Télétravail : 26 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05572

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Télétravail : 26 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/05572
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26 avril 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/05572

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 26 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/05572 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OZBK

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 NOVEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 18/00806

APPELANTE :

Madame [J] [Y]

Née le 04 janvier 1978 à [Localité 5] (34)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Guilhem DEPLAIX, substitué par Me Laurence GROS, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. ESPACE [K]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Morgane BEAUVIRONNET de l’AARPI RIQUELME AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 08 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 MARS 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller, en remplacement du président empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [J] [Y] était embauchée le 24 mars 2015 par contrat à durée indéterminée en qualité de conseillère formation par la sarl Espaces [K] (la société) moyennant un salaire s’élevant en dernier lieu à la somme de 3 416,67 €. Une convention de forfait jours était prévue au contrat de travail pour 216 jours de travail annuels.

La salariée était en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du :

-23 novembre 2016 au 1er janvier 2017,

-31 mars au 2 mai 2017,

-11 septembre au 15 octobre 2017.

Le 15 novembre 2017, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail préconisait une journée de télétravail.

Par courrier du 29 novembre 2017, la salariée était convoquée, avec mise à pied conservatoire, à un entretien préalable à son éventuel licenciement lequel lui était notifié le 11 janvier 2018 en ces termes :'(…/…) Nous avons décidé de vous notifier par la présente une mesure de licenciement fondée sur une faute grave.

Nous vous prions de bien vouloir trouver, ci après, l’exposé des motifs qui fondent notre décision.

Comme nous vous l’indiquions au travers de notre correspondance du 12 décembre dernier, le 28 novembre 2017, Espace [K] a été destinataire d’une plainte d’un client de l’entreprise, monsieur [X] [I], lequel s’est ému de ce que, lors de sa venue dans nos locaux, le 16 novembre 2017, vous l’avez ‘interpellé’ avant de l’inviter à rejoindre votre bureau pour lui faire part de ‘confidences’ que ce dernier qualifie lui-même de ‘bien embarrassantes et dérangeantes’ en rappelant qu’il s’en serait en tout état de cause ‘bien passé’.

Et pour cause, ce dernier nous informe que, lors de cette entrevue, vous avez porté à sa connaissance le fait que ‘contrairement à ce qu’affirmaient les deux gérants, [S] et [U] [K], racontant que [O] [L] était malade, ces ‘salopards’ l’avaient volontairement licencié sous prétexte d’insuffisance professionnelle’

De tels propos que vous avez prononcé le 16 novembre 2017 en présence d’un client de l’entreprise, présentent un caractère injurieux tout à fait inacceptable et sont, en outre, particulièrement offensants et dénigrants à l’égard des deux gérants d’Espace [K].

Nous vous précisons de surcroît qu’un tel comportement est d’autant plus inadmissible que cette ‘critique’ particulièrement virulente a été exprimée en présence d’un client et s’est exercée à l’égard de monsieur [U] [K] qui est votre supérieur hiérarchique direct.

Dans le même sens, aux termes de sa plainte du 28 novembre 2017, monsieur [X] [I] nous précise que lors de votre échange, vous avez tenu des propos particulièrement irrespectueux à l’égard de la directrice pédagogique de l’entreprise, madame [T] [W] en lui confiant que vous ne compreniez pas ‘ce que faisait encore la vieille à Espace [K]’.

A nouveau, nous devons vous préciser que de tels propos, particulièrement irrévérencieux à l’égard d’une salariée de l’entreprise et prononcés en présence d’un client de cette dernière, sont tout à fait inadmissibles, eu égard notamment à votre position hiérarchique de cadre qui vous impose de vous abstenir d’accomplir tout acte contraire aux intérêts d’Espace [K].

En l’occurrence, cependant, les propos qui nous ont été rapportés et que vous avez tenus le 16 novembre 2017, en présence d’un client de l’entreprise, portent indéniablement atteinte à la réputation et à l’image d’Espace [K], qui est , comme vous le savez, un organisme de formation spécialisé dans les formations dispensées au bénéfice des cadres des secteurs de la santé, du social et du médico-social et dont le coeur de métier est la formation en management à travers toutes ses composantes , et en particulier, les ressources humaines, la qualité, la communication, les partenaires ou encore l’éthique.

De surcroît, nous devons vous préciser que cette atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise est renforcée s’agissant des propos que vous avez tenus concernant madame [T] [W] et qui consistent en une critique dévalorisante de l’intéressée, formulée notamment en considération de son âge, au regard du contexte dans lequel ils ont été prononcés, dans la mesure où monsieur [X] [I] est directeur de la [6] qui est précisément une résidence pour personnes âgées.

Compte tenu de ces circonstances que vous ne pouvez ignorer au regard de vos fonctions de conseillère en formation que vous occupez depuis le 24 mars 2015 au sein d’Espace [K], nous vous précisons que le comportement qui nous a été rapporté par l’un des clients de notre entreprise, lequel compromet la poursuite des relations commerciales que nous avons construites de longue date avec ce dernier, porte atteinte à l’image et à la réputation des dirigeants d’Espace [K] et se révèle particulièrement offensant à l’égard d’une de vos collègues de travail, présente un caractère gravement fautif et rend impossible le maintien de votre contrat de travail au sein de notre entreprise..(…/…)

Contestant notamment son licenciement, par requête du 2 août 2018, la salariée saisissait le conseil de prud’hommes de Montpellier, lequel, par jugement du 23 novembre 2020, la déboutait de toutes ses demandes.

Par déclaration au greffe en date du 8 décembre 2020, la salariée relevait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 26 janvier 2023, madame [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement querellé et, statuant à nouveau, de dire que la convention annuelle de forfait en jours est nulle, de condamner la sarl Espace [K] à lui payer les sommes suivantes :

-5 454,39 € à titre de rappel d’heures supplémentaires outre la somme de 545,24 € pour les congés payés y afférents,

-20 634,82 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-5 000 € pour violation de l’obligation de sécurité ou, à titre subsidiaire, pour exécution déloyale du contrat de travail,

-30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-3 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire,

-2 348,97 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

-10 250,01 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1 025 € pour les congés payés y afférents,

-1 500 € au titre de ses frais de procédure,

et d’ordonner la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux sous astreinte de 150 € par jour de retard.

Elle fait valoir essentiellement que la convention de forfait en jours est nulle car l’article 10-5 de la convention nationale des organismes de formation ne prévoit aucune stipulation expresse visant à assurer la garantie du respect des durées maximales du travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, que de surcroît, son employeur n’a mis en oeuvre aucune garantie effective de nature à s’assurer de la protection de sa sécurité et de sa santé, qu’elle n’a bénéficié que d’un seul entretien individuel de suivi le 21 février 2017 et qu’elle n’était nullement autonome dans l’organisation de son emploi du temps puisqu’elle devait certains jours préparer l’accueil des stagiaires et déjeuner avec eux.

Elle déduit de la nullité de cette convention de forfait jours que lui sont dues des heures supplémentaires conformément au décompte qu’elle produit et une indemnité pour travail dissimulé.

Elle expose que l’employeur a également manqué à son obligation de sécurité en ne lui faisant pas passer les visites médicales de reprise et ne mettant pas en place le télétravail préconisé par le médecin du travail.

Quant au licenciement, elle affirme que les faits reprochés ne sont pas établis et que ses collègues de travail attestent de son bon état d’esprit et de son attitude respectueuse de ses collègues et de sa hiérarchie. Pour l’indemnisation de son préjudice, elle remet en cause la licéité du ‘barème Macron’ au regard de l’article 24 de la charte sociale européenne.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 31 octobre 2022, la sarl Espace [K] demande à la cour la confirmation du jugement et l’octroi d’une somme de 3 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle soutient en substance que la convention de forfait en jours est licite, l’accord de branche prévoyant un repos quotidien de 12h minimum et un décompte des journées et demi-journées travaillées sur la base d’un système auto-déclaratif, système qu’elle a mis en place et qui permettait de contrôler l’amplitude des journées d’activité de la salariée et le respect de ses temps de repos journaliers et hebdomadaires. Elle ajoute qu’elle a respecté les dispositions de l’article L 3161-65 du code du travail en réalisant notamment l’entretien annuel imposé par la loi du 8 août 2016. Elle expose que la salariée disposait d’une autonomie dans l’organisation de son travail et qu’elle ne participait qu’occasionnellement à l’accueil des stagiaires.

Elle conteste tout manquement à son obligation de sécurité en indiquant qu’elle a fait procéder aux visites médicales de reprise et qu’elle a tout mis en oeuvre pour organiser la journée de télétravail préconisée par le médecin du travail.

Sur le licenciement, elle affirme que les faits sont avérés, qu’elle a procédé à une enquête interne et a interrogé monsieur [I] suite aux dénégations de la salariée, lequel a confirmé ses propos. Elle ajoute que ces propos injurieux tenus devant un client rendaient impossible la poursuite de la relation de travail.

Elle conteste toute mesure vexatoire.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur la convention de forfaits en jours

La convention nationale des organismes de formation prévoit une durée minimale de repos journalier de douze heures et un décompte des journées ou demi-journées travaillées par un outil, éventuellement auto-déclaratif, permettant le suivi annuel de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail qui en résulte.

Cette convention est donc conforme au droit au repos et à la santé qu’invoque la salariée.

En l’espèce, l’employeur démontre par la production des calendriers annuels (pièces n°19, 41,59,80) que la salariée déclarait quotidiennement ses horaires de travail lesquels étaient repris par la directrice administrative et financière qui comptabilisait les jours non travaillés et les jours de congés payés et desquels il résulte notamment que sur l’année 2016 la salariée a travaillé 192 jours au lieu des 216 prévus.

Quant à l’autonomie de la salariée, il démontre par la production des attestations des autres conseillers en formation (pièces n°31, 37, 38, 39) que leurs plannings étaient organisés librement, en concertation entre eux, pour tenir compte des contraintes et des disponibilités de chacun. La salariée était donc parfaitement autonome.

L’employeur démontre également que, dès l’instauration de l’obligation de procéder à un entretien de suivi par la loi du 8 août 2016, il a procédé le 21 février 2017 à cet entretien (pièces n°18 et 19) duquel il ressort d’ailleurs que la salariée était tout à fait satisfaite de ses conditions de travail et n’a formulé aucune critique.

La société a donc respecté ses obligations au regard de la convention de forfaits en jours et celle-ci est licite.

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

La convention de forfait en jours étant déclarée valide, les demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé ne peuvent prospérer.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité et à l’obligation de loyauté

L’article L 4121-1 du code du travail dispose que ‘l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la protection et protéger la santé physique et mentale des travailleurs’

La salariée soutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne lui faisant pas passer les visites médicales de reprise et en ne mettant pas en place la journée de télétravail préconisée par le médecin du travail

Or, l’employeur démontre que, suite aux arrêts de travail de la salariée, il a procédé aux visites médicales de reprise le 3 mai 2017, le 15 novembre 2017 et le 7 janvier 2018, cette dernière visite étant annulée suite au licenciement de l’intéressée (pièces n°7, 11 et 35).

Il a également mis en place les mesures propres à organiser la journée de télétravail préconisée par le médecin du travail le 15 novembre 2017 en organisant une réunion avec les autres conseillers en formation dès le 16 novembre 2017 (pièce n°15) et en sollicitant l’informaticienne de l’entreprise pour qu’elle forme la salariée sur les logiciels à utiliser (pièce n°17). Seul l’arrêt de travail de la salariée puis son licenciement ont fait obstacle à la mise en place de cette journée de télétravail.

En conséquence, l’employeur n’a pas manqué à son obligation de sécurité ni à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail.

Sur le licenciement

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, l’employeur reproche à la salariée d’avoir traité les dirigeants de ‘salopards’ et une collègue de ‘vieille’ prenant à parti un client qui s’en est ému.

Outre le courrier du client, monsieur [I], et ses affirmations réitérées au cours de l’enquête interne diligentée par l’employeur, ces griefs sont étayés par une collègue de travail, madame [F] (pièce n°32).

La matérialité des faits est donc avérée.

De tels faits d’injure à l’encontre des dirigeants de la société prononcés devant un client constituent à l’évidence une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.

Le licenciement pour faute grave est donc justifié.

Sur les conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail.

L’employeur a suivi la procédure habituelle en matière de licenciement pour faute grave lequel ne s’est accompagné d’aucunes mesures vexatoires. Cette demande doit être rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 23 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne madame [J] [Y] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président empêché

V. DUCHARNE

 


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