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27 juin 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
23/00134
C4
N° RG 23/00134
N° Portalis DBVM-V-B7H-LU3W
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DELGADO & MEYER
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023
Appel d’une décision (N° RG 22/00084)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE
en date du 20 décembre 2022
suivant déclaration d’appel du 04 janvier 2023
APPELANT :
Monsieur [F] [P]
né le 19 Août 1987 à [Localité 10] ([Localité 5])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON,
INTIMEE :
S.A.S. ENTOURAGE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 7],
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Delphine MONNIER, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 15 mai 2023,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, en présence de M. Victor BAILLY, juriste assistant près la Cour d’appel de Grenoble, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 27 juin 2023.
Exposé du litige :
M. [P] a été engagé en contrat à durée indéterminée le 16 septembre 2009 en qualité d’attaché commercial par la société ESTOUR EMBALLAGES devenue la SAS ENTOURAGE et exerçait au dernier état de la relation contractuelle depuis le 1er janvier 2019 la fonction de Manager commercial.
Son contrat de travail comportait une clause de non-concurrence avec une contrepartie financière.
M. [P] a quitté la SAS ENTOURAGE le 10 juin 2022 à la suite d’une rupture conventionnelle signée le 2 mai 2022.
Le 15 juin 2022, M. [P] a été engagé par la société ASTIC EMBALLAGE en qualité de responsable produit, catégorie cadre.
Par courrier du 19 juillet 2022, la SAS ENTOURAGE informait M. [P] qu’elle maintenait la clause de non-concurrence concernant les départements 73, 74, et 38, lui rappelait qu’il devait la respecter et que pendant toute la durée d’interdiction, il percevrait la contrepartie financière prévue au contrat.
Par courrier du 21 novembre 2022, la SAS ENTOURAGE informait M. [P] qu’ayant la preuve de la violation de la clause de non-concurrence, elle lui notifiait l’interruption du versement de la contrepartie financière afférente et de la saisine du conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir le remboursement des sommes déjà versées et des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé.
La SAS ENTOURAGE a saisi le conseil de prud’hommes de Valence en sa formation de référé, en date du 23 novembre 2022 aux fins de voir ordonner sous astreinte la cessation par M. [P] de son activité concurrentielle au sein de la société ASTIC EMBALLAGE, le condamner à lui verser des dommages et intérêts en application de la clause pénale et du faut de la violation de la clause de non-concurrence, le remboursement de l’indemnité compensatrice indument perçue et un article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 20 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de Valence, a :
Dit être territorialement compétent pour juger du litige,
Dit avoir lieu à référé sur la violation par M. [P] de la clause de non-concurrence de son contrat de travail avec la SAS ENTOURAGE,
Donné acte à la SAS ENTOURAGE d’être bien fondée en sa décision de définitivement suspendre à partir du mois de novembre 2022 le paiement mensuel à M. [P] de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
Condamné M. [P] à verser à la SAS ENTOURAGE la somme provisionnelle de 7622,45 € à titre d’indemnité contractuelle forfaitaire en violation de de la clause de non-concurrence,
Condamné M. [P] à verser à la SAS ENTOURAGE la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que la décision est exécutoire,
Dit n’y avoir lieu à référé pour les autres demandes de l’une ou l’autre partie, lesquelles relèveraient de la seule appréciation du juge du fond s’il venait à être saisi par l’une ou l’autre partie,
Débouté M. [P] de sa demande incidente de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La décision a été notifiée aux parties et M. [P] en a interjeté appel par Réseau Privé Virtuel des Avocats en date du 4 janvier 2023.
Par conclusions N°3 du 23 avril 2023, M. [P] demande à la cour d’appel de :
Infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle :
Dit que le conseil de prud’hommes de Valence était territorialement compétent pour juger du litige,
Dit qu’il y a lieu à référé sur la violation PAR M. [P] de la clause de non-concurrence de son contrat de travail conclu avec LA SAS ENTOURAGE,
Donné acte à la SAS ENTOURAGE d’être bien fondé en sa décision de définitivement suspendre à partir du mois de novembre 2022 le paiement mensuel de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence,
Condamné M. [P] à verser à la SAS ENTOURAGE la somme provisionnelle de 7622,45 € nets à titre d’indemnité contractuelle forfaitaire en violation de sa clause de non-concurrence.
Statuant à nouveau,
A titre principal :
Juger qu’il réalisait sa prestation de travail en dehors des locaux de l’entreprise,
Juger que le conseil de prud’hommes de Valence n’était pas territorialement compétent pour trancher le litige,
Désigner comme territorialement compétent le conseil de prud’hommes d’Aix-les-Bains,
A titre subsidiaire :
Juger qu’il n’a pas violé sa clause de non-concurrence,
En conséquence,
Constater l’absence de trouble manifestement illicite,
Constater l’existence d’une contestation sérieuse,
Di n’y avoir lieu à référé,
Renvoyer la SAS ENTOURAGE à mieux se pourvoir,
La débouter de l’intégralité de ses demandes y compris l’astreinte,
Condamner la SAS ENTOURAGE lui verser la somme de 2459 € bruts outre congés payés afférents au titre de la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence indûment suspendue au mois de novembre 2022, représentant provisoirement à la date des présentes la sommes de 12 475 € bruts outre 1247,50 € au titre des congés payés afférents,
Ordonner à la SAS ENTOURAGE d’abord à reprendre le paiement de la clause jusqu’à son terme,
Condamner la SAS ENTOURAGE d’abord lui rembourser la somme de 7622,45 € versés en application de l’exécution provisoire au titre de la clause pénale (indemnité contractuelle forfaitaire),
A titre infiniment subsidiaire :
Réduire à de plus justes proportions le montant de la clause pénale réclamée par la SAS ENTOURAGE,
Débouter la SAS ENTOURAGE de sa demande de dommages et intérêts,
Réduire à la somme de 2721,84 euros nets le montant devant être remboursé au titre de la contrepartie perçue de la clause de non-concurrence,
Ordonner le remboursement du surplus d’ores et déjà versé par lui au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance,
En tout état de cause :
Débouter la SAS ENTOURAGE de toutes demandes fins et conclusions contraires,
Débouter la SAS ENTOURAGE de sa demande de dommages et intérêts pour appel dilatoire,
Débouter la SAS ENTOURAGE de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la SAS ENTOURAGE à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions responsives et récapitulatives du 1er mai 2023, la SAS ENTOURAGE demande à la cour d’appel de :
Confirmer l’ordonnance l’ordonnance rendue par la formation en référé du conseil de prud’hommes de Valence le 20 décembre 2022 en ce qu’elle a :
Dit être territorialement compétent pour juger du litige,
Dit avoir lieu à référé sur la violation par M. [P] de la clause de non-concurrence de son contrat de travail avec la SAS ENTOURAGE,
Donné acte à la SAS ENTOURAGE d’être bien fondée en sa décision de définitivement suspendre à partir du mois de novembre 2022 le paiement mensuel à M. [P] de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,
Condamné M. [P] à verser à la SAS ENTOURAGE la somme provisionnelle de 7622,45 € à titre d’indemnité contractuelle forfaitaire en violation de de la clause de non-concurrence,
Condamné M. [P] à verser à la SAS ENTOURAGE la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que la décision est exécutoire,
Dit n’y avoir lieu à référé pour les autres demandes de l’une ou l’autre partie, lesquelles relèveraient de la seule appréciation du juge du fond s’il venait à être saisi par l’une ou l’autre partie,
Débouté M. [P] de sa demande incidente de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. [P] aux dépens de l’instance,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
La recevoir en ses demandes complémentaires formulées au titre des articles 566 559 du code de procédure civile,
Condamner M. [P] à lui verser la somme de 3 000 € à titre de provision de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son action en justice dilatoire,
Ordonner la cessation des actes de concurrence déloyale par la cessation de la relation contractuelle entre M. [P] et la société ASTIC EMBALLAGE sous astreinte de 50 € par jour de retard,
Déclarer irrecevable la pièce adverse numéro 17,
Dire qu’il y a lieu à référé sur les demandes provisionnelles de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause de non-concurrence,
Condamner M. [P] à lui verser la somme de 10 000 € à titre de provision de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la violation de la clause de non-concurrence,
Condamner M. [P] à lui verser la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur la recevabilité de l’appel incident de la SAS ENTOURAGE :
Moyens des parties :
M. [P] soutient que par conclusions notifiées le 28 février 2023, la SAS ENTOURAGE a relevé appel incident de l’ordonnance comme cela figure clairement à plusieurs reprises dans le corps de ses conclusions mais que pour autant elle ne sollicite ni l’infirmation ni la réformation de l’ordonnance dont appel dans le dispositif de ses premières conclusions d’appel déposées dans le délai de l’article 905-2 du code de procédure civile. Faute de solliciter l’infirmation ou la réformation de la décision attaquée, la Cour ne pourra que confirmer les chefs de jugement critiqués par la SAS ENTOURAGE et se déclarer non saisie des demandes suivantes :
Dire qu’il y a lieu à référé sur les demandes provisionnelles de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause de non-concurrence,
Condamner M. [P] à lui verser la somme de 10 000 € à titre de provision de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la violation de la clause de non-concurrence,
Ordonner la cessation des actes de concurrence déloyale par la cessation de la relation contractuelle entre M. [P] et la société ASTIC EMBALLAGE sous astreinte de 50 € par jour de retard.
La SAS ENTOURAGE soutient que les demandes visées par M. [P] ne relèvent pas d’un appel incident mais des demandes additionnelles en lien avec les demandes principales déjà présentées en première instance conformément aux dispositions de l’article 566 du code de procédure civile et que la cour d’appel en est dès lors valablement saisie.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l’article 542 du code de procédure civile que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevé d’office, les parties doivent présenter dès leurs conclusions mentionnées à l’article 905-2 du code de procédure civile l’ensemble de leurs prétentions sur le fond et l’article 954 ajoute que le prétentions sont récapitulées au dispositif, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif.
L’article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Il ressort des conclusions de la SAS ENTOURAGE en date du 28 février 2023 que dans le corps de ses conclusions (Pages 4 et 5) elle sollicite la confirmation d’une partie de la décision déférée et « l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a :
DIT qu’il n’y a pas lieu à référé pour les autres demandes de l’une et l’autre partie, lesquelles relèveraient de la seule appréciation du juge du fond s’il venait à être saisi par l’une ou l’autre partie .
La SAS ENTOURAGE sollicite donc, en complément des demandes précédentes que Monsieur [P] soit
– CONDAMNER à lui verser 10.000€ de dommages et intérêts à titre provisionnel en réparation du préjudice subi par la société ENTOURAGE du fait de la violation par Monsieur [P] de sa clause de non-concurrence ;
– CONDAMNER à lui verser la somme de 3.000€ à titre de dommages et intérêts à titre provisionnel en réparation du préjudice subi du fait de l’appel dilatoire de Monsieur [P]
– CONDAMNER à lui rembourser la somme de 13.524,20€ bruts à titre de remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence payée entre le mois de juillet 2022 et le mois d’octobre 2022 (inclus), indûment perçue
– CONDAMNER à lui verser la somme de 2.000€ à titre d’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ».
Toutefois s’il ressort du dispositif des conclusions de la SAS ENTOURAGE que la cour est saisie d’une demande de confirmation d’une partie du jugement déféré, il n’en ressort pas qu’elle soit saisie d’une demande d’infirmation du jugement déféré s’agissant des demandes suivantes exposées dans le corps de ses conclusions comme suit :
« Dire qu’il y a lieu à référé sur les demandes provisionnelles de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause de non-concurrence,
Condamner M. [P] à lui verser la somme de 10 000 € à titre de provision de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la violation de la clause de non-concurrence,
Ordonner la cessation des actes de concurrence déloyale par la cessation de la relation contractuelle entre M. [P] et la société ASTIC EMBALLAGE sous astreinte de 50 € par jour de retard » ;
La SAS ENTOURAGE qui invoque les dispositions de l’article 566 du code de procédure civile, ne le fait que s’agissant de la demande de provision de 3 000 € pour procédure abusive et de la demande de d’irrecevabilité de la pièce n°17, mais pas s’agissant des demandes visées par M. [P] dans le cadre de l’exception soulevée.
Il y a lieu d’en déduire que, faute d’être saisie d’une demande d’infirmation de ces chefs de jugements dans le dispositif des conclusions, la cour d’appel n’est pas saisie des demandes suivantes :
Dire qu’il y a lieu à référé sur les demandes provisionnelles de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause de non-concurrence,
Condamner M. [P] à lui verser la somme de 10 000 € à titre de provision de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la violation de la clause de non-concurrence,
Ordonner la cessation des actes de concurrence déloyale par la cessation de la relation contractuelle entre M. [P] et la société ASTIC EMBALLAGE sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Sur la compétence territoriale du conseil de prud’hommes de Valence :
Moyens des parties :
M. [P] soulève l’incompétence territoriale du conseil de prud’hommes de Valence au visa des articles R.1412-1 et R. 1412-4 du code du travail.
Il soutient que ses fonctions de Manager commercial consistent en réalité à un simple ajout de tâches de management d’une équipe commerciale à son poste de commercial, le reste de son activité étant dédiée à la vente et la représentation auprès des clients et des prospects sur le secteur de la Savoie, Haute Savoie et une partie de l’Isère. Sa présence au sein de la SAS ENTOURAGE n’était donc qu’occasionnelle. S’il ne bénéficie pas du statut de VRP ou d’agent commercial, ses fonctions présentent une grande similitude et ceux-ci sont considérés comme travaillant à l’extérieur de l’entreprise, peu important qu’il soit administrativement rattaché à un établissement de l’entreprise ou qu’il y exerce certaines fonctions minimes. Il soutient ainsi que le Conseil de prud’hommes territorialement compétent ne peut être que celui de son domicile qui n’est pas, et n’a jamais été dans le ressort du Conseil de prud’hommes de Valence mais en Savoie, et à la date de l’engagement de la procédure devant la formation des référés, à Montélimar, dans la Drôme, et à la date des présentes, à Rilleux-La-Pape, dans le département du Rhône.
La SAS ENTOURAGE revendique pour sa part la compétence territoriale du Conseil de prud’hommes de Valence.
Elle soutient que M. [P] n’a jamais eu le statut de VRP ou d’agent commercial et que son contrat de travail ne fait aucunement référence à ces statuts. L’analyse de ses conditions effectives d’emploi, afin de déterminer, s’il effectuait ou non, ses missions « en dehors de tout établissement » conduit indiscutablement à constater que M. [P] n’effectuait pas ses missions en dehors de tout établissement comme il le prétend, mais exerçait des fonctions de Manager commercial ce qui consistait, en plus de la gestion d’un secteur géographique par sa propre prospection commerciale, à la supervision et au management de 5 développeurs qui sont des commerciaux en charge de clientèles. Si le salarié devait planifier ses tournées et ses déplacements c’est bien que par définition, il n’exerçait pas l’intégralité de ses missions en dehors de l’entreprise. Il exerçait cette fonction de Manager au sein du siège social de l’entreprise, à [Localité 9]. L’analyse des notes de frais de M. [P] démontrant qu’il se rendait sur site deux jours par semaine en moyenne.
Sur ce,
Vu l’article 90 du code de procédure civile,
Aux termes de l’article R. 1412-1 du code du travail, l’employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud’hommes territorialement compétent.
Ce conseil est :
1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail ;
2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.
Le salarié peut également saisir les conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi.
Il est de principe que la compétence territoriale de la juridiction prud’homale est déterminée d’après les modalités réelles d’exécution du travail quels que soient les termes du contrat de travail.
En l’espèce, il résulte de l’avenant au contrat de travail de M. [P] en date du 16 septembre 2009 qu’il est engagé en qualité « Attaché commercial » et que sa « fonction sera :
« activités vente, représentation de la société PAPETERIE ESTOUR (ESTOUR EMBALLAGES),
clientèle : la clientèle existante à développer pour les professions « INDUSTRIE »,
produits : ceux qui existent actuellement dans notre gamme, réduits ou complétés selon les décisions de la société,
secteur géographique ou lieu de travail : départements 73,74 et une parties de 38,
ce secteur et la clientèle pourront évoluer en cours de contrat sans que M. [F] [P] puisse prétendre à une indemnité spécifique à ce titre. ».
Les parties ne contestent pas que M. [P] a ensuite été promu aux fonctions de Manager commercial à compter du 1er janvier 2019 comme le font apparaître ses bulletins de paie.
M. [P] produit aux débats une fiche de poste Manager commercial de la SAS ENTOURAGE non contestée par la SAS ENTOURAGE dont il résulte que :
« Le Manager commercial a pour objectif de seconder les directeurs dans le déploiement de la stratégie commerciale avec :
Une partie de l’activité dédiée à l’équipe, au respect des méthodes de travail, à la préparation adéquate des offres lors des entretiens hebdo de 52 minutes en moyenne, il assure la bonne mise en ‘uvre des opérations commerciales (lancement et suivi), collaboration avec les achats et les fonctions support et il propose des améliorations au directeur.
La gestion de la cohésion des chefs de service et la préparation des réunions mensuelles à raison d’une journée par semaine.
Il est précisé que les 4 autres journées sont réparties 3 jours de terrain et 1 jour bureau pour son propre compte. »
L’utilisation de la visio y est prévue.
Il en ressort qu’en plus des activités commerciales que M. [P] accomplissait en qualité d’attaché commercial avant 2019, il assumait depuis cette date et sa promotion, des missions de management des équipes et d’assistance des directeurs qui nécessitent une présence sur site 1 journée par semaine.
Pour le reste de ses activités, 3 jours étaient clairement dédiés aux activités de terrain à savoir les activités commerciales et donc extérieures à l’entreprise et 1 journée « au bureau pour son compte propre » pour qu’il gère ces activités commerciales propres.
Dans son témoignage versé aux débats par M. [P], M. [G] atteste que M. [P] n’était qu’occasionnellement sur le site d’ENTOURAGE à [Localité 9], que les points hebdomadaires ont été effectués essentiellement par conversation téléphonique ou visio et que « nous nous rencontrions ponctuellement sur site lors de notre venue le lundi ou lors de formations, réunions dont notre présence physique était demandé (moins d’une fois par mois pour es réunions et formations) l’essentiel de notre activité se faisait en télétravail ou sur le terrain comme demandé par la direction stratégique et commerciale ».
Le fait que M. [G] n’ait été muté sur le site de la Drôme qu’en juin 2021 ne rend pas son témoignage sujet à caution, celui-ci ayant travaillé avec M. [P] de juin 2021 jusqu’à son départ en mai 2022.
M. [T] témoigne également que M. [P] était « très occasionnellement présent sur le site de [Localité 9], son secteur de responsabilité commerciale se situant en Savoie et en Haute Savoie. Nous faisons des points hebdomadaires téléphoniquement et à distance ».
M. [V], commercial au sein de la SAS ENTOURAGE jusqu’en 2022, précise que M. [P] a été son Manager pendant plusieurs années et que « ses missions principales étaient de nus accompagner sur nos secteurs géographiques attitré (5 commerciaux sur le quart sud-est de la France), de gérer son propre secteur. Pour ma part il n’était que très occasionnellement sur le site de [Localité 9] pour faire un point administratif et quelques réunions’ ».
M. [W], ancien directeur de l’établissement de [Localité 6] avec la mission supplémentaire de pilotage des Managers de la SAS ENTOURAGE composée de quatre établissements [Localité 6], [Localité 9], [Localité 8] et Brive, atteste que « chaque manager, dont M. [P] devait consacrer une journée par semaine à son équipe sur son propre site et le reste du temps que le terrain pour assurer le suivi de sa clientèle dont il avait la charge ».
M. [P] verse enfin aux débats un compte-rendu de comité stratégique du 10 septembre 2019 qui traite notamment des missions du Manager commercial et indique que sa présence sur site est requise 1 jour par semaine pour assurer la coordination des équipes commerciales et veiller à la disponibilité des ressources, soit M. [P] pour [Localité 9].
La SAS ENTOURAGE qui conclut que cette situation exceptionnelle était en réalité due à la COVID et aux restrictions sanitaires qui étaient imposées, ne justifie d’aucune consigne donnée pour modifier le protocole de présence antérieur à mars 2020, ni le retour à une situation normale par la suite.
Il ne ressort pas, comme conclu par la SAS ENTOURAGE, de l’avenant au contrat de travail de 2009, des obligations de M. [P] en qualité d’attaché commercial, et notamment du fait de « devoir en relation avec la direction générale, planifier son activité et ses tournées en fonction de son objectif à atteindre’visiter les clients suivant le rythme prévu et en fonction des priorités définies par la direction générale’ », la démonstration qu’une partie de ses missions étaient bien exercées sur site avant même sa promotion en qualité de Manager. Les directives pouvant lui être transmises à distance et la SAS ENTOURAGE ne justifiant pas du temps de présence sur site de M. [P] dont elle se prévaut.
Le fait que son successeur ou de deux collègues d’un autre site soient présents sur site deux jours par semaine n’implique pas que ce rythme leur est imposé et ne relève pas d’un choix personnel, que M. [P] faisait la même chose, et que la SAS ENTOURAGE lui aurait imposé un rythme identique.
Enfin le tableau dactylographié établi par la SAS ENTOURAGE faisant état des notes de frais de M. [P], n’est corroboré par aucun autre élément objectif et ne concerne qu’une période très restreinte de 4 mois,(septembre à décembre 2021) sans qu’au surplus le mois d’octobre n’y figure. L’attestation de responsable administratif et financier, compte tenu de son lien de subordination, étant sujet à caution.
Il ressort de l’ensemble des éléments exposés que la SAS ENTOURAGE ne démontre pas que M. [P] était tenu de venir sur site plus d’un jour par semaine et qu’il ait effectivement travaillé sur le site de [Localité 9] plus d’un jour par semaine.
Par conséquent, au vu des modalités réelles d’exécution du travail de M. [P] qui exerçait 4 jours par semaine son activité à l’extérieur de l’entreprise dans le cadre de son activité de commercial sur les départements de la Savoie, Haute Savoie et une partie de l’Isère et hors département du site de la SAS ENTOURAGE de [Localité 9], il doit être admis que M. [P] a exercé son activité professionnelle en dehors de tout établissement. conformément aux dispositions légales susvisés.
Par conséquent, la juridiction prud’homale territorialement compétente étant dès lors celle sise dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.
IL convient dès lors d’infirmer l’ordonnance déférée, de recevoir l’exception d’incompétence territoriale soulevée et de juger que le Conseil de prud’hommes de Valence, n’est pas territorialement compétent pour statuer sur le présent litige, M. [P] n’ayant jamais eu son domicile dans le ressort de celui-ci.
Lors de l’exécution du contrat de travail, M. [P] justifie qu’il résidait sur la commune de [Localité 11] en Savoie. Toutefois, le salarié résidant désormais à Rilleux-La-Pape dans le département du Rhône lors de la saisine de la juridiction prud’homale, il convient de juger que le Conseil de prud’hommes compétent est celui de Lyon.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DIT que la cour d’appel n’est pas saisie des demandes suivantes de la SAS ENTOURAGE :
« Dire qu’il y a lieu à référé sur les demandes provisionnelles de dommages et intérêts en réparation de la violation de la clause de non-concurrence
Condamner M. [P] à lui verser la somme de 10 000 € à titre de provision de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la violation de la clause de non-concurrence
Ordonner la cessation des actes de concurrence déloyale par la cessation de la relation contractuelle entre M. [P] et la société ASTIC EMBALLAGE sous astreinte de 50 € par jour de retard. ».
INFIRME l’ordonnance déférée,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
Y ajoutant,
DIT que le Conseil de prud’hommes de Valence n’est pas territorialement compétent pour statuer sur le présent litige,
RENVOIE l’affaire devant la cour d’appel de Lyon,
DIT que le dossier sera adressé directement par les soins du greffe à la Cour d’appel de LYON,
LAISSE à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et des dépens d’instance.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,