Télétravail : 24 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05610

·

·

Télétravail : 24 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/05610
Ce point juridique est utile ?

24 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/05610

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 24 MAI 2023

(n° 2023/ , 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/05610 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCI63

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/05103

APPELANT

Monsieur [I] [H] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Marta BUKULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0486

INTIMÉE

S.A. AEROPORTS DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Aéroports de Paris a employé M. [I] [R], né en 1954, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 01 février 2002 en qualité de chef de projet SI, cadre A échelon 312.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises au statut du personnel des ADP.

En dernier lieu, il bénéficiait de l’échelon 630, toujours en tant que cadre A et sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait à la somme de 7 507,78 €.

M. [R] a quitté l’entreprise le 31 mars 2019 dans le cadre d’un départ à la retraite.

M. [R] a saisi le 13 juin 2019 le conseil de prud’hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« – Requalifier le départ à la retraite de Monsieur [I] [H] [R] en prise d’acte de la rupture s’analysant en un licenciement entaché de nullité ou à titre subsidiaire, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– En conséquence

– Indemnité pour licenciement nul ou à titre subsidiaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100 000 €,

– Par ailleurs, dire et juger que le demandeur a subi une discrimination salariale ou tout au moins une violation du principe “à travail égal, salaire égal”

– en conséquence,

– Rappel de salaires de mars 2016 à mars 2019 : 52 470 € Brut

– Congés payés afférents : 5 247 €

– Dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination salariale sur le fondement de l’article L- 1134-5 du Code du Travail : 50 000 €

– Dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral sur le fondement de l’article L.1134-1 du Code du Travail : 30 000 €

– Dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat 22 500 €

– Dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l’employeur sur le fondement de l’article L.1222-1 du Code du Travail 20 000 €

– Intérêts au taux légal à compter de l’introduction de la demande

Remise des curriculum vitae et des bulletins de paie des mois de décembre de 2002 à 2018 de :

– Madame [D] [T]

– Madame [SD] [Y]

– Monsieur [G] [X]

– Remise de bulletin(s) de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document

– Se réserver la liquidation de l’astreinte

– Exécution provisoire article 515 C.P.C.

– Article 700 du Code de Procédure Civile 2 400 €

– Frais et dépens »

Par jugement du 29 juillet 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« Déboute M.[R] [I] [H] de l’ensemble de ses demandes

Condamne M. [I] [H] [R] aux dépens. »

M. [R] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 20 août 2020.

La constitution d’intimée de la société Aéroports de Paris a été transmise par voie électronique le 11 septembre 2020.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 07 février 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 21 mars 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 23 janvier 2023, M. [R] demande à la cour de :

« Réformer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a débouté Monsieur [I] [H] [R] de l’ensemble de ses demandes, demandes qui étaient les suivantes:

Requalifier le départ à la retraite de Monsieur [I] [H] [R] en prise d’acte de la rupture s’analysant en un licenciement entaché de nullité ou à titre subsidiaire, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS à régler à Monsieur [I] [H] [R] la somme de 100 000 € à titre d’indemnité pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Par ailleurs,

Dire et juger que Monsieur [I] [H] [R] a subi une discrimination salariale ou tout au moins une violation du principe ‘A travail égal, salaire égal’,

En conséquence,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS (ADP) à verser à Monsieur [I] [H] [R] les sommes suivantes :

– 52 470 € bruts à titre de rappel de salaire de mars 2016 à mars 2019,

– 5 247 € bruts à titre d’indemnité de congés payés sur le rappel de salaire de mars 2016 à mars 2019,

Par ailleurs,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS (ADP) à verser à Monsieur [I] [H] [R] la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination sur le fondement de l’article L 1134-5 du Code du Travail,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS (ADP) à verser à Monsieur [I] [H] [R] les sommes de :

– 30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral sur le fondement de l’article L. 1152-1 du Code du Travail,

– 22 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat,

– 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur sur le fondement de l’article L 1222-1 du Code du Travail,

Outre les intérêts de droit sur ces sommes à compter de l’introduction de l’instance,

Ordonner la délivrance des curriculum vitae et des bulletins de paie des mois de décembre de 2002 à 2018 de :

– Madame [D] [T],

– Madame [SD] [K], épouse [Y],

– Monsieur [G] [X],

Ordonner la délivrance de bulletins de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document et se réserver la liquidation de l’astreinte,

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l’article 515 du C.P.C,

Condamner la société ADP à régler à Monsieur [I] [H] [R] la somme de 2.400 € au titre de l’article 700 du C.P.C,

Condamner la société ADP aux entiers frais et dépens,

Monsieur [I] [H] [R] demande, en outre, à la Cour d’appel de réformer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il l’a condamné aux dépens.

En conséquence,

Monsieur [I] [H] [R] demande à la Cour d’appel de :

Requalifier son départ à la retraite en prise d’acte de la rupture s’analysant en un licenciement entaché de nullité ou à titre subsidiaire, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS à régler à Monsieur [I] [H] [R] la somme de 100 000 € à titre d’indemnité pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Par ailleurs,

Dire et juger que Monsieur [I] [H] [R] a subi une discrimination salariale ou tout au moins une violation du principe ‘A travail égal, salaire égal’,

En conséquence,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS (ADP) à verser à Monsieur [I] [H] [R] les sommes suivantes :

– 52 470 € bruts à titre de rappel de salaire de mars 2016 à mars 2019,

– 5 247 € bruts à titre d’indemnité de congés payés sur le rappel de salaire de mars 2016 à mars 2019,

Par ailleurs,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS (ADP) à verser à Monsieur [I] [H] [R] la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination sur le fondement de l’article L 1134-5 du Code du Travail,

Par ailleurs,

Condamner la société AEROPORTS DE PARIS (ADP) à verser à Monsieur [I] [H] [R] les sommes de :

– 30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral sur le fondement de l’article L. 1152-1 du Code du Travail,

– 22 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat,

– 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur sur le fondement de l’article L 1222-1 du Code du Travail,

Outre les intérêts de droit sur ces sommes à compter de l’introduction de l’instance,

Ordonner la délivrance des curriculum vitae et des bulletins de paie des mois de décembre de 2002 à 2018 de :

Madame [D] [T],

Madame [SD] [K], épouse [Y],

Monsieur [G] [X],

Ordonner la délivrance de bulletins de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,

Par ailleurs,

Condamner la société ADP à régler à Monsieur [I] [H] [R] la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du C.P.C,

Condamner la société ADP aux entiers frais et dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 19 janvier 2023, la société Aéroports de Paris demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 29 juillet 2020

Et en conséquence

– DEBOUTER Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes ;

Et reconventionnellement :

– CONDAMNER Monsieur [R] à verser à la société AEROPORTS DE PARIS la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNER Monsieur [R] aux entiers dépens ;. »

Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 17 mai 2023 prorogé au 24 mai 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC) .

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les demandes tirées de l’inégalité de traitement

M. [R] demande les sommes de :

– 52 470 € bruts à titre de rappel de salaire de mars 2016 à mars 2019,

– 5 247 € bruts à titre d’indemnité de congés payés sur le rappel de salaire de mars 2016 à mars 2019,

– 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’inégalité de traitement.

La société Aéroports de Paris s’oppose à ces demandes.

Il résulte du principe ‘à travail égal, salaire égal’, dont s’inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l’article 1315 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ‘à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l’espèce, M. [R] invoque les faits suivants :

– il a été privé de la progression de carrière comparable à celle de ses collègues ;

– il avait alerté l’entreprise à de multiples reprises (par courriers, mails et lors des entretiens annuels) sans que celle-ci ne prenne à aucun moment la peine d’analyser concrètement sa situation ni de mener la moindre investigation, et sans qu’elle ne prenne aucune mesure pour corriger la situation (pièces salarié n° 10, 12, 12-1 et 12-2, 13, 14, 15-1, 16 et 33-8 : courriers et mails et 18 : entretiens d’appréciation et professionnels et entretiens annuels) ;

– l’entreprise n’a pas déféré à la sommation de communiquer que son conseil lui a adressée le 28 février 2019 et n’a pas transmis les documents dont elle demandait communication afin de pouvoir procéder à une comparaison pertinente des situations, à savoir les curriculums vitae et les bulletins de paie de décembre depuis 2002 à 2018 de Mme [T], de Mme [K], et de M. [X] (pièce salarié n° 43) ;

– ces trois collègues relevant du même service que lui, également chefs de projets, côté MOE (maîtrise d”uvre), ont connu une évolution de carrière et une augmentation de rémunération très importante par rapport à lui ; de 2009 à 2018, son salaire est passé de 56 000 € à 66 780 € soit une progression de 19,20 % alors que pour Mme [T], la progression sur la même période a été de 40 % avec un salaire passant de 60 000 € à 84 270 €, pour Mme [K], la progression sur la même période a été de 37,50 % avec un salaire passant de 56 000 € à 77 000 € et pour M. [X], la progression sur la même période a été de 54,70 % avec un salaire passant de 42 000 € à 65 000 € (pièces salarié n° 6 et 7) ;

– il est resté cadre A et a plafonné à l’échelon 630 (pièce salarié n° 7) alors qu’il s’est investi dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, a toujours dépassé les objectifs qui lui étaient fixés et a toujours donné entièrement satisfaction (pièces salarié n° 18, 36 à 42) ;

– il dépassait ses objectifs et réalisait en 2014, 154% des objectifs, en 2015, 170% des objectifs et en 2016, 161% des objectifs (pièce salarié n° 36) ;

– ses demandes d’évolution pour passer cadre B, cadre supérieur et ses candidatures spontanées en interne se heurtaient systématiquement à un refus (pièces salarié n° 18 à 23) ;

– M. [C], son N+1 de 2002 à 2012, son N+2 de 2012 à 2017 et son N+3 à partir de 2017 bloquait depuis le départ son évolution de carrière et de rémunération en lui attribuant des notes d’évaluation qui ne pouvaient que bloquer la situation et l’évolution de carrière du salarié (pièces salarié n° 17 et 18) ;

– il n’a d’ailleurs pas validé les comptes rendus des entretiens annuels d’évaluation entre 2002 et 2006, a exprimé son désaccord et adressé de nombreux courriers et mails demeurés sans réponse de la part de son employeur (pièces salarié n° 10, 12, 12-1 et 12-2, 13, 14, 15-1, 16 et 33-8) ;

– le coaching de 2010 s’était terminé avec succès comme cela ressort expressément du compte rendu d’appréciation et professionnel de 2011, mais M. [C] a quand même refusé de lui attribuer la note globale de 4 nécessaire pour le passage à cadre B et cadre supérieur (pièce salarié n° 18) ;

– la comparaison avec les 3 collègues cités plus haut est justifiée : tous les 3 étaient dans le même service que lui et étaient également chefs de projets, côté MOE (maîtrise d”uvre) avec le même responsable que lui durant près de 12 ans : ils ont tous les trois évolué vers un poste de cadre supérieur (cadre B) en tant que responsables pôle DSI (direction des systèmes d’information) ;

– le panel de comparaison invoqué par la société Aéroports de Paris avec 5 autres collaborateurs (M. [Z], Mme [E], M. [B], Mme [S] et Mme [V]) n’est pas pertinent : ces salariés ne sont pas dans une situation comparable à la sienne (service différent, expérience professionnelle sans commune mesure avec la sienne) et là encore, la société Aéroports de Paris ne produit pas la moindre pièce les concernant (contrats de travail, fiches de poste, curriculum vitae, bulletins de paie) ;

– la comparaison in concreto de sa situation avec celles de Mme [K] et surtout de Mme [T], démontre l’inégalité de traitement, celles-ci ayant bénéficié contrairement à lui, d’une véritable évolution de carrière, étant respectivement devenues cadres supérieurs (cadres B) en 2005 et 2003, ayant atteint les échelons 725 et 795 en 2018 et percevant de ce fait une rémunération bien plus élevée que la sienne ;

– les trois salariés avec qui il se compare étaient pourtant placés dans une situation tout à fait comparable (connaissances professionnelles consacrées par un diplôme ou une pratique

professionnelle, capacités découlant de l’expérience acquise, responsabilités, charge physique ou nerveuse).

Pour étayer ses affirmations, M. [R] produit notamment les pièces précitées.

M. [R] établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’une inégalité de traitement à son encontre.

En défense, la société Aéroports de Paris fait valoir :

– le dispositif de rémunération mis en place par le statut ADP est fondé sur des échelons de rémunération avec l’attribution d’un échelon à l’embauche et une progression en nombre d’échelon tout au long de sa carrière avec a minima un changement d’échelon à l’issue de 5 ans dans le même échelon ;

– l’évolution d’un échelon à l’autre et donc l’augmentation de la rémunération des collaborateurs est nécessairement liée à la durée de présence (c’est-à-dire l’ancienneté) dans l’entreprise et non au type de poste occupé ;

– la rémunération ne dépend donc pas nécessairement de la catégorie professionnelle mais uniquement de l’échelon de rémunération ;

– par voie de conséquence, les comparaisons en terme de niveau de rémunération qui peuvent être faites entre plusieurs collaborateurs doivent être faite exclusivement à partir des éléments de rémunération qui sont attachés au traitement de base et également en tenant compte des dispositions dont ils ont pu bénéficier en terme de prise en compte de leur ancienneté ;

– pour les cadres, l’avancement dépend de l’appréciation annuelle du salarié à tenir son poste mais l’avancement d’un échelon devient automatique à l’issue d’une période de 5 ans dans le même échelon (art 28 du statut) ;

– les promotions sont prévues par l’article 29 du statut ; une promotion a lieu soit par mutation dans un autre poste de la catégorie supérieure pour laquelle le collaborateur a postulé soit en cas de transformation du poste occupé ; l’aptitude du salarié cadre à être promu est fonction des résultats obtenus, des travaux effectués et des appréciations des supérieurs hiérarchiques : il n’y a donc aucune automaticité dans le passage de la catégorie des cadres à celle des cadres supérieurs ;

– le taux de promotion des cadres et globalement de 3% et en 2017, 51 promotions sur un effectif global de 1426 cadres sont intervenues soit 3,5 % (pièces employeur n° 50-1 à 50- 3) ;

– il ressort des entretiens d’évaluation que M. [R] estimait dès 2007 qu’il avait la capacité pour évoluer sur un poste de cadre supérieur or dans le même temps et depuis son intégration, ses évaluations professionnelles non contestées faisaient état d’un collaborateur de qualité mais pas excellent à son niveau avec une notation fréquente en zone 3 (pièce salarié n° 18) ;

– une première candidature à un poste de cadre supérieur en 2007 (poste de responsable opérations MOD a échoué car M. [R] n’avait pas le meilleur profit en terme de compétence et d’expérience requise (pièce employeur n° 36) ;

– il a été mis en place en 2010 une mission de coaching dès lors qu’il était constaté la nécessité pour M. [R] de progresser en terme de communication et de comportement même si ses compétences techniques n’étaient pas remises en cause (pièces employeur n° 7 et 42 et pièce salarié n° 18) ;

– malgré ce coaching, il ressort des entretiens professionnels postérieurs qu’il n’y a pas eu de réelle progression d’une année sur l’autre sur sa tenue de poste qui reste d’un niveau équivalent c’est-à-dire « bonne maîtrise » en sorte qu’il n’y avait donc pas d’anomalie au regard de cette appréciation constante qu’aucune promotion ne soit envisagée ;

– deux candidatures à un poste de cadre supérieur en 2012 ont échoué car M. [R] n’avait pas le profit pour occuper le poste de responsable animation satisfaction clients au sein de la direction du marketing stratégique, et il a été supplanté pour le poste de responsable pôle urbanisme et architecture SI au sein de la direction de l’urbanisme par Mme [L] qui était ingénieure et était déjà cadre supérieur (pièce employeur n° 33) ;

– une 4e candidature à un poste de cadre supérieur en 2013 (un poste de chef de projet SI de niveau cadre supérieur) a échoué car il a été supplanté par M. [N] qui était déjà cadre supérieur (pièce employeur n° 35) ;

– une 5e candidature à un poste de cadre supérieur en 2015 (un poste de responsable pôle DSI au sein de la direction des ressources humaines) a échoué car il a été supplanté par une candidate externe : Mme [U] (pièce employeur n° 34) ;

– pour chacun des postes, M. [R] a été en concurrence avec d’autres collaborateurs dont le profil et la carrière correspondaient mieux ; de surcroît malgré le coaching, il ne disposait manifestement pas des qualités comportementales permettant de lui attribuer un poste de cadre supérieur ;

– il se compare à 3 salariés devenus cadres supérieurs en étant retenus suite à une postulation et qui sont dans une situation différente de la sienne : en effet alors que M. [R] est entré en 2002, veut être cadre supérieur depuis 2007 et a cessé de postuler à des postes de cadres supérieurs en 2015 (pièce employeur n° 25) ;

* M. [X], qui occupe effectivement un poste de responsable pôle DSI – poste de cadre supérieur, a intégré la société en 2001 et est devenu cadre supérieur en 2012 ; il bénéficie néanmoins d’un échelon de rémunération 0613 donc bien inférieur à celui de M. [R] ; ce changement de catégorie de cadre ne lui a donc pas apporté un niveau de rémunération supérieur (pièce employeur n° 24) ;

* Mme [T], qui occupe effectivement un poste de responsable pôle DSI – poste cadre supérieur, a intégré la société comme cadre en 1984 et n’est devenue cadre supérieure qu’en 2003 soit après 19 ans dans l’entreprise (pièce employeur n° 22) ;

* Mme [K], qui occupe effectivement un poste de responsable pôle DSI – poste cadre supérieur, a intégré la société en 1989 et n’est devenue cadre supérieure qu’en 2005 soit après 16 ans dans l’entreprise (pièce employeur n° 23) ;

– l’entreprise produit un autre panel (pièce employeur n° 32 : tableau de comparaison des collaborateurs chefs de projet DSI :

* M. [Z] qui occupe un poste de chef de projet comme M. [R] ; il a intégré en 2001 la société comme cadre A, comme M. [R], et est toujours cadre A à l’heure actuelle, à un échelon (E0490) très nettement inférieur à celui de M. [R] ;

* Mme [E] qui occupe un poste de chef de projet comme M. [R] ; elle a intégré en 2003 la société comme cadre A, comme M. [R], et est toujours cadre A à l’heure actuelle, à un échelon (E0455) très nettement inférieur à celui de M. [R] ;

* M. [B] qui occupe un poste de cadre à la DSI qui a intégré en 2002 la société comme cadre A, comme M. [R], et est toujours cadre A à l’heure actuelle, à un échelon (E0480) très nettement inférieur à celui de M. [R] ;

* Mme [S] qui occupe un poste de cadre à la DSI qui a intégré en 2003 la société comme cadre A, comme M. [R], et est toujours cadre A à l’heure actuelle, à un échelon (E0450) très nettement inférieur à celui de M. [R] ;

* Mme [V] qui occupe un poste de cadre à la DSI qui a intégré en 2003 la société comme cadre A, comme M. [R], et est toujours cadre A à l’heure actuelle, à un échelon (E0505) très nettement inférieur à celui de M. [R] ;

– sur les cadres embauchés à la DSI entre 2001 et 2003, 4 ont bénéficié d’une promotion en cadre supérieur (MM. [W], [YN], [M] et [X]), soit moins de 40%, et sur ces 4 cadres, tous restent à un échelon de rémunération inférieur à celui de M. [R] à l’exception de M. [YN] qui est devenu chef de département (pièce employeur n° 32 : tableau de comparaison des collaborateurs chefs de projet DSI)

– il a été embauché en 2002 à l’échelon 312 alors même que le 1er échelon statutaire de la catégorie cadre IIIA était l’échelon 301 ; sur l’ensemble des chefs de projet SI embauchés pendant la décennie 2000 – 2010, soit 17 personnes, il est le seul à avoir été embauché à ce niveau ; la moyenne des niveaux d’embauche des autres salariés fait ressortir un échelon moyen d’embauche légèrement inférieur à l’échelon 307 ; il a bénéficié d’un niveau d’embauche très largement supérieur (pièce employeur n° 32 : tableaux de comparaison des collaborateurs chefs de projets DSI et chefs de projet SI)

– M. [R] a ensuite progressé jusqu’à atteindre en janvier 2019, l’échelon 0630 ; un seul autre chef de projet SI sur 39 en mars 2020 a un échelon supérieur mais il a été recruté en 1984 (pièce employeur n° 32) ; M. [R] a donc conservé son « avance » (sic) ;

– pour atteindre le niveau de rémunération de M. [R] en 2002 à savoir l’échelon 312, Mme [T] a dû attendre 18 ans et Mme [K] a dû attendre 16 ans pour ne l’obtenir qu’en 2005 ;

– dans le panel qu’il propose, seul M. [X] est entré dans l’entreprise à la même période que lui : la comparaison de leur rémunération (pièces employeur n° 37 et salarié n° 7) entre 2003 et 2017 montre que sur l’intégralité de la période, la rémunération de M. [R] est restée supérieure à celle de M. [X], 53 K€ en 2003 contre 41 K€ et 94 K€ en 2017 contre 89 K€.

A l’appui de ses moyens, la société Aéroports de Paris produit en sus des pièces précitées le statut du personnel ADP avant et après 2011 (pièces employeur n° 49 et 49).

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Aéroports de Paris démontre que les faits matériellement établis par M. [R] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute inégalité de traitement. La cour retient notamment que :

– M. [R] a été recruté comme chef de projet SI en 2002 à un échelon avantageux, à un échelon 312 contre une moyenne inférieure de 307 et qu’il a conservé cette position avantageuse tout au long de sa carrière car il avait en 2020 le 2e niveau de rémunération parmi 39 chefs de projet SI ;

– il se compare vainement avec des cadres supérieurs qui ont une situation différente de la sienne puisqu’il est entré dans l’entreprise en 2002, veut être cadre supérieur depuis 2007 et a cessé de postuler à des postes de cadres supérieurs en 2015 alors que Mme [T] qui occupe un poste de responsable pôle DSI – poste cadre supérieur pour lequel elle a candidatée et a été retenue, a intégré la société comme cadre en 1984 et n’est devenue cadre supérieure qu’en 2003 soit après 19 ans dans l’entreprise et que Mme [K] qui occupe un poste de responsable pôle DSI – poste cadre supérieure, pour lequel elle a aussi candidatée et a été retenue, a intégré la société en 1989 et n’est devenue cadre supérieure qu’en 2005 soit après 16 ans dans l’entreprise ;

– s’il peut en revanche se comparer utilement avec M. [X], la comparaison ne fait pas ressortir l’inégalité de traitement qu’il invoque car ce dernier a été retenu en 2012 lors de sa candidature à un poste de cadre supérieur alors que les différentes tentatives que M. [R] a faites jusqu’en 2015 ont échoué dans des conditions que l’employeur justifie sans être utilement contredit, car elles étaient moins bonnes que celles des candidats retenus ; en outre les rémunérations de M. [X] ont toujours été de 2003 à 2017 inférieures à celles de M. [R], ce qui contredit l’existence de la discrimination salariale invoquée par M. [R] ;

– le panel proposé par la société Aéroports de Paris est pertinent et montre que les chefs de projet SI recrutés dans la même période que M. [R] sont toujours cadres A comme lui et qu’ils perçoivent des rémunérations inférieures.

Les demandes formées au titre de l’inégalité de traitement aux fins de rappel de salaire, de congés payés afférents et de dommages et intérêts doivent par conséquent être rejetées.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de ses demandes formées au titre de l’inégalité de traitement.

Sur le harcèlement moral

M. [R] demande à la cour de lui allouer la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [R] invoque les faits suivants :

– il a subi une importante dégradation de ses conditions d’emploi à partir du mois de mars 2018

– il a alerté et décrit à plusieurs reprises auprès de la société les actes répétés de harcèlement moral dont il était victime et ce, tant avant que concomitamment à sa demande de départ à la retraite (pièces salarié n° 14, 33-8, 15-1 et 16 : courriers électroniques des 12/04/2018, 20/11/2018, 26 février 2019)

– il a subi un processus de mise au placard et d’éviction ;

– à partir du mois de novembre 2017, trois des cinq projets dont il avait la charge ont été transférés à d’autres services ;

– à la fin du premier trimestre 2018, ses deux derniers projets (Gedeon depuis 2006 et Orphee depuis 2014) étaient confiés à deux prestataires externes et il lui était demandé d’accompagner ces derniers pour faire le transfert de compétences (pièces salarié n° 15, 16, 18, 33, 38, 43, 45 et 52) ;

– MM. [F] et [J] (ses nouveaux responsables hiérarchiques) ont demandé à M. [A], ingénieur en charge du contrat d’assistance pour le maintien du bon fonctionnement des applications Orphee et Gedeon, de ne plus passer par lui (pièce salarié n° 52) ;

– affecté moralement (pièce salarié n° 49 : certificat médical du 29 mai 2019) et physiquement par cette mise à l’écart (pièce n° 33-8), il a par la suite fait l’objet d’arrêts de travail du 29 mai 2018 au 8 juin 2018, prolongé jusqu’au 18 juin 2018 puis jusqu’au 27 juin 2018, puis du 20 août 2018 au 31 août 2018 ;

– l’entreprise a refusé d’appliquer l’aménagement préconisé par le médecin du travail lors de la visite médicale du 8 août 2018, préconisation réitérée lors des visites des 31 août 2018 et 29 octobre 2018, ce qui a contraint son médecin traitant à lui prescrire à nouveau des arrêts de travail du 3 au 17 septembre 2019, du 17 au 28 septembre 2018, du 28 septembre 2018 au 8 octobre 2018 et du 9 au 31 octobre 2018 (pièces n° 28 à 30 : fiches médicales des 8 août 2018, 31 août 2018 et 29 octobre 2018 ; n° 33 : échanges par mail du 9 août 2018 au 22 novembre 2018 entre M. [R] et ses responsables hiérarchiques et la direction des ressources humaines ; n° 34 : échange par SMS entre M. [R] et M. [F] du 14 août 2018) ;

– son N+2, M. [F] lui a proposé, par SMS du 14 août 2018, de se mettre en arrêt maladie durant 2 jours de maladie et de travailler à domicile 3 jours par semaine, ce qui bien évidemment n’était pas acceptable car non conforme aux préconisations du médecin du travail (pièces salarié n° 33-3 et 34) ;

– ce n’est qu’à compter du 2 novembre 2018, soit près de 3 mois plus tard et sur insistance du médecin du travail que l’entreprise lui a proposé une mission dans le cadre d’un aménagement de son activité selon une répartition de 4 jours par semaine en télétravail et 1 jour par semaine sur son lieu de travail habituel (pièce salarié n° 35) ;

– cette mission était sous-dimensionnée par rapport à ses compétences et à son expérience en tant que chef de projet et sans commune mesure avec les projets d’envergure qu’il gérait depuis son engagement en 2002 (pièces salarié n° 3 à 5 et 25 et 26) ; il n’était plus en charge d’organiser et planifier la mise en ‘uvre de projets ou d’un ensemble de projets informatiques, depuis sa phase de conception jusqu’à sa réalisation, ce qui caractérise pourtant les fonctions de chef de projet SI ; or tous les projets dont il avait eu la charge jusqu’alors étaient compatibles avec le travail à distance ;

– ainsi après avoir subi une mise à l’écart, ses fonctions de chef de projet ont été totalement vidées de leur substance et de leur contenu ; or le médecin du travail n’avait émis aucun avis de nature à modifier le contenu de ses fonctions de chef de projet ; l’employeur procédait en réalité à une véritable discrimination du fait de l’état de santé ;

– l’employeur ne peut soutenir qu’il n’a pas rempli ses objectifs en 2018 au motif que s’il n’a pas pu atteindre ses objectifs pour la première fois de sa carrière au sein de la société ADP, cela est dû aux manquements graves de l’entreprise et en premier lieu, à la mise à l’écart de ses projets, puis à sa mise au placard par l’attribution d’une mission basique et très sous-dimensionnée ne correspondant ni à sa qualification, ni à son expérience professionnelle et dans le cadre de laquelle il rencontrait les plus grandes difficultés à collecter auprès des chefs de projets concernés les informations dont il avait besoin (pièces salarié n° 16, 18 à 18-111, 18-112 à 18-118, 18-119) ;

– l’entreprise ne peut soutenir qu’il refusait de respecter la nouvelle organisation mise en place et notamment son rattachement à M. [J], dès lors que multiplier les responsables hiérarchiques et placer un dernier N+1, cadre A comme lui et bien moins expérimenté que lui, comme elle l’a fait, a un caractère vexatoire d’autant plus qu’il faisait, lui, l’objet d’un blocage de principe de toute évolution professionnelle de la part de M. [C] ;

– l’entreprise ne peut soutenir que les projets dont il avait la charge ne lui ont pas été retirés et d’ailleurs les courriers électroniques qu’elle verse aux débats, ont justement été établis dans le cadre de la passation des projets en charge ;

– Il est faux de dire qu’il a en réalité pris sa décision de partir à la retraite afin de pouvoir bénéficier du dispositif d’accompagnement financier de la société ADP « particulièrement attractif » lui ayant « permis d’obtenir une majoration se son indemnité de départ à la retraite de 40% » ; en effet le dispositif d’accompagnement au départ en retraite a été mis en place à compter de mars 2018 ; or, il n’a adressé son courrier demandant son départ à la retraite que le 20 novembre 2018, après avoir subi une importante dégradation de ses conditions d’emploi depuis le mois de mars 2018 ayant eu des répercussions sur son état de santé (mise à l’écart des projets d’envergure qu’il avait en charge, non-respect des préconisations du médecin du travail, mise au placard par l’attribution d’une mission basique et totalement sous-dimensionnée, etc..) et cela est contredit par son courrier électronique du 9 juillet 2015 où il indique vouloir travailler jusqu’à 70 ans (pièce salarié n° 51).

Pour étayer ses affirmations, M. [R] produit notamment les pièces mentionnées ci-dessus.

M. [R] établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

En défense, la société Aéroports de Paris fait valoir :

Sur la mise à l’écart

– M. [R] soutient qu’à compter du mois de mars 2018, il lui aurait été retiré la gestion des projets dont il avait la charge ; cependant M. [R] était hostile à la réorganisation mise en place en novembre 2017 (pièce employeur n° 43) et à son rattachement à M. [J] alors même qu’aucune de ses missions n’étaient modifiées ; à compter du mois de mars 2018 M. [R] a adopté vis-à-vis de ce dernier un comportement volontairement hostile se traduisant notamment par le refus de faire des points réguliers sur l’activité, le refus de partager son expérience avec son manager, et une communication par mail manifestement agressive (pièces employeur n° 26 et 27) ; il a continué à reporter à son N+2 en ignorant son N+1 (pièces employeur n° 44 et salarié n° 14) ;

– M. [R] est resté chef de projet [P] (pièces employeur n° 45, 46 et 47 : courriers électroniques du 26 avril 2018, du 24 juillet 2018 et du 20 août 2018) ; le projet POC alternatif à [P] qui était en crise n’a aucunement mis fin à sa mission de chef de projet [P] (pièce employeur n° 15 : note de service du 9 août 2018) ; Orphee a été abandonnée en 2019

– M. [R] est donc resté en charge des deux gros projets du pôle DSI : Gedeon et [P] ;

Sur l’aménagement du travail

– M. [R] a bénéficié à sa demande (pièce employeur n° 9) de 6 jours de télétravail par mois à compter du 1er juin 2017 (pièces employeur n° 2 et 3) conformément à l’accord télétravail du 15 décembre 2016 (pièce employeur n° 31) ;

– le 8 août 2018, M. [R] a été vu par le médecin du travail qui a préconisé l’aménagement du travail suivant : « télétravail à domicile 5 jours par semaine pour une durée de 6 semaines » (pièce employeur n° 11) ; l’entreprise a informé le médecin du travail que l’aménagement préconisé n’était pas compatible avec les projets dont M. [R] était chargé (pièces employeur n° 14 et 15) ; le 31 août 2018, dans le cadre d’une visite de pré-reprise, le médecin du travail a modifié l’aménagement préconisé en limitant le télétravail à 4 jours sur 5 et en indiquant que la reprise ne serait donc possible que sur cette base (pièce salarié n° 29) ;

– M. [R] ne peut soutenir que son activité peut être exercé en télétravail ; en effet dans la période Covid19, les chefs de projets SI n’ont pas pu être placés intégralement en télétravail car cela n’était pas envisageable et tous les projets SI ont de ce fait dû être arrêtés ; conserver son activité nécessitait qu’il puisse être présent sur site au moins 3 jours (pièces employeur n° 16 et 17) ;

– afin de satisfaire les préconisations du médecin du travail, une mission ad ‘hoc a été élaborée pour M. [R] pour la période où il devait bénéficier de 4 jours de télétravail par semaine ; cet aménagement sur la base de 4 jours a été validé par le médecin du travail le 7 novembre 2018 (pièces employeur n° 18 et 12) puis présenté à M. [R] qui l’a accepté, la journée sur site étant fixée le mercredi (pièces employeur n° 19 à 21) ;

– l’entreprise a donc confié à M. [R] à compter de novembre 2018 un projet intitulé « étude du parc applicatif SI DIGITAL » étant précisé que cette mission fait partie des activités du pôle application au sein duquel M. [R] était chef de projet (pièce employeur n° 38) ;

– en qualité de chef de projet SI M. [R] avait pour mission d’organiser et planifier la mise en ‘uvre de projets informatiques depuis la phase de conception jusqu’à leur réalisation, ce qui peut inclure une phase d’études ayant pour objectif l’analyse de la performance des processus métiers ; la mission confiée à M. [R] avait pour objectif une étude du parc applicatif DIGITAL dans un but d’amélioration et d’optimisation du pilotages OPEX pour les applications DIGITAL : elle entre bien dans le type de missions pouvant être confié à un chef de projet SI (pièce salarié n° 16) ;

– M. [R] n’a subi aucune mise au placard et lui-même reconnaît dans son message du 26 février 2019 (pièce salarié n° 16) qu’il a participé à de nombreuses réunions notamment à distance pour faire avancer son projet ; le fait qu’il a rencontré des difficultés auprès des autres chefs de projets pour récupérer des informations ne constitue aucunement une prétendue « mise au placard » ; ce message démontre au contraire la réalité de la mission qui lui a été confiée et la réalité des difficultés engendrées par une activité exercée en télétravail et non en présentiel

– il ne peut donc être reproché aucun comportement fautif à la société ADP du fait de la mission confiée à M. [R] au cours de la période de télétravail dès lors que cette mission centrée sur la réalisation d’une étude relevait bien de ses compétences et de ses missions de poste de chef de projet SI.

A l’appui de ses moyens, la société Aéroports de Paris invoque et produit notamment les pièces précitées

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Aéroports de Paris démontre que les faits matériellement établis par M. [R] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; en effet la cour retient que la société Aéroports de Paris a exercé son pouvoir de direction en faisant évoluer avec ses partenaires les projets contractualisés avec elle et dont M. [R] était chargé ; par les éléments de preuve qu’elle produit, la société Aéroports de Paris démontre aussi que M. [R] n’a pas été mis à l’écart et évincé des projets qui lui avaient été confiés mais que tout au contraire, il en est resté chef de projet jusqu’au bout, jusqu’à leur abandon comme cela a été le cas pour le projet [P] par exemple ou jusqu’à leur transfert à une autre entreprise ; la cour retient aussi que la chronologie des faits démontre que, même si la mise en place d’un aménagement contractuel du télétravail début novembre 2018 conforme aux préconisations du médecin du travail finales du 31 août 2018 a pris deux mois, aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de la société Aéroports de Paris dans ce processus de discussion à 3 (médecin du travail ‘ employeur ‘ M. [R]) qui nécessite naturellement du temps pour trouver la meilleurs solution possible pour le salarié, surtout quand ce dernier est en charge de projets sensibles comme c’était le cas de M. [R] et qu’il fallait élaborer pour lui une mission ad hoc susceptible d’être exécutée en télétravail durant 4 jour par semaine ; c’est donc en vain que M. [R] soutient que l’entreprise a refusé d’appliquer l’aménagement préconisé par le médecin du travail : en réalité loin de refuser d’appliquer l’aménagement préconisé par le médecin du travail, la société Aéroports de Paris a cherché en consultant le médecin du travail les meilleurs aménagements possibles étant ajouté que les préconisations de ce dernier ont elles-mêmes évolué à la faveur des échanges avec l’employeur ; la cour retient enfin que la société Aéroports de Paris démontre suffisamment que la mission « étude du parc applicatif SI DIGITAL » confiée à M. [R] le 7 novembre 2018 dans le cadre de de l’avenant relatif au télétravail 4 jours sur 5 était centrée sur la réalisation d’une étude entrant dans ses compétences et dans ses missions de chef de projet SI, qu’elle n’était pas sous dimensionnée contrairement à ce qu’il soutient étant précisé que malgré l’ampleur réelle de son travail pour l’exécution de cette mission, il n’est pas parvenu à la terminer avant son départ à la retraite.

Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de ses demandes relatives au harcèlement.

Sur la discrimination

M. [R] a formulé des moyens relatifs à la discrimination dans le cadre des moyens formulés à l’appui du harcèlement moral ou de l’inégalité de traitement.

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date des faits, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

Selon l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

– la discrimination inclut tout agissement lié à l’un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [R] invoque une « discrimination en raison de son origine, puis de son état de santé (discrimination en matière de rémunération, de classification, de promotion professionnelle, missions sous-qualifiées qui lui ont été confiées en raison de son état de santé sans respecter les préconisations du médecin du travail, etc…) ou tout au moins d’une violation par l’employeur du principe ‘A travail égal, salaire égal’ (rémunération bien moins élevée que des salariés pourtant placés dans la même situation que lui, évolution professionnelle largement à ‘la traîne’ par rapport à eux » (sic).

La cour a rejeté ces moyens relatifs à l’inégalité de traitement et au harcèlement moral et ils ne peuvent donc pas plus fonder des moyens relatifs à la discrimination en raison de l’origine ou de l’état de santé puisque pour les faits en cause « discrimination en matière de rémunération, de classification, de promotion professionnelle, missions sous-qualifiées qui lui ont été confiées en raison de son état de santé sans respecter les préconisations du médecin du travail, etc…) ou tout au moins d’une violation par l’employeur du principe ‘A travail égal, salaire égal’ (rémunération bien moins élevée que des salariés pourtant placés dans la même situation que lui, évolution professionnelle largement à ‘la traîne’ par rapport à eux , la cour a retenu qu’ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, à toute inégalité de traitement et, en l’espèce, à toute discrimination.

Les moyens relatifs à la discrimination articulés par M. [R] sont donc mal fondés.

Sur la requalification du départ volontaire à la retraite en prise d’acte de la rupture

Lorsqu’un salarié part volontairement à la retraite en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d’acte et produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’un départ volontaire à la retraite.

Ainsi un départ volontaire à la retraite provoqué par le comportement de l’employeur doit être requalifié en prise d’acte et les griefs invoqués par le salarié doivent être analysés par les juges du fond.

Il résulte de la combinaison des articles L 1231 ‘ 1, L 1237 ‘ 2 et L 1235 ‘ 1 du code du travail que la prise d’acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur qu’en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

A l’appui de sa demande de prise d’acte aux torts de l’employeur, M. [R] soutient que la société Aéroports de Paris a commis les manquements examinés plus haut, caractérisant des faits qu’il qualifie d’une part d’inégalité de traitement et d’autre part de harcèlement moral et de discrimination.

La cour a dit plus haut que M. [R] était mal fondé dans ses demandes relatives à l’inégalité de traitement et au harcèlement moral et dans ses moyens relatifs à la discrimination et la cour retient par voie de conséquence que M. [R] est mal fondé dans ses demandes de :

– de requalification du départ volontaire à la retraite en prise d’acte de la rupture ;

– d’indemnité pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

M. [R] demande la somme de 22 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ; la société Aéroports de Paris s’oppose à cette demande.

M. [R] fait valoir l’article L. 4121-1 du code du travail, que l’employeur, tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime, sur le lieu de travail, d’agissements de harcèlement moral ou sexuels exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de les faire cesser et qu’en l’espèce :

– « la société ADP refusait, de manière totalement injustifiée et prolongée jusqu’au 2 novembre 2018, l’aménagement préconisé à plusieurs reprises par le médecin du travail depuis le 31 août 2018 (4 jours de télétravail et 1 jour de travail sur place) allant jusqu’à proposer à M. [R] de se mettre en arrêt maladie 2 jours par semaine et de télétravailler 3 jours par semaine’ » (sic)

– « de plus alors qu’il faisait l’objet de véritables actes de harcèlement moral, (l’entreprise) pourtant alertée à plusieurs reprises, n’effectuait pas la moindre enquête et ne mettait en ‘uvre la moindre action pour mettre y mettre fin (Pièces n° 16, 18, 25, 26, 28 à 30, 33 et notamment 33-8, 43, 45, 49 et 52) » (sic).

En défense, la société Aéroports de Paris soutient que :

– M. [R] a bien bénéficié dès lors qu’il a été possible d’aménager ses missions de la période de télétravail identifiée par le médecin du travail et ce jusqu’à son départ de l’entreprise ; dans l’attente que le télétravail puisse se mettre en place et que l’avenant correspondant soit signé, M. [R] a été en arrêt de travail conformément à la demande du médecin du travail ;

– M. [R] a dénoncé un prétendu harcèlement pour la 1ère fois dans un message du 26 février 2019 (pièce salarié n° 16), postérieurement à sa demande de départ en retraite et dans le cadre manifestement du contentieux qu’il initiait ainsi que son avocat par un courrier adressé à la société dès le 28 février 2019 (pièce salarié n° 43).

En application des dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [R] est mal fondé dans sa demande formée sur le fondement d’un manquement à l’obligation de sécurité au motif qu’il ne rapporte pas suffisamment la preuve des manquements qu’il invoque ; en effet la cour a déjà rejeté plus haut le moyen de fait relatif au fait que la société Aéroports de Paris a refusé « de manière totalement injustifiée et prolongée jusqu’au 2 novembre 2018, l’aménagement préconisé à plusieurs reprises par le médecin du travail depuis le 31 août 2018 » ; la cour a aussi déjà rejeté plus haut les moyens relatifs au harcèlement moral et la cour rejette enfin les moyens relatifs au fait que la société Aéroports de Paris « pourtant alertée à plusieurs reprises, n’effectuait pas la moindre enquête et ne mettait en ‘uvre la moindre action pour mettre y mettre fin (Pièces n° 16, 18, 25, 26, 28 à 30, 33 et notamment 33-8, 43, 45, 49 et 52) » (sic). En effet la pièce 16 mentionne le harcèlement moral mais il s’agit d’un courrier électronique du 24 février 2019 qui a précédé le courrier que son conseil a adressé le 28 février 2019 à l’employeur qui lui a répondu par une lettre du 19 mars 20219 (pièce salarié n° 44) : dans ce courrier électronique M. [R] signale, sans que cela ne soit finalement justifié comme la cour l’a retenu plus haut, le refus de l’entreprise de suivre les préconisations du médecin du travail sur le télétravail, la mission sous dimensionnée qui lui a été confiée, les difficultés qu’il rencontre avec des chefs de projet, et aussi le fait que son N+1 considère qu’il n’a pas atteint ses objectifs 2018, ce que M. [R] pouvait discuter avec son N+1 ; la pièce 18 est composée de 119 pages constituées des entretiens annuels d’évaluation de M. [R] depuis 2003 et d’un courrier électronique du 7 mars 2019 de contestation de l’entretien annuel d’évaluation 2019 qu’il refuse de valider ; cependant les commentaires de M. [R] mentionnant le harcèlement moral de « sa hiérarchie » sont datés du 27 février 2019 (pièce salarié n° 18-111) et du 7 mars 2019 (pièce salarié n° 18-115 et 18 -119) ; la pièce 25 et la lettre de mission du 7 novembre 2018 « étude du parc applicatif SI DIGITAL » confiée à M. [R] ; la pièce 26 est le courrier électronique qu’il a adressé le 29 mars 2019 pour indiquer qu’il ne lui est pas possible de terminer la mission « étude du parc applicatif SI DIGITAL » ; la pièce 28 est la fiche médicale d’aptitude du 8 août 2018 ; la pièce 29 est la fiche médicale d’aptitude du 31 août 2018 ; la pièce 30 est la fiche médicale d’aptitude du 29 octobre 2018 ; la pièce 33 est un courrier électronique de M. [R] du 10 août 2018 qui ne mentionne pas du tout la notion de harcèlement moral  pas plus que la pièce 33-8 qui est courrier électronique du 24 octobre 2018 ; la pièce 43 est la lettre de son conseil du 28 février 2019 à laquelle la société Aéroports de Paris a répondu le 19 mars 2019 (pièce salarié n° 44) ; la pièce 45 est aussi une lettre de son conseil du 1er avril 2019 à laquelle la société Aéroports de Paris a répondu le 10 avril 2019 (pièce salarié n° 46) ; la pièce 49 est une lettre de son médecin du 29 mai 2019 évoquant les troubles anxio-dépressifs de M. [R] en 2018 et la pièce 52 est une lettre de [O] [A] dans laquelle est surlignée la passage où le témoin indique qu’il lui a été demandé de ne plus passer par M. [R]. Les dénonciations de harcèlement moral sont donc toutes survenues fin février 2019 et début mars 2019, après que M. [R] a demandé le 20 novembre 2018 et obtenu le bénéfice du dispositif avantageux de départ à la retraite de la société Aéroports de Paris lui ayant permis d’obtenir une majoration de l’indemnité de départ à la retraite comme l’employeur le rappelle dans sa réponse à l’avocat (pièce salarié n° 44-1) alors que M. [R] était en télétravail 4 jours sur 5, après plusieurs mois de télétravail durant 4 jours par semaine de surcroît, qu’il exécutait en distanciel essentiellement une mission d’étude adaptée à son télétravail et que la date de son départ à la retraite était fixée au 31 mars 2019 et cela, dans le contexte manifeste d’un prochain contentieux comme cela ressort des lettres adressées à l’employeur par le conseil de M. [R] ; dans ces conditions, la pluralité des alertes que M. [R] mentionne sans les dater mais qui sont donc du 24 février 2019, du 27 février 2019 et du 7 mars 2019 ne permettait pas à la société Aéroports de Paris d’autres actions que celles entreprises par l’entreprise qui a répondu à tous les courriers du conseil de M. [R], même après son départ à la retraite le 31 mars 2019.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [R] demande la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; la société Aéroports de Paris s’oppose à cette demande.

M. [R] fait valoir :

– qu’il faisait l’objet d’appréciations très positives tout au long de sa carrière notamment lors des entretiens annuels d’évaluation, dépassant largement les objectifs qui lui étaient fixés, qu’il faisait néanmoins l’objet de notations ne correspondant à la qualité de ses prestations, le privant ainsi de toute évolution de carrière et que par ailleurs, il n’était jamais donné suite à ses candidatures internes (pièces salarié n° 17, 18 et 36) ;

– que son responsable considérait subitement qu’il n’avait pas atteint ses objectifs pour l’année 2018 (pièces salarié n° 16, 18-108 à 18-119) ;

– que s’il n’avait pu atteindre lesdits objectifs pour la première fois de sa carrière au sein de la société ADP (soit depuis 17 ans), cela était dû aux manquements graves dont la société faisait preuve à son égard et en premier lieu, à la mise à l’écart du salarié des projets qu’il avait en charge depuis des années, puis à sa mise au placard par l’attribution d’une mission basique et très sous-dimensionnée ne correspondant ni à sa qualification, ni à son expérience professionnelle et dans le cadre de laquelle il rencontrait de surcroît les plus grandes difficultés à collecter auprès des Chefs de projets concernés les informations dont il avait besoin (Pièces n° 15, 16, 18-112 à 18-118, 18-119, 33, 38, 43, 45 et 52).

En défense, la société Aéroports de Paris fait valoir que :

– M. [R] a été évalué toute sa carrière en zone 3 (et à deux reprises seulement en zone4) ; il sera noté qu’il n’a a priori pas signé ses entretiens de 2003 à 2007 alors même qu’il a été évalué comme au-dessus des attentes en 2007 ; en réalité, M. [R] n’a jamais contesté ces évaluations durant cette période ;

– il est normal que dans un entretien avec 11 compétences notées où 7 d’entre elles sont notées niveau 3 et 4 sont notées niveau 4 que la note globale soit au niveau 3 et non 4 (pièce salarié n° 18) ;

En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus que M. [R] n’apporte pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’exécution déloyale de son contrat de travail, alléguée à l’encontre de la société Aéroports de Paris ; en effet c’est vainement que M. [R] soutient qu’il faisait l’objet de notations ne correspondant à la qualité de ses prestations, le privant ainsi de toute évolution de carrière et que par ailleurs, il n’était jamais donné suite à ses candidatures internes dés lors d’une part que M. [R] a été évalué toute sa carrière en zone 3 et à deux reprises seulement en zone 4 comme il l’aurait souhaité pour toutes ses évaluations et cela dans des conditions normales qu’il avait quasi majoritairement dans ses entretiens annuels d’évaluation des compétences notées au niveau 3 et minoritairement notées niveau 4 en sorte que la note globale était légitiment fixée au niveau 3 ; la cour retient d’autre part qu’il est inexact de soutenir qu’il n’était jamais donné suite à ses candidatures internes dés lors que ses quelques candidatures ont toutes été reçues et examinées puis rejetées au profit d’un candidat meilleur que lui pour pourvoir le poste convoité étant précisé, de surcroît, que M. [R] a cessé de postuler de son propre chef à des postes de cadre supérieur à partir de 2015 alors qu’il n’avait qu’une ancienneté de 13 ans à la différence d’autres candidats avec qui il se compare et dont il revendique l’avancement salarial qui ont su persévérer pour devenir cadres supérieurs après 16 et 19 ans d’ancienneté dans l’entreprise.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les autres demandes

La cour condamne M. [R] aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner M. [R] à payer à la société Aéroports de Paris la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant,

Condamne M. [R] à payer à la société Aéroports de Paris la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

Rejette les demandes plus amples et contraires,

Condamne M. [R] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x