Télétravail : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04343

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Télétravail : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04343
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25 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/04343

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04343 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBUG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/06060

APPELANT

Monsieur [O] [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marlone ZARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2109

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

Par décision du 21 septembre 2016, la MDPH du Val d’Oise a reconnu à M. [B] la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er février 2016 au 31 janvier 2019.

Par contrat de travail à durée indéterminé prenant effet le 26 décembre 2016, M. [O] [B] a été engagé par la Régie autonome des transports parisiens (ci-après désignée la RATP) en qualité d’élève machiniste, catégorie opérateur, au niveau hiérarchique E3GR3 au sein de l’unité DFSO du département bus.

M. [B] a fait l’objet d’arrêts maladie du 3 septembre au 11 novembre 2018.

Par certificat médical du 12 novembre 2018, le médecin du travail a déclaré M. [B] inapte de manière définitive à son poste de machiniste receveur, tout en indiquant qu’il pouvait être formé et reclassé dans un métier de la maintenance.

Par courrier du 19 novembre 2018, la RATP a mis en demeure le salarié de reprendre le travail dans les plus brefs délais et de justifier de ses absences dans les 48 heures suivant la réception de la lettre.

Par courrier du 27 novembre 2018, M. [B] a été convoqué à un entretien en vue d’un éventuel licenciement qui a été fixé au 10 décembre 2018.

Par courrier du 14 décembre 2018, la RATP a notifié à M. [B] un licenciement pour faute grave pour les faits suivants : ‘Vous ne vous êtes pas présenté à l’entretien préalable pour lequel vous étiez convoqué le 10 décembre 2018 à 8h30 avec M. [W] [M], responsable des ressources humaines du Centre Bus Défense Ouest. Cette absence qui ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure ne nous a pas permis de modifier notre appréciation à votre sujet. Par conséquent, nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant : absence injustifiée et non autorisée de notre part depuis le 12 novembre 2018. En effet, depuis le 12 novembre 2018, nous n’avons pas eu de nouvelles de votre part, malgré la mise en demeure qui vous a été adressée le 19 novembre 2018 et la convocation qui vous a été adressée le 27 novembre 2018 à une visite médicale le 13 décembre 2018 à laquelle vous ne vous êtes pas présenté. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien dans l’entreprise’.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 8 juillet 2019 aux fins d’obtenir la condamnation de la RATP au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 30 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a :

Débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes,

Débouté la RATP de sa demande reconventionnelle.

Le 9 juillet 2020, M. [B] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 2 décembre 2022, M. [B] demande à la cour de :

Le déclarer recevable et bien fondé en son appel en ses prétentions,

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la RATP de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,

A titre liminaire,

Fixer sa rémunération mensuelle brute à 2.723 euros,

A titre principal,

Dire et juger que son licenciement est nul,

Condamner en conséquence la RATP au paiement des sommes suivantes :

– Indemnité légale de licenciement : 1.361,5 euros,

– Indemnité compensatrice de préavis : 8.169 euros,

– et congés payés y afférents : 816 euros,

– Indemnité pour licenciement nul : 32.676 euros,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que le licenciement de M. [B] ne repose pas sur une faute grave et est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamner en conséquence la RATP au paiement des sommes suivantes :

– Indemnité légale de licenciement : 1.361,5 euros,

– Indemnité compensatrice de préavis : 8.169 euros,

– et congés payés y afférents : 816 euros,

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9.530,5 euros,

En tout état de cause,

Condamner la RATP au paiement de la somme de 32.676 euros (12 mois) au titre du non-respect de l’obligation de réentraînement,

Condamner la RATP au paiement de la somme de 16.338 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

Condamner la RATP au paiement de la somme de 16.338 euros au titre du caractère vexatoire et brutal de la rupture du contrat de travail,

Condamner la RATP au paiement de la somme de 16.338 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

Condamner la RATP au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la RATP aux intérêts légaux sur toutes les sommes auxquelles elle sera condamnée à payer,

Condamner la RATP au paiement des entiers dépens,

Débouter la RATP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 23 juin 2021, la RATP demande à la cour de :

La recevoir en ses conclusions,

Y faisant droit,

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné aux dépens,

En conséquence :

Prononcer :

– le bien fondé du licenciement de M. [B] pour faute grave,

– l’absence de manquement à l’obligation de réentraînement et à l’obligation de sécurité, – l’absence de caractère vexatoire et brutal de la rupture du contrat de travail ;

– l’absence de manquement à l’obligation d’exécution loyale

Débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence :

Condamner M. [B] à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

Y ajoutant, Condamner M. [B] à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Le condamner aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 7 décembre 2022.

MOTIFS :

A titre liminaire, il est rappelé que selon l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Ce n’est que dans la partie discussion de ses écritures que la RATP a soulevé des moyens d’irrecevabilité qui ne seront ainsi pas examinés par la cour.

Sur le manquement à l’obligation de réentraînement :

M. [B] reproche à l’employeur de ne pas avoir exécuté son obligation de réentraînement suite à l’avis d’inaptitude du médecin du travail du 12 novembre 2018 et soutient qu’il en résulte pour lui un préjudice de 32.676 euros.

En défense, l’employeur soutient que l’avis d’inaptitude a été pris sur le fondement de l’article L. 4624-4 du code du travail et non de l’article L. 5213-5 du code du travail, qu’il n’a pas manqué à son obligation de réentraînement et que la RATP ne pouvait la mettre en oeuvre dans la mesure où le salarié ne répondait pas aux convocations qui lui étaient adressées.

***

L’article L.5213-5 du code du travail dispose que « Tout établissement ou groupe d’établissements appartenant à une même activité professionnelle de plus de 5.000 salariés assure après avis médical, le réentraînement au travail et la rééducation professionnelle de ses salariés malades et blessés ».

Les dispositions de ce texte ne concernent que les salariés blessés ou malades reconnus comme travailleurs handicapés et l’obligation de réentraînement qu’elles imposent à l’employeur ne concerne que les établissements ou groupe d’établissements de plus de 5.000 salariés.

Selon l’article R. 5213-22 du code du travail, le réentraînement au travail a pour but de permettre au salarié qui a dû interrompre son activité professionnelle à la suite d’une maladie ou d’un accident, de reprendre son travail et de retrouver après une période de courte durée son poste de travail antérieur ou, le cas échéant, d’accéder directement à un autre poste de travail.

***

En premier lieu, il n’est nullement contesté dans les écritures de la RATP que cette entreprise comprenait un effectif de plus 5.000 salariés et que, par voie de conséquence, les dispositions de l’article L. 5213-5 du code du travail lui étaient applicables.

En deuxième lieu, il ressort des éléments produits que par décision du 21 septembre 2016, la MDPH du Val d’Oise a reconnu à M. [B] la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er février 2016 au 31 janvier 2019. L’employeur ne conteste pas dans ses écritures avoir eu connaissance de cette décision et le reconnaît d’ailleurs expressément dans un courrier versé aux débats qu’il a adressé au salarié le 13 septembre 2018 et par lequel il informait ce dernier que la décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé arrivait à échéance le 31 janvier 2019 et qu’il lui appartenait de faire les démarches auprès de la maison départementale des personnes handicapées de son département en vue de son éventuel renouvellement.

En troisième et dernier lieu, il ressort des dispositions de l’article L. 5213-5 du code du travail que l’employeur n’est tenu d’exécuter l’obligation prévue par ce texte qu’en présence d’un avis médical préconisant à l’égard du salarié handicapé son ‘réentraînement au travail’ et sa ‘rééducation professionnelle’. Or, comme l’allègue l’employeur, M. [B] ne se réfère à cette fin qu’à l’avis d’inaptitude du 12 novembre 2018 pris en application de l’article R. 4634-1 et qui ne préconise nullemment la mise en oeuvre par l’employeur de mesures relevant de son obligation de réentraînement au sens de l’article L. 5213-5 du code du travail. Par suite, faute d’avis médical au sens de ce texte, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir mis en oeuvre des mesures relevant de l’obligation de réentraînement. Dès lors, le salarié sera débouté de sa demande indemnitaire.

Sur la demande principale de nullité du licenciement pour faute grave :

M. [B] demande à la cour l’annulation de son licenciement au motif qu’il constitue une discrimination fondée sur son handicap puisqu’il n’est pas fondé et que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement au sens des articles L. 1226-2 et L. 5213-6 du code du travail.

En défense, la RATP s’oppose à cette demande.

* Sur le bien-fondé du licenciement :

Selon l’article L. 1235-2 du code du travail, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d’Etat. La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement. Elle doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.

La lettre de licenciement pour faute grave du 14 décembre 2018 reproche deux griefs au salarié:

– avoir été en absence injustifiée depuis le 12 novembre 2018 et ce malgré une mise en demeure qui lui a été notifiée le 27 novembre 2018,

– ne pas s’être présenté à une visite médicale du 13 décembre 2018.

En premier lieu et s’agissant du premier grief, il est constant que la période d’absence injustifiée reprochée au salarié fait suite à l’avis d’inaptitude à son poste du médecin du travail en date du 12 novembre 2018, préconisant également que M. [B] ‘pourrait être formé et reclassé dans un métier de la maintenance (MRB ou MRF)’.

L’employeur expose dans ses conclusions que le salarié a été affecté dans l’attente de son reclassement définitif à une mission temporaire consistant en la mise en place et le contrôle des constats amiables à bord des bus.

Afin d’établir que le salarié ne s’était pas présenté sur son nouveau lieu de travail pour effectuer cette mission temporaire, l’employeur produit :

– des rapports du 13 au 17 novembre 2018 par lesquels M. [P], ayant pour qualité ‘MAE DFSO’ (sans autre précision), a constaté l’absence de M. [B] à son service,

– une lettre recommandée du 19 novembre 2018 par laquelle la RATP a écrit à M. [B] : ‘Vous êtes en absence injustifiée et non autorisée de notre part depuis le 12 novembre 2018. Par conséquent, nous vous mettons en demeure de reprendre le travail dans les plus brefs délais ou de justifier de vos absences dans les 48 heures suivant la présentation de cette lettre recommandée à votre domicile’.

En défense, M. [B] expose, d’une part, qu’il n’a jamais été destinataire d’un courrier l’informant qu’il était affecté à une mission temporaire et, d’autre part, que le médecin du travail n’avait pas indiqué qu’une telle mission était compatible avec son état de santé.

En l’espèce, comme le soutient le salarié, il ne ressort d’aucun élément versé aux débats que l’employeur a notifié à ce dernier sa décision de l’affecter à une mission temporaire dans l’attente de son reclassement définitif. D’ailleurs, la cour constate que la mise en demeure du 19 novembre 2018 ne fait nullement état du service auquel le salarié aurait été affecté de manière provisoire. Dès lors, la RATP ne peut reprocher à M. [B] de ne pas s’être rendu sur le lieu de travail correspondant à cette mission temporaire puisqu’elle n’établit pas l’avoir informé de cette affectation.

Au surplus, il n’est nullement justifié que cette mission temporaire était compatible avec les préconisations du médecin du travail puisque l’avis d’inaptitude du 12 novembre 2018 recommandait seulement une affectation au sein d’un service de maintenance et non d’un service de contrôle.

Ainsi, il se déduit de ce qui précède que ce premier grief ne peut justifier le licenciement pour faute grave du salarié.

En second lieu et s’agissant du second grief, l’employeur reproche au salarié de ne pas s’être rendu à la visite devant le médecin du travail du 13 décembre 2018 pour laquelle il avait été convoqué par courrier du 27 novembre 2018 contenu dans la même enveloppe que le courrier de la même date par lequel M. [B] avait été convoqué à un entretien en vue d’un éventuel licenciement et pour lequel il avait signé l’accusé de réception. La RATP soutient que cette visite médicale avait pour objet la recherche d’un poste de reclassement en adéquation avec l’état de santé du salarié.

En défense, le salarié soutient que le pli recommandé ne contenait pas la convocation devant le médecin du travail, qu’il n’en a eu connaissance qu’au moment de la rupture du contrat de travail lorsque son épouse a récupéré ses affaires personnelles et qu’il ne pouvait s’agir d’une seconde visite de reprise.

En l’espèce, il ressort de l’attestation de Mme [H], coordinatrice ressources humaines de la RATP que la convocation devant le médecin du travail du 27 novembre 2018 a bien été adressée à M. [B] en même temps que sa lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement dont il a accusé réception. Il s’en déduit que M. [B] ne peut affirmer ne pas avoir été destinataire de la convocation litigieuse devant le médecin du travail.

Toutefois contrairement aux allégations de l’employeur, il ne ressort ni des termes de la convocation litigieuse ni d’aucune autre pièce versée aux débats que la visite médicale à laquelle était convoquée le salarié avait pour objet son reclassement ou intervenait dans le cadre d’une seconde visite d’inaptitude et ce, d’autant que l’avis d’inaptitude du 12 novembre 2018 ne mentionnait nullement la nécessité d’une seconde visite. Dès lors, le seul fait pour le salarié de ne pas s’être rendu à cette convocation médicale ne peut nullement justifier son licenciement, qu’il soit pour faute grave ou pour cause réelle et sérieuse.

Dès lors, le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* Sur la discrimination fondée sur le handicap :

En vertu de l’article L. 1226-2 (inaptitude d’origine non professionnelle) du code du travail auquel se réfère l’appelant dans ses écritures, le salarié déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment bénéficie d’un droit au reclassement. La preuve du respect de l’obligation de reclassement du salarié inapte pèse sur l’employeur.

L’article 1132-1 du code de travail pose un principe général de non-discrimination en raison notamment de l’état de santé ou du handicap d’un salarié. L’article 1132-4 du même code sanctionne de la nullité toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié en méconnaissance de ce principe.

Selon l’article 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Les éléments présentés par le salarié doivent être pris dans leur ensemble en non isolément.

L’article L. 5213-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : ‘Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail. Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur. Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3″.

Lorsqu’un travailleur handicapé est déclaré inapte, l’exigence générale de recherche d’un reclassement doit être combinée à l’obligation spécifique au travailleur handicapé d’adaptation du poste de travail posée par l’article L. 5213-6 du code du travail. L’employeur doit ainsi prendre les « mesures appropriées » pour permettre au salarié handicapé de conserver son emploi ; à défaut le licenciement est nul en tant que constitutif d’une discrimination fondée sur le handicap.

En premier lieu, le salarié soutient au titre de la discrimination que son licenciement pour faute grave n’est pas justifié.

Il ressort des développements précédents que ce fait est établi.

En second lieu, le salarié soutient au titre de la discrimination que l’employeur n’a pas pris des mesures appropriés au sens des articles L. 1226-2 et L. 5213-6 du code du travail en vue d’assurer son reclassement dans un emploi compatible avec les préconisations du médecin du travail contenues dans son avis d’inaptitude du 12 novembre 2018.

En l’espèce, il n’est ni allégué ni justifié par l’employeur qu’il a pris de telles mesures. Dès lors, ce second fait est établi.

***

Il résulte de ce qui précède que les faits invoqués par le salarié au titre de la discrimination sont matériellement établis.

Il ressort des développements précédents que ces faits se sont produits alors que le salarié bénéficiait du statut de travailleur handicapé et que l’employeur en avait connaissance.

Par suite, M. [B] établit la matérialité d’éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination au sens des textes précités. Il appartient donc à l’employeur de démontrer que les faits matériellement établis par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L’employeur ne justifie par aucune cause objective les faits invoqués par le salarié au soutien de la discrimination.

Il s’en déduit que la discrimination fondée sur le handicap est établie au regard des faits susmentionnés non justifiés par une cause objective.

***

Il résulte de ce qui précède que la RATP a commis une discrimination en :

– notifiant au salarié un licenciement pour faute grave injustifié,

– ne procédant pas au reclassement du salarié en application des articles L. 1226-2 et L. 5213-6 du code du travail.

Il s’en déduit que le licenciement de M. [B] est nul. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’annulation du licenciement.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:

En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

M. [B] reproche à l’employeur de ne pas avoir exécuté l’obligation de reclassement prévue à l’article L. 1226-2 du code du travail suite à sa période d’arrêt maladie et à l’avis d’inaptitude susmentionné du 12 novembre 2018 et qu’il en résulte pour lui un préjudice de 32.676 euros.

En défense, l’employeur s’oppose à cette demande indemnitaire.

Il ressort des développements précédents que l’employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en ne procédant pas au reclassement du salarié en application des articles L. 1226-2 et L. 5213-6 du code du travail.

Le préjudice résultant de ce manquement est fixé à la somme de 1.000 euros. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité :

M. [B] reproche à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité en l’affectant à une mission de contrôle dans les bus alors qu’une telle mission n’était pas compatible avec l’avis d’inaptitude du 12 novembre 2018 préconisant seulement un reclassement dans la maintenance. Il soutient que ce manquement lui a causé un préjudice de 16.338 euros.

En défense, l’employeur s’oppose à cette demande indemnitaire.

En l’espèce, il ressort des développements précédents que, d’une part, n’a pas été notifiée au salarié la décision d’affectation litigieuse au sein du service de contrôle et, d’autre part, M. [B] n’en avait pas connaissance. Ce dernier ne peut dès lors tirer argument du seul fait que l’employeur invoque l’existence de cette décision dans ses écritures pour soutenir que celle-ci lui a causé un préjudice.

Dès lors, faute d’élément permettant d’établir le préjudice invoqué, la demande indemnitaire de M. [B] sera rejetée.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :

En premier lieu, il est rappelé que le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul indemnités liées à la rupture du contrat de travail est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie. Il se déduit ainsi des bulletins de paye versés aux débats que le rémunération mensuelle brute du salarié doit être fixé à la somme de 2.723 euros, conformément au détail du calcul mentionné dans les dernières écritures de M. [B] (p.7).

En deuxième lieu, selon les dispositions de l’article L. 1226-7 du code du travail, seules les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle sont exclues du calcul de l’ancienneté du salarié. S’il ressort des écritures de ce dernier et de l’attestation de l’Assurance maladie produite que M. [B] a bénéficié d’un arrêt maladie du 3 septembre au 11 novembre 2018, la cour constate que ni les écritures des parties ni les pièces produites ne permettent pas de déterminer si ces arrêts maladie sont liés à une maladie professionnelle ou à une maladie non professionnelle. Faute de précision sur ce point et dans la mesure où le salarié inclut ces périodes d’arrêt maladie dans son ancienneté sans que cela soit expressément critiqué par l’employeur, la cour incluera également la période d’arrêt maladie susmentionnée dans le calcul de l’ancienneté de M. [B]. Il s’en déduit que celle-ci était de 1 an, 11 mois et 14 jours au moment de la notification du licenciement.

En troisième lieu, M. [B] sollicite une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 8.169 euros, outre 816 euros de congés payés afférents. En défense, la RATP sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté le salarié de ces demandes pécuniaires.

L’article L. 1234-1 du code du travail dispose : ‘Lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit : 2° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois’.

Selon l’article L. 5213-9 du code du travail, en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l’article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II (personnes handicapées) sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d’une durée au moins égale à trois mois.

Il ressort de l’application combinée des articles L. 1234-1 et L. 5213-9 du code du travail que M. [B] peut utilement solliciter la somme de 5.446 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis de deux mois, outre 544,60 euros bruts de congés payés afférents.

En troisième lieu, M. [B] sollicite une indemnité légale de licenciement d’un montant de 1.361,5 euros. En défense, la RATP sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté le salarié de cette demande pécuniaire.

Selon l’article R. 1234-2 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants : ‘1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans (…)’, l’ancienneté au sens de ce texte étant déterminée préavis inclus.

Par suite, M. [B] peut utilement solliciter la somme de 1.361,5 euros à titre d’indemnité légale de licenciement selon le détail du calcul mentionné dans ses écritures.

En quatrième lieu, M. [B] sollicite une indemnité pour licenciement nul d’un montant de 32.676 euros. En défense, la RATP sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté le salarié de cette demande pécuniaire.

L’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : ‘L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à : (…) 3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4″.

Il ressort des développements précédents que le licenciement de M. [B] a été annulé par la cour en raison de la discrimination invoquée. Aussi, eu égard à son âge au moment de la rupture (40 ans), son ancienneté, sa rémunération, et au fait qu’il était toujours sans emploi le 30 novembre 2022, il lui sera alloué la somme de 16.800 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul. Le jugement sera infirmé en conséquence.

En cinquième et dernier lieu, l’article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige dispose : ‘Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé’. L’article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose : ‘Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11″.

En l’espèce, il ressort des développements précédents qu’au moment de la rupture du contrat de travail, le salarié bénéficiait de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise. Par suite, il n’y a pas lieu de prononcer d’office le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail:

M. [B] réclame la somme de 16.338 euros à ce titre, en soutenant avoir subi un préjudice moral distinct, puisqu’il a été licencié brutalement du jour au lendemain alors qu’il a toujours eu une carrière irréprochable au sein de la RATP.

En défense, la RATP s’oppose à ce demande indemnitaire, soutenant que le licenciement pour faute grave repose sur des griefs justifiés.

En l’espèce, le seul fait d’avoir licencié à tort le salarié ne peut suffire à qualifier la rupture du contrat de travail de brutale et vexatoire. Dès lors, M. [B] sera débouté de sa demande indemnitaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les demandes accessoires :

La RATP qui succombe partiellement est condamnée à verser au salarié la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel.

La RATP sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a :

– débouté la Régie autonome des transports parisiens (RATP) de sa demande reconventionnelle,

– débouté M. [O] [B] de sa demande pécuniaire au titre de la rupture brutale et vexatoire du contrat de travail,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du licenciement pour faute grave notifié par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à M. [O] [B] le 14 décembre 2018,

CONDAMNE la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à verser à M. [O] [B] les sommes suivantes :

– 1.000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 5.446 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 544,60 euros bruts de congés payés afférents,

– 1.361,50 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 16.800 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter de la décision qui les ordonne,

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE la Régie autonome des transports parisiens (RATP) aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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