Télétravail : 26 mai 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/01472

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Télétravail : 26 mai 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 22/01472
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26 mai 2023
Cour d’appel de Besançon
RG n°
22/01472

ARRET N° 23/

BUL/XD

COUR D’APPEL DE BESANCON

ARRET DU 26 MAI 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 07 Avril 2023

N° de rôle : N° RG 22/01472 – N° Portalis DBVG-V-B7G-ERWL

S/appel d’une décision

du POLE SOCIAL DU TJ DE BESANCON

en date du 09 août 2022

code affaire : 89Z

Autres demandes en matière de risques professionnels

APPELANTE

Madame [G] [J], demeurant [Adresse 2]

représentée par M. [R] [W] ([L]) en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMEE

CPAM DE [Localité 3], sise [Adresse 1]

représenté par Mme [Z] [D] en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile l’affaire a été débattue le 07 Avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame UGUEN-LAITHIER Bénédicte, conseiller, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, président de chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, conseiller

Mme Florence DOMENEGO, conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 26 Mai 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

Mme [G] [J], salariée au sein de la société [4] en qualité de conseiller commercial, a été victime le 6 juin 2018 d’un accident du travail alors qu’elle se trouvait sur une chaise pour chercher un dossier en hauteur, elle a chuté en arrière, sa tête a heurté le mur provoquant une perte de connaissance et elle a présenté une sciatalgie depuis cette date.

Le certificat médical initial fait état d’une ‘chute avec traumatisme lombaire’.

La Caisse primaire d’assurance maladie du Doubs (ci-après CPAM) a reconnu le caractère professionnel de cet accident et a fixé à la date de consolidation, arrêtée au 18 novembre 2020, le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de la salariée à 6%.

Saisie par Mme [G] [J] d’une contestation du quantum de ce taux par lettre recommandée avec avis de réception du 10 février 2021, la Commission de recours amiable a rejeté son recours par décision du 2 juin 2021.

Suivant requête du 25 août 2021, Mme [G] [J] a saisi le tribunal judiciaire de [Localité 3], lequel, après avoir commis le professeur [K] en qualité de médecin consultant, a par jugement du 9 août 2022 :

– infirmé la décision de la CPAM du Doubs

– dit qu’à la date du 18 novembre 2020 les séquelles présentées par Mme [G] [J] n’ont pas été correctement évaluées et justifient l’attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 8% tous éléments confondus

Par déclaration adressée sous pli recommandé expédié le 15 septembre 2022, Mme [G] [J] a relevé appel de cette décision et, aux termes de ses écrits visés le 29 mars 2023, conclut à son infirmation et demande à la cour de :

– homologuer l’examen du professeur [K] lui attribuant un taux d’IPP de 8%

– lui allouer un coefficient professionnel qui ne saurait être inférieur à 5%

– lui allouer un taux global de 13% dont 5% au titre de l’incidence professionnelle

– la renvoyer devant la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Doubs pour la liquidation de ses droits

Aux termes de ses écrits visés le 21 mars 2023, la CPAM conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet des prétentions adverses.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, auxquelles elles se sont expressément rapportées lors de l’audience de plaidoirie du 7 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l’article L.434- 2 du code de la sécurité sociale le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Ce barème indicatif, annexé à l’article R.434- 32 du code de la sécurité sociale, précise notamment que ‘les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical. Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico- social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale (…) On peut être ainsi amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel (…).’ ;

Pour fixer à 8% le taux d’IPP de Mme [G] [J], les premiers juges se sont essentiellement appuyés sur la consultation réalisée à l’audience par le professeur [K], lequel, après avoir pris connaissance des conclusions du médecin-conseil, du dossier médical transmis et des doléances de l’intéressée, a relevé que Mme [G] [J] :

– n’a pas pu reprendre le travail et n’a actuellement pas d’activité professionnelle

– présente un état variable en fonction des jours avec persistance de lombalgies basses et des douleurs de l’hémicorps droit, mais qu’elle peut certains jours se déplacer normalement sans l’aide de sa canne anglaise

– présente des troubles psychiques à dominante dépressive avec troubles du sommeil, de l’alimentation, idées de suicide, et prend un traitement prescrit par son médecin traitant

– pour autant lors de l’examen l’état de l’humeur est globalement satisfaisant mais elle présente des réactions émotionnelles à l’évocation de l’accident

– les troubles ophtalmiques décrits ne sont manifestement pas imputables à l’accident

L’expert considère ainsi que les lombalgies correspondent d’après le barème à un taux voisin de 6%, comme l’a retenu le médecin conseil de la Caisse, mais que s’y ajoutent des troubles dépressifs d’intensité variable qui le conduisent à porter à 8% le taux d’IPP global.

Mme [G] [J] fait valoir au soutien de son appel que les séquelles de l’accident ont donné lieu à un avis d’inaptitude avec dispense de l’obligation de reclassement du médecin du travail puis à son licenciement pour inaptitude et qu’elle bénéficie toujours de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, ce qui corrobore l’existence d’un préjudice professionnel en lien avec l’accident.

La CPAM, si elle ne conteste pas le taux d’IPP alloué dans le jugement querellé, objecte en revanche que dès lors que l’application du barème prend déjà en compte de façon forfaitaire le préjudice professionnel, la demande d’octroi d’un taux socio-professionnel doit reposer sur la démonstration d’un préjudice professionnel personnalisé important.

Elle rappelle également que le taux d’incapacité doit être fixé en considération de l’état de la victime à la date de la consolidation et que le 18 novembre 2020, Mme [G] [J] n’avait fait l’objet ni d’un avis d’inaptitude ni d’un licenciement sur ce même fondement. Elle souligne enfin que le lien entre l’accident et le licenciement pour inaptitude n’est pas caractérisé en l’espèce, ce d’autant que la victime a développé parallèlement une pathologie touchant les yeux, et que l’appelante est parfaitement en mesure d’exercer un autre emploi.

En premier lieu il appartient au juge de prendre en compte, au titre de l’incidence professionnelle, les éléments constitutifs d’un retentissement sur la qualification ou l’aptitude professionnelle de la salariée, consécutifs aux séquelles médicales constatées au jour de la consolidation.

Si la fixation du taux d’IPP n’a pas pour objet d’attribuer à l’assurée un revenu de remplacement compensant intégralement la perte de salaire liée aux séquelles de l’accident du travail il n’en demeure pas moins qu’il incombe à la cour de rechercher, comme elle y est invitée, l’incidence de l’accident du travail dont a été victime Mme [G] [J] sur sa vie professionnelle (Cass. Civ. II 4 avril 2019 n° 18-12.766).

Au cas particulier, il ressort des éléments du dossier que les séquelles de l’accident du travail dont a été victime Mme [G] [J] le 6 juin 2018 ont donné lieu à son licenciement pour inaptitude par son employeur le 12 octobre 2021, avec dispense de reclassement, le médecin du travail indiquant dans son dernier avis d’inaptitude du 1er juillet 2021 que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’.

La cour observe en outre que le médecin du travail a en l’espèce émis un premier avis d’inaptitude de la salariée à son poste de conseiller commercial en boutique dès le 3 décembre 2020 tout en la considérant alors apte à un emploi ‘sans station debout ou assise prolongée, sans effort physique, sans port de charges de 2kg, sans déplacement piéton ou en voiture, le télétravail sous réserve d’un aménagement matériel de poste serait possible’.

A la date de la consolidation le 18 novembre 2020, Mme [G] [J] était âgée de 36 ans et le rapport médical d’évaluation du taux d’incapacité permanente émanant du médecin conseil de la Caisse exclut tout état antérieur éventuel interférant. Les séquelles persistantes en lien avec l’accident sont une lombosciatalgie de territoire L5 droit et un syndrome dépressif secondaire, aggravé par une problématique familiale. En revanche, la pathologie oculaire ne peut être retenue comme étant en lien avec l’accident.

L’appelante justifie être inscrite à Pôle Emploi et avoir bénéficié à ce titre d’une allocation d’aide au retour à l’emploi d’un montant moyen mensuel de l’ordre de 1 400 euros (juillet à décembre 2022), alors que son salaire net mensuel s’élevait en moyenne à 2 000 euros. S’il est établi qu’elle a par ailleurs déclaré une activité en qualité d’auto-entrepreneur dans le secteur de l’immobilier, elle justifie ne percevoir aucun revenu de cette activité.

Il résulte des développements qui précèdent que Mme [G] [J] justifie d’un retentissement professionnel spécifique et de difficultés particulières de reclassement professionnel, constitués notamment par un déficit d’employabilité et une perte de revenus justifiant de lui reconnaître à ce titre un taux socio professionnel de 3%.

Le taux fonctionnel évalué par les premiers juges à 8% n’étant pas critiqué par les parties, il y a lieu de le maintenir à ce niveau mais, intégrant le taux socio-professionnel alloué, de fixer le taux d’IPP global à 11%. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

La Caisse sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il déclare recevable le recours.

Statuant à nouveau,

Accorde à Mme [G] [J] un taux socio-professionnel de 3%.

Dit en conséquence que le taux d’incapacité permanente partielle global accordé à Mme [G] [J] est fixé à 11%.

Condamne la Caisse primaire d’assurance maladie du Doubs aux dépens de première instance et d’appel.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le vingt six mai deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, président de chambre, et Xavier DEVAUX, directeur de greffe.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

 


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