Télétravail : 24 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/08000

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Télétravail : 24 mai 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/08000
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24 mai 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
19/08000

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 24 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/08000 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ON2N

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 DECEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SETE N° RG 19/00003

APPELANTE :

Madame [M] [J]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me VILANOVA avocat pour Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Bruno MALVAUD de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES

Ordonnance de clôture du 07 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport et par Monsieur FOURNIE Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

– contradictoire;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [M] [J] a été initialement engagée par la société Banque Courtois à compter du 13 décembre 2011 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de technicienne, niveau E selon les dispositions de la convention collective de la Banque moyennant une rémunération annuelle brute de 27 000 euros.

Son contrat de travail a été transféré à la Société Marseillaise de Crédit à compter de septembre 2012 avec reprise d’ancienneté au 13 décembre 2011.

Du 1er septembre 2017 au 31 août 2018, Madame [M] [J] a exercé son activité professionnelle à temps partiel à 60 % dans le cadre d’un congé parental d’éducation.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 mai 2018, la salariée sollicitait son passage à temps partiel de 80 % jusqu’à la fin du congé parental d’éducation et la poursuite d’un maintien à temps partiel de 80 % postérieurement aux termes du congé parental d’éducation prenant fin au 28 novembre 2018.

À l’occasion d’un entretien professionnel du 8 juin 2018, la salariée indiquait qu’elle était prête à changer de poste à court terme afin d’exercer le cas échéant un emploi non commercial afin de favoriser son maintien à temps partiel de 80 %, et précisant qu’elle recherchait un équilibre entre vie personnelle et professionnelle, et que outre la distance, l’agence de [Localité 7] était une agence où le management pratiqué était nuisible à sa santé.

Contestant le grief relatif au management de l’agence de [Localité 7], l’employeur par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 19 juillet 2018 indiquait à la salariée qu’il lui laissait l’entière responsabilité de ses allégations et qu’il lui appartenait néanmoins le cas échéant d’y donner la suite qu’elle jugerait nécessaire.

Par courrier du 27 juin 2018 l’employeur confirmait son accord sur une demande de temps partiel à 80 % à compter du 1er septembre 2018 jusqu’au 28 novembre 2018, terme du congé parental, date à laquelle elle serait rétablie sur un poste à temps complet.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 6 juillet 2018 la salariée réitérait une demande de travail à temps partiel à 80 % en raison de ses contraintes familiales.

Le 20 juillet 2018, l’employeur, en considération du refus par la salariée d’occuper un poste de conseiller clientèle sur l’agence de [Localité 6] maintenait sa décision de retour à temps complet à compter du 28 novembre 2018 tout en l’accompagnant d’une augmentation de la rémunération annuelle brute contractuelle de 1500 € et lui adressait à cette fin un avenant à son contrat de travail le 8 août 2018 que la salariée refusait de signer.

Madame [M] [J] a été placée en arrêt de travail à compter du 22 septembre 2018.

Le 26 décembre 2018, Madame [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail et de condamnation de l’employeur à lui payer différentes indemnités pour rupture abusive de la relation de travail ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral subi en raison d’un refus injustifié de faire droit à sa demande de travail à temps partiel et d’un harcèlement moral.

À l’occasion de la visite de reprise du 9 juillet 2019, le médecin du travail déclarait la salariée inapte à son poste en précisant que l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Le 20 août 2019, la Société Marseillaise de Crédit notifiait à la salariée son licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 2 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Sète a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes.

Madame [J] a relevé appel de la décision du conseil de prud’hommes le 12 décembre 2019.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 1er mars 2023, Madame [J] conclut à l’infirmation du jugement attaqué, et faisant valoir d’une part que le refus par l’employeur de lui accorder un temps partiel à 80 % n’était pas motivé, d’autre part qu’elle avait été victime de harcèlement moral, elle sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ainsi que sa condamnation à lui payer avec intérêts au taux légal et anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, les sommes suivantes :

’70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résiliation judiciaire du contrat de travail,

‘7872,29 euros à titre d’indemnité licenciement

‘2699,07 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

‘4498,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

’24 741,53 euros à titre d’indemnité pour licenciement injustifié,

’15 000 euros en réparation du préjudice moral subi,

‘4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite également la condamnation l’employeur à lui remettre ses documents sociaux de fin de contrat conformes à la décision à intervenir.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 3 mars 2023, la Société Marseillaise de Crédit conclut à la confirmation du jugement entrepris, au débouté de la salariée de l’ensemble de ses demandes ainsi qu’à sa condamnation à lui payer une somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l’article 455 code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 mars 2023.

SUR QUOI

> Sur le refus par l’employeur de faire droit à la demande de travail à temps partiel formée par la salariée

L’article L3123-3 du code du travail dispose: « Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d’une durée au moins égale à celle mentionnée au premier alinéa de l’article L3123-7 ou un emploi à temps complet et les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent ou, si une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu le prévoit, d’un emploi présentant des caractéristiques différentes.

L’employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants».

L’article D 3123-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose ensuite qu’à défaut d’accord prévu au troisième alinéa de l’article L. 3123-26, la demande du salarié de bénéficier d’un horaire à  temps partiel  est adressée à l’employeur par lettre recommandée avec avis de réception.

La demande précise la durée du travail souhaitée ainsi que la date envisagée pour la mise en ‘uvre du nouvel horaire.

Elle est adressée six mois au moins avant cette date.

L’employeur répond à la demande du salarié par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de trois mois à compter de la réception de celle-ci.

>

En l’espèce, la salariée faisant état de difficultés d’organisation de sa vie familiale a sollicité pour la première fois le 28 mai 2018, dans les conditions prévues à l’article D 3123-3 du code du travail, le bénéfice d’une activité à temps partiel de 80 % postérieurement au terme de son congé parental d’éducation prenant fin le 28 novembre 2018. Elle expose que si l’employeur lui proposait une mutation à [Localité 6], au demeurant sans prise en compte du temps partiel demandé, il s’agissait d’une rétrogradation qui ne pouvait être acceptée par elle, et qu’en définitive l’employeur n’a jamais motivé sa décision de refus de temps partiel pendant trois mois.

L’employeur qui conteste le grief expose qu’il a reçu la salariée les 8 juin et 13 juillet 2018 et que son refus n’avait rien de personnel puisqu’il répondait à la politique d’entreprise définie pour les temps partiels comme la directrice des ressources humaines l’expliquait à l’occasion de la réunion du comité d’entreprise du 18 octobre 2018 dans les termes suivants : « les contraintes des fonds de commerce dans les agences nécessitent d’avoir des collaborateurs à temps plein. Aujourd’hui on a une banque qui va bien et s’il y a une personne à temps partiel dans une agence ou ailleurs c’est une autre qui va compenser ».

Au soutien de son affirmation, l’employeur indique que seuls vingt et un salariés, qui comme madame [J] sont en relation directe avec la clientèle « Premium », sont employés à temps partiel sur les 150 agences, que pour quinze d’entre eux, ils le sont car ils bénéficient d’un congé parental en cours d’exécution, que deux autres le sont respectivement depuis 2010 et 2011, soit avant la reprise par la Société Marseillaise de Crédit de la Banque Courtois en octobre 2012 ayant entraîné l’application de l’article L1224-1 et l’obligation de reprise à l’identique des dispositions contractuelles antérieures, et que les trois derniers respectivement âgés de soixante ans, cinquante-huit ans et cinquante-cinq ans le sont depuis une période comprise entre 1997 et 1999, et là encore antérieurement à la reprise par la Société Marseillaise de Crédit de la Banque Courtois.

>

Ni le courrier de réponse de l’employeur du 27 juin 2018 se limitant à notifier à madame [J] qu’elle serait rétablie dans le régime de travail à temps complet à compter du 28 novembre 2018, ni le courrier du 20 juillet 2018 lui proposant une affectation à l’agence de [Localité 6] accompagnée d’une augmentation de salaire et d’un accompagnement à la mobilité géographique ou à défaut son affectation au poste de conseiller de clientèle privée à [Localité 7] avec retour à temps complet à compter du 28 novembre 2018, ne contiennent dans les deux cas de motivation sur le refus du maintien à temps partiel au delà du terme du congé parental d’éducation. Le courriel du 8 août 2018 adressé par l’employeur à la salariée lui confirmant sa décision n’explique pas davantage les raisons du refus de passage à temps partiel. Le compte rendu d’entretien du 13 juillet 2018 non signé ou le courrier que l’employeur adressait à la salariée le 17 août 2018 n’apportent pas plus d’éléments à cet égard.

Dans un courrier du 17 août 2018 en réponse à la protection juridique du syndicat national de la banque et du crédit, l’avocat de l’employeur répond à cet organisme que la décision de refus de passage à temps partiel est liée à l’emploi de conseiller en clientèle privée occupé par la salariée et il affirme qu’il nécessite une disponibilité auprès de la clientèle les cinq jours d’ouverture de l’agence, du mardi au samedi, ce qui n’est pas compatible sur le long terme avec le temps partiel demandé dans un contexte concurrentiel exacerbé doublé d’un niveau d’exigence de plus en plus élevé de la part des clients sur la disponibilité de leurs conseillers et qu’il s’agit donc d’une décision uniquement liée au bon fonctionnement de la Société Marseillaise de Crédit.

Si l’employeur a ainsi produit a posteriori un tableau statistique établi dans le cadre de ses écritures sur les catégories de personnel bénéficiaires d’un temps partiel et les dates auxquelles elles en ont bénéficié, pour justifier sa nouvelle politique d’entreprise sur le temps partiel limitant le bénéfice de celui-ci aux dispositions légales lui faisant obligation de l’accorder, il verse également aux débats l’accord sur l’égalité professionnelle des hommes et des femmes dans l’entreprise signé par la direction et les organisations syndicales représentatives de la société marseillaise de crédit lequel prévoit en son article 7.3 relatif au temps partiel : « le temps partiel est une formule de temps de travail offerte au salarié. Il s’agit d’un temps choisi et accepté par le salarié et ceci dans la recherche d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ainsi dans les conditions prévues par les textes, les salariés qui le désirent pourront à leur retour de congé maternité, choisir de travailler à temps partiel, dans le cadre d’un congé parental d’éducation. De même qu’il convient de vérifier que le temps partiel est organisé de manière compatible avec le bon fonctionnement de l’entreprise, il convient de veiller à ce que les salariés qui l’ont choisi ne soient pas défavorisés en termes de carrière ou de rémunération».

L’employeur, même s’il a répondu à la protection juridique du syndicat national de la banque et du crédit après que celle-ci l’ait interpellée sur la situation de Madame [J], ne justifie en définitive par aucun élément avoir répondu au courrier recommandé avec demande d’avis de réception que lui adressait la salariée dans le délai de trois mois à compter de la réception de la demande de passage à temps partiel choisi formée par celle-ci alors que les dispositions légales et réglementaires applicables lui en faisaient l’obligation. Ensuite, et nonobstant le seul droit de priorité prévu à l’article L3123-3 du code du travail, et alors que le bénéfice du travail à temps partiel choisi était une possibilité offerte par l’accord sur l’égalité professionnelle des hommes et des femmes dans l’entreprise à l’ensemble des « salariés », si bien qu’il ne pouvait être réduit au seul cadre du congé parental d’éducation consécutif à un congé de maternité, l’employeur s’est limité à une affirmation de principe sur la nécessité d’une disponibilité auprès de la clientèle les cinq jours d’ouverture de l’agence sans justifier par des éléments objectifs, qu’il lui appartenait de faire connaître à la salariée dans les conditions prévues à l’article D 3123-3, du caractère préjudiciable du temps partiel choisi demandé par madame [J] avec la bonne marche de l’entreprise.

Le grief est par conséquent établi. La cour constate par ailleurs qu’aucune prétention spécifique n’est formée par la salariée à ce titre.

> Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, madame [J] invoque les faits suivants :

– À la suite de la fusion absorption entre les organismes bancaires elle a été affectée à l’agence de [Localité 7]. À l’origine, compte tenu de l’éloignement de sa résidence située à [Localité 3] elle bénéficiait d’une dérogation de dix minutes sur l’heure d’arrivée à l’agence. En 2014, à la suite d’un changement à la tête de l’agence, ses horaires d’arrivée au travail ont été remis en cause par la nouvelle directrice. Les relations sont alors devenues difficiles et tendues, les pouvoirs de délégation donnés aux collaborateurs par directive du siège ont été soumis à un nouveau contrôle de la directrice d’agence qui a imposé des règles supplémentaires.

-Alors qu’elle connaissait une grossesse pathologique, elle était néanmoins convoquée au siège à [Localité 2] pendant un arrêt de travail et une période d’alitement.

-Le retour de congé de maternité est rendu difficile par le fait qu’elle ne puisse connaître dans un délai raisonnable ses horaires de travail afin que ceux-ci soient compatibles avec ses contraintes familiales. Elle a repris son activité à temps partiel de 60 % au mois de septembre 2017 mais les relations ne se sont pas apaisées car elle n’arrivait pas réintégrer réellement son poste.

-Elle a alors été placée dans un bureau en demi sous-sol dans l’escalier qui conduit aux toilettes et à la salle des coffres, sans climatisation, avec la présence bruyante d’un automate bancaire à moins d’un mètre cinquante de sa chaise alors que les autres conseillers clientèle bénéficiaient d’un confort totalement différent (climatisation, volume de rangement adaptés’)

-Alors qu’elle officiait à 60 % et que le portefeuille clients est composé de 800 clients, elle n’en disposait que d’environ 200, si bien qu’elle n’était pas en mesure de réaliser les objectifs correspondant à un temps partiel à 60 %.

– Les relations avec la directrice d’agence ont continué à se dégrader nécessitant l’intervention du directeur du groupe, la hiérarchie ne s’intéressant pas aux problèmes relationnels tant que les chiffres de l’agence suivaient.

– Elle s’est vue opposer un refus implicite à sa demande de temps partiel à 80 % alors qu’il en était accordé à nombre de mères dont les enfants avaient plus de trois ans.

-L’employeur n’a pas cherché de solution à ses problèmes d’organisation de vie familiale pas plus qu’il n’a agi dans le cadre des pressions morales qu’elle avait supportées avant son départ en congé maternité puis à son retour.

– Depuis 2016 elle n’a bénéficié d’aucune augmentation liée à la réussite de ses objectifs si cela lui avait été notifié verbalement à plusieurs reprises et elle a été uniquement augmentée de 500 euros annuels en août 2017 au titre de la loi sur l’égalité professionnelle hommes-femmes et de 240 euros en 2018 dans le cadre d’une augmentation négociée collectivement.

-Le management de la directrice d’agence était directif et autoritaire, celle-ci multipliant les directives par mail, n’ayant pas de reconnaissance envers les salariés et faisant régner la peur.

-Le directeur de groupe s’était rendu à l’agence pour parler d’activités et de chiffre avec chacun des commerciaux mais lorsqu’il lui avait demandé comment elle allait au cours de l’entretien elle avait craqué en lui disant « est-ce nécessaire d’en parler ‘ » Et quelque temps après elle avait reçu un courriel de la DRH lui indiquant qu’elle avait manqué de respect à son directeur de groupe.

-Ces pressions ont engendré d’importants problèmes de santé et elle a dû s’arrêter précipitamment le 15 septembre 2018. C’est ainsi qu’elle s’est rapprochée de la médecine du travail qui constatait la dégradation de son état de santé jusqu’à sa déclaration d’inaptitude, l’employeur déposant une plainte contre le médecin du travail.

-Parallèlement son psychiatre traitant constatait l’existence d’un syndrome anxio-dépressif d’intensité majeure associé à quelques éléments traumatiques avec un sentiment de dévalorisation et de mépris envers sa personne par l’employeur.

Pour étayer ses affirmations, madame [J] produit notamment:

– un courriel du 5 juillet 2018 adressé par Madame [K] du service de la direction des ressources humaines à Monsieur [P] appartenant au même service relatant la teneur d’un entretien avec la la salariée, laquelle avait demandé un maintien à 80 % au-delà du terme du congé parental d’éducation. Elle indiquait envisager éventuellement une mutation sur un axe [Localité 3]-[Localité 4] dans une ville où elle pourrait avoir une école à proximité de son domicile et ajoutait qu’elle était prête à une mobilité fonctionnelle pour conserver un 80 %. Aux termes du même courriel elle faisait état du fait que la salariée lui avait indiqué qu’avant son congé de maternité elle avait été interpellée par la directrice d’agence au cours de sa pause déjeuner, celle-ci souhaitant connaître l’identité de la personne à l’accueil ayant eu un différend avec un client, ce qu’elle avait alors refusé de lui dire car ce n’était pas un lieu propice à la confidentialité des échanges et que sa directrice d’agence lui avait répliqué « je vais me fâcher toute rouge ». Elle indiquait ensuite que la salariée faisait également grief à la directrice d’agence de l’absence de souplesse sur son heure d’arrivée à l’agence et qu’enfin un jour tandis qu’elle aidait la comptable à traiter les chèques, sa directrice d’agence les lui avait arrachés des mains en déclarant « ce n’est pas ton travail ».

– les attestations de Monsieur [S] [G], conseiller en gestion de patrimoine à l’agence de [Localité 7] , lequel indique le 1er décembre 2018 : « j’ai constaté que Madame [M] [J] disposait d’un petit bureau un bureau en demi sous-sol, dans l’escalier qui conduit aux toilettes et à la salle des coffres, sans climatisation et avec la présence bruyante d’un automate bancaire à moins d’un mètre cinquante de la chaise de Madame [M] [J]». Aux termes de la même attestation, monsieur [G] indique qu’en septembre 2018 à l’occasion de sa prise de fonction en qualité de conseillère privée deux clients importants ont été soustraits du portefeuille de Madame [J]. Par une attestation distincte du 7 janvier 2020 il complétait son descriptif du bureau en ajoutant que celui-ci situé un entresol disposait de deux vasistas donnant sur le trottoir et que la description qu’il avait faite antérieurement était totalement conforme à ce qu’il avait constaté. Le document étant accompagné d’un dossier photo des vasistas.

– une attestation de Madame [L] [V], déléguée syndicale centrale du syndicat national de la banque, CFC, CGC laquelle indique être intervenue à deux reprises auprès des DRH pour la mise en place d’un temps partiel et s’être heurtée à l’unique réponse selon laquelle une absence d’une journée par semaine constituait une surcharge pour les autres salariés. Aux termes de la même attestation elle indique avoir constaté un mauvais climat au sein de l’agence, Monsieur [E] [Z] lui ayant notamment indiqué à l’occasion de son retour de maladie qu’il n’en pouvait plus de la pression mise par la directrice d’agence et qu’il s’était arrêté car il était épuisé, qu’une autre salariée prénommée [N] lui avait également indiqué le 11 juillet 2018 qu’elle n’était pas bien car le management de la directrice était difficile. Elle ajoute que la directrice d’agence avait retiré à [M] [J] la délégation sur la mise en place des dossiers de crédit selon des critères qui lui étaient personnels.

-Les attestations de Madame [N] [Y], retraitée de la société marseillaise de crédit depuis le 1er juillet 201, laquelle indique le 8 juillet 2019 que les conditions de travail s’étaient dégradées avec l’arrivée de la nouvelle directrice qui souhaitait tout contrôler et demandait des justifications permanentes, exigeant que les clients qui souhaitaient un contrat de prêt souscrivent obligatoirement une assurance et une prévoyance. Elle ajoute qu’elle imposait des réunions dépassant l’horaire et écourtant les pauses repas. Elle précisait avoir entendu à plusieurs reprise la directrice faire des reproches à [M] [J] allant jusqu’à la faire pleurer tandis que trois autres collègues avaient demandé leur mutation et qu’un autre avait craqué en mai 2018 et qu’il s’était vu opposer une fin de non-recevoir lorsqu’il avait demandé un rendez-vous au directeur de la succursale. Aux termes d’une attestation ultérieure du 19 août 2020, Madame [Y] ajoute que postérieurement à l’arrêt de travail de Monsieur [E] [Z] suite aux difficultés rencontrées avec la directrice, la DRH avaient interrogé l’ensemble de l’équipe sur les problèmes liés au management et lorsqu’elle lui avait demandé pourquoi cela n’apparaissait pas dans les entretiens annuels d’évaluation, elle lui avait répondu que c’était simplement parce que ces entretiens étaient réalisés par la directrice d’agence elle-même.

-Un compte rendu de visite de madame [Y] devant le médecin du travail le 20 décembre 2018 à l’occasion duquel elle relatait des relations compliquées avec sa directrice d’agence.

– Un courriel du 20 mars 2015 adressé par la directrice d’agence à Madame [J] ainsi libellé: « [M], je prends bonne note que tu as refusé de monter deux dossiers meilleur taux que je t’ai proposés cette semaine. Je te rappelle que la conquête est l’axe majeur du développement de ton fonds de commerce : la prescription immobilière en est un moyen. L’instruction des dossiers immobiliers que je te confie dois être la priorité dans la gestion de ton activité commerciale. »

-La réponse adressée par Madame [J] à sa directrice d’agence le 25 mars 2015 ainsi libellée: « je n’ai jamais refusé d’étudier des dossiers de prêt et je connais bien l’importance de ce traitement. Je vous avais juste demandé compte tenu de mon retour de congés de presque deux semaines un délai pour purger l’urgence et les documents sur mon bureau. J’ai même étudié des dossiers qui ont finalement (par vous ou d’autres) été affectés à d’autres conseillers. J’aurais aimé que vous me disiez de vive voix que vous n’acceptiez pas ce délai’ »

-un courriel adressé par la directrice d’agence à Madame [J] le 30 mai 2015 à 11h43 en lui demandant de lui faire un topo succinct sur monsieur et madame [H] pour le mardi douze heures au plus tard.

-Un courriel adressé par la directrice d’agence à Madame [J] le 4 novembre 2017 indiquant que la réunion commerciale du 7 novembre sera remplacée par un point sur l’activité le 8 novembre à douze heures.

-La réponse que la salariée adressait à sa directrice d’agence le 26 mai 2018 pour lui indiquer qu’elle ne pourrait pas rester pour une réunion commerciale au-delà de ses horaires de travail en précisant qu’elle devait récupérer sa fille à la crèche.

-Les documents d’évaluation de la salariée des 16 janvier et 4 décembre 2013 avec l’ancien directeur d’agence faisant état de ses qualités professionnelles, de connaissances techniques abouties, de la pugnacité qu’elle affiche quotidiennement et de la qualité de son travail

-Les documents d’évaluation de la salariée avec la nouvelle directrice d’agence, laquelle note le 4 décembre 2014 qu’elle a contribué efficacement à la progression notable de la note de satisfaction de l’agence mais conclut également « après une année 2013 compliquée, des améliorations sont notables sur 2014 doivent présager d’une année 2015 pleinement réussie ».

-Les documents d’évaluation portant sur l’année 2017 aux termes desquelles la salariée fait état d’une articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale inadaptée. Le compte rendu relève la réalisation de nombreux objectifs et parfois leurs dépassement mais également un non-respect des objectifs commerciaux proratisés et une rythmique de rendez-vous non conforme aux normes ce que la salariée contestait compte tenu de son faible temps d’activité, celle-ci réclamant un entretien RH et faisant état d’un intérêt manifeste pour du télétravail.

-La reconnaissance par la caisse primaire d’assurance-maladie le 17 janvier 2019 que son arrêt de travail du 15 septembre 2018 avait été reconnu en rapport avec une affection de longue durée nécessitant des soins continus ou une interruption de travail supérieure à six mois par le médecin conseil.

-Les comptes-rendus de rendez-vous auprès de la médecine du travail faisant état à compter de septembre 2017 d’une reprise difficile.

-Un certificat médical du docteur [X] [F] qui indique le 9 juillet 2018 que Madame [J] lui fait état d’une manière régulière d’une situation très conflictuelle et douloureuse à son travail depuis mars 2014 entraînant un état anxieux de fond avec crises aiguës d’angoisse.

-Un certificat médical d’arrêt travail du 15 septembre 2018 accompagné d’une prescription de Xanax ainsi que les certificats médicaux de prolongation d’arrêt travail.

-un certificat établi par le médecin du travail le 9 octobre 2018 aux termes duquel le praticien mentionne : « elle est actuellement en arrêt de travail, suite à des problèmes relationnels avec la directrice d’agence, avec burnout. Aujourd’hui l’état de santé de madame [J] est préoccupant. Je pense qu’un arrêt de travail jusqu’en fin d’année permettrait d’espérer une amélioration de son état psychique. Je lui ai conseillé de prendre rendez-vous avec un psychiatre’ »

-un courrier du 5 mars 2019 par lequel le médecin du travail précise que si dans son courrier du 9 octobre 2018 il indiquait des problèmes relationnels avec la directrice d’agence, il rapportait ce qu’elle lui avait relaté.

-un certificat établi par le médecin du travail le 13 décembre 2018 aux termes duquel le praticien mentionne « son état de santé est toujours instable. Elle travaille à la marseillaise de crédit. Un changement d’agence permettrait d’améliorer son état de santé. Je vais donc appeler la DRH de [Localité 2] pour essayer de trouver une solution. Je lui ai également conseillé de contacter l’inspection du travail’ »

-un certificat établi par le médecin du travail le 14 mars 2019 lequel préconise au médecin traitant une prolongation de l’arrêt de travail dans l’attente de l’efficacité du traitement psychiatrique.

-Une attestation établie par le Docteur [F] le 25 mars 2019 lequel « certifie que celle-ci me fait part depuis mars 2014 d’une manière régulière d’une situation conflictuelle et vécue comme très douloureuse pour elle à son travail, entraînant un état anxieux de fond avec crises aiguës d’angoisse, insomnies et somatisations dermatologiques récurrentes. Cet état peut être mis directement en rapport avec son vécu professionnel tel que rapporté »

-les différents courriers que la salariée adressait à l’employeur pour lui faire état de ses difficultés de garde d’enfant depuis 2016 et les propositions de prolongation de congés sans solde pour trouver une solution ainsi que les échanges de courriels ultérieurs demandant un temps partiel, outre un courrier du 10 août 2017 aux termes duquel elle se plaint de la remise en cause des accords antérieurs sur ses horaires.

-Un courrier du Docteur [W], psychiatre, aux termes duquel le praticien indique à propos de Madame [J] le 20 mai 2019 « est suivie en consultation spécialisée depuis quelques semaines : des séances rapprochées de psychothérapie de soutien et une guidance thérapeutique suite à un syndrome anxio-dépressif d’intensité majeure associé à quelques éléments traumatiques compliqués par des antécédents physiques et psychiques étiquetés (asthénie, difficultés de mémorisation, perte d’intérêt et trouble du sommeil). La patiente éprouve de véritables difficultés sur le plan relationnel, affectif et social. Un sentiment de dévalorisation et du mépris envers sa personne par l’employeur. Cependant elle est dans l’impossibilité totale à exercer une activité professionnelle dans cette entreprise. Elle risque une aggravation des symptômes voire une décompensation réactionnelle. Cette affection est de longue durée. »

-La réponse du médecin du travail au Docteur [W] le 6 juin 2019 : « je pense que comme vous le mentionnez dans votre attestation, l’inaptitude à son poste de travail serait justifiée’ »

>

Madame [J] justifie avoir fait état à l’employeur au cours des trois années précédant l’inaptitude de difficultés d’organisation entre vie personnelle et professionnelle accentuées par un manque de souplesse sur l’organisation quotidienne du travail depuis 2014 qui la conduisaient à demander prioritairement un passage à temps partiel et subsidiairement une autre affectation passant le cas échéant par la mise en place du travail à distance se soldant par un refus non motivé de son passage à temps partiel. Elle justifie également avoir dénoncé à l’employeur deux situations précisément identifiables faisant état de réactions inappropriées et agressives de sa directrice d’agence. Elle produit encore des éléments faisant état de son positionnement dans un local professionnel exigu dépourvu de tout confort et ne pouvant être assimilé à un bureau lorsqu’elle reprenait le travail au terme de son congé de maternité. Elle présente par ailleurs les attestations de plusieurs salariés se plaignant d’un management inadéquat de leur nouvelle directrice d’agence et d’une absence de réaction de la hiérarchie. Elle justifie en outre de certificats médicaux précis et circonstanciés mettant en exergue de manière convergente le vécu douloureux relaté sur le lieu de travail et le lien direct entre ce vécu, tel que rapporté, et l’état anxieux de fond constaté, ayant débouché sur une pathologie de longue durée et un arrêt de travail ininterrompu jusqu’à la déclaration d’inaptitude. Madame [J] établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

En défense, la Société Marseillaise de Crédit fait valoir :

– Que l’affirmation selon laquelle la directrice d’agence aurait décidé de mettre en place une politique très stricte basée sur une absence de valorisation du travail des collaborateurs est fausse.

– Que l’affirmation selon laquelle les pouvoirs de délégation donnés aux différents collaborateurs par directive du siège seraient soumis à un niveau de contrôle de la directrice d’agence qui imposerait de règles supplémentaires est fantaisiste.

– Que Madame [J] avait été informée dès le 11 juillet 2017 de ses horaires de travail pour sa reprise d’activité à temps partiel à compter du 1er septembre 2017 dans le cadre de son congé parental d’éducation.

– Que le bureau dans lequel a été positionnée Madame [J] sur la période de septembre 2017 à août 2018 a été régulièrement utilisé par d’autres collaborateurs qui ne s’en sont jamais plaints.

– Que dans le cadre de son entretien d’évaluation du 21 décembre 2017 la salariée n’a jamais fait état de conditions de travail indécentes, que l’affectation de Madame [J] dans ce bureau n’a été que temporaire de septembre 2017 à août 2018 et qu’elle a ensuite retrouvé un autre bureau en même temps qu’elle a augmenté son temps de travail et donc de présence dans l’agence.

– Que son portefeuille clients était adapté aux difficultés rencontrées lors de sa reprise et que le volume de clients à traiter a pu évoluer par la suite en 2018 comme elle le demandait, alors qu’au demeurant les portefeuilles clients de deux conseillers privés de l’agence étaient respectivement composés de 452 et 509 clients, ce qui était bien inférieur aux 800 clients allégués.

– Qu’elle a bénéficié d’une augmentation de son salaire de plus 1,754 % en septembre 2017 et de plus 5,13 % au 1er septembre 2018.

-Que s’il n’a pas été fait droit à la demande de temps partiel de Madame [J] au terme de son congé parental d’éducation, la politique de la société en la matière reposait sur des éléments objectifs puisqu’elle n’accordait plus de temps partiel hormis ceux imposés en application de l’article L1224-1 du code du travail, des congés parentaux en cours d’exécution ou d’assistance à personnes handicapées ou dépendantes.

-Que Madame [J] ne fait référence à aucun fait précis, daté et circonstancié sur les pressions, chantage et harcèlement dénoncés.

-Que les documents transmis par Monsieur [G] pour tenter de discréditer l’agence sont pour certains postérieurs au départ de Madame [J].

-Que Monsieur [A], directeur de groupe n’a pas été témoin de la situation décrite par Madame [V] selon laquelle madame [J] pleurait souvent, ce qui quand bien même cela aurait été le cas ne démontrerait rien puisque cela pourrait très bien être lié à sa vie privée ou familiale.

-Que les extraits de comptes-rendus individuels d’évaluation de Monsieur [T] en 2017 et 2018, de Monsieur [I] en 2018, de Monsieur [R] en 2017 font état de leur satisfaction et du soutien apporté par la directrice d’agence

-Que la seconde attestation de Madame [Y] ne répond pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, et qu’outre l’imprécision sur les départs de salariés de l’agence, la mobilité professionnelle et donc géographique fait partie intégrante de la politique des ressources humaines de la Société Marseillaise de Crédit.

-Que les constatations médicales produites aux débats par madame [J] établis à partir des seules déclarations de la salariée sont inopérantes et que le médecin du travail qui n’a à aucun moment été témoin de la situation dans l’entreprise ne pouvait établir de lien entre l’état de santé de la salariée et son activité professionnelle.

A l’appui de ses moyens, la Société Marseillaise de Crédit produit :

– un courrier qu’elle adressait à la salariée le 11 juillet 2017 afin de lui faire connaître les horaires et la répartition de son temps de travail sur les jours de la semaine à compter de sa reprise à temps partiel de 60 % à compter du 1er septembre suivant.

– Les comptes rendus d’entretien individuel d’évaluation de la salariée en septembre 2017 et en août 2018 aux termes desquels elle se déclare satisfaite des conditions matérielles.

– Une photographie du bureau de Madame [J] pour la période de septembre 2017 à août 2018 accompagné d’une autre photographie de bureau.

– Un plan de l’agence de [Localité 7].

-Deux courriels successifs du 9 novembre 2017 entre Monsieur [A] et la directrice d’agence de [Localité 7] aux termes duquel celle-ci indique à Monsieur [A] qu’elle devrait normalement être affectataire d’environ 300 clients contre 158 à ce jour mais que dans la mesure où elle semble avoir des difficultés à gérer son portefeuille actuel compte tenu de sa présence à l’agence seulement le matin, elle était réservée sur l’affectation de clients supplémentaires, ceci pouvant être à court terme pénalisant pour la réalisation des objectifs de l’agence et source d’insatisfaction clients, puis un second courriel aux termes duquel elle suggère à Monsieur [A] d’affecter un portefeuille de 250 clients à Madame [J] afin de lui donner la matière nécessaire à la réalisation de ses objectifs.

-La réponse du même jour de Monsieur [A] faisant état de son accord sur cette suggestion et lui demandant de tenir la RH informée.

-Le compte-rendu de réunion plénière du comité d’entreprise du 18 octobre 2018 par lequel l’employeur fait état de contraintes des fonds de commerce dans les agences nécessitant d’avoir des collaborateurs à temps plein.

-Un état des conseillers clientèle en charge d’un portefeuille comprenant des clients « premium » ou « professionnels » à temps partiel, du motif correspondant et de la date de passage à temps partiel.

-Les fiches de poste conseillers clientèle et conseillers en gestion de patrimoine.

-Une consultation du CSE du 17 janvier 2019 sur une modification des horaires de l’agence de [Localité 7] au premier trimestre 2019.

-Un courriel du 14 septembre 2018 par lequel Monsieur [A] indique qu’après avoir fait un point avec Madame [J] sur les nouveautés de l’été il lui avait posé la question « comment ça va ‘ », ce à quoi elle lui avait répondu « je pense qu’on a rien à se dire » en suite de quoi il avait quitté le bureau et n’y était plus retourné.

-Un courriel du 27 septembre 2018 faisant état d’une erreur d’affectation de clients sur le compte de Madame [J].

-L’historique de carrière de Monsieur [R] ainsi que les documents d’évaluation 2016 de celui-ci, les documents d’évaluation de Madame [Y] en 2014, 2015 et 2016.

-Le protocole de conciliation entre la société marseillaise de crédit et le médecin du travail établi par le conseil de l’ordre le 5 mars 2019 aux termes duquel le médecin du travail indique avoir fait état des problèmes relationnels relatés par la salariée.

-L’avis d’inaptitude de Madame [J] à l’issue de la première visite de reprise aux termes de laquelle le médecin du travail indique : « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

>

Si la Société Marseillaise de Crédit justifie avoir fait connaître à la salariée plus de quarante-cinq jours avant sa reprise à temps partiel de 60 % au 1er septembre 2017, les horaires et la répartition de son temps de travail sur les jours de la semaine, elle échoue cependant à démontrer que la salariée ait disposé à compter de cette date de conditions matérielles équivalentes à celle des autres salariés de l’agence dès lors qu’il ressort de la juxtaposition des documents produits par les parties que de septembre 2017 à août 2018, soit pendant près d’une année, elle occupait le local DAB situé en entresol en contrebas d’un escalier, jouxté par deux locaux techniques et éclairé par deux soupirails. Ensuite, l’attestation de Madame [Y], si elle ne respecte pas les formes de l’article 202 du code de procédure civile, a été régulièrement soumise à la contradiction des parties et fournit un éclairage sur les raisons de l’absence de plainte des salariés sur leurs conditions matérielles dans leur document d’évaluation alors que dans le même temps il ressort des documents produits par l’employeur, une attente de celui-ci à l’égard des salariés en termes de ce qu’il qualifie « d’état d’esprit » notamment à l’égard de madame [J]. Il ressort encore des pièces produites par la Société Marseillaise de Crédit que c’est seulement le 9 novembre 2017 que ses supérieurs hiérarchiques se sont enquis du faible nombre de clients affecté à madame [J], soit 158 au lieu des 300 correspondant au prorata de son temps partiel, et que dans le même temps, le document d’évaluation portant sur l’année 2017 fait état d’un non-respect des objectifs commerciaux proratisés et calculés à partir de l’affectation de 300 dossiers. Par ailleurs, si l’employeur a proposé un poste à temps complet à la salariée à [Localité 6], il ne produit pas d’éléments permettant d’établir qu’il ait pris en compte les inquiétudes exprimées de manière récurrente par celle-ci sur la prise en charge de son enfant, et que postérieurement à l’entretien écourté entre la salariée et le responsable de secteur le 14 septembre 2018, il ait eu une attitude proactive en dépit de sa connaissance de l’existence d’une situation proche de la rupture. En effet, s’il justifie d’une consultation du CSE sur la mise en place de nouveaux horaires au sein de l’agence de [Localité 7], celle-ci n’est intervenue que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes par la salariée et alors que la salariée était déjà en arrêt de travail depuis quatre mois. A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient par conséquent que la Société Marseillaise de Crédit échoue à démontrer que les faits matériellement établis par madame [J] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est donc établi.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, compte tenu du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu’il a eu pour madame [J], que l’indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 10 000 euros.

Il ressort des documents médicaux produits aux débats que le harcèlement subi a entraîné un état anxieux de fond et une pathologie de longue durée qui s’est traduite par un arrêt de travail ininterrompu depuis le 15 septembre 2018 jusqu’à la déclaration d’inaptitude, les manquements de l’employeur étaient par conséquent suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, et il convient, infirmant en cela le jugement entrepris de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul à la date de la notification de son licenciement.

Si la salariée prétend que son ancienneté remonterait au 2 janvier 2006, elle ne produit cependant aucun élément permettant d’en justifier alors qu’elle ne verse aux débats que le contrat de travail initial avec la Banque Courtois à effet du 13 décembre 2011 et qu’aucun élément produit aux débats ne permet de laisser supposer qu’elle pourrait bénéficier d’une reprise d’ancienneté antérieure à son recrutement par cette banque.

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée avait une ancienneté de sept ans et huit mois révolus dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Elle justifie d’un salaire mensuel brut des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail d’un montant de 1891,70 euros. Toutefois, elle ne produit aucun élément sur sa situation postérieure la rupture du contrat de travail. Compte tenu du préjudice subi en raison de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, la cour dispose par conséquent d’éléments suffisants pour fixer à 20 000 euros le montant de l’indemnité revenant à la salariée sur ce fondement.

Alors que, comme il a été vu précédemment, la salariée ne justifie par aucun élément de l’ancienneté de treize ans qu’elle revendique, qu’elle a déjà perçu une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 7146,92 euros, elle ne peut valablement prétendre au complément d’indemnité de licenciement qu’elle revendique.

La rupture injustifiée de l’emploi du fait de l’employeur ouvre droit pour la salariée au bénéfice d’une indemnité de préavis. Toutefois, dans la mesure où celle-ci n’a jamais repris à temps complet, puisqu’elle était placée en arrêt de travail avant le terme de son congé parental d’éducation, cette indemnité sera calculée sur la base du temps partiel. C’est pourquoi il convient de faire droit à la demande d’indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire à concurrence d’un montant de 3783,40 euros, outre 378,34 euros au titre des congés payés afférents. En revanche la salariée sollicite un excédent de congés payés pour un montant de 2699,07 euros qui n’est justifié par aucun élément alors qu’elle a déjà perçu 1106,10 euros à ce titre. Aussi sera-t-elle déboutée de sa demande excédentaire.

> Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sera par ailleurs ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la Société Marseillaise de Crédit supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Sète le 2 décembre 2019;

Et statuant à nouveau,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [M] [J] au 20 août 2019;

Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul en raison d’un harcèlement moral;

Condamne la Société Marseillaise de Crédit à payer à Madame [M] [J] les sommes suivantes :

’10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

’20 000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice subi en raison d’un licenciement nul,

‘ 3783,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 378,34 euros au titre des congés payés afférents,

Rappelle que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Condamne la Société Marseillaise de Crédit à payer à Madame [M] [J] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la Société Marseillaise de Crédit aux dépens;

Le greffier, Le président,

 


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