement de frais professionnels.

VII – Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Considérant que :

– l’absence de mention de la répartition de ses heures et jours de travail dans la semaine dans son contrat de travail initial puis dans l’avenant du 1er février 2017,

– le non-paiement des heures complémentaires nonobstant l’alerte donnée par la salariée quant à sa surcharge de travail tant en 2013 qu’en 2017,

– l’absence d’entretien sur sa charge de travail,

– le travail pendant ses congés,

– l’absence de prise en charge de la totalité de ses frais professionnels,

– l’absence de formation et d’adaptation à son poste de travail,

caractérisent un manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail ayant provoqué sa décompensation, son hospitalisation du 11 au 12 juillet 2019 et sa démission du 7 août suivant (pièces n° 45, 46 et 48), Mme [N] sollicite la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à six mois de salaire.

Le diocèse oppose que :

– la salariée n’a jamais saisi les instances représentatives du personnel, et pas davantage le médecin ou l’inspecteur du travail, d’une quelconque difficulté liée à l’exécution de son contrat de travail,

– elle a perçu l’intégralité des sommes qui lui étaient dues à titre de salaire pour son activité salariée, de même que ses frais professionnels justifiés,

– elle a signé son contrat de travail et l’avenant à ce contrat sans la moindre réserve,

– son temps de travail a été discuté et un avenant a été signé le 1er février 2017 portant son horaire hebdomadaire à 24 heures, de sorte que l’employeur n’a pas méconnu la question de sa charge de travail,

– elle a été déchargée de sa mission de suivi de la catéchèse,

– elle n’effectuait pas son travail à domicile, encore moins en télétravail, et disposait comme toutes les LME d’une grande liberté d’organisation de son emploi du temps,

– Mme [N] n’a jamais prétendu ne pas être suffisamment formée ou ne pas pouvoir, pour une raison quelconque, exercer correctement ses fonctions de LME, – dès lors qu’elle exerçait correctement ses fonctions, il n’était pas nécessaire de l’adapter pour cela et aucun reproche n’a été formulé concernant sa compétence et elle n’a pas été sanctionnée ou licenciée pour insuffisance professionnelle,

– elle ne justifie d’aucun préjudice, son propre médecin traitant n’ayant retenu aucune ITT alors que très prudemment il évoque simplement une situation conflictuelle dans le cadre du travail et que la salariée a toujours été déclarée apte à exercer ses fonctions par le médecin du travail,

– les propres courriers de Mme [N] n’ont aucune valeur probante, pas plus que l’attestation de son mari,

– en réalité Mme [N], ne supportait pas, de façon pathologique, que ses points de vue personnels ne soient pas retenus dans le cadre du synode.

Il résulte des développements qui précèdent que la salariée a accompli entre 2016 et 2019 des heures supplémentaires non payées et que sa dernière note de frais professionnelle ne lui a pas été payée. Ces éléments suffisent, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs allégués, pour caractériser un manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.

Néanmoins, il ne peut y avoir de réparation sans preuve du préjudice subi, l’existence et l’évaluation de celui-ci relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond sur la base des justificatifs produits aux débats.

En l’espèce, Mme [N] soutient que les manquements de l’employeur ont provoqué sa décompensation, son hospitalisation du 11 au 12 juillet 2019 et sa démission du 7 août suivant (pièces n° 45, 46 et 48).

La cour relève toutefois que le certificat médical et le compte-rendu d’entretien produits établissant un lien entre l’état de santé de la salariée et ses conditions de travail ne reposent que sur les seules déclarations de cette dernière et le bulletin d’hospitalisation ne fait mention d’aucun motif particulier.

Par ailleurs, s’agissant de la cause de sa démission, s’il ressort de l’examen combiné de la lettre de démission du 7 août 2015 et de la lettre de demande de “résiliation judiciaire du contrat de travail” du 8 août 2019 que la salariée évoque à la fois “un désaccord relatif à la manière de traiter une salariée qui assume ses responsabilité” et certains des griefs précités (non paiement d’heures complémentaires, non respect des congés, non remboursement de frais) en y ajoutant du “bénévolat forcé”, une censure lors d’un audit interne sur la place de la femme dans l’église et des “discriminations sexuelles”, elle n’apporte aucun élément permettant de justifier de la réalité d’un préjudice distinct non susceptible d’être par ailleurs indemnisé au titre de la rupture du contrat de travail.

La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

VIII – Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral ou, à tout le moins, manquement de l’employeur à son obligation de sécurité :

a – Sur le harcèlement moral :

Il résulte des dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 précise à sa suite qu’en cas de litige relatif à l’application notamment de l’article L.1152-1 précité, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement.

Ainsi lorsque le salarié présente des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Evoquant longuement le contexte de crise au sein de l’église catholique au moment de son embauche en mars 2009 du fait d’affaires de non-dénonciation aux autorités d’actes de pédophilie commis par un prêtre et la demande qui lui a par la suite été faite de “rapatrier le père [G] ‘pour différentes raisons et de faire en sorte qu’il soit mis à la retraite”, Mme [N] soutient que :

– le 14 décembre 2016 elle a eu un très long entretien de plusieurs heures avec le père [G], lequel s’est confié, faisant d’elle la dépositaire de probables faits de pédo-criminalité dont elle a fait part à sa hiérarchie,

– à partir de cette date ses conditions de travail se sont nettement dégradées,

– elle a gardé le silence pendant près de deux ans, attendant une mesure de sa hiérarchie à l’égard du père [G] et une communication claire,

– dans le contexte de la « commission Sauvé », elle a fait un signalement auprès du procureur de la République de Mâcon le 25 mars 2019 concernant le père [G] et en a informé sa hiérarchie,

– le 5 juin 2019, l’évêque l’a reçue pour exiger une copie de son signalement, ce qu’elle a refusé de faire,

– par courriers électroniques des 8 et 11 juin 2019, l’employeur, via le vicaire général, l’a convoquée à un entretien fixé au 14 juin suivant pour lui “rappeler ses obligations dans le cadre de son contrat de travail”, convocation déloyale du fait de l’absence de mention sur la possibilité d’être assistée, la disproportion annoncée entre les membres de la direction et leur avocat d’une part, et la salariée d’autre part, et l’objet dudit entretien,

– apeurée à l’idée de cet entretien, elle en a informé le procureur de la république par courrier du 13 juin 2019,

– l’entretien du 14 juin 2019 s’est déroulé dans un petit vestibule de 6m2 caché derrière une pièce d’archives, à l’abri des regards,

– pendant deux heures elle a été mise sous pression et menacée de licenciement, de non-renouvellement de sa lettre de mission, de ne pas voir publier son dernier article dans « l’Eglise d'[Localité 4] », si elle ne déférait pas à l’injonction de remettre une copie de son signalement,

– elle a rapporté ces faits au procureur de la République par courrier du 16 juin 2019,

– le 20 juin 2019, l’employeur est “revenu à la charge, usant de tous les stratagèmes pour obtenir copie du signalement de Madame [N] et pouvoir vérifier si Madame [N] avait mentionné au Procureur le fait d’avoir répercuté la teneur de l’entretien avec le père [G] à Mgr [J] dès décembre 2016”,

– elle a pris soin d’adresser à sa hiérarchie par courrier électronique du 27 juin 2019 l’ensemble de ses notes manuscrites prise au cours de l’entretien avec le père [G] du 14 décembre 2016,

– à compter de cet entretien violent et non-respectueux de ses droits, elle a décompensé et changé radicalement de comportement,

– elle a de nouveau été convoquée les 5 juin et 14 juin 2019 et affirme avoir ressenti des menaces et des pressions par rapport à son contrat de travail, son salaire, ses missions,

– elle a finalement été victime d’un “burn-out réactionnel” le 11 juillet 2019 et hospitalisé une journée et une nuit.

Ces faits caractérisent selon elle un harcèlement moral, et à tout le moins une violation de l’obligation de sécurité, pour laquelle elle sollicite une double indemnisation à hauteur de 9 000 euros.

Au titre des éléments qu’il lui appartient d’apporter, elle produit les éléments suivants :

– un courrier électronique du 26 mars 2019 informant son employeur de son signalement au procureur de la République ainsi qu’un avis d’enquête en cours (objet non précisé – pièces n° 33 et 34),

– un courrier électronique du 7 juin 2019 évoquant la demande qui lui a été faire de communiquer la copie de son signalement et son refus d’y procéder (pièce n° 37),

– plusieurs courriers électroniques des 8 avril, 20-21 mai et 7-9 juin 2019 sollicitant un rendez-vous avec sa hiérarchie, informant son employeur de son audition par la gendarmerie ou échangeant avec lui sur le sujet (pièces n° 35, 36, 39),

– un courrier électronique des 7 et 12 juin 2019 relatif à un entretien organisé le 14 suivant (pièce n° 40),

– deux lettres adressées au procureur de la République de Mâcon des 13 et 16 juin 2019 dénonçant des pressions de la part de son employeur en lien avec son signalement (pièce n° 41 et 42),

– une lettre de son employeur du 20 juin 2019 lui rappelant son obligation de discrétion et sollicitant de lui faire connaître le contenu des informations à sa dispositions concernant le père C.. (nom tronqué – pièce n° 43),

– une lettre du 27 juin 2019 par laquelle elle transmet à son employeur les éléments à sa disposition (pièces n° 44, 70),

– un certificat médical du 1er juillet 2019 et un bulletin d’hospitalisation (pièces n° 45 et 46) et un certificat de prise en charge psychiatrique du 4 mars 2022 (pièce n° 114),

– un plan du premier étage de l’évêché d'[Localité 4] (pièce n° 111),

– une lettre adressée le 1er septembre 2019 aux conseillers prud’hommes (pièce n° 71)

– une lettre de Mme [U] évoquant une conversation avec Mme [N] au sujet de faits de pédophilie et qu’elle serait soumise à des pressions (pièce n° 74),

– une attestation de Mme [F] évoquant sa santé dégradée (pièce n° 117),

– une attestation de M. [Z], prêtre du diocèse de [Localité 5], évoquant son stress, son sentiment de harcèlement et de persécution (pièce n° 118),

– plusieurs attestation de collègues, membres de son entourage amical ou relationnel (pièces n° 102, 110, 115, 116, 119 et 120).

La cour considère que ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, de sorte qu’il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur ce point, le diocèse oppose que :

– si Mme [N] était libre de déposer plainte, elle n’avait aucun motif légitime de refuser de communiquer à ses supérieurs hiérarchiques les éléments concernant la mise en cause du prêtre en question,

– les termes employés par elle (“se couvrir”, “stratagèmes”) sont inadmissibles tout comme ses prétendues “craintes” vis-à-vis de l’évêque, qui lui a seulement demandé de remettre à son employeur les éléments recueillis dans le cadre de son travail concernant un prêtre mis en cause par elle,

– cette demande ne caractérise pas des faits de harcèlement moral et la salariée n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’une quelconque sanction ou mesure vexatoire,

– la situation s’est dégradée du seul fait de Mme [N] qui a refusé de communiquer de façon réitérée ses notes, y compris sous le fallacieux prétexte d’un secret de l’instruction auquel elle n’était pas tenue,

– la salariée a en définitive admis que son refus était injustifié puisqu’elle s’est finalement résolue à communiquer ses notes,

– il n’est pas sérieux de prétendre qu’elle aurait été intimidée le 5 juin 2019 par l’évêque, affirmation mensongère formulée sans la moindre preuve,

– après lui avoir demandé oralement et vainement ses notes concernant le père [G], il lui a été proposé de la rencontrer le 14 juin pour parler de ses obligations dans le cadre de son contrat de travail, en présence non d’un avocat mais d’un médiateur inscrit comme tel dans l’annuaire diocésain (pièce n° 28), réunion à laquelle elle a accepté de venir en toute connaissance de cause et il n’est pas sérieux de prétendre qu’elle aurait alors été victime d’intimidation, de pression et d’un harcèlement moral,

– cet entretien n’avait rien de disciplinaire, de sorte qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’imposait d’assurer une “proportion” entre les personnes présentes ou d’informer la salariée d’un droit à être assisté,

– le vicaire général, qui a participé à cet entretien, confirme les conditions de son déroulement,

– elle a été reçue dans la bibliothèque dans laquelle l’évêque reçoit habituellement ses visiteurs,

– malgré les multiples interventions de Mme [N] auprès du procureur de la République, aucune poursuite n’a été diligentée contre le diocèse, pas même contre le prêtre [G]’),

– Mme [N] a perdu tout sens de la réalité et est atteinte d’un délire de persécution, invoquant de prétendus appels téléphoniques et messages suspects, le « piratage » de son ordinateur personnel, des appels anonymes et même des messages qui ne parviennent pas à leur destinataire,

– les documents médicaux produits ne font aucune allusion à une prétendue exécution déloyale du contrat de travail, mais témoigne d’un déni total de ses troubles, d’une opposition aux soins proposés, ce qui aurait justifié une hospitalisation en psychiatrie refusée par l’intéressée,

– les témoignages produits ne font que confirmer ce syndrome de persécution ou émanent de personnes qui n’ont rien constaté des conditions de travail de Mme [N].

Néanmoins, nonobstant les longs développements des parties sur le contexte des faits, les prises de positions des uns et des autres s’agissant d’éventuels actes délictueux ou criminels commis au sein du diocèse, la cour relève que le harcèlement allégué par la salariée est en réalité fondé sur les circonstances qui auraient accompagné, ou non, les demandes qui lui ont été faites au sujet des informations dont elle disposait au sujet du prêtre dénommé [G]

En premier lieu, étant rappelé que le fait pour l’employeur d’avoir réitéré à trois reprises (deux fois oralement, une fois par écrit) sa demande de se voir communiquer les éléments à la disposition de la salariée qu’elle refusait de lui transmettre ne saurait à lui-seul caractériser un harcèlement, la cour relève que Mme [N] procède par voie d’affirmation s’agissant des pressions et menaces et qu’elle prétend avoir subi tant le 5 juin 2019 que le 14 suivant.

Sur ce point, il ressort au contraire que ses échanges avec sa hiérarchie sont restés courtois et dépourvus de toute pression ou menace. Ainsi les 20 et 21 mai lorsqu’elle informe le vicaire général qu’elle a été entendue par la gendarmerie, elle en est remerciée (pièce n° 36).

De même, le 7 juin 2019 elle évoque dans un courrier électronique à son évêque l’entretien de “15 mn” qu’elle a eu avec lui sans faire état de la moindre pression ou menace, parlant seulement en termes neutres du fait qu’il lui a demandé de lui communiquer les éléments à sa disposition et expliquant les raisons de son refus (pièce n° 37).

De plus, ce qu’elle décrit comme une “convocation” par le vicaire général à l’entretien du 14 juin 2019 relève d’une lecture orientée des courriers électroniques qui lui ont été envoyés, lesquels font mention du souhait de l’évêque de la rencontrer de nouveau et lui proposant une date, proposition à laquelle elle répond favorablement en remerciant chaleureusement son interlocuteur, appelant même à “rester suffisamment discrets afin de respecter la présomption d’innocence de Monseigneur [T]”, ce qui témoigne d’une réelle proximité de pensée (pièce n° 38). Il ressort par ailleurs de cet échange que le sujet abordé était annoncé (“reparler de tes obligations dans le cadre de ton contrat de travail”), tout comme la présence de Maître [P] [W] “pour nous aider”, information sur lesquelles Mme [N] ne formule aucune remarque, confirmant seulement sa présence (pièce n° 40).

La cour observe ensuite que dès le 13 juin 2019, Mme [N] écrit au procureur de la République pour dénoncer d’une part qu’elle est “convoquée” le lendemain à un entretien “sans motif apparent”, ce que ses propres courriers électroniques contredisent comme ils contredisent son affirmation qu’elle était “apeurée” de s’y rendre, et qu’elle fait l’objet “d’intimidations”, ce qui manifeste une interprétation a priori et orientée de cet entretien qui n’a alors pas encore eu lieu (pièce n°41).

Enfin, si elle réitère par écrit la demande qui lui a été formulée oralement, la lettre de l’employeur du 20 juin 2019 est rédigée en des termes neutres et dépourvus de toute pression ou menace, caractérisant seulement une divergence d’appréciation entre un employeur et sa salariée sur le sujet qui les occupent (pièce n° 43).

Dans ces conditions, nonobstant d’une part l’attestation du vicaire général produite par l’employeur contestant les dires de la salariée quant au déroulement de l’entretien, attestation dont il n’est aucunement demandé la mise à l’écart, et peu important d’autre part que l’employeur déduise des pièces produites une interrogation sur la santé mentale de la salariée, il ressort des développements qui précèdent qu’aucun élément extérieur aux déclarations de Mme [N] n’étaye son allégation de harcèlement moral subi de la part de son employeur.

Au contraire, sa lettre et son courrier électronique du 27 juin 2019, soit quelques jours après l’entretien, par lesquels elle finit par répondre à la demande de son employeur ne font aucunement mention du fait qu’elle cède à une quelconque pression ou intimidation (pièces n° 44 et 70).

En conséquence, il y a lieu de considérer que l’employeur renverse la présomption de harcèlement et d’infirmer le jugement déféré.

b – Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

Au visa de l’article L.4121-1 du code du travail et de la jurisprudence de la Cour de cassation considérant que le salarié exposé à un stress à raison de l’existence d’une situation de travail impliquant des conditions d’emploi dégradées ayant conduit à un épuisement professionnel de nature à entraîner une détérioration de son état de santé caractérise un manquement de l’employeur à son obligation et qu’une indemnisation à ce titre est cumulable avec une indemnisation au titre du harcèlement moral, Mme [N] sollicite une indemnisation à hauteur de 9 000 euros sur la base des mêmes éléments que ceux développés au titre du harcèlement moral.

Il ressort néanmoins des développements qui précèdent que le harcèlement allégué n’est pas caractérisé.

En outre, Mme [N] ne justifie d’aucun élément, ni même de la moindre explication, de nature à permettre à la cour de déterminer un éventuel autre manquement imputable à l’employeur au titre de son obligation de sécurité.

Enfin, il n’est justifié d’aucun préjudice distinct.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

IX – Sur la rupture du contrat de travail :

Au visa des articles L.1132-3-3 et L1132-4 du code du travail, et rappelant que l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique définit un lanceur d’alerte comme étant “une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice, graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l’alerte défini par le présent chapitre”, Mme [N] sollicite confusément dans le corps de ses écritures que sa démission soit “requalifiée en prise d’acte [qui] sera ensuite requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse eu égard aux manquements graves de l’Association diocésaine dans l’exécution du contrat de travail de Madame [N]. Elle sera même requalifiée en licenciement nul, la rupture du contrat n’étant que la conséquence du harcèlement moral subi le 14 juin 2019. Ou encore, du fait de la concomitance de la démission avec le signalement de Madame [N], qui sera qualifiée de « lanceur d’alerte”, sollicitant au final, dans le corps de ses écritures, la confirmation du jugement déféré “dans son principe” alors que dans son dispositif elle demande de le confirmer en toutes ses dispositions “sauf en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes […] pour licenciement nul”, étant au final relevé que les premiers juges ont qualifié la rupture du contrat de travail en une prise d’acte aux torts de l’employeur produisant les effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle n’est soumise à aucune condition de forme. Il appartient au juge de rechercher quels sont les comportements du salarié de nature à établir la réalité de sa volonté évidente et non ambiguë de démissionner.

La prise d’acte par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, ou d’une démission dans le cas contraire.

En l’espèce, il ressort de la lettre de démission du 7 août 2019 que Mme [N] indique démissionner au motif, imprécis, d’un “désaccord relatif à la manière de traiter une salariée qui assume ses responsabilités” (pièce n° 48).

La lettre de demande de “résiliation judiciaire du contrat de travail” du 8 août 2019 adressée au procureur de la République et au juge d’instruction de Mâcon mentionne que le désaccord porte sur le non paiement d’heures complémentaires, le non respect des congés, le non remboursement de frais, le “bénévolat forcé”, le plafonnement de son salaire, une censure lors d’un audit interne sur la place de la femme dans l’église et des “discriminations sexuelles”, seulement illustrées par la phrase suivante : “Oh,les femmes intelligentes qui discutent ensemble” – P-A-G” ou encore le fait qu’elle a été remplacée par 6 bénévoles (pièce n° 49).

Compte tenu de ces circonstances contemporaines à la démission, il y a lieu de considérer que la démission est équivoque et donc d’analyser les faits invoqués par la salariée à l’appui de sa demande de requalification en prise d’acte.

A cet égard, la cour relève en premier lieu qu’il ressort des développements qui précèdent que les griefs développés par la salariée dans ses écritures au soutient de sa demande de requalification de sa démission en prise d’acte relatifs au harcèlement moral et à l’intimidation dont elle aurait fait l’objet de la part de l’employeur en raison d’un signalement qu’elle a effectué le 25 mars 2019 auprès du procureur de la République de Mâcon pour de “probables faits de pédocriminalité” commis dans le diocèse, ne sont pas caractérisés.

Par ailleurs, sa demande visant, toujours au titre d’un licenciement nul, à se voir reconnaître la qualité de lanceur d’alerte est sans objet dans la mesure où elle n’a en l’espèce été ni sanctionnée ni licenciée et que c’est elle-même qui a pris l’initiative de la rupture du contrat de travail.

Il s’en déduit que ses prétentions au titre d’un licenciement nul résultant soit du harcèlement moral subi soit de sa prétendue qualité de lanceur d’alerte ne sont pas fondées.

S’agissant des autres griefs formulés, il résulte des développements qui précèdent que Mme [N] n’a pas été payée de l’intégralité de ses heures de travail en qualité de LME.

Ce manquement de l’employeur relatif à la rémunération de la salariée, élément fondamental dans l’exécution du contrat de travail, suffit à caractériser un fait suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs allégués.

Il s’en déduit que la rupture du contrat de travail s’analyse en une prise d’acte aux torts de l’employeur produisant les effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Au titre des conséquences pécuniaire de cette requalification, Mme [N] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il lui a alloué les sommes suivantes :

– 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 750 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement.

Le diocèse oppose que la salariée, qui justifie de 10 ans d’ancienneté, ne peut se voir octroyer qu’une somme à titre de dommages-intérêts comprise entre 3 et 10 mois de salaire par application de l’article L 1235- 3 du code du travail et qu’elle ne justifie d’aucun préjudice.

Compte tenu des circonstances de la rupture et de la situation de la salariée, laquelle justifie de 10 ans et 7 mois, durée du préavis comprise, et étant tenu compte du rappel de salaire alloué au titre des heures supplémentaires non payées, il lui sera alloué les sommes suivantes :

– 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 657,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

le jugement déféré étant infirmé sur ces points.

X – Sur les demandes accessoires :

– Sur la remise des documents légaux rectifiés :

Mme [N] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a ordonné au diocèse de lui remettre les documents rectifiés, à savoir ses bulletins de salaire, une attestation pôle emploi et un solde de tout compte) sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de 2 mois de la notification de la décision, le conseil de prud’hommes se réservant le droit de liquider l’astreinte.

Le jugement déféré sera confirmé sauf en ce qui concerne l’astreinte, les circonstances de l’espèce ne la justifiant pas.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel seront rejetées.

Le diocèse succombant, il supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu le 27 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Mâcon sauf en ce qu’il a alloué à Mme [S] [N] les sommes suivantes :

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 750 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 24 078,58 euros bruts à titre de rappels de salaire pour heures complémentaire non rémunérées sur la période non prescrite entre le 8 septembre 2016 et le 8 septembre 2019, outre 2 407,85 au titre des congés payés afférents,

* 4 635,82 euros bruts à titre de rappels de salaire lié à la requalification de certaines heures de travail au niveau VI – chargé de communication, outre 46,58 euros au titre des congés payés afférents,

* 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

* 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

* 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE l’association Diocèse d'[Localité 4] à payer à Mme [S] [N] les sommes suivantes :

– 8 000 euros à titre de rappels de salaire pour heures complémentaire non rémunérées sur la période du 8 septembre 2016 au 7 août 2019, outre 800 euros au titre des congés payés afférents,

– 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 657,54 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

REJETTE les demandes de Mme [S] [N] à titre de :

– rappel de salaire lié à la requalification de certaines heures de travail au niveau VI – chargé de communication,

– dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– dommages-intérêts pour harcèlement moral,

REJETTE la demande au titre de l’astreinte,

REJETTE les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

CONDAMNE l’association Diocèse d'[Localité 4] aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Kheira BOURAGBA Olivier MANSION

 


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