Télétravail : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01414

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Télétravail : 26 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01414
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26 avril 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/01414

ARRET

S.A.S. SAFRAN AEROSYSTEMS

C/

[O]

copie exécutoire

le 26 Avril 2023

à

Me Lefebvre

Me Pelletier

CPW/MR

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 26 AVRIL 2023

*************************************************************

N° RG 22/01414 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IMPB

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 24 FEVRIER 2022 (référence dossier N° RG F 21/00012)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. SAFRAN AEROSYSTEMS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant

concluant par Me Francis LEFEBVRE de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant

ET :

INTIME

Monsieur [B] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

concluant par Me Thierry PELLETIER de la SELARL PELLETIER ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant

Me Florence GACQUER CARON, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant

DEBATS :

A l’audience publique du 28 mars 2023 l’affaire a été appelée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre et Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui a renvoyé l’affaire au 13 juin 2023 pour le prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Les conseils de parties ont été informés que la date de délibéré fixée intialement au 13 juin 2023 était avancée à la date du 26 avril 2023

Le 26 avril 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre, et Madame Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 25 juin 2007, M. [O] a été embauché par la société ECE en qualité de directeur qualité environnement, cadre position III C, indice 240, sa rémunération étant composée d’une partie fixe et d’une partie variable.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention nationale des cadres de la métallurgie.

Le 1er septembre 2010, M. [O] était promu vice-président de la branche Aircraft system, puis est devenu le 1er mars 2014 le directeur des opérations ZADS avec le statut de cadre dirigeant, sa rémunération étant composée d’appointements annuels bruts fixes de 125 000 euros et d’appointements variables. A compter du 1er septembre 2017, il est devenu directeur général ZADS au sein de la société Zodiac aerospace.

Dans le cadre du transfert des salariés de la société Zodiac aerospace à la société Zodiac aerosafety systems, un contrat à durée indéterminée a alors été signé le 15 octobre 2018 entre M. [O] et la société Zodiac aerosafety systems pour un poste de directeur général ZADS sur [Localité 4], statut cadre dirigeant, avec une rémunération demeurant composée d’une partie fixe augmentée à 134 608 euros, et d’une partie variable.

Le 30 novembre 2018, il s’est vu attribuer gratuitement 250 actions de performance Safran, cette opération étant renouvelée le 28 mars 2020.

Le 1er décembre 2018, la société Zodiac aerosafety systems est devenue Safran aerosystems.

Par avenant du 29 avril 2020, le salarié a bénéficié d’une augmentation de sa rémunération forfaitaire annuelle brute à 150 616 euros rétroactivement au 1er janvier 2020, dans le cadre de l’harmonisation des coefficients indices et positions des cadres de l’ensemble du groupe Safran auquel appartenait son employeur.

Le 2 novembre 2020 M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 9 novembre 2020. Son licenciement pour cause réelle et sérieuse lui a été notifié le 30 novembre 2020, avec une dispense d’exécution du préavis à compter du 23 décembre 2020.

Des négociations ont ensuite été engagées entre le salarié et le directeur des ressources humaines du groupe, une transaction étant envisagée.

Sollicitant le versement de l’indemnité transactionnelle à laquelle il soutient que l’employeur s’est engagé ou à titre subsidiaire contestant la légitimité de son licenciement, et ne s’estimant en outre pas rempli de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne le 4 février 2021 qui, par jugement du 24 février 2022 notifié le 2 mars 2022, a :

dit qu’aucun accord transactionnel n’était intervenu entre les parties ;

dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamné la société Safran aerosystems à payer à M. [O]:

– 200 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 25 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

– 11 368,49 euros brut au titre du bonus 2020 outre la somme de 1 136,84 euros au titre des congés payés afférents

– 24 833 euros net au titre de la perte sur valorisation des stock-options ;

débouté les parties de leurs autres demandes (au titre de la participation 2020 et 2021, de l’intéressement 2021);

condamné la société à verser au salarié 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens.

Le 25 mars 2022, la société Safran aerosystems a interjeté appel de ce jugement en ses dispositions sur le licenciement et sur l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

Dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 15 mars 2023, la société Safran aerosystems demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ses dispositions sur le licenciement et sur l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, de le confirmer en ce qu’il a dit qu’aucun accord transactionnel n’était intervenu entre les parties et a débouté le salarié de ses demandes subséquentes et de toutes ses autres demandes, et statuant dans les limites des chefs infirmés, de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et n’a pas été prononcé dans des conditions vexatoires, que le salarié n’a pas rempli ses objectifs au titre de l’année 2020, que les demandes relatives à la perte de valorisation des stock-options comme à l’intéressement et à la participation sont infondées, et en conséquence de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société demande à la cour de dire que le salarié ne démontre aucun préjudice justifiant le quantum des dommages et intérêts sollicités et le limiter au minimum légal.

En tout état de cause, l’employeur demande à la cour de condamner le salarié au paiement de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 15 mars 2023, M. [O] demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement entrepris, sauf en ses dispositions sur l’accord transactionnel, sur le moyen tiré de la prescription et les montants alloués, et de dire au contraire que la société s’est engagée le 11 décembre 2020 à lui verser une indemnité transactionnelle de douze mois de salaire et en conséquence la condamner au paiement d’une indemnité transactionnelle de 222 174,17 euros avec intérêts à compter du 28 janvier 2021.

A titre subsidiaire, le salarié demande à la cour de déclarer son licenciement abusif.

En tout état de cause, il demande à la cour de :

– condamner la société au paiement des sommes suivantes, avec intérêts à compter du 28 janvier 2021 :

222 174,17 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

11 368,49 euros au titre du bonus 2020 outre 1 136,84 euros au titre des congés payés afférents,

25 000 euros au titre de la perte de valorisation des stock-options,

50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– ordonner à la société de verser aux débats les comptes 2020 et 2021 et de justifier du montant de la participation et de l’intéressement de ces deux années, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pour chaque participation et chaque intéressement ;

– condamner la société aux dépens et à lui payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS :

I – Sur la transaction

Le salarié fait valoir en substance que M. [F], directeur des ressources humaines du groupe et signataire de la lettre de licenciement, s’est engagé à lui verser 12 mois de salaire dans le cadre d’un accord transactionnel ; que si un désaccord est intervenu sur le montant du salaire à retenir, c’est en vain que la société croit pouvoir dire que la négociation a échoué au seul motif d’un désaccord sur la valorisation des stock-options proposée pour 17 000 euros alors qu’il en demandait 25 000 euros, puisque cela ne posait pas de problème dans le cadre de l’indemnité transactionnelle ; que la société a par ailleurs considéré qu’il n’avait droit qu’à trois mois de préavis alors que la convention collective en son article 27 en prévoyait 6 au vu de son âge, ce qu’elle a reconnu et a régularisé mais plus de trois mois après le licenciement.

La société réplique en substance qu’aucun accord transactionnel n’est intervenu ; que suite à la contestation de son licenciement, des négociations ont été engagées avec pour but de régler les incidences financières de la rupture, et elle a ainsi proposé de verser une indemnité correspondant à la rémunération fixe sur une année, en faisant même un effort en portant le montant à 170 000 euros pour compenser la perte du bénéfice des stocks-options, mais que si le salarié a confirmé son accord sur les douze mois de salaire, il a cependant réclamé 222 174,17 euros ne correspondant pas à la somme proposée ; que face à la mauvaise foi de l’intéressé prétendant qu’elle s’était engagée à verser cette somme, elle a rompu les négociations et aucun accord n’ayant été conclu entre les parties, le salarié ne saurait obtenir une condamnation à une indemnité transactionnelle.

Sur ce,

En application de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties par des concessions réciproques terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Toutefois, l’écrit prévu par l’article 2044 du code civil n’est pas exigé pour la validité du contrat de transaction, dont l’existence peut être établie selon les modes de preuve prévus en matière de contrat.

Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.

En vertu de l’article 1112 du code civil, l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

L’article 2052 du code civil dispose que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. Il convient de préciser à cet égard que depuis la loi numéro 2016-1547 du 18 novembre 2016 qui a modifié l’article 2052, la transaction n’a plus l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.

L’existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d’une transaction, doit s’apprécier en fonction des prétentions respectives des parties au moment de la signature de l’acte. Le juge ne peut, pour se prononcer sur la validité d’une transaction, rechercher en se livrant à l’examen des éléments de fait et de preuve, si les prétentions des parties étaient justifiées.

La transaction, parce qu’elle est un contrat, tient lieu de loi à ceux qui l’ont faite, elle est dotée d’un effet obligatoire. En vertu de l’article 1217 du code civil, la partie victime de l’inexécution peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation.

Une transaction ne peut être opposée pour faire obstacle à l’action en justice que par celui qui a lui-même exécuté ses engagements.

En l’espèce, aucune transaction n’a été rédigée par écrit et signée par les parties.

Pour affirmer l’existence d’une transaction, le salarié se prévaut du SMS suivant du 11 décembre 2020 envoyé par M. [F], directeur des ressources humaines et signataire de la lettre de licenciement du 30 novembre 2020 : «Désolé. Les actions auraient été perçues fin 2021 pour environ 19 K€. J’avais prévu 153 K€. 12 mois étaient déjà bien. Je veux bien aller jusqu’à 170 K€ brut et tout compris. Fais moi savoir lundi au plus tard si tu acceptes la transaction dans ce cadre.»

Aucune rencontre de la volonté des parties ne saurait cependant se déduire de ce message, qui démontre au contraire que la discussion était alors toujours en cours, le directeur des ressources humaines demandant expressément à M. [O] de se positionner au regard de la dernière proposition lui ayant été adressée.

Le 16 décembre suivant, M. [O] a d’ailleurs souligné son accord sur le principe des 12 mois de salaire proposés par la société, mais en réclamant une indemnité de 222 174,17 euros supérieure au montant proposé. Les parties n’ont donc à l’évidence pu trouver un accord sur le montant de l’indemnité transactionnelle, qui est la base de la transaction.

Dans ces conditions, en l’absence de preuve d’un accord transactionnel, la demande en paiement d’une indemnité à ce titre sera, par voie de confirmation, rejetée.

II – Sur la rupture du contrat de travail

Sur le bien fondé du licenciement

M. [O] fait valoir en substance que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, soulignant que la plupart des faits reprochés sont prescrits et qu’il conteste l’ensemble des griefs évoqués dans la lettre de licenciement. Il soutient avoir été licencié car en réalité il avait un salaire trop élevé par rapport à d’autres au sein de la direction, car le site de [Localité 4] est devenu un site de production et de supply-chain et du fait d’un projet de fusion.

L’employeur réplique en synthèse que le licenciement est parfaitement justifié, M. [O] ayant commis diverses fautes professionnelles incompatibles avec son haut niveau de responsabilité, lesquelles justifient la mesure de licenciement prononcée à son encontre. Il soutient qu’aucun des faits allégués n’est prescrit et conteste les affirmations sans preuve du salarié quant à l’existence d’une cause dissimulée de licenciement.

Sur ce,

L’article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

Il ressort de l’article L.1235-1 du même code qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il doit profiter au salarié.

En vertu de l’article L.3111-2 du code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

En application de l’article 441-6 du code pénal, le fait de se faire délivrer indûment par une administration publique ou par un organisme chargé d’une mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait de fournir sciemment une fausse déclaration ou une déclaration incomplète en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir, de faire obtenir ou de tenter de faire obtenir d’une personne publique, d’un organisme de protection sociale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu.

En l’espèce, la lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Conformément à l’article L.1232-2 du Code du Travail, le 2 novembre 2020 nous vous avons remis en main propre une convocation pour un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au lundi 9 novembre 2020. Nous nous sommes rencontrés en présence de votre manager, Monsieur [N] [X], Directeur de la Business Line Fluid (comprenant la Buisness Unit que vous dirigez). Lors de cet entretien où vous êtes présenté seul, nous vous avons notifié que nous avions à déplorer de votre part les agissements suivants :

Le 23 septembre 2020, Monsieur [U] [Y], Directeur financier de la Business Line Fluid, et vous-même, Directeur du site de [Localité 4], avez alerté la Direction des Ressources Humaines et le Directeur de la Business Line d’erreurs et fautes réalisées par Monsieur [A] [W], Responsable Administratif et Financier du site de [Localité 4]. Ces erreurs et ces fautes corrigées ont entrainé une très importante baisse du résultat de [Localité 4]. Pour rappel le résultat escompté était de -117k€ pour un résultat après correction de -1 943k€.

Au cours de l’investigation menée par la Direction des Ressources Humaines, et à la suite de l’entretien
préalable à une sanction pouvant mener jusqu’au licenciement de Monsieur [A] [W],
plusieurs éléments ont permis de démontrer que vous étiez informé depuis plusieurs mois de certaines
des pratiques mises en place par le responsable financier du site et que vous les avez sciemment
cachées à votre Direction. En effet, en septembre, Monsieur [U] [Y] a remonté un écart de 500k€ entre les stocks et la comptabilité et une surévaluation des stocks de plus de 700k€ pour un chiffre d’affaire de 23 millions d’euros à fin septembre. Vous nous avez expliqué n’avoir pris connaissance de ces éléments qu’au mois de Septembre, or plusieurs courriels envoyés par des membres de votre comité de direction faisaient état de la situation en vous alertant.

A titre d’exemples en date du 13 mai 2020, Monsieur [E] [Z], Responsable Achats et Supply Chain du site, vous écrivait « On parle quand même de 1.2Millions d’euros « fictifs » dans les stocks à fin avril. Vous avez volontairement passé sous silence ce courriel en n’y répondant pas. En date du 3 juillet 2020, Monsieur [A] [W] indiquait dans un courriel adressé à Monsieur [U] [Y] en vous mettant en copie : « Mais je ne suis pas très satisfait car le problème des stocks est toujours là malgré la revalorisation au PMP, », Encore une fois vous n’avez pas réagi, et avez laissé la situation se détériorer sans alerter.
Il est inconcevable qu’en tant que Directeur du site de [Localité 4] vous n’ayez pas traité la
problématique fortement impactante pour les résultats du site mais plus grave sciemment caché ces informations concernant les stocks à votre hiérarchie. Vous avez laissé la situation vous échapper et les problématiques s’accumuler sur le sujet sans jamais alerter jusqu’à ce que vous y voyiez un point de non-retour.

Par ailleurs, d’autres éléments prouvent que vous avez fait défaut dans l’exercice de vos prérogatives
en tant que Directeur du site de [Localité 4] et Responsable et garant de son résultat financier.

En effet, c’est votre supérieur hiérarchique qui a relevé une incohérence dans la comptabilité de l’activité partielle. En date du 23 mars 2020, dans le contexte de crise sanitaire (puis économique) qui a durement touché le secteur aéronautique et plus particulièrement Safran Aerosystems Ducts (qui a perdu 26% de chiffre d’affaire et présentera un résultat négatif pour 2020), un dispositif spécifique d’activité partielle a été déployé sur le site de [Localité 4]. Dans ce cadre, des provisions d’activité partielle en prévision de l’économie réalisée grâce à la diminution de l’activité et des salaires versés ainsi que des subventions de l’Etat ont dues être réalisée par Monsieur [A] [W]. Or, il s’avère que ce dernier n’a pas réalisé les bons mouvements en comptabilité entrainant une surestimation de 330k€ du solde de comptabilité, soit une surélévation de 52%. Vous n’avez pas été en mesure de voir cette surestimation qui a été relevée par votre supérieur hiérarchique, Monsieur [N] [X], Directeur de la Business Line Fluid et corrigée par Monsieur [U] [Y], Directeur Financier de la Business Line Fluide.

Au regard des différents éléments sus exposés, vous n’avez pas pris la mesure des responsabilités qui vous incombent. Vous n’avez pas contrôlé des éléments majeurs du pilotage du résultat de votre BU et plus grave avez omis de faire part de difficultés à atteindre le résultat attendu en période de crise. Ainsi vous n’avez pris aucune décision permettant d’influer sur la tendance ni demandé d’aide pour inverser cette dernière.

Plus grave, vous avez permis à vos collaborateurs d’exercer leur activité professionnelle pendant leur période d’activité partielle. Lors de l’entretien préalable de Monsieur [W], ce dernier a présenté un courriel, en date du 2 juin 2020, que vous avez adressé à votre comité de direction avec pour objet «Jour chômé le vendredi 29 mai» dans lequel vous demandé aux collaborateurs «Pouvez-vous faire le ménage dans vos boites mails (attention aux mails envoyés par erreur !) et vous assurez que vos agendas soient bien nettoyés’». Or vous étiez parfaitement averti de l’interdiction de travailler pendant les périodes d’activité partielle, puisque vous avez vous-même transféré un courriel provenant du Groupe sur le sujet en date du 9 avril 2020. Force est de constater que vous avez, par votre courriel du 2 juin, toléré et admis que vos collaborateurs travaillent pendant leur période d’activité partielle s’ils masquaient leur activité.
De par votre rôle de Directeur de site, c’est une obligation de résultat quant à l’application de cette interdiction de travailler qui vous incombe. Une telle attitude ne peut être tolérée. A tout le moins si vous aviez constaté des manquements à la règle il était de votre responsabilité de faire un rappel de cette interdiction absolue puis demander à la DRH de ne pas demander les remboursements afférant à cette journée.

Par conséquent, nous allons devoir annuler notre demande de remboursement d’activité partielle du 29 mai 2020 pour un montant arrondi de 5k€. Sans l’alerte remontée par Monsieur [A] [W] sur le sujet, la Direction des Ressources Humaines n’aurait pas pu intervenir pour faire annuler cette demande.
Nous vous rappelons qu’en cas de fraude les sanctions prévues sont les suivantes :
remboursement intégral des sommes perçues au titre du chômage partiel, interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle, 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en application de l’article 441-6 du code pénal. Pour votre information le remboursement de l’ensemble des subventions perçues au titre de l’activité partielle depuis le 23 mars 2020 représente un montant arrondi de 340k€ et reste à percevoir 90k€ pour la période jusqu’au 30 Septembre 2020.

Enfin, au cours de notre entretien du 9 novembre, nous vous avons exposé les faits précédents, votre prise de conscience face à la conséquence d’une part de vos actes et d’autre part de votre inaction, a grandement manqué de hauteur, vous avez incriminé vos collègues et collaborateurs en concluant sur cette phrase « j’aurais dû écrire, je n’en serais pas là ». Ce manque de hauteur dont vous avez fait preuve au cours de notre échange n’est malheureusement pas inhabituel. Votre rôle appelle vision et stratégie, or vous avez tendance à gérer tous les sujets de la même façon, ce qui démontre que vous n’avez pas pris la mesure de votre rôle de Directeur de site.
Pour exemple, tout au long du projet A320 neo pour lequel 16 millions d’euros de chiffre d’affaire (42 millions de CA pour le site de [Localité 4] à fin 2019) par an sont attendus, vous n’avez pas mis en place les actions structurelles de priorisation de ce projet stratégique préférant régler toutes sortes de problématiques sans vous attacher à celles qui avaient une forte valeur ajoutée. Votre supérieur hiérarchique a été obligé de finalement vous demander de mettre en place une réunion de suivi hebdomadaire car aucun avancement n’était notable. Compte tenu de votre position et responsabilités cela n’est pas admissible.
De même sur le projet « Ball Joints » pour Airbus, en Mars 2018 nous avons perdu le première appel d’offre. En Septembre 2019, lors du second appel d’offre, vous n’avez pas su analyser la situation et remettre en perspectives vos priorités. Ainsi, alors que votre manager avait déclaré ce projet «perdu» vous vous êtes entêté à faire travailler vos équipes sans relâche sur ce dernier et n’avez pas avancé sur d’autres projets pour lesquels nous avions des perspectives. Le projet «Ball Joints» n’a pas été obtenu et du temps précieux a été perdu sur l’avancée d’autres projets.

Pour ces différentes raisons nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de trois mois. Vous effectuerez votre préavis jusqu’au 23 décembre puis en serez dispensez et votre rémunération vous sera versée aux échéances habituelles.(…)»

Il en résulte qu’il est reproché au salarié :

– l’absence de remontée à la direction de la division d’une information concernant une erreur de stocks et un manque de réactivité pour remédier à cette erreur de stock,

– une incohérence dans la comptabilité de l’activité partielle et son manque de réactivité pour y remédier,

– le fait d’avoir toléré et même admis que des collaborateurs exercent leur activité professionnelle pendant leur période d’activité partielle s’ils masquaient leur activité, en violation de la législation sur le chômage partiel,

– un défaut de priorisation des tâches en qualité de directeur de site.

Rien au dossier ne démontre que la cause réelle du licenciement serait autre que les faits évoqués dans la lettre de licenciement, comme le prétend le salarié.

En particulier, rien ne prouve que M. [O] aurait été licencié pour avoir bénéficié d’un salaire trop élevé comme il l’affirme sans aucun élément pertinent à l’appui, se bornant sur ce point à produire une note interne faisant référence à la nomination de Mme [H] en qualité de directrice de la Business unit Safran aerosystems ducts, qui ne fait pas même référence à sa rémunération et qui ne permet aucunement de confirmer les allégations de l’intéressé.

De la même manière, il affirme sans preuve que son licenciement serait lié au lancement en mai 2021 d’un processus de consultation sur un projet de fusion des entités juridiques de Safran aerosystems. Or, si le projet de fusion est établi, il résulte néanmoins du document d’information/consultation sur ce projet présenté lors de la réunion du comité économique et social du 27 mai 2021 produit par l’employeur en réponse, qu’il avait pour but de simplifier l’organisation complexe interne sans réduction d’effectif, ce qui n’est pas contredit par les documents «flash info» du 7 avril 2021 et communiqué interne du 27 mai 2021 produits par M. [O].

Le salarié affirme encore sans preuve que son licenciement serait dû au fait que le site de [Localité 4] serait devenu un site de production et de supply-chain, sa remplaçante étant selon lui de ce fait cantonnée à des responsabilités limitées. M. [O] se borne en effet à produire un courriel dont il ressort uniquement que Mme [H] a reçu l’accord du directeur des ressources humaines et du «general manager» de la division DSFF pour représenter la société au sein de l’EPSO ce qui, en l’absence de tout autre élément, ne permet aucunement à la cour de tirer les conclusions voulues quant à l’évolution du site.

S’agissant du reproche figurant dans la lettre de licenciement quant au comportement adopté par le dirigeant dans le cadre du chômage partiel des salariés placés sous sa responsabilité, la position des parties à hauteur de cour est la suivante :

– le salarié soutient en substance qu’on lui reproche d’avoir permis à des collaborateurs de travailler le vendredi 29 mai 2020, ce qui est faux, expliquant que le 2 juin 2020, lors d’un contrôle inopiné de messagerie, il s’est aperçu qu’un salarié n’avait pas respecté le chômage partiel le 29 mai et qu’il a alors envoyé à son comité de direction un courriel, non pour contourner l’interdiction de chômage partiel puisque la société de gardiennage et de surveillance était bien fermée, mais uniquement pour rappeler l’interdiction de travailler le vendredi ; que sa demande de supprimer toute trace de mail envoyé le 29 était destinée à protéger la société puisque le chômage partiel interdit toute activité ce jour ; que la société reconnaît qu’un seul mail a été adressé le 29 mai 2020 par M. [T] en le mettant en copie, en réponse à un important client américain pour lui signaler que les pièces urgentes étaient bien parties et seraient livrées début de semaine suivante en le prévenant que le lundi 1er juin était férié, et qu’il a réagi en attendant le 2 juin suivant afin précisément de respecter le chômage partiel ;

– la société réplique en substance que compte tenu de la crise sanitaire, il a déployé un dispositif d’activité partielle sur le site dirigé par M. [O] qui était donc en charge de s’assurer du respect de la réglementation relative à ce dispositif ; que lors de l’entretien préalable au licenciement de M. [W], celui-ci l’a informée que le directeur demandait en réalité aux salariés placés sous ses ordres de travailler pendant les périodes d’activité partielle, les obligeant ensuite à dissimuler toute trace d’activité, et que c’est dans ces conditions que le 2 juin 2020 M. [O] a adressé un courriel au comité de direction pour leur demander de nettoyer leurs boites mails et agendas.

Or, il est constant qu’au moment des faits, M. [O] bénéficiait du statut de cadre dirigeant et dirigeait le site de [Localité 4]. Il est établi qu’il lui était ainsi confié de hautes responsabilités, et qu’il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome.

C’est sans être contredit que l’employeur souligne avoir à compter d’avril 2020 déployé un dispositif d’activité partielle sur le site de [Localité 4] tous les vendredis à compter de la semaine du 21 avril 2020 compte tenu de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid 19, en application de l’article R.5122-1 du code du travail.

Comme la société le rappelle à juste titre, ce dispositif donne lieu à une indemnisation par l’Etat, et l’entreprise qui en bénéficie est passible de lourdes sanctions en cas de travail illégal, pouvant aller d’une obligation de reverser les aides perçues au titre des heures indûment perçues par l’employeur ou une interdiction de bénéficier pendant plusieurs années d’aides publiques, jusqu’à des sanctions pénales ci-dessus rappelées.

En sa qualité de directeur général, M. [O] était indiscutablement chargé de s’assurer que la réglementation relative à ce dispositif était respectée.

Il est établi que le 9 avril 2020, en se contentant d’ajouter le message «pour info», M. [O] a transféré aux salariés travaillant sur le site de [Localité 4], dont M. [T], un courriel ayant pour objet «communication SAO – période de chômage partiel», et reprenant un document établi par le service des ressources humaines signalant : «au-delà de certaines bonnes pratiques de management à distance précédemment diffusées à tous les encadrant, il est rappelé que les équipes ne doivent pas être sollicitées lors de leur(s) période(s) d’activité partielle. Les collaborateurs et managers, sur leur période d’activité partielle : ne doivent pas répondre à des mails, ne doivent pas participer à des réunions. Pendant les périodes chômées on ne doit pas travailler. Merci de relayer et de respecter cette consigne.». Il ne fait aucun doute qu’à cette date, le directeur général était informé de l’interdiction de travailler pendant les périodes de chômage partiel comme des conséquences d’une violation de cette interdiction.

Le jeudi 14 mai 2020, M. [O] a adressé un message aux managers et collaborateurs du site intitulé «pour rappel : fermeture du site demain vendredi 15 mai» et précisant uniquement «Merci de vous assurer que tous les prestataires ont bien été prévenus (…) Chômage partiel pour tout le monde => ne pas oublier le message d’absence Outlook et supprimer tous les avis d’invitation dans vos agendas», ce qui ne peut être considéré comme étant un rappel clair et précis de consignes quant à l’absence de toute possibilité d’un travail durant les jours chômés. Il n’est pas inintéressant de relever à ce stade l’absence de tout rappel d’une telle impossibilité tant dans ce message que dans tout autre message, alors qu’il ressort des éléments de la procédure que :

– le vendredi 29 mai 2020, jour de chômage partiel, M. [T], employé sur le site de [Localité 4], a adressé un courriel à un client en mettant en copie notamment M. [O], alors que le site était en surveillance le 29 mai 2020 et donc fermé, ce qui est confirmé par le responsable exploitation télésurveillance dans un courriel du 10 novembre suivant destiné à M. [O], cette fermeture du site n’étant cependant pas de nature à empêcher le travail à distance des salariés équipés pour le télétravail ;

– le 1er juin 2020 était férié, mais néanmoins M. [O], qui était en copie du courriel de M. [T] du 29 mai, a attendu 19h09 le 2 juin 2020 pour adresser un courriel aux managers et collaborateurs du site, exclusion faite de M. [T], avec pour objet «jour chômé le vendredi 29 mai», non pour leur rappeler les consignes de ne pas travailler un jour chômé, mais pour leur demander : «Pouvez vous faire le ménage dans vos boites mails (attention aux mails envoyés par erreur!) Et vous assurez que vos agendas soient bien nettoyés’ Merci de passer le message à vos collaborateurs.», M. [W] figurant parmi les destinataires.

M. [O] tente vainement d’alléguer avec une certaine mauvaise foi que «l’objet du mail était de rappeler l’interdiction en supprimant toute trace de mail envoyé le 29 mai puisque le chômage partiel interdit toute activité ce jour.» Le directeur général, qui ne justifie pas d’un quelconque recadrage de M. [T], ne communique pas même un rappel de consignes adressé à ce salarié. Il n’a pas non plus adressé aux salariés, avant ou après l’incident, un message montrant sa position individuelle claire et ferme sur l’interdiction de travail durant les périodes de chômage partiel.

Il s’évince de ces éléments que, si rien ne prouve une consigne spécifique de sa part en vue de pousser les salariés à poursuivre leur activité professionnelle pendant les périodes chômées, il est en revanche établi que M. [O] admettait ainsi une telle possibilité d’un travail à la condition pour les salariés concernés de ne pas laisser de trace.

Alors qu’il reconnaît que «Le nettoyage de la messagerie a tout simplement été fait pour protéger l’entreprise.», il apparaît que le message du 2 juin 2020 avait, et ce sans aucune équivoque, pour seul but la dissimulation de tout travail accompli un jour chômé, ce dont il se déduit qu’il existait alors d’autres situations problématiques que celle de M. [T]. M. [O], dans sa tentative de dissimulation, n’a d’ailleurs pas entendu informer de la situation le service des ressources humaines en charge de solliciter une indemnisation afin de stopper la demande pour le jour travaillé, ni même son supérieur hiérarchique qui n’était ainsi pas destinataire du courriel du 2 juin 2020.

Il n’est pas contesté que ce n’est qu’incidemment que l’employeur a reçu l’information quant à une difficulté liée au respect du chômage partiel sur le site de [Localité 4], à l’occasion de l’entretien préalable au licenciement de M. [W] tenu le 14 octobre 2020. L’employeur affirme que ce salarié, ainsi entendu, a indiqué que M. [O] demandait aux salariés placés sous sa responsabilité d’exercer leur activité pendant les périodes de chômage partiel en les obligeant ensuite à dissimuler toute trace d’activité. C’est dans ces conditions que le courriel du 2 juin 2020 a été transmis à la société par ce salarié qui en avait été destinataire. Toutefois, si l’employeur produit ledit courriel, il ne produit pas le compte rendu de l’entretien préalable ni aucun document corroborant les affirmations de M. [W] quant à l’ordre reçu d’exercer une activité illégalement.

Au final, s’il ne résulte pas de façon certaine du dossier que M. [O] a expressément demandé aux salariés placés sous sa responsabilité de continuer à exercer une activité pendant les périodes de chômage partiel, le doute bénéficiant sur ce point au directeur, il n’en demeure pas moins qu’informé d’une situation très problématique de travail illégal le 29 mai 2020, jour chômé, pouvant avoir de graves conséquences pour la société, M. [O] a eu une réaction tout à fait inadaptée en demandant expressément aux salariés placés sous sa responsabilité de procéder à des dissimulations quant à une situation très problématique pouvant avoir de graves conséquences notamment financières pour la société, et en dissimulant lui-même délibérément cette situation à sa hiérarchie.

Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres motifs évoqués par l’employeur, le comportement inadapté dans l’exercice de ses fonctions par M. [O] qui, étant un cadre de haut niveau chargé au premier chef de mettre en oeuvre la politique de l’entreprise, avec lequel l’employeur doit pouvoir entretenir une relation de totale confiance, caractérise un comportement fautif ayant nécessairement ruiné toute confiance de l’employeur et rendant impossible son maintien dans l’entreprise. Ce motif est donc suffisamment sérieux pour justifier le licenciement, nonobstant l’ancienneté du salarié, étant précisé que l’absence de sanction antérieure ne permet pas d’atténuer le caractère sérieux de la faute.

Le jugement déféré, qui a considéré le licenciement infondé et a condamné l’employeur à verser à M. [O] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sera infirmé et le salarié sera débouté de l’ensemble de ses demandes formées au titre d’un licenciement abusif.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

Le salarié fait valoir en substance qu’il est particulièrement abusif et vexatoire qu’il soit licencié pour un motif lié à son salaire, ce qui constitue une discrimination salariale alors que la société a utilisé ses services jusqu’au bout puisque lors de sa visite de l’usine de [Localité 4] le 25 novembre 2020 le patron du groupe en a dit grand bien et qu’il a en outre activement participé au séminaire du 1er décembre 2020 avec tous les membres du CODIR pour définir les objectifs 2021 tandis que le 2 novembre 2020 il était convoqué à son entretien préalable ; que la façon de procéder de l’employeur est particulièrement brutale alors qu’il n’a pourtant pas démérité puisqu’indépendamment de sa lourde tâche au sein de la société Safran il a créé avec deux autres entreprises un centre de formation pour des jeunes de 15 à 17 ans en décrochage scolaire et qu’il fait tout pour maintenir ce centre de formation malgré son licenciement.

L’employeur réplique en substance qu’il n’a commis aucun manquement ou abus dans la conduite de la procédure de licenciement et que le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse ; que M. [O] évoque, pour justifier sa demande, plusieurs éléments sans relation les uns avec les autres et qui ne prouvent pas le prétendu caractère brutal et vexatoire du licenciement ; que pour l’entretien préalable de licenciement, il a au contraire pris le soin de convoquer M. [O] sur le site de [Localité 5] et non de [Localité 4] afin de conserver la discrétion vis à vis des collaborateurs du site dont il était directeur ; que le licenciement n’a aucunement été réalisé pour une question de niveau de salaire.

Sur ce,

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Il résulte de l’article L.1134-1 du code du travail qu’il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe ensuite à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure d’établir que sa décision est justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce, s’agissant de la discrimination dénoncée, M. [O] fait valoir sans plus de précisions qu’il aurait été victime d’une discrimination «pour un motif lié à son salaire», alors qu’il formule une unique demande indemnitaire au titre d’un licenciement vexatoire. Il ne présente aucunement les faits qui, selon lui, seraient constitutifs d’une discrimination, et ne donne pas d’indication sur le type de discrimination dont il aurait été victime, ne visant pas même la moindre pièce au titre de la discrimination avancée, de sorte que la cour n’est pas tenue d’avoir à rechercher dans l’ensemble des faits évoqués dans les conclusions ou documents versés aux débats, ceux qui pourraient venir caractériser une discrimination.

Par ailleurs, M. [O] ne produit pas le moindre élément justifiant que peu avant son licenciement le patron du groupe lui aurait fait des compliments sur son activité ou que le licenciement aurait un lien avec son salaire, et il ne résulte pas des moyens débattus et des pièces versées aux débats des éléments établissant des circonstances particulières de mise en ‘uvre de la procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire.

La décision déférée sera donc infirmée et le salarié débouté de sa demande de ce chef.

Sur les demandes financières

3.1 Sur le bonus 2020

Le salarié fait valoir qu’il justifie avoir atteint ses objectifs individuels à hauteur de 74%, objectifs qu’il souhaitait voir valider par son supérieur hiérarchique M. [X], mais ses courriels des 16 décembre 2020 et 4 janvier 2021 sont restés sans réponse ; que la société conteste l’atteinte de ses objectifs sans verser le moindre élément aux débats sauf pour la première fois à hauteur de cour un document anonyme dont on ignore l’auteur alors que son supérieur hiérarchique a quitté l’entreprise au même moment que lui ; que la très mauvaise réalisation des objectifs mentionnée dans ce document est nettement improbable au regard de ses bons résultats précédents.

L’employeur réplique en substance que la demande est infondée dès lors que le salarié n’a pas rempli les objectifs individuels qui lui avaient été fixés ; que les affirmations contraires de l’intéressé sont mensongères.

Sur ce,

Le contrat de travail de M. [O] stipule en son avenant à effet du 29 avril 2020, que, outre la rémunération fixe forfaitaire annuelle brute d’un montant de 150 616 euros, le salarié perçoit : ‘sous réserve de présence au dernier jour de l’exercice fiscal et après approbation des comptes, (…) un bonus variable d’un montant pouvant aller de 0 à 10% maximum du salaire brut forfaitaire fixe annuel. Les modalités de calcul du bonus seront basées sur la politique du bonus du groupe. (…)’.

Il ressort des débats que le bonus individuel était ainsi lié à des objectifs, et sanctionnait donc le travail fourni, ce qui implique qu’il constituait une partie variable de la rémunération versée en contrepartie de l’activité de M. [O] et s’acquérait au fur et à mesure. Dès lors, son paiement ne pouvait être conditionné à la présence du salarié en fin de période.

Il résulte des courriels produits par l’intéressé qu’il a adressé à son supérieur hiérarchique le 16 décembre 2020 un courriel dans lequel il évoque la réalisation de ses objectifs fixés pour l’année 2020 à 74%, pour lequel il n’a pas reçu de réponse.

Pour contredire la performance ainsi alléguée, la société se borne à communiquer un document informatique non daté et non signé, intitulé «fiche de bonus individuel» pour l’année 2020, sans justifier de l’identité de son rédacteur. La société ne produit à ce titre pas le moindre élément, en particulier aucune attestation de M. [X] pour prouver qu’il en serait l’auteur. Il s’ajoute que ce document reprend en outre 5 objectifs alors que le salarié en évoque 6 différents dans son courriel, et que pour autant, la société ne produit pas le moindre élément justifiant des objectifs effectivement fixés au dirigeant pour l’année 2020. Cet unique document qui est ainsi d’une force probante très relative, ne permet pas de retenir que M. [O] n’avait pas atteint les objectifs fixés pour l’année 2020, comme le prétend l’employeur.

Le bonus contractuel est donc dû au salarié.

Par conséquent, M. [O] était en droit de percevoir à ce titre la somme exactement retenue par le conseil de prud’hommes et les congés payés afférents exactement calculés. Le jugement déféré sera donc confirmé.

3.2 Sur la participation et l’intéressement 2020 et 2021

Le salarié indique sans plus d’explication dans ses conclusions qu’il «appartient à la société Safran de verser aux débats les comptes 2020 et 2021 et de justifier du montant» de la participation et de l’intéressement «au titre de ces deux années, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt».

Sur ce,

Alors que M. [O] ne forme pas cette demande d’une mesure d’instruction au soutien d’une demande au fond, la cour s’estime suffisamment informée en l’état des éléments figurant au dossier pour pouvoir trancher le litige qui lui est soumis sans envisager de procéder à une mesure d’instruction complémentaire. Il s’ajoute encore que le salarié ne fait valoir aucun moyen de fait ou de droit de nature à légitimer cette mesure qu’il n’explique même pas.

Le jugement déféré qui l’a débouté de sa demande, sera de ce chef confirmé.

3.3 Sur la perte de valorisation des stocks-options

Le salarié fait valoir en substance que son licenciement prématuré lui a fait perdre la possibilité de valoriser des stocks-options, préjudice dont le directeur des ressources humaines avait connaissance puisqu’il lui avait proposé de valoriser à hauteur de 17 000 euros dans son SMS du 11 décembre 2020, étant souligné que la perte réelle s’élève à 25 000 euros ; qu’il ne conteste pas que l’évaluation se fait dans le cadre d’une perte de chance mais souligne qu’au contraire de ce qu’il propose, la société ne vise aucun calcul.

L’employeur réplique que ce préjudice s’apprécie dans le cadre d’une simple perte de chance et le salarié ne peut donc se voir allouer la somme correspondant selon lui à l’avantage que lui aurait procuré la chance de réaliser une plus value.

Sur ce,

Il n’est pas contesté que M. [O] a été privé de la possibilité de bénéficier de la plus-value de stock-options du fait de la rupture de son contrat de travail. Il n’est ni prouvé ni même allégué que la levée des options était conditionnée par la présence du salarié dans les effectifs de l’entreprise et il n’est pas contesté que le salarié justifie d’un préjudice direct et certain résultant de la perte de chance de percevoir les gains liés à cette levée. Il ne demande d’ailleurs pas l’exécution du plan de stock-options, mais l’indemnisation de la perte d’une chance de se voir attribuer les 250 actions à une valeur estimée à 149 euros l’unité en moyenne avec une pondération reprise dans son calcul en pièce n°45.

L’employeur ne conteste pas que cette perte a été évaluée à 17 000 euros par le directeur des ressources humaines du groupe. M. [O] l’évalue cependant quant à lui à 24 833 euros selon un calcul précis détaillé en pièce 45 sur la base notamment du cours de référence de l’action au 10 décembre 2020, des conditions internes au groupe, à la performance relative du titre Safran. Cette simulation n’est pas utilement remise en cause par la société qui ne propose quant à elle pas le moindre calcul.

En l’absence de tout élément contraire, il sera retenu que le gain manqué par M. [O] correspond à son évaluation et dès lors qu’il n’est pas contesté que les chances d’obtenir ce montant étaient très importantes, il lui sera alloué au titre de la perte de chance, des dommages et intérêts évalués à 24 830 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur le montant.

Sur les autres demandes

Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la décision qui les prononce, en l’espèce le jugement du conseil de prud’hommes. Rien au dossier ne justifie de déplacer le point de départ des intérêts.

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Safran aerosystems, partie appelante succombant partiellement, sera condamnée aux dépens d’appel.

Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de M. [O] les frais qu’il a dû exposer en cause d’appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens et il convient donc de lui allouer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société à payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ses dispositions sur le caractère vexatoire et brutal du licenciement et en ce qui concerne le montant alloué au titre de la perte de chance subie dans le cadre de la valorisation des stocks-options ;

Confirme sur le surplus le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [O] fondé ;

Déboute M. [O] de sa demande de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’ensemble de ses demandes subséquentes ;

Déboute M. [O] de sa demande indemnitaire portant sur un licenciement brutal et vexatoire ;

Condamne la société Safran aerosystems à verser à M. [O] la somme de 24 830 euros au titre de la perte de chance subie dans le cadre de la valorisation des stock-options ;

Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir du jugement déféré ;

Condamne la société Safran aerosystems à verser à M. [O] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Safran aerosystems aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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