Your cart is currently empty!
26 juin 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/01966
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°258
N° RG 20/01966 –
N° Portalis DBVL-V-B7E-QSJ4
Société d’Assurance MUTUELLE D’ASSURANCE CORPS SANTE FRANCAIS (MACSF)
C/
M. [P] [R]
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Marie VERRANDO
Me Maxime MACE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Janvier 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2023, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 03 Avril précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE et intimée à titre incident :
La Société d’Assurance MUTUELLE D’ASSURANCE CORPS SANTE FRANCAIS (MACSF) prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Romain RAPHAEL, Avocat plaidant du Barreau des HAUTS-DE-SEINE
INTIMÉ et appelant à titre incident :
Monsieur [P] [R]
né le 16 Août 1975 à [Localité 5] (TOGO)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 1]
Comparant à l’audience et représenté par Me Maxime MACE, Avocat au Barreau de RENNES
M. [R] a été embauché par la Société d’assurance mutuelle MUTUELLE D’ASSURANCE CORPS SANTÉ FRANÇAIS (MACSF) à compter du 5 janvier 2015 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de conseiller clientèle à distance confirmé, classe 4. M. [R] a été affecté au Centre de relations clients (CRC) de [Localité 7] à compter du 30 octobre 2017, date de sa mobilité depuis le Centre de relations clients de [Localité 6].
De mars 2016 à mars 2017, M. [R] a été membre du CHSCT. M. [R] a été élu membre du Comité Social et Économique lors des élections du 9 mars 2018.
Le 17 octobre 2018, une réunion d’équipe s’est tenue au sein du Centre de Relations Clients de [Localité 7] à laquelle M. [R] a assisté à distance par téléphone.
Par courrier du 24 décembre 2018, la MACSF a convoqué M. [R] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 7 janvier 2019.
La MACSF a notifié le 23 janvier 2019 à M. [R] une mise à pied disciplinaire de cinq jours ouvrés sans maintien de sa rémunération. La sanction a été exécutée sur la période du 28 janvier au 1er février 2019 inclus.
Le 31 janvier 2019, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :
‘ annuler la sanction disciplinaire de mise à pied conservatoire en date du 23 janvier 2019, ainsi que toutes les conséquences de cette mesure,
‘ reconnaître le délit d’entrave vis-à-vis du mandat d’élu de M. [R],
‘ condamner la MACSF à lui verser les sommes de :
– 15.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral et pour perte de chance,
– 380 € de rappels de salaires pour la période du 28 janvier 2019 au 1er février 2019 inclus,
– 38 € de congés payés afférents,
– 18 € de prime du 28 janvier au 1er février 2019,
– 26 € d’indemnités de repas sur cette même période,
– 3.000 € d’article 700 du Code de procédure civile.
La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par la MACSF le 25 mars 2020 du jugement du 5 mars 2020 par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ annulé la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [R] le 23 janvier 2019,
‘ reconnu le délit d’entrave vis-à-vis du mandat d’élu de M. [R],
‘ condamné la MACSF à payer à M. [R] les sommes suivantes :
– 380 € bruts à titre de salaires pour la période de mise a pied injustifiée,
– 38 € bruts à titre de congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2019, date de la saisine du Conseil,
– 8.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
– 1.200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
‘ dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
‘ ordonné l’exécution provisoire du jugement à hauteur de la totalité des sommes allouées à titre indemnitaire,
‘ fixé, en application de l’article R. 1454-23 du Code du travail, le salaire mensuel de référence à la somme de 2.280 € bruts,
‘ débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
‘ dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par la MACSF,
‘ condamné la MACSF aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 11 décembre 2020, suivant lesquelles la Société MUTUELLE D’ASSURANCE DU CORPS DE SANTÉ FRANÇAIS demande à la cour de :
‘ infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de NANTES du 5 mars 2020,
Et, statuant à nouveau,
‘ dire et juger que la juridiction prud’homale est incompétente pour juger du prétendu délit d’entrave et que celui-ci n’est en tout état de cause aucunement constitué,
‘ dire et juger fondée la sanction disciplinaire notifiée par courrier du 23 janvier 2019 à M. [R],
‘ dire et juger que M. [R] est infondé en ses demandes indemnitaires en raison d’une prétendue perte de chance et d’un prétendu préjudice moral,
‘ confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] de ses autres demandes,
‘ débouter M. [R] de son appel incident et de toutes ses demandes,
‘ condamner M. [R] au paiement à la MACSF de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 5 février 2021, suivant lesquelles M. [R] demande à la cour de :
‘ réformer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes en date du 5 mars 2020 en ce qu’il a :
– débouté M. [R] de ses plus amples demandes,
– fixé à 8.000 € net le montant des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice moral,
Et, statuant à nouveau,
‘ fixer à 15.000 € le montant des dommages et intérêts alloués à M. [R] au titre du préjudice moral, de la perte de chance et de l’entrave,
‘ confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes en date du 5 mars 2020 pour le surplus,
‘ condamner la MACSF au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais nécessaires à l’exécution de la décision à venir.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions régulièrement notifiées.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur la mise à pied disciplinaire
La MACSF soutient pour infirmation que les faits pour lesquels M. [R] a été sanctionné n’étaient pas prescrits puisque d’une part l’employeur n’a pu avoir une connaissance exacte des faits du 17 octobre 2018 qu’à l’issue de l’enquête qu’il a dû diligenter, d’autre part la sanction a été prononcée non seulement en raison de ces faits mais également en raison d’un comportement inadapté réitéré du salarié notamment à l’égard de sa hiérarchie’; que les faits sont parfaitement établis au regard de l’ensemble des éléments versés aux débats.
M. [R] soutient pour confirmation que l’employeur a eu connaissance immédiatement par le supérieur hiérarchique du salarié des faits décrits dans le courrier notifiant la mise à pied ; que l’enquête diligentée par l’employeur n’était nullement nécessaire et n’a apporté aucun élément nouveau’; que l’enquête a été menée avec partialité’; qu’elle n’a pas eu pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription.
Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.
La tardiveté de la mise en ‘uvre d’une procédure disciplinaire suffit à rendre nulle la sanction fondée sur la seule faute prescrite.
Il est établi que lorsque les faits reprochés à un salarié ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il incombe à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de ces poursuites, étant précisé que l’employeur est censé être avisé lorsqu’un supérieur hiérarchique du salarié est lui-même avisé des faits.
Ainsi, une information orale portée à la connaissance de l’employeur peut constituer le point de départ du délai de prescription dès lors qu’aucune vérification ou investigation n’est nécessaire pour que l’employeur ait une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.
La circonstance que l’employeur décide de recourir à une enquête, quel que soit son mode, n’est pas de nature à le dispenser de démontrer qu’il n’avait pas connaissance, au sens de l’article L1332-4 du code du travail, des faits ultérieurement sanctionnés dans le délai de deux mois après leur commission. Il appartient donc à l’employeur de rapporter la preuve que cette enquête ou vérification lui était nécessaire pour avoir cette connaissance.
Enfin, un fait fautif dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement des poursuites peut être pris en considération lorsque le même comportement fautif du salarié s’est poursuivi ou répété dans ce délai.
Le courrier du 23 janvier 2019 de notification d’une sanction disciplinaire (pièce n°4 du salarié, pièce n°3 de l’employeur) est ainsi rédigé’:
«'[…]
Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants’:
Lors d’une visite d’inspection de la Commission Santé Sécurité et Condition de Travail (CSSCT) du 23 octobre 2018, une partie du collectif du de travail du Centre de Relatin [sic] Clientèle (CRC) de [Localité 7] a relaté des faits qui ont conduit la CSSCT d’user [sic] de son droit d’alerte et de signaler l’existence d’un danger grave et imminent.
Le 5 novembre 2018 la CSSCT m’informait de faits survenus le 17 octobre 2018, date à laquelle une réunion de l’équipe autonome dans vous faites partie était organisée.
Le 13 novembre 2018, un représentant de la CSSCT a inscrit cet événement du 17 octobre 2018 dans le registre tenu à cet effet avec la description suivante : « suite à une agression verbale lors d’une réunion hebdomadaire par un collaborateur en ligne à l’égard de sa supérieure hiérarchique, situation de peur et de stress majeur quant à un passage à l’acte physique ». Le représentant de la CSSCT précise le nom du ou des agents exposés au danger constaté, à savoir, [C] [M] (animatrice relation clientèle), [S] [N] (manager relation clientèle) et le collectif de travail. Ce signalement faisait également remonter que vos agissements récurrents laissaient supposer également une dégradation des conditions de travail du collectif de travail.
Face à ce signalement, conformément aux dispositions de l’article L 4132-2 du Code du travail, immédiatement une enquête conjointe avec la CSSCT a été organisé.
Les témoignages ont été recueillis et, le cas échéant, confirmés par écrit.
En espèce, le 17 octobre 2018, vous vous êtes rendu coupable d’une agression verbale avec des propos et un ton suffisamment déplacé envers votre animatrice pour que 9 participants sur 11 à cette réunion apparentent cette situation à un danger grave et imminent.
La réunion concernait l’équipe autonome dont vous faites partie. Ce jour-là vous étiez en télétravail et vous y participiez donc en téléréunion. Votre animatrice rappelait une règle commune à tous les CRC, à savoir celle qui donne le point au collaborateur qui fait souscrire le contrat aux sociétaires et non au collaborateur qui a généré le devis.
Or sur le CRC de [Localité 7], l’autorisation a été donnée d’attribuer le point au collaborateur qui a fait le devis. Le management souhaitait aligner la pratique du CRC sur celle des autres CRC. Votre animatrice a donc lancé un débat sur ce sujet. Vous vous êtes exprimé à ce moment-là de manière suffisamment violente pour que certaines personnes se disent « mais il aurait fait quoi, il l’aurait frappée ‘ ».
Les entretiens lors de l’enquête ont permis d’établir que la quasi-totalité des collaborateurs présents (8 sur 11) à la réunion du 17 octobre 2018, ont considéré que vous aviez utilisé des propos inappropriés. Si les mots diffèrent, le ressenti des collaborateurs est lui quasi unanyme [sic]’: «’heureusement que je ne suis pas présent, sinon…’», «’tu as de la chance que je ne sois pas là…’» [‘]
De la même manière, la quasi-totalité des collaborateurs présents à la réunion du 17 octobre 2018 (8 sur 11), ont considéré que vous aviez eu’: «’une réaction violente dans les termes’», «’virulente’» [‘]
Vos propos ont donc été perçus comme une menace. […]
Votre explication du matériel défectueux nous permettant pas de suivre sereinement les débats et vous obligeant à parler fort, n’explique pas à elle seule le sentiment d’insécurité dans lequel les collaborateurs se sont retrouvés. […]
D’une manière plus générale, il ressort de l’enquête et des attestations reçues que votre comportement est inapproprié et corroborent l’agression verbale violente et menaçante lors de la réunion du 17 octobre et un comportement habituel destiné à dégrader les conditions de travail à créer un climat délétère (à titre d’exemple, ambiance pesante, dénigrement de la hiérarchie, critiques déplacées, instauration d’un clan, communication d’information confidentielle de collaborateurs à d’autres collaborateurs, tension constante, manipulation, se positionne au-dessus des autres), autant d’agissements contraires aux règles élémentaires de discipline.
Une grande partie du collectif du CRC de [Localité 7] considère que votre comportement engendre une détérioration forte des conditions de travail. L’atmosphère polémique que vous entretenez est très mal vécue par cette partie du collectif dans laquelle on retrouve l’intégralité de la ligne hiérarchique ainsi que bon nombre de collaborateurs. Certains n’hésitent pas à indiquer que la détérioration des conditions de travail coïncident [sic] avec votre arrivée sur le CRC. Ces comportements contreviennent également aux règles élémentaires de discipline et au bon fonctionnement du service.
Vos agissements, qui consistent à dénigrer notamment le travail de vos supérieurs hiérarchiques ont eu des répercussions importantes en termes de santé notamment sur votre animatrice qui a très mal vécu la situation. Situation qu’il l’a poussée à déposer une main courante le 24 octobre 2018.
Cette situation intervient un an à peine après un précédent incident sur le CRC de [Localité 6] qui avait déjà conduit à une enquête conjointe entre la direction et les représentants du personnel, destinée à faire la lumière sur votre comportement et celle de votre responsable de l’époque et pour laquelle vous aviez déjà été sanctionné. Il est à noter que cette affaire avait très à des faits qui se sont déroulés sur un autre CRC, vous avez pu bénéficier depuis d’une mobilité volontaire entre [Localité 6] et [Localité 7].
Finalement votre comportement déplacé et récurrent entretient un climat polémique persistant quel que soit l’environnement de travail dans lequel vous évoluez.
Ces faits graves nous amènent donc à vous notifier, conformément au titre III article 1 du règlement intérieur du groupe, une mise à pied de 5 jours ouvrés sans maintien de rémunération, qui sera versée à votre dossier personnel.
[…]»
Il ressort de la description des faits reprochés au salarié dans ce courrier et de l’ensemble des éléments versés aux débats que les faits du 17 octobre 2018 ont été connus immédiatement de l’employeur, par l’intermédiaire notamment de la supérieure hiérarchique du salarié, de même que l’impact de ces faits sur Mme [M] qui a déposé une main courante le 24 octobre 2018, démarche dont l’employeur ne conteste pas avoir été informé le jour-même alors que la commission santé sécurité avait déjà usé la veille de son droit d’alerte.
Le reste des éléments décrits dans le courrier de notification de la mise à pied ne concerne que des faits antérieurs à cette réunion du 17 octobre 2018 ou ne vise que des généralités concernant le comportement «’habituel’» de M. [R] sans décrire aucun fait précis dont il serait possible de déduire qu’il se seraient produits après le 17 octobre ni permettre de caractériser une réitération de faits similaires à ceux dont l’employeur avait donc déjà, dès leur commission, une connaissance suffisamment précise pour mettre en ‘uvre l’exercice de son pouvoir disciplinaire sans qu’aucune enquête soit nécessaire pour en préciser la teneur, l’importance, la gravité.
Dans ces conditions, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la sanction disciplinaire, dont la procédure n’a été engagée par l’employeur que par la convocation à l’entretien préalable délivrée le 24 décembre 2018, avait été engagée plus de deux mois après la connaissance par l’employeur des faits reprochés, de sorte que la prescription était acquise.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [R] le 23 janvier 2019, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés par l’appelante au soutien de sa contestation.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la MACSF à payer à M. [R] au titre de rappel de salaires sur la période de mise à pied la somme de 380 € bruts, outre 38 € bruts à titre de congés payés.
M. [R] sollicite également la réparation de préjudices dont il lui revient de rapporter la preuve et dont aucun ne saurait se présumer. M. [R] expose que son préjudice inclut d’abord la perte de chance de percevoir la part variable de sa rémunération dont il ne justifie pas l’existence en lien avec son absence de 5 jours au regard des dispositions de son contrat de travail et des modalités de calcul de la prime (pièces n°15 du salarié et n°44 de la société) et alors qu’il ne produit pas ses bulletins de salaire notamment sur la période considérée.
M. [R] évoque ensuite une perte de chance «’relative à une formation à laquelle il n’a pas pu assister’» qu’il ne définit pas ni ne justifie par aucune des pièces qu’il verse aux débats alors que la société justifie de la participation de M. [R] à une formation de 3 jours à la fin du mois de février 2019 (pièce n°45).
M. [R] fait valoir enfin l’existence d’un préjudice moral dont le principe est caractérisé par les pièces qu’il produit au regard de l’existence d’une enquête interne, de l’information par l’employeur aux salariés entendus de la production en justice des attestations (pièce n°18 du salarié) et du suivi médical d’une durée de plusieurs mois pour une «’souffrance au travail’» (pièce n°16). L’importance du préjudice moral considéré sera en revanche justement réparé, au regard des éléments versés aux débats, par l’attribution d’une somme de 3.000 €, le jugement étant infirmé sur le quantum de la somme allouée de ce chef.
Sur la demande au titre du’délit d’entrave
LA MACSF fait valoir pour infirmation que la demande de M. [R] tendant à ce que soit reconnu le délit d’entrave vis-à-vis de son mandat d’élu ne relève pas de la compétence de la juridiction prud’homale’; qu’en tout état de cause M. [R] n’a été empêché d’assister à aucune réunion du Comité économique et social du fait de la mise à pied.
M. [R] fait valoir pour confirmation que la juridiction prud’homale est compétente pour connaître de l’ensemble des litiges relatifs à une relation de travail, incluant la constatation d’un délit d’entrave’; qu’ainsi le conseil de prud’hommes est compétent pour juger de la commission d’un harcèlement moral ou sexuel, ou statuer sur une demande de reconnaissance d’un travail dissimulé’; que si elles ne peuvent sanctionner pénalement l’employeur les juridictions civiles ont compétence pour indemniser le salarié victime’; qu’à tout le moins, une entrave constitue une exécution déloyale du contrat’; qu’en l’espèce la mise en ‘uvre de la sanction disciplinaire notifiée par l’employeur a eu pour effet de supprimer les heures de délégation que M. [R] a posées pour la journée du 1er février 2019.
M. [R], qui ne vise dans ses écritures que les articles L1333-1, L.1333-2 et L.1332-4 du Code du travail, n’explique pas sur quel fondement juridique il demande à la cour de se prononcer sur le’«’délit d’entrave’» dont il se dit victime.
Or il ressort d’une part des pièces versées aux débats (pièces n°14 du salarié et 36 de la société) que les heures de délégation pour le 1er février 2019 n’ont été posées que le 25 janvier 2019, soit postérieurement au courrier de notification de la mise à pied par l’employeur à qui ne peut donc être reproché une entrave au sens des dispositions de l’article L2317-1 du code du travail dans sa version en vigueur. Il ressort d’autre part de l’ensemble des pièces versées aux débats que les heures de délégation correspondantes n’ont pas privé M. [R] d’être présent à une réunion du comité dont aucune n’a eu lieu sur cette période (pièces n°39 à 41 de la société) et que les heures qu’il avait posées aux fins de délégation n’ont pas été comptabilisées comme telles pour tenir compte de son impossibilité de les prendre, de sorte que n’est pas non plus caractérisée de la part de l’employeur une exécution déloyale du contrat de travail.
M. [R] sera débouté de ce chef de demande, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur les intérêts
Les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce.
En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc également fait droit à cette demande du salarié.
Sur les frais irrépétibles
L’équité et la situation économique des parties justifie qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions fixées au dispositif.
La société appelante, qui succombe partiellement dans ses prétentions, supportera les dépens de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nantes le 5 mars 2020 en ce qu’il a reconnu l’existence du délit d’entrave et condamné la MACSF à payer à M. [R] la somme de 8.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
CONDAMNE la MACSF à payer à M. [R] à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral la somme de 3.000 € nets,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Et y ajoutant,
CONDAMNE la MACSF à payer à M. [R] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la MACSF aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.